Test Blu-ray / La Cible humaine, réalisé par Henry King

LA CIBLE HUMAINE (The Gunfighter) réalisé par Henry King, disponible en Édition Limitée Blu-ray + DVD le 26 juin 2020 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Gregory Peck, Helen Westcott, Millard Mitchell, Jean Parker, Karl Malden, Skip Homeier, Anthony Ross, Verna Felton, Ellen Corby, Richard Jaeckel…

Scénario : William Bowers, William Sellers, Andre De Toth

Photographie : Arthur C. Miller

Musique : Alfred Newman

Durée : 1h24

Date de sortie initiale : 1950

LE FILM

Considéré comme le meilleur tireur de la région, le hors-la-loi Jimmy Ringo, est constamment défié par des imprudents qui veulent se mesurer à lui. C’est dans cette situation que Jimmy va être obligé d’abattre Eddie. Désormais les trois frères d’Eddie sont à ses trousses, alors que Jimmy souhaite fuir son passé de violence et retrouver sa femme Peggy qu’il aime et dont il a un fils.

Quel merveilleux film ! La Cible humaineThe Gunfighter, ou bien encore L’Homme aux abois pour son titre français alternatif, est peut-être l’un des plus beaux westerns des années 1950. Réalisé par le prolifique Henry King (1886-1982), l’un des fondateurs de l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences, il s’agit avant tout d’un drame existentiel et psychologique centré sur un homme qui n’a pas choisi de devenir une légende, mais qui grâce à son talent de tireur hors pair est parvenu à se sortir de quelques situations dangereuses, du genre de celles où il vaut mieux tirer le premier plutôt que de ne pas avoir le temps de le faire. La Cible humaine scelle les retrouvailles du cinéaste avec Gregory Peck, deux ans après Un homme de fer Twelve O’Clock High, où les deux hommes avaient été enchantés de leur collaboration. C’est d’ailleurs le comédien qui a su imposer Henry King, après la défection d’Andre De Toth, même si ce dernier avait jusqu’à présent porté le projet depuis le début et participé à son écriture. Andre De Toth est toujours crédité au scénario, mais Henry King a su immédiatement s’approprier l’histoire de ce cowboy singulier, Jimmy Ringo, qui a par ailleurs existé et que l’on retrouvera dans d’autres westerns (Règlements de comptes à OK Corral, Tombstone, Wyatt Earp), qui porte le poids d’une malédiction, celle d’être devenu un mythe vivant en raison de sa dextérité aux armes à feu. Gregory Peck est parfait dans ce rôle d’anti-héros, dont le corps dégingandé paraît fatigué, usé par le fait de devoir être sur la route en permanence, afin d’échapper à ceux qui voudraient se mesurer à lui. La Cible humaine est certes un film court (à peine 1h25), mais il s’avère extrêmement riche et dense dans son approche et dans son portrait dressé du héros de l’Ouest américain. Un chef d’oeuvre absolu.

Fameux tireur au pistolet Jimmy Ringo tente, à 35 ans, d’échapper aux problèmes qui vont avec sa réputation de plus rapide tireur de l’Ouest. Cependant, quand l’outrecuidant jeune Eddie crée délibérément un incident et lui tire dessus, Ringo n’a pas d’autre choix que le tuer. Ringo est avisé de quitter la ville car le mort a trois frères qui à coup sûr chercheront à se venger. Les frères le poursuivent mais il les prend par surprise, les désarme et fait fuir leurs chevaux. Ringo s’arrête pour se reposer dans la proche cité de Cayenne. Il espère y revoir sa femme et son jeune fils Jimmy, qu’il n’a pas revus depuis huit ans. Le barman, Mac (le génial Karl Malden), se souvient de l’avoir vu dans une autre ville et alerte le Shérif Mark Strett, un vieil ami de Ringo. Strett connaît l’épouse de Ringo, Peggy, et apprend à celui-ci qu’elle a changé son nom de famille pour cacher leur passé commun. Pressant Ringo de quitter la ville le plus tôt possible, Strett accepte cependant de demander à Peggy de venir voir Ringo. Elle refuse, craignant la nature de tête brûlée notoire dont Ringo faisait preuve dans leurs jeunes années, durant leur vie commune. Pendant son attente, Ringo doit négocier avec Hunt Bromley, jeune aspirant flingueur acharné à se faire un nom.

