Test Blu-ray / Comment tuer un juge, réalisé par Damiano Damiani

COMMENT TUER UN JUGE (Perché si uccide un magistrato) réalisé par Damiano Damiani, disponible en Blu-ray + DVD + Livre Justice . Politique . Corruption – La Trilogie de Damiano Damiani le 2 mai 2023 chez Artus Films.

Acteurs : Franco Nero, Françoise Fabian, Marco Guglielmi, Mico Cundari, Renzo Palmer, Ennio Balbo Giancarlo Badessi, Pierluigi Aprà, Luciano Catenacci, Eva Czemerys, Tano Cimarosas Claudio Gora…

Scénario : Damiano Damiani, Enrico Ribulsi & Fulvio Gicca Palli

Photographie : Mario Vulpiani

Musique : Riz Ortolani

Durée : 1h46

Date de sortie initiale : 1975

LE FILM

Un cinéaste décide d’enquêter sur l’assassinat d’un juge sicilien soupçonné de corruption : il se trouve que cette mort est survenue dans des circonstances identiques à une scène de son dernier film.

Comment tuer un juge ou Perché si uccide un magistrato. Un titre qui claque, qui donne le ton, qui en impose et qui sonne comme l’intitulé d’un mode d’emploi. Une chose est sûre, Damiano Damiani veut encore s’adresser à ses concitoyens et également aux spectateurs du monde entier, pour non seulement faire un constat sur la société et sur ceux qui la régissent, mais aussi si possible entraîner un débat devant des faits accablants. Cependant, même si le film demeure ô combien réussi, Comment tuer un juge est somme toute plus classique dans son déroulé, comme si le cinéaste se laissait tenter par un exercice de style à visée plus commerciale qu’à son habitude. Mais n’allez pas croire que Damiano Damianbi met de la San Pellegrino dans son Chianti, bien au contraire, le breuvage est aussi gouleyant qu’amer et laisse au palais un goût d’acier dont il est difficile de se débarrasser. La mécanique du scénario qu’il a coécrit avec Enrico Ribulsi (Achtung ! Banditi !, Les Cent Cavaliers) et Fulvio Gicca Palli (La Victime désignée, La Corruption) est implacable et prend des allures d’engrenages, qui une fois enclenchés s’avèrent impossibles à stopper. Nouvelle grande prestation de Franco Nero, pour sa quatrième et dernière collaboration avec Damiano Damiani (La Mafia fait la loi, Confession d’un commissaire de police au procureur de la République, Nous sommes tous en liberté provisoire), magistral dans la peau d’un réalisateur engagé (en gros l’alter ego de Damiani lui-même), qui se retrouve rattrapé et même dépassé par les événements qu’il a voulu dénoncer.

Le cinéaste Giacomo Solaris célèbre son dernier succès : un thriller politique qui raconte la mort d’un juge trop proche de la mafia. Scandalisé, un authentique magistrat, originaire de Sicile, exige la saisie du film. Il meurt peu après, dans les mêmes circonstances que le personnage du film de Giacomo Solaris. Peu à peu, ses amis meurent un à un. Solaris décide d’enquêter sur lui-même sur ces morts en série et comprend qu’un complot est fomenté contre lui.

Un citoyen a le droit de juger ses propres juges, non ?

Porter plainte pour outrage à magistrat. Comment tuer un juge démarre fort avec la présentation du film dans le film, autrement dit celui de Giacomo Solaris, qui semble s’être inspiré d’affaires récentes liées à un véritable haut magistrat pour dénoncer les liens étroits que celui-ci entretiendrait avec la mafia. Alors qu’il reconnaît avoir 90 % de chances d’être condamné, Solaris apprend que le procureur est assassiné de la même façon que le personnage principal de son long-métrage. La presse, les autorités, les hommes de loi, la mafia et même l’épouse du juge s’en mêlent. Solaris se retrouve malgré-lui au milieu de ce tourbillon impitoyable et cette fois il ne s’agit pas de fiction.Perché si uccide un magistrato se rapproche plus du poliziottesco, même s’il n’y a pas de fusillades ni de poursuites, remplacées ici par des dialogues qui font office de munitions tirées sur l’ennemi. Une pression psychologique indéniable se fait ressentir sur l’ensemble des personnages, tandis que Franco Nero, impeccable en anti-héros dont le visage magnifique devient en même temps le miroir tendu au spectateur qui se place alors dans sa peau, en tant que témoin, le temps d’un film.

