Test Blu-ray / Tokyo Joe, réalisé par Stuart Heisler

TOKYO JOE réalisé par Stuart Heisler, disponible en DVD et Blu-ray le 16 juin 2020 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Humphrey Bogart, Alexander Knox, Florence Marly, Sessue Hayakawa, Jerome Courtand, Gordon Jones, Teru Shimada, Hideo Mori…

Scénario : Steve Fisher, Walter Doniger, Cyril Hume, Bertram Millhauser

Photographie : Charles Lawton Jr.

Musique : George Antheil

Durée : 1h29

Date de sortie initiale : 1949

LE FILM

Joe Barrett revient à Tokyo après la guerre et retrouve la femme qu’il aimait et qu’il croyait morte. Pour donner un nom à l’enfant qu’elle attendait, Trina s’est mariée avec Mark Landis. Joe souhaite récupérer Trina. Celle-ci lui révèle que sa fille Anya est sa propre fille. Joe va alors accepter de travailler pour le compte du baron Kimura, un baron de la pègre locale…

Eh oui, même le grand Humphrey Bogart a fait des mauvais films ou des films passables ! C’est clairement le cas de Tokyo Joe (1949) qui clôt une décennie exceptionnelle pour le comédien, durant laquelle il aura entre autres enchaîné Le Faucon maltais (1941) de John Huston, Casablanca (1942) de Michael Curtiz, Le Port de l’angoisse et Le Grand Sommeil d’Howard Hawks (1944, 1946), En marge de l’enquête (1947) de John Cromwell, Les Passagers de la nuit (1947) de Delmer Daves, sans oublier Le Trésor de la Sierra Madre (1948) et Key Largo (1948), cette fois encore réalisés par John Huston. La même année que Les Ruelles du malheurKnock on any door de Nicholas Ray, Humphrey Bogart, qui à cette occasion venait de fonder sa société de production Santana, se lance dans l’aventure de Tokyo Joe et propose au cinéaste Stuart Heisler (1896-1971) de le mettre en scène. La seconde équipe est déjà sur le coup et part au Japon pour filmer quelques séquences dans les rues de Tokyo, où se déroule l’histoire, en prenant également une doublure dissimulée sous un chapeau et un Trench Coat bien reconnaissables pour montrer le personnage principal déambuler à droite à gauche. Rétrospectivement, Tokyo Joe sera le premier film américain à être tourné au Japon après la Seconde Guerre mondiale, même si encore une fois, Humphrey Bogart n’y aura jamais mis les pieds à cette occasion. En résulte un film déséquilibré, marqué par quelques jolies scènes entre la star et sa partenaire, la ravissante Florence Marly (vue dans Les Maudits de René Clément), mais qui s’éparpille trop dans sa deuxième partie où l’on finit par perdre le fil et même se désintéresser des personnages. Dommage, car Humphrey Bogart y est comme d’habitude parfait, y compris lorsqu’il fait du surplace devant de (trop) nombreuses transparences.

Après la Seconde Guerre mondiale, l’ex-colonel Joe Barrett retourne à Tokyo pour voir s’il reste quelque chose de son bar d’avant-guerre. Étonnamment, il est plus ou moins intact et dirigé par son vieil ami Ito. Joe est choqué d’apprendre que sa femme Trina, qu’il croyait morte pendant la guerre, est toujours en vie. Elle a divorcé de Joe et est mariée à Mark Landis, un avocat travaillant au Japon depuis l’occupation américaine. Elle a un enfant de sept ans, la fille de Joe, Anya, née lorsque Trina était dans un camp d’internement après le départ de Joe du Japon juste avant Pearl Harbor. Joe démarre une entreprise de fret aérien, faisant face au baron Kimura, ancien chef de la police secrète japonaise. Joe pense que Kimura utilisera la compagnie aérienne pour faire entrer de la pénicilline et d’autres drogues dans le pays, mais découvre qu’il a réellement l’intention de faire entrer en contrebande des criminels de guerre fugitifs – d’anciens officiers supérieurs de l’armée impériale japonaise et le chef de la Black Dragon Society – pour ouvrir un secret mouvement anti-américain.

