Test Blu-ray / El Pico 2, réalisé par Eloy de la Iglesia

EL PICO 2 réalisé par Eloy de la Iglesia, disponible en coffret Cinéma Quinqui de Eloy de la Iglesia – Coffret 3 films : Colegas + El Pico + El Pico 2 le 5 septembre 2023 chez Artus Films.

Acteurs : José Luis Manzano, Fernando Guillén, Andrea Albani, Jaume Valls, Rafaela Aparicio, José Luís Fernández, Valentín Paredes, Gracita Morales, Fermín Cabal, Pedro Nieva Parola, Agustín González, Paloma Alaez…

Scénario : Gonzalo Goicoechea, Fermín Cabal & Eloy de la Iglesia

Photographie : Javier Aguirresarobe

Musique : Joaquín Carmona

Durée : 1h57

Date de sortie initiale : 1984

LE FILM

Paco, fils d’un commandant de la Garde civile, est impliqué dans le meurtre d’un couple de trafiquants d’héroïne à Bilbao. Lorsque la presse commence à s’intéresser à l’affaire, les efforts de son père pour l’éloigner de la drogue et cacher les preuves du crime se révèlent inutiles.

Après le triomphe inattendu dans les salles d’El Pico, Eloy de la Iglesia, poussé par le producteur J.A. Pérez Giner, ne perd pas une seconde et décide de donner une suite aux « aventures » de Paco et de son père. L’histoire reprend là où elle s’était arrêtée, mais le cinéaste va cette fois alourdir quelque peu son propos, en tirant plus sur la corde sensible et en y allant plus frontalement dans sa démonstration, sans doute dans l’espoir de ratisser plus large et donc d’attirer encore plus de spectateurs que pour le premier opus. Effectivement, El Pico 2 n’a pas la force du précédent, mais n’en reste pas moins passionnant, surtout lorsque le réalisateur dresse un portrait peu flatteur (euphémisme) des conditions d’incarcération, en montrant que la prison fonctionne comme « à l’extérieur », avec les plus grands caïds qui font la loi et qui s’opposent à des clans adverses qui la plupart du temps veulent profiter de la faiblesse des jeunes prisonniers. Parallèlement, outre la vie carcérale de Paco, Eloy de la Iglesia se focalise à nouveau sur son père, cette fois brillamment interprété par Fernando Guillén (Tout sur ma mère, La Loi du désir, Talons aiguilles, Action mutante), en remplacement de José Manuel Cervino, qui fera tout pour défendre et sauver la chair de sa chair, quitte à l’aider à trouver ce qui lui manque, le « cheval », le « bourrin », l’héroïne. El Pico 2 possède un ton différent, comme s’il s’agissait d’un long épilogue du premier épisode et il est donc souhaitable d’avoir vu le chapitre un, avant de voir et probablement d’apprécier ce second titre.

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Test Blu-ray / L’Enfer de la drogue – El Pico, réalisé par Eloy de la Iglesia

L’ENFER DE LA DROGUE (El Pico) réalisé par Eloy de la Iglesia, disponible en coffret Cinéma Quinqui de Eloy de la Iglesia – Coffret 3 films : Colegas + El Pico + El Pico 2 le 5 septembre 2023 chez Artus Films.

Acteurs : José Luis Manzano, José Manuel Cervino, Luis Iriondo, Enrique San Francisco, Andrea Albani, Queta Ariel, Marta Molins, Pedro Nieva Parola, Alfred Lucchetti, Guillermo Reinlein, Marta Pérez Ferrándiz…

Scénario : Gonzalo Goicoechea & Eloy de la Iglesia

Photographie : Hans Burmann

Musique : Luis Iriondo

Durée : 1h45

Date de sortie initiale : 1983

LE FILM

Dans le Bilbao du début des années 80, Paco et Urko, deux adolescents en rupture de ban délaissent leurs études pour les paradis artificiels, partageant tous deux la couche de Betty, une jeune prostituée qui va les initier à l’héroïne. De consommateurs, ils deviennent trafiquants, rapidement emportés dans une spirale criminelle qui va frapper de plein fouet leurs familles respectives.

