Test Blu-ray / La Femme au portrait, réalisé par Fritz Lang

LA FEMME AU PORTRAIT (The Woman in the Window) réalisé par Fritz Lang, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 26 février 2025 chez Rimini Éditions.

Acteurs : Edward G. Robinson, Joan Bennett, Raymond Massey, Edmund Breon, Dan Duryea, Thomas E. Jackson, Dorothy Peterson, Arthur Loft…

Scénario : Nunnally Johnson, d’après le roman J.H. Wallis

Photographie : Milton R. Krasner

Musique : Arthur Lange

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1944

LE FILM

Un soir, en sortant de son club, le professeur Wanley rencontre la jeune fille, Alice, dont le portrait dans la vitrine voisine le fascinait depuis longtemps. Invité par elle, ce dernier se trouve en présence d’un inconnu qui s’en prend à Alice puis à lui. Wanley, en état de légitime violence, est obligé de le poignarder.

La Femme au portrait The Woman in the Window est comme qui dirait le film qui a redonné confiance à Fritz Lang, qui cumulait les échecs publics ou les déceptions au box-office, à l’instar des Bourreaux meurent aussi. Ce très grand succès critique et commercial reste d’ailleurs une merveille technique, passionnante à analyser pour les spécialistes, mais aussi et surtout une tragédie ironique servie par de formidables comédiens. Edward G. Robinson excellait déjà dans le contre-emploi chez Lloyd Bacon pour Un meurtre sans importanceA Slight Case of Murder, comédie hilarante de 1938. Loin de son image de dur à cuire et de salaud éternel (Key Largo, 1948), l’acteur livre une performance sensationnelle où son personnage, un type naïf et chaleureux, devient meurtrier malgré lui. Joan Bennett et Dan Duryea sont à ses côtés, parfaits de vanité, antipathiques et odieux. La Femme au portrait est un enchaînement fatal de situations, un engrenage implacable où tous les protagonistes sont aliénés dans leur passion, leurs mensonges et leurs illusions. Le malaise s’accentue, les ombres prennent le pas sur la lumière, les personnages se réfugient dans l’obscurité, le clignotement intermittent des néons renvoyant à leur conflit interne quand ils perdent leurs repères. Le film devient alors violent, pris d’une démence physique et mentale inexorable. Pour le cinéaste allemand, aucun meurtrier ne peut échapper à son crime. Mais nous sommes au cinéma et le final réserve une surprise supplémentaire, pouvant changer le sort et donc le destin des protagonistes de cette histoire. Angoissant, machiavélique et plastiquement irréprochable, La Femme au portrait, qui contient déjà des éléments liés à la psychanalyse, sujet qui passionne le réalisateur et qui n’aura de cesse d’y revenir encore, se voit et se redécouvre avec un plaisir aussi immense qu’intact.

Alors qu’il se rend à son club, le professeur de psychologie Richard Wanley remarque dans une vitrine un tableau représentant une jeune femme. Cette toile le fascine, surtout le joli modèle qui y est peint, qu’il rencontre justement quelques instants plus tard. Elle se nomme Alice Reed, laquelle l’invite à passer la soirée chez elle. Tandis qu’ils discutent tous deux au salon en s’apprêtant à déboucher une deuxième bouteille de champagne, un homme surgit ; à la vue du professeur Wanley, le nouveau venu est aussitôt emporté par une fureur jalouse: il gifle violemment Mme Reed, et il se jette sur Wanley qu’il tente d’étrangler. Alice donne alors à Wanley des ciseaux, avec lesquels il tue son agresseur en légitime défense. Après avoir songé à prévenir la police, le professeur Wanley se ravise en craignant que les complications judiciaires et la médiatisation de cette affaire ruinent sa vie familiale ainsi que sa carrière. Le couple ne sait que faire du cadavre. Finalement, Wanley décide de le transporter dans son automobile à l’extérieur de la ville, pour le cacher dans les bois. Au-delà de la liaison que Mme Reed entretenait depuis quelques mois avec cet homme, elle ignore tout de celui-ci. Or, cet inconnu se révèle être un important magnat de la haute finance américaine; la nouvelle de sa disparition fait la manchette, une prime est promise pour retrouver l’homme d’affaires. Quelques jours après le signalement de sa disparition, des jeunes scouts en randonnée découvrent le cadavre. Commence alors une chasse à l’homme: la police enquête pour appréhender l’assassin.