Le tournage a été extrêmement pénible pour Stuart Heisler, qui critiquait ouvertement le scénario – pourtant coécrit par quatre auteurs – notamment son absence de continuité dramatique, d’intérêt et de rebondissements. Une fois ce calvaire terminé, Humphrey Bogart serait allé voir Stuart Heisler pour lui présenter ses excuses et lui proposer de retravailler ensemble sur un projet plus solide. Ce sera le cas dès l’année suivante, puisque les deux hommes se retrouveront pour Pilote du diableChain Lightning. Mais pour l’heure, Tokyo Joe compile les séquences sans véritable rythme, en se reposant essentiellement sur le charisme de Bogey, toujours très à l’aise, y compris lorsqu’il donne la réplique à une petite fille.

La première partie n’est franchement pas déplaisante avec le retour au Japon de Joe, et dont les retrouvailles avec son pote Ito aboutissent à des prises de judo jubilatoires, durant lesquelles la doublure cascade de Bogart se voit comme le nez au milieu de la figure. Ajoutez à cela quelques pincées d’humour et bien entendu de romantisme avec l’ancien amour de Joe qui refait surface. Comme bon nombre de ses films (à l’instar de Sirocco), l’ombre de Casablanca plane sur Tokyo Joe, avec ses motifs reconnaissables, y compris sur le fond avec ici l’ex-femme de Bogart qui s’est remariée avec un autre homme. D’ailleurs, les traits du comédien Alexandre Know, qui incarne le nouvel époux de Trina, font penser à ceux d’Humphrey Bogart. C’est assez troublant quand les deux acteurs se retrouvent face à face, comme si le réalisateur voulait indiquer que Trina a épousé un autre homme qui lui rappelait Joe, du moins physiquement.

C’est après que Tokyo Joe dérive vers une pseudo-histoire de contrebande, d’anciens espions communistes et un kidnapping qui arrive comme un cheveu sur la soupe. Jusqu’au final, très beau et émouvant, qui conclut le film sur une bonne note. Mais cela n’empêche pas Tokyo Joe d’être sérieusement bancal et très souvent maladroit. Toutefois, le succès du film confortera une fois de plus Humphrey Bogart en haut du box-office.

LE BLU-RAY

Tokyo Joe était un des films de Bogart inédit en DVD en France, de façon individuelle du moins, puisque le titre faisait partie d’un coffret DVD édité en 2018. Sidonis Calysta le propose désormais en édition Standard, mais aussi en Haute-Définition et rejoint ainsi Sirocco, Plus dure sera la chute, Le Violent, Les Ruelles du malheur et En marge de l’enquête au catalogue de l’éditeur. Le menu principal est animé et musical.

Dans cette interactivité, Bertrand Tavernier a répondu présent, ainsi que François Guérif. Durant un peu plus d’une demi-heure, le premier indique d’emblée que Tokyo Joe a été une énorme déception quand il l’a découvert, impression confirmée quand il l’a revu, même si le cinéaste et historien du cinéma avoue avoir déniché quelques éléments intéressants, malgré les manques et défauts du film. Bertrand Tavernier replace ensuite Tokyo Joe dans la carrière d’Humphrey Bogart, ainsi que dans son contexte historique, avant de parler du réalisateur Stuart Heisler, qu’il affectionne tout particulièrement et qu’il qualifie « d’extrêmement talentueux et passionnant ». L’invité de Sidonis passe ainsi en revue certains de ses films les plus réussis (dont La Clé de verre et Tulsa), tout en évoquant le documentaire The Negro Soldier (1944), « un des films les plus audacieux du cinéma américain ». Vous en saurez ensuite bien plus sur Stuart Heisler, ainsi que sur les conditions de tournage de Tokyo Joe.

Après coup, les propos de François Guérif (7’20) paraissent bien redondants avec ceux de son confrère, même si son intervention se focalise souvent sur les parallèles évidents entre Tokyo Joe et Casablanca.

L’Image et le son

Le Blu-ray de Tokyo Joe est une première mondiale. Malgré tout, la copie est tout d’abord constellée de points blancs dès le logo Columbia et durant le générique. Si cela s’améliore heureusement après, diverses griffures et des tâches variées font leur apparition tout du long. La restauration a donc quelques heures de vol. Cela est d’autant plus visible sur les débuts et fin de bobines ou de séquences, où la définition se relâche avec un piqué moindre et des poussières qui se multiplient. Toujours est-il que le N&B reste de bonne tenue, avec un grain argentique plus ou moins équilibré.

L’éditeur nous propose les versions anglaise et française de Tokyo Joe. Passons rapidement sur cette dernière, moins dynamique, plus sourde. Evidemment, nous préférons la version originale, plus homogène et naturelle, propre, sans souffle parasite. Le confort acoustique est largement assuré. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Sidonis Calysta/ Columbia Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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