Reprenons où nous en étions. Suite à l’engouement rencontré par Colegas en 1982, le réalisateur Eloy de la Iglesia continue sur sa lancée et s’apprête à connaître son plus grand succès et probablement l’opus le plus emblématique du cinéma quinqui avec El Pico, exploité en France sous le titre L’Enfer de la drogue ou Dose mortelle. L’accent est mis cette fois sur le fléau représenté par la dope qui circulait alors abondamment en Espagne et plus particulièrement dans les banlieues (mais pas que) où les jeunes étaient déjà livrés à eux-mêmes. Triomphe populaire, à tel point que le film est encore très largement diffusé à la télévision ibérique, El Pico est un drame foudroyant qui comme un panneau en introduction l’indique « est inspiré de faits réels librement transposés par l’imagination des auteurs ». Que faire de la liberté nouvellement acquise après la disparition de Franco ? « Je croyais qu’on était libres maintenant » annonce un personnage dans les premières minutes d’El Pico, qui avec une réalité quasi-documentaire dépeint la chute inexorable de deux fils à la vie diamétralement opposée, l’un étant le fils d’un commandant de gendarmerie et l’autre celui d’un député nationaliste basque, soudés par une amitié indéfectible et qui vont prendre le chemin de la seringue plantée dans le bras. « On sait se contrôler, on n’est pas des débiles » déclarent-ils quand ils veulent juste essayer au début et en prendre de temps en temps quand ils se sentent largués. Inévitablement, Paco et Urko entament sans véritablement se rendre compte, un aller simple pour l’enfer. Remarquable long-métrage d’Eloy de la Iglesia, metteur en scène et auteur à voir comme le chaînon manquant entre Pier Paolo Pasolini et Rainer Werner Fassbinder, El Pico deviendra un tel phénomène de société qu’une suite sera écrite, produite et mise en scène dès l’année suivante. Une immense (re)découverte s’impose dans nos contrées.

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Test Blu-ray / Colegas, réalisé par Eloy de la Iglesia

COLEGAS réalisé par Eloy de la Iglesia, disponible en coffret Cinéma Quinqui de Eloy de la Iglesia – Coffret 3 films : Colegas + El Pico + El Pico 2 le 5 septembre 2023 chez Artus Films.

Acteurs : Antonio Flores, Rosario Flores, José Luis Manzano, José Manuel Cervino, Queta Ariel, Francisco Casares, Isabel Perales, José Luis Fernández Eguia « El Pirri », Ricardo Márquez, Luis Romero…

Scénario : Gonzalo Goicoechea & Eloy de la Iglesia

Photographie : Hans Burmann & Antonio Cuevas

Musique : Miguel Botafogo

Durée : 1h38

Date de sortie initiale : 1982

LE FILM

José et Antonio, qui vivent dans un quartier des bidonvilles de Madrid, sont les meilleurs amis du monde, et la sœur d’Antonio, Rosario, est la petite amie de José. Lorsque Rosario découvre qu’elle est enceinte, les jeunes, qui ne trouvent pas de travail, tentent de récolter l’argent nécessaire pour un avortement en se prostituant dans les saunas homosexuels et en cambriolant un magasin. Désespérés, ils contactent un escroc professionnel. C’est ainsi que commencent les vrais problèmes du trio.

