Test Blu-ray / Les Écumeurs, réalisé par Ray Enright

LES ÉCUMEURS (The Spoilers) réalisé par Ray Enright, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 2 mars 2023 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Marlene Dietrich, Randolph Scott, John Wayne, Margaret Lindsay, Harry Carey, Richard Barthelmess, George Cleveland, Samuel S. Hinds…

Scénario : Lawrence Hazard & Tom Reed, d’après le roman de Rex Beach

Photographie : Milton R. Krasner

Musique : Hans J. Salter

Durée : 1h27

Date de sortie initiale: 1942

LE FILM

La ruée vers l’or bat son plein en Alaska. De prétendus agents du gouvernement détournent la loi en spoliant de leur concession les prospecteurs les plus modestes qui, désormais associés à Glennister, propriétaire d’un gisement important, tiennent tête au commissaire aux mines McNamara. Avec l’aide d’un juge véreux, ce dernier réplique par davantage d’expropriations encore, allant jusqu’à envoyer Glennister derrière les barreaux. Celui-ci n’entend pas se laisser faire…

Ray Enright (1896-1965), a roulé sa bosse à Hollywood et aura signé près de 80 films en 35 ans de carrière, marquée par un désir d’éclectisme et du travail bien fait. Réalisateur emblématique de l’âge d’or des studios ayant oeuvré dès le cinéma muet, il passera allègrement de la comédie au film de gangsters, en passant par le polar, la comédie musicale et bien sûr le western. 1944, Ray Enright collabore pour la première fois avec Randolph Scott pour Les ÉcumeursThe Spoilers, sur lequel une vraie complicité naît entre les deux hommes, qui se retrouveront encore à cinq reprises jusqu’en 1948. S’il est vrai que ce western peut paraître anecdotique, celui-ci vaut sacrément le coup d’oeil pour deux raisons. La première, pour la mise en scène énergique de Ray Enright, qui dispose d’un budget somme toute conséquent et qui se voit à l’écran, notamment à travers ses impressionnants décors. La seconde, pour le casting qui réunit rien de moins que Randolph Scott, Marlene Dietrich et John Wayne ! Une distribution prestigieuse, trois monstres talentueux, débordant de charisme et qui ont l’air de s’amuser à se donner la réplique, même s’il est avéré que les deux mâles alpha ne sont pas véritablement entendus sur le tournage. Néanmoins, leur confrontation cartonne, les deux hommes se disputant les faveurs de la magnifique Cherry Malotte, tenancière de saloon, qui s’impose naturellement dans un milieu d’hommes en rut suintant le whisky frelaté. Les Écumeurs est un savoureux western mené à cent à l’heure, drôle, bourré d’action, qui se clôt sur une baston homérique entrée dans l’histoire. Un plaisir de cinéma.

En 1900, à Nome, en Alaska, les découvreurs de sources aurifères voient leurs exploitations menacées par l’afflux de chercheurs d’or venus de tous les États-Unis. Roy Glennister et Al Dextry se défendent contre un certain Galloway, qui tente de s’approprier leur terrain. Les deux associés ont derrière eux Cherry Malotte, femme influente à qui appartient le saloon de la ville, et qui entretient une relation avec Roy. Arrivent à Nome Alexander McNamara, commissaire à l’or, le juge Horace Stillman, et sa nièce Helen Chester. Ils sont envoyés par le gouvernement afin d’apporter à la ville un minimum de justice. Roy est d’avis de faire confiance aux deux hommes de loi pour régler le conflit face à Galloway, tandis qu’Al, méfiant, préfère défendre ses terres avec son fusil nommé Betty. Finalement, Roy accepte de confier à la banque le coffre-fort contenant le fruit de leur travail, et ce durant les quelques jours nécessaires au procès. Pendant ce temps, Helen s’éprend de Roy alors que Cherry attire les convoitises de McNamara. Lorsque l’heure du verdict est arrivée, le juge Stillman prononce que la décision est reportée de 90 jours. De plus, il bloque le coffre-fort déposé en attente à la banque et Roy se voit interdit de le récupérer. Tous les mineurs comprennent alors que McNamara et Stillman sont deux hommes corrompus venus profiter de la situation. Ils se regroupent pour aider Roy et Dextry. Dans un premier temps, ils cambriolent la banque afin de reprendre le coffre. Durant le vol, le shérif est abattu par un homme qui visait Roy. McNamara en profite pour faire accuser ce dernier et le fait emprisonner pour homicide. Les deux forbans mettent au point un piège : ils prévoient de laisser échapper Roy afin de pouvoir l’abattre en toute légitimité lorsqu’il tentera de fuir.

On est tout d’abord surpris par la beauté inattendue des décors de Jack Otterson (La Cinquième colonne, Night Monster, Alerte la nuit, L’Échappé de la chaise électrique), une reconstitution parfaite d’une petite ville de l’Alaska où les passants, les chevaux et les chariots s’enfoncent dans la boue, tandis qu’une locomotive passe au milieu de tout ça. Ça grouille, ça vit, ça se tire dessus, on croit immédiatement à cette communauté où un règlement de comptes peut éclater soudainement à n’importe quel endroit et n’importe quand. Ray Enright, metteur en scène acclamé de Kansas en feu, Les Chevaliers du Texas, Ton heure a sonné (loué par Bertrand Tavernier comme étant l’un westerns les plus sadiques jamais réalisés) et L’Amour et la bête avec Humphrey Bogart, parsème son récit d’humour qui restera omniprésent et ce grâce à de nombreuses répliques qui font mouche, ainsi qu’aux fabuleux personnages secondaires, dont on ne saura pas forcément les noms, mais qui participent à l’ambiance du film, comme des apartés qui s’intègrent impeccablement à l’ensemble.