La même année qu’Assurance sur la mort Double Indemnity de Billy Wilder, Edward G. Robinson se retrouve dans les griffes d’une des plus belles créatures du cinéma américain des années 1940-50, Joan Bennett. Déjà présente au générique de Chasse à l’homme Man hunt en 1941, la comédienne renoue avec Fritz Lang dans La Femme au portrait, puis collaborera à nouveau avec le réalisateur pour La Rue rouge Scarlet Street en 1945 et l’immense Le Secret derrière la porte The Secret Beyond the Door trois ans plus tard. Au même titre que ses consœurs Barbara Stanwyck, Lana Turner et Ava Gardner, Joan Bennett, aujourd’hui souvent oubliée, a pourtant joué pour les plus grands cinéastes de l’âge d’or du cinéma US, de George Cukor à Raoul Walsh, en passant par Henry Hathaway et Vincente Minnelli. Dario Argento s’en souviendra et lui proposera son dernier rôle pour le grand écran dans son mythique Suspiria en 1977.

Pas étonnant qu’avec son charme dévastateur, elle fasse tourner la tête à ce pauvre Richard Wanley dans La Femme au portrait. Ce dernier, grâce à ses relations, assiste avec cynisme, à la recherche du meurtrier en compagnie des enquêteurs. Fritz Lang lance son personnage dans une spirale infernale, sous tension en permanence et qui s’accentue à mesure que l’enquête progresse et que l’étau se resserre sur lui, jouant ainsi sur la complicité du spectateur, qui sait Wanley évidemment coupable. C’était sans compter sur l’apparition d’un maître chanteur, au courant de la vérité, qui lui réclame de l’argent pour acheter son silence. Alors que l’angoisse liée à la culpabilité lui serre la gorge jusqu’à l’étouffement, Wanley, à bout de forces, s’endort dans son fauteuil, un verre vide ayant contenu du poison près de lui et…On s’arrêtera ici, tant le scénario signé Nunnally Johnson (Les Douze Salopards de Robert Aldrich, Les Rôdeurs de la plaine de Don Siegel, La Cible humaine de Henry King, Les Raisins de la colère de John Ford), d’après un roman de J.H. Wallis, regorge de surprises.

Véritable expérience cinématographique et sensorielle (sublime photo de Milton R. Krasner, Les Quatre cavaliers de l’apocalypse, La Fille sur la balançoire, Les Écumeurs, La Maison aux sept pignons), La Femme au portrait, remettra Fritz Lang en selle et son film suivant, La Rue rouge, sera à la fois un remake de La Chienne (1931) de Jean Renoir, mais aussi étrangement celui de The Woman in the Window, pour lequel il reprendra le même trio vedette.

LE COMBO BLU-RAY + DVD

On termine ce cycle Fritz Lang chez Rimini Éditions avec La Femme au portrait, désormais disponible en Combo Blu-ray + DVD. Les deux galettes reposent dans un Digipack à deux volets, orné d’un visuel rétro du plus bel effet. Le menu principal est animé et musical. Notons que The Woman in the Window n’avait jamais bénéficié d’une sortie à l’unité en France et n’était proposé qu’en coffret (intitulé Jeux de Lang et depuis longtemps introuvable) sorti en 2009 chez Wild Side Video, accompagné à cette occasion de La Rue rouge.

Suite et fin pour Nicolas Tellop, essayiste et critique, qui nous livre ici sa plus longue présentation du cycle Lang (54’35’). Un bonus typique de l’éditeur, à savoir complet, informatif, érudit. La Femme au portrait est replacé – avec spoilers – dans la carrière (et dans la vie) de Fritz Lang, qui en venait à accepter des œuvres de commande. La genèse du film est abordée (le cinéaste n’est plus la vedette qu’il était en Allemagne et n’a plus la maîtrise totale de ses films sur le sol américain), ainsi que le processus d’écriture du scénario, les intentions du réalisateur, les partis-pris, le casting, les thèmes qui rapprochent The Woman in the Window des autres films du cinéaste, la fin (controversée et objet de discorde entre Lang et son scénariste/producteur), la sortie, le grand succès critique et public du film.

L’Image et le son

Le master de La Femme au portrait présenté par Rimini rend justice aux magnifiques partis-pris de la photographie stylisée de Milton R. Krasner. La restauration est on ne peut plus convaincante, aucun fourmillement n’est constaté, les poussières ont été éradiquées, la copie affiche une nouvelle fraîcheur. Le N&B est ravivé, éclatant, la stabilité est de mise et les contrastes sont nettement plus fermes. Les scènes sombres sont fluides, la texture argentique préservée dans l’ensemble (quelques séquences apparaissent étonnamment plus lisses), le piqué étonnant et la définition équilibrée. Blu-ray au format 1080p.

La version française DTS-HD Master Audio 2.0. est bien trop axée sur les voix, qui prennent le dessus sur la musique, les dialogues et les effets annexes. En revanche, la piste anglaise DTS-HD Master Audio 2.0. instaure un grand confort acoustique, riche, dynamique et propre, en dépit d’un léger souffle. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © MGM / Rimini Éditions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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