En avril 2022, l’édition en DVD et Blu-ray Artus Films de Cannibal Man La Semaine d’un assassin (1972) a permis de reparler du cinéaste Eloy Germán de la Iglesia (1944-2006), réalisateur d’une vingtaine de longs-métrages et dont la postérité a essentiellement retenu les opus s’inscrivant dans le genre cinématographique populaire dit du quinqui, qui se focalise sur l’existence des jeunes délinquants, ces derniers étant très souvent interprétés par des experts en la matière, reprenant aussi leur véritable surnom dans les films dans lesquels ils apparaissent, à l’instar de José Luis Fernández Eguia, dit El Pirri dans Colegas. Quand on demande aujourd’hui à un espagnol ce que désigne le mot quinqui, celui-ci vous répondra « gitan ». En réalité, cette appellation argotique est plurielle et ce qu’elle qualifie est également faite de strates multiples. L’un des longs-métrages les plus représentants du cinema quinqui demeure Colegas (1982), qui s’intéresse à une poignée de jeunes gens (forcément) marginaux, ou tout du moins vivant dans la banlieue de Madrid, dans un bâtiment aussi haut que laid, bordant l’autoroute où le trafic incessant couvre les conversations. C’est là que nous rencontrons Antonio et Rosario, deux frères et sœurs, qui l’étaient d’ailleurs réellement. José est le meilleur ami d’Antonio et l’amant de Rosario, et tous les trois doivent faire face à la dure réalité de la vie. Parfois proche du documentaire, Colegas a beau parler de choses graves, le film n’en reste pas moins étonnamment léger, comme si les personnages se rendant compte du caractère inéluctable de la vie et de leur avenir, acceptaient d’embrasser pleinement ce que leur destin leur réserve, sans jamais vraiment se plaindre de leur sort. D’une étonnante fraîcheur, Colegas est un film virtuose où les protagonistes marchent continuellement sur le fil tendu entre la jouissance au quotidien et la chute inexorable qui les attend s’ils devaient trébucher. Pas de juste milieu. Remarquable découverte.

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Test Blu-ray / Les Longs Jours de la vengeance, réalisé par Florestano Vancini

LES LONGS JOURS DE LA VENGEANCE (I lunghi giorni della vendetta (Faccia d’angelo)) réalisé par Florestano Vancini, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 5 septembre 2023 chez Artus Films.

Acteurs : Giuliano Gemma, Conrado San Martín, Francisco Rabal, Nieves Navarro, Gabriella Giorgelli, Manuel Muñiz, Pedro Basauri ‘Pedrucho’, Carlos Otero…

Scénario : Fernando Di Leo & Augusto Caminito

Photographie : Francisco Marín

Musique : Armando Trovajoli

Durée : 1h57

Date de sortie initiale : 1967

LE FILM

Injustement accusé de meurtre, Ted Barnett purge sa peine dans un bagne. Une nuit, il parvient à s’évader. Ils sont nombreux à trembler en apprenant la nouvelle de son évasion : le shérif Douglas, le trafiquant d’armes Cobb, et surtout sa fiancée, qui a épousé Douglas lors de la condamnation de Ted…

Que voilà un western de très grande classe ! Les Longs Jours de la vengeance ou I lunghi giorni della vendetta, un titre qui claque aussi bien en français qu’en italien, le seul film du genre mis en scène par Florestano Vancini (1926-2008). Ce dernier commence comme assistant de Mario Soldati (La Fille du fleuveLa Donna del fiume) et de Valeri Zurlini sur le somptueux Été violentEstate violenta, avant de voler très vite lui-même de ses propres ailes. Après divers courts-métrages documentaires dans les années 1950, il réalise La Longue nuit de 43La lunga notte del ’43 (1960) et La Bande Casaroli (1962), dans lequel il dirige rien de moins que Renato Salvatori, Jean-Claude Brialy, Tomás Milián et Gabriele Tinti, puis deux drames La Vie ardenteLa Calda vita (avec la sublime Catherine Spaak) et Les Saisons de notre amourLe stagioni del nostro amore (Prix de la critique internationale FIPRESCI au Festival de Berlin). Puis, il accepte un projet moins personnel, en l’occurrence Les Longs Jours de la vengeance, qu’il signera d’ailleurs sous le pseudonyme de Stan Vance. Si le générique indique “une histoire originale de Mahnahén Velasco”, il s’agit en réalité d’un stratagème pour justifier la co-production italo-espagnole. Le scénario, inspiré par Le Comte de Monte-Cristo, est imputable à Augusto Caminito (futur producteur de The King of New York d’Abel Ferrara, auteur de La Victime désignée La Vittima designata de Maurizio Lucidi) et Fernando Di Leo (Avoir vingt ans, Colère noire). Les Longs Jours de la vengeance est un divertissement haut de gamme doublé d’un très bel objet de cinéma, qui plus est très rare. Alors précipitez-vous dessus.

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Test Blu-ray / Goodbye & Amen, réalisé par Damiano Damiani

GOODBYE E AMEN réalisé par Damiano Damiani, disponible en Blu-ray + DVD + Livre Justice . Politique . Corruption – La Trilogie de Damiano Damiani le 2 mai 2023 chez Artus Films.