La Cible humaine, c’est comme qui dirait une dernière danse avec la mort. Installé dans un angle du saloon, souvent désert, Ringo voit défiler ceux qu’il a côtoyés dans sa vie, ceux qu’il a aimés et respectés, tandis que les individus jaloux, envieux et provocateurs se placent sur son chemin. D’autres ont essayé avant eux et sont d’ailleurs partis les pieds devant. Ils sont près d’une douzaine à avoir tenté de prendre Ringo de vitesse. Notre cowboy aux yeux tombants et à la mine triste semble ne s’être jamais remis de chaque exécution et tient les comptes de ses victimes, comme autant de futurs clous plantés sur son cercueil. En réalité, Ringo voudrait s’installer avec sa femme et son fils où personne ne le connaît, probablement en Californie. Celle-ci refuse, mais accepte de reconsidérer sa réponse un an plus tard s’il se révèle fidèle à ses propos. Mais la réputation de Ringo le précède systématiquement dès qu’il entre dans un saloon où arrive dans une nouvelle ville. La Cible humaine est aussi un constat implacable sur la violence qui engendre la violence, sans fin. Outre les habitants qui en veulent à Ringo pour une histoire ancienne, trois individus, lancés à sa poursuite, sont en route pour Cayenne, comme des anges de la mort. On achève bien les mythes, et souvent dans le dos.

Gregory Peck est magistral et le titre alternatif – L’Homme aux abois – n’est finalement pas si idiot que cela puisque le personnage ne peut vivre autrement qu’en craignant l’apparition des champions de la gâchette, bien décidés à entrer dans les livres d’histoire en mettant fin à la légende, à l’instar de Robert Ford, assassin de Jesse James, personnage qu’Henry King avait d’ailleurs abordé dans Le Brigand bien-aimé en 1939. Seule la mort pourra finalement débarrasser Ringo, paria et alors cible au quotidien, de son fardeau. Henry King (Capitaine de Castille, Echec à Borgia, Bravados) signe un western sensationnel, où l’émotion est constante et sans jamais avoir recours à la musique pour appuyer la psyché du personnage, sans oublier la photographie crépusculaire qui appuie la fatalité du destin du pistolero.

LE BLU-RAY

Longtemps attendu en Blu-ray par les passionnés de western, La Cible humaine est enfin disponible en Haute-Définition chez Sidonis Calysta, neuf ans après une première édition standard chez le même éditeur. Édition Limitée Blu-ray + DVD. Le menu principal est animé et musical.

Pour ce Blu-ray, l’éditeur a tout simplement repris les deux présentations enregistrées en 2011, la première par Bertrand Tavernier (26’30), la seconde par Patrick Brion (8’30). Les deux interventions se répondent, même si Bertrand Tavernier est évidemment plus prolixe et son analyse de La Cible humaine est sans cesse passionnante. Les deux historiens sont visiblement ravis de revenir sur ce film qu’ils adorent, Patrick Brion déclare d’ailleurs qu’il s’agit pour lui d’un chef d’oeuvre, et qu’ils estiment être un des westerns les plus forts, originaux et personnels des années 1950. Vous aurez de quoi obtenir ici quelques clés afin de mieux appréhender The Gunfighter, tout en en apprenant sur la carrière du réalisateur Henry King (« très sous-estimé en France » dit Tavernier), sur ses collaborations avec Gregory Peck, sur la genèse du film, les partis pris, le travail sur les décors, etc. Signalons enfin que ces deux modules dévoilent le dénouement de La Cible humaine, alors visionnez-les si vous avez déjà vu film.

L’interactivité se clôt sur une large galerie de photos d’exploitation et de tournage, ainsi que la bande-annonce originale présentée par la splendide Gene Tierney.

L’Image et le son

Ce nouveau master HD présenté par Sidonis Calysta est probablement issu de celui récemment restauré 4K par la Fox. Un superbe Blu-ray au format respecté 1.33 (16/9) qui se révèle très souvent pointilleux en terme de piqué sur les nombreux gros plans, de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés (la sueur sur les visages), de clarté et de relief. Vous pouvez d’ores et déjà oublier l’édition Standard de 2011. La propreté de la copie est souvent sidérante, la nouvelle profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans de Henry King, la photo signée par le grand Arthur C. Miller (Vers sa destinée, Le Signe de Zorro, Qu’elle était verte ma vallée) retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, et le grain d’origine a heureusement été conservé. Si quelques points ont pu échapper au scalpel numérique, les fondus enchaînés sont fluides et ne décrochent pas, la copie est stable, et l’ensemble ravit les mirettes du début à la fin. Quelle beauté !

Le film est disponible en version originale ainsi qu’en version française DTS HD Master Audio mono d’origine. Sans surprise, la piste anglaise l’emporte haut la main sur son homologue, surtout du point de vue homogénéité et précision des effets sonores, malgré un très léger souffle. Le doublage de la piste française est quelque peu dépassé, les dialogues et les ambiances étant par ailleurs très sourds. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Sidonis Calysta/ Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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