Ayant déjà officié dans le cinéma transalpin, chez Giulio Petroni (Un dimanche d’été), Riccardo Freda (L’Aigle de Florence), Sergio Corbucci (Le Spécialiste), Carlo Lizzani (La Vengeance du Sicilien) et plus tard chez Mauro Bolognini (Vertiges), Françoise Fabian imprime Comment tuer un juge de sa beauté énigmatique, à tel point qu’on se doute rapidement de l’implication d’Antonia Traini dans la disparition de son époux, interprété quant à lui par Marco Guglielmi, vu dans Le Moulin des supplicesIl Mulino delle donne di pietra de Giorgio Ferroni et Le Cynique, l’Infâme et le ViolentIl cinico, l’infame, il violento d’Umberto Lenzi. On notera aussi la belle présence de l’excellent Renzo Palmer, acteur à “tronche” croisé dans moult classiques du cinéma d’exploitation (Big Racket, Magnum 44 Spécial, Un citoyen se rebelle, Exécutions), étonnamment le protagoniste auquel on s’attache le plus en dépit de ses accointances avec la mafia. C’est d’ailleurs là que Damiano Damiani tape juste, en montrant que tout n’est pas tout noir ou tout blanc, et que rien ne le sera jamais. Y compris pour ceux qui se donnent bonne conscience en voulant dénoncer ce qui ne va pas dans le pays, à l’instar des journalistes d’extrême-gauche dans Perché si uccide un magistrato, furieux quand ils découvrent ce qui s’est réellement passé et donc opposé à leurs convictions et certitudes.

À la mise en scène furieuse et inspirée de Damiano Damiani, se lient la belle photo de Mario Vulpiani (Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ, Terreur sur la lagune, Il gatto dagli occhi di giada, La Grande Bouffe), qui capture la crasse des rues de Palerme et la composition tout aussi inspirée du maestro Riz Ortolani (Zeder – Les voix de l’au-delà, La Longue nuit de l’exorcisme, Le Fanfaron), atouts non négligeables qui contribuent à faire de Comment tuer un juge un indispensable de la filmographie du cinéaste.

LE COMBO BLU-RAY + DVD + LIVRE

Justice . Politique . Corruption – La Trilogie de Damiano Damiani. C’est ainsi que s’intitule le sublime coffret Artus Films consacré au réalisateur italien, qui regroupe trois longs-métrages jusqu’alors inédit en DVD et Blu-ray chez nous, à savoir Nous sommes tous en liberté provisoire, Comment tuer un juge et Goodbye & Amen. Chacun de ces films sera chroniqué par nos soins, un par un. Cet objet, d’ores et déjà un indispensable de l’année 2023, prend la forme d’un Digipack à quatre volets, glissé dans un fourreau cartonné suprêmement élégant. Le menu principal de chaque disque est fixe et musical. Cette édition comprend donc six disques, trois Blu-ray et trois DVD, mais aussi et surtout un ouvrage exceptionnel (96 pages) baptisé Damiano Damiani, un cinéaste se rebelle, écrit par le talentueux Emmanuel Gagne (Culturopoing.com) et souvent appelé par Artus Films pour présenter les gialli de l’éditeur. Un retour très complet sur la carrière (y compris à la télévision) et la filmographie du réalisateur, divisé par genres (western, mafias movies, cinéma politique, polars, fantastique…), le tout étant excellemment illustré et riche en analyse.

L’ami Curd Ridel, que nous adorons, propose également de son côté un beau retour sur la carrière et le parcours de Damiano Damiani, en évoquant par la suite le tournage et le casting de Comment tuer un juge (13’).

Cette fois seul en scène, le monteur Antonio Siciliano revient sur Comment tuer un juge (24’). Mais avant cela, il retrace son parcours et ce qui l’a conduit à devenir monteur pour le cinéma, ayant une passion pour la pellicule depuis sa plus tendre enfance. De concierge à préparateur du montage, jusqu’à la fonction suprême à laquelle il allait accéder grâce à Damiano Damiani, qui lui propose alors le montage de Seule contre la mafia en 1970, Siciliano se confie avec émotion. Puis, il dresse le portrait du réalisateur, qui était aussi peintre exposé à ses heures perdues, “un artiste incroyablement sûr de ce qu’il filmait”. Enfin, l’intervenant s’exprime sur Comment tuer un juge “pas un des meilleurs films de Damiano Damiani, auquel il manque un petit quelque chose” dit-il, avant de parler du travail entre le cinéaste et Franco Nero, que Damiani poussait encore et toujours à prendre des “leçons” pour se perfectionner, qui était d’ailleurs doublé par Sergio Graziani, le réalisateur déclarant que la force du jeu de Nero, qui pourtant le fascinait et pour lequel il avait un immense respect, serait amoindri s’il se postsynchronisait lui-même.

L’interactivité se clôt sur un Diaporama d’affiches et de photos d’exploitation.

L’Image et le son

Copie HD, vraisemblablement restaurée 2K. Comment tuer un juge bénéficie d’un beau Blu-ray, même si les couleurs manquent parfois d’éclat et que la gestion du grain argentique demeure aléatoire. Cet aspect organique n’est nullement déplaisant, bien au contraire et participe à l’aspect rugueux du thriller de Damiano Damiani. Quelques scènes sortent du lot avec un piqué plus acéré, la propreté est indéniable et l’ensemble est stable.

Le film de Damiano Damiani est présenté seulement en version originale. Propre et dynamique, le mixage italien DTS HD Master Audio Mono 2.0 ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues, laissant une belle place aux ambiances naturelles, ainsi qu’à la musique de Riz Ortolani. Léger souffle.

Crédits images : © Artus Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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