Acteurs : Tony Musante, Claudia Cardinale, John Forsythe, John Steiner, Renzo Palmer, Angela Goodwin…

Scénario : Damiano Damiani & Nicole Badalucco

Photographie : Luigi Kuveiller

Musique : Guido & Maurizio De Angelis

Durée : 1h43

Date de sortie initiale : 1977

LE FILM

Un agent de la CIA en poste à Rome fomente un complot destiné à renverser un gouvernement africain. Mais ses plans s’effondrent lorsqu’il découvre qu’un de ses hommes l’a trahi. Fou de rage, il prend en otage un couple adultère dans une chambre d’hôtel.

Après avoir traité d’un complot d’extrême droite dans Un juge en danger Io ho paura, Damiano Damiani continue sur sa lancée et livre un nouveau thriller, Goodbye & Amen, qui cette fois ne sera pas interprété par Franco Nero ou Gian Maria Volonté, mais par l’excellent Tony Musante. Acteur américain découvert en 1964 dans Les Tueurs de San Francisco Once a thief de Ralph Nelson, ce dernier se fait surtout remarquer trois ans plus tard dans l’incroyable L’Incident The Incident de Larry Peerce, qui lui vaut d’être repéré aussi bien par les réalisateurs US (Gordon Douglas, Richard Fleischer, Robert Aldrich) qu’européens et notamment italiens, puisqu’il tournera avec Sergio Corbucci (El Mercenario), Giuseppe Patroni Griffi (Disons, un soir à dîner) et bien sûr Dario Argento (L’Oiseau au plumage de cristal). Il est impeccable dans Goodbye & Amen (ou L’uomo della CIA), qui n’est sans doute pas l’opus le plus célèbre de son auteur, mais qui n’en reste pas moins un spectacle souvent remarquable, même si moins virulent, politique et inspiré que ses monuments les plus reconnus. S’il n’y a rien à redire sur la force du casting et le déroulé efficace de l’intrigue, quasi huis clos qui se passe essentiellement dans un hôtel de luxe, Goodbye e Amen pâtit d’une esthétique vieillotte et d’une mise en scène qui rappelle une série télévisée de son époque. Ce qui n’empêche pas de prendre un sacré pied.

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Test Blu-ray / Comment tuer un juge, réalisé par Damiano Damiani

COMMENT TUER UN JUGE (Perché si uccide un magistrato) réalisé par Damiano Damiani, disponible en Blu-ray + DVD + Livre Justice . Politique . Corruption – La Trilogie de Damiano Damiani le 2 mai 2023 chez Artus Films.

Acteurs : Franco Nero, Françoise Fabian, Marco Guglielmi, Mico Cundari, Renzo Palmer, Ennio Balbo Giancarlo Badessi, Pierluigi Aprà, Luciano Catenacci, Eva Czemerys, Tano Cimarosas Claudio Gora…

Scénario : Damiano Damiani, Enrico Ribulsi & Fulvio Gicca Palli

Photographie : Mario Vulpiani

Musique : Riz Ortolani

Durée : 1h46

Date de sortie initiale : 1975

LE FILM

Un cinéaste décide d’enquêter sur l’assassinat d’un juge sicilien soupçonné de corruption : il se trouve que cette mort est survenue dans des circonstances identiques à une scène de son dernier film.

