Test Blu-ray / La Fille au vautour, réalisé par Hans Steinhoff

LA FILLE AU VAUTOUR (Die Geierwally) réalisé par Hans Steinhoff, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 2 mai 2023 chez Artus Films.

Acteurs : Heidemarie Hatheyer, Sepp Rist, Eduard Köck, Winnie Markus, Leopold Esterle, Mimi Gstöttner-