Le terrain est donc excellemment et largement balisé pour notre trio d’acteurs (qui sera reformé la même année dans La Fièvre de l’or noir Pittsburgh), qui se fondent dans la masse, portent admirablement le costume et rivalisent de dialogues vachards ou furieusement ironiques. Entre L’Entraîneuse fataleManpower et Kismet de William Dieterle de Raoul Walsh, Marlene Dietrich, qui avait déjà prouvé que le western lui allait à ravir (Femme ou DémonDestry Rides Again de George Marshall et plus tard dans L’Ange des maudits de Fritz Lang), illumine Les Écumeurs par son charme évanescent, ses coiffures étonnantes (pour ne pas dire anachroniques) et ses robes étincelantes. Face à elle, Randolph Scott (parfait de suffisance suintante) et John Wayne, qui sortait de L’Escadron noir Dark Command de Raoul Walsh et s’apprêtait à tourner le film de propagande Les Tigres volantsFlying Tigers de David Miller, élégant et très attachant, s’en donnent à coeur joie dans la séduction, avant d’en venir aux mains au cours d’une mémorable bagarre, au cours de laquelle les deux hommes détruisent tout sur leur passage. Une séquence monumentale, génialement filmée (dix jours de tournage pour six minutes à l’écran) et chorégraphiée de main de maître, où les deux comédiens ont d’ailleurs beaucoup donné de leur personne, qui inspirera de cinéastes par la suite, dont un certain John Carpenter pour Invasion Los Angeles. Mention spéciale aussi à la belle Margaret Lindsay (La Maison aux sept pignons, La Rue Rouge, L’Insoumise) qui tire son épingle du jeu dans le rôle d’Helen Chester, malgré la présence écrasante de sa partenaire féminine, avec une vraie et réelle sensibilité à fleur de peau.

Cette quatrième adaptation du roman Le Trésor d’Estéban de Rex Beach, le livre ayant déjà été transposé en 1914, en 1923, en 1930 (avec Gary Cooper) demeure la plus célèbre, même si une cinquième mouture verra le jour en 1955, Les Forbans, de Jesse Hibbs, avec Anne Baxter et Jeff Chandler. Ray Enright soigne cette production confortable (superbe photo de Milton R. Krasner, La Fille sur la balançoire, La Maison des étrangers, Désirée) et le spectacle est encore garanti plus de 80 ans après sa sortie.

LE BLU-RAY

Concernant Les Écumeurs dans les bacs, la première édition DVD remonte à 2003 chez Universal Pictures France, avant d’être réédité deux ans plus tard chez le même éditeur, avant d’arriver chez MEP Vidéo en 2009. Avant d’être disponible à l’unité dans une nouvelle édition Standard et en Blu-ray chez Sidonis Calysta, cet éditeur l’avait déjà proposé en HD dans un coffret qui réunissait 20 westerns. Désormais, le film de Ray Enright est présenté dans la collection Silver. Très beau visuel. Le menu principal est animé et musical.

Une fois n’est pas coutume, Patrick Brion a plus de choses à dire que Jean-François Giré sur Les Écumeurs. Pendant 12 minutes, l’historien du cinéma replace le film de Ray Enright dans l’histoire du western, ici au début des années 1940, tout en donnant des titres d’opus du genre sortis en 1942. Les trois précédentes adaptations du roman de Rex Beach sont évoquées, ainsi que la carrière du réalisateur, le casting, la mésentente entre John Wayne et Randolph Scott et d’autres éléments sont passés au peigne fin.

Jean-François Giré (10’30) se fait coiffer au poteau par Patrick Brion donc, même si son intervention demeure fort sympathique et remplit d’informations. L’invité récurrent de Sidonis Calysta revient à son tour sur « ce film curieux […] au ton particulier et séduisant », parle du casting, des précédentes transpositions du roman de Rex Beach, de la bagarre finale, de la photographie, tout en conseillant aux spectateurs de revoir Ton heure a sonné du même metteur en scène.

L’Image et le son

Superbe. Ce master HD des Écumeurs est aussi soigné qu’élégant, restituant à merveille la magnifique photographie de Milton R. Krasner. Issue probablement d’une restauration récente, quelques décrochages demeurent cependant visibles sur les fondus enchaînés. La gestion du grain argentique est solide, cette copie en met souvent plein les yeux avec des blancs lumineux et le piqué acéré. Les détails sont foisonnants, y compris sur les gros plans des comédiens, toujours mis en valeur par Ray Enright qui les adoraient et qui le lui rendaient bien. Découvrir ou revoir Les Écumeurs dans de telles conditions techniques, renforce assurément le plaisir du spectateur. Blu-ray au format 1080p.

Les versions anglaise et française sont présentées en DTS-HD Master Audio mono 2.0. Passons rapidement sur la version française au doublage récent et inapproprié, même si le confort acoustique est indéniable. Privilégiez évidemment la version originale, évidemment plus riche, vive, propre et aérée. Dans les deux cas, le souffle se fait discret et la musique bénéficie d’une jolie restitution. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Universal Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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