Comment tuer un juge ou Perché si uccide un magistrato. Un titre qui claque, qui donne le ton, qui en impose et qui sonne comme l’intitulé d’un mode d’emploi. Une chose est sûre, Damiano Damiani veut encore s’adresser à ses concitoyens et également aux spectateurs du monde entier, pour non seulement faire un constat sur la société et sur ceux qui la régissent, mais aussi si possible entraîner un débat devant des faits accablants. Cependant, même si le film demeure ô combien réussi, Comment tuer un juge est somme toute plus classique dans son déroulé, comme si le cinéaste se laissait tenter par un exercice de style à visée plus commerciale qu’à son habitude. Mais n’allez pas croire que Damiano Damianbi met de la San Pellegrino dans son Chianti, bien au contraire, le breuvage est aussi gouleyant qu’amer et laisse au palais un goût d’acier dont il est difficile de se débarrasser. La mécanique du scénario qu’il a coécrit avec Enrico Ribulsi (Achtung ! Banditi !, Les Cent Cavaliers) et Fulvio Gicca Palli (La Victime désignée, La Corruption) est implacable et prend des allures d’engrenages, qui une fois enclenchés s’avèrent impossibles à stopper. Nouvelle grande prestation de Franco Nero, pour sa quatrième et dernière collaboration avec Damiano Damiani (La Mafia fait la loi, Confession d’un commissaire de police au procureur de la République, Nous sommes tous en liberté provisoire), magistral dans la peau d’un réalisateur engagé (en gros l’alter ego de Damiani lui-même), qui se retrouve rattrapé et même dépassé par les événements qu’il a voulu dénoncer.

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Test Blu-ray / Nous sommes tous en liberté provisoire, réalisé par Damiano Damiani

NOUS SOMMES TOUS EN LIBERTÉ PROVISOIRE (L’istruttoria è chiusa: dimentichi) réalisé par Damiano Damiani, disponible en Blu-ray + DVD + Livre Justice . Politique . Corruption – La Trilogie de Damiano Damiani le 2 mai 2023 chez Artus Films.

Acteurs : Franco Nero, Georges Wilson, John Steiner, Riccardo Cucciolla, Ferruccio De Ceresa, Antonio Casale, Renata Zamengo…

Scénario : Damiano Damiani, Arduino Maiuri & Massimo De Rita, d’après le roman de Leros Pittoni

Photographie : Claudio Ragona

Musique : Ennio Morricone

Durée : 1h42

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

Une jeune et riche architecte est envoyé en préventive à la suite d’un accident automobile, il découvre alors le monde impitoyable de l’univers pénitentiaire.

Méconnu en France, Nous sommes tous en liberté provisoireL’istruttoria è chiusa: dimentichi (1970) de Damiano Damiani (1922-2013), metteur en scène contestataire et engagé, révèle une autre facette du talent du cinéaste transalpin, surtout réputé chez nous pour sa collaboration avec Sergio Leone pour Un génie, deux associés, une clocheUn genio, due compari, un pollo (1975), pourtant diamétralement opposé à ses thèmes de prédilection. 1971, sort Confession d’un commissaire de police au procureur de la républiqueConfessioni di un commissario di polizia al procuratore della repubblica, chef d’oeuvre âpre sur les relations étroites liant la politique à la mafia italienne. La même année, derrière le titre à rallonge Nous sommes tous en liberté provisoire, très librement adapté du roman de Leros Pittoni, se cache un film percutant qui plus de cinquante ans après n’a rien perdu de son impact et de son efficacité. Exemple type du genre issu du cinéma citoyen créé dans les années 60 avec des films comme Salvatore Giuliano ou Main basse sur la ville tous deux dirigés par Francesco Rosi, le film de Damiano Damiani repose sur les répliques acérées et le jeu monumental de Franco Nero, qui retrouvait le cinéaste pour la troisième fois de sa carrière après La Mafia fait la loiIl giorno della civetta et Confession d’un commissaire de police au procureur de la république. L’acteur rend à merveille toute la complexité de son personnage, loin du justicier incorruptible qu’il interprétait dans le film précédent. Du point de vue technique Damiano Damiani connaît son affaire et enchaîne à la fois les morceaux de bravoure grâce à un montage au cordeau, des dialogues affûtés et un sens indéniable du suspense. Nous sommes tous en liberté provisoire dénonce les conditions de la vie carcérale en prenant pour vecteur un protagoniste forcément inadapté car bourgeois. Damiano Damiani ne cache rien, assassinats, corruption, tout y passe en prison, et livre une réflexion amère sur ce milieu. Un fleuron du cinéma italien révolté.

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Test Blu-ray / La Ville dorée, réalisé par Veit Harlan

LA VILLE DORÉE (Die Goldene Stadt) réalisé par Veit Harlan, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 2 mai 2023 chez Artus Films.

Acteurs : Kristina Söderbaum, Eugen Klöpfer, Annie Rosar, Dagny Servaes, Paul Klinger, Emmerich Hanus, Kurt Meisel, Rudolf Prack…

Scénario : Alfred Braun & Veit Harlan, d’après la pièce de Richard Billinger

Photographie : Bruno Mondi

Musique : Hans-Otto Borgmann

Durée : 1h56

Date de sortie initiale : 1942

LE FILM

Anna Jobst, fille d’un riche propriétaire terrien habitant sur les rives de la Moldau, ne rêve que d’aller à Prague, ville native de sa mère, morte de n’avoir pu s’adapter à la vie campagnarde. Le désir d’Anna grandit lorsque son père engage un jeune ingénieur originaire de Prague. Remarquant l’attrait de sa fille pour le nouvel arrivant, son père le remplace mais Anna n’y tenant plus s’enfuit…

Comme nous l’indiquions sur la chronique de La Fille au vautour, nous continuons sur notre lancée du Heimatfilm avec La Ville doréeDie goldene Stadt, sorti deux ans après le film de Hans Steinhoff et réalisé cette fois par Veit Harlan (1899-1964), tristement célèbre pour avoir signé Le Juif Süss en 1940, œuvre de propagande antisémite, projetée dans les pays occupés par l’Allemagne nazie, qui avait rencontré un gigantesque succès commercial en Europe durant la Deuxième Guerre mondiale, en attirant 40 millions de spectateurs. Supervisé par Joseph Goebbels, le travail de Veit Harlan n’en reste pas moins efficace sur le plan technique, comme il le prouve dans La Ville dorée, drame et récit initiatique souvent cruel, sur lequel le Ministre de l’Éducation du peuple et de la Propagande du Reich aura repris la main avant la sortie dans les salles, en imposant au cinéaste de changer radicalement le final, qu’il jugeait trop optimiste. Qui dit Heimat, dit mise en valeur de la terre natale, des traditions, de la famille et le personnage principal, très bien joué par la star de l’époque Kristina Söderbaum (alors la compagne de Veit Harlan), rejetant avant tout le chemin déjà tracé par son père, méritait selon Goebbels qu’on lui donne une leçon, histoire de bien ancrer dans la tête d’une audience au cerveau lavé qu’on ne plaisantait pas avec les us et coutumes ancestrales. En l’état, La Ville dorée est un beau film, élégamment photographié par Bruno Mondo (Casino de Paris, Les Jeunes Années d’une reine, la trilogie Sissi) et qui est entré dans l’histoire du cinéma pour avoir été l’un des premiers longs métrages en couleur réalisé en Europe, l’Agfacolor, dont la technologie venait d’être améliorée.

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Test Blu-ray / La Fille au vautour, réalisé par Hans Steinhoff

LA FILLE AU VAUTOUR (Die Geierwally) réalisé par Hans Steinhoff, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 2 mai 2023 chez Artus Films.

Acteurs : Heidemarie Hatheyer, Sepp Rist, Eduard Köck, Winnie Markus, Leopold Esterle, Mimi Gstöttner-Auer, Ludwig Auer, Maria Hofen…

Scénario : Jacob Geis & Alexander Lix, d’après le roman de Wilhelmine von Hillern

Photographie : Richard Angst

Musique : Nico Dostal

Durée : 1h38

Date de sortie initiale : 1940

LE FILM

1840, dans les Alpes du Tyrol, la jeune et jolie Wally est la fille unique d’un fermier. Elle travaille comme un homme pour aider son père et passe son temps libre dans les montagnes, tentant d’apercevoir Joseph, un chasseur, qu’elle aime en secret. Un jour, elle parvient à capturer un vautour, ce qui provoque le mépris de Joseph et l’admiration de son père. Ce dernier veut alors la marier à Vinzenz, un fermier voisin. Wally refuse et, chassée par son père, se réfugie dans les montagnes où elle va vivre avec son vautour.

Quand on évoque le genre Heimat, on pense immédiatement au pari fou entrepris par le réalisateur Edgar Reitz au début des années 1980 : raconter un siècle d’histoire et de cataclysmes sous forme de feuilleton télévisé. À travers le destin de la famille Simon et des habitants d’un petit village de Rhénanie, les trois saisons de la minisérie intitulée justement Heimat – mot intraduisible en français, qui signifie la patrie, le lieu de naissance, la région d’origine, la matrice – réalisées et diffusées en 1984, 1994 et 2004 pour une durée totale de près de 60 heures – dessinaient les contours d’un pays bouleversé par le 20e siècle. En 2013, Heimat : Chronique d’un rêve – L’exode, formaient un tout nouveau volet en deux temps de la saga monumentale et fresque historique d’Edgar Reitz, mais aussi et surtout un préambule aux trois saisons de la série culte qui nous plongeait au coeur du 19e siècle, alliant l’incroyable précision historique avec une dimension quasi-documentaire (à l’instar des métiers d’époque), à la beauté sidérante d’un N&B en cinémascope, parfois marqué par quelques touches de couleurs. Merveilleusement écrit, interprété, mis en scène et photographié, porté par une musique quasi-hypnotique, ces deux épisodes d’Heimat subjuguaient du début à la fin et ravissaient les sens. Mais le genre Heimat remonte en réalité au début du cinéma, inspirant les cinéastes allemands durant plusieurs décennies. L’un des titres emblématiques demeure incontestablement La Fille au vautourDie Geierwally, réalisé par Hans Steinhoff, sorti en 1940, d’après le roman de Wilhelmine von Hillern, déjà adapté trois fois (et ce dès le début des années 1920), qui le sera d’ailleurs encore à cinq reprises par la suite, dont à l’opéra. Très beau film, au charme forcément vintage avec ses décors de carte postale, La Fille au vautour a sous ses allures de bonbon acidulé beaucoup de caractère, à comme le personnage principal, excellemment campé par la belle Heidemarie Hatheyer, alors au tout début de sa carrière.

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Test Blu-ray / Fata Morgana, réalisé par Vicente Aranda

FATA MORGANA réalisé par Vicente Aranda, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 2 mai 2023 chez Artus Films.

Acteurs : Teresa Gimpera, Marianne Benet, Marcos Martí, Antonio Ferrandis, Alberto Dalbés, Antonio Casas, Glòria Roig, Francisco Álvarez…

Scénario : Vicente Aranda & Gonzalo Suárez

Photographie : Antonio G. Larraya

Musique : Antonio Pérez Olea

Durée : 1h26

Date de sortie initiale : 1965

LE FILM

Dans une ville évacuée de sa population pour d’obscures raisons, quelques personnes ont décidé de rester. La mannequin Gim n’a pas voulu quitter son compagnon, Alvaro, qui vit dans une somptueuse villa avec des personnalités excentriques. On apprend alors qu’un assassin récidiviste a décidé de frapper à nouveau, et qu’il choisit ses victimes parmi les plus belles femmes de la ville. Le Professeur, un expert en criminologie, est le seul capable d’aider Gim à échapper au meurtrier.

Il y a trois mois, nous vous parlions du réalisateur Vicente Aranda (1926-2015) à l’occasion de la sortie en Blu-ray de l’étonnant À coups de crosse, avec un Bruno Cremer monstrueux et une Fanny Cottençon bad-ass. L’opportunité avec ce thriller brutal de revenir sur le cinéaste et membre fondateur de La gauche divine, mouvement d’intellectuels, de professionnels et d’artistes de gauche qui s’est développé à Barcelone des années 1960 au début des années 1970. Juste après Brillante porvenir (1965), qu’il avait mis en scène avec Román Gubern, Vicente Aranda, l’un des chefs de file de l’école de Barcelone, signe son premier long-métrage en solo, Fata Morgana, qu’il coécrit avec Gonzalo Suárez et qui rend compte de la totale liberté créatrice de l’époque. Ouvertement et complètement inclassable, ce film que certains qualifieront très justement d’hermétique, ne s’adresse pas à tous les publics, mais plutôt aux cinéphiles pointus, qui sauront accueillir ce délire visuel, qui repose essentiellement sur la forme, au détriment de l’émotion. À mi-chemin entre le Nouveau Roman et les délires autocentrés de Jean-Luc Godard, Fata Morgana est assurément un OFNI, une curiosité, mais aussi le témoignage d’un temps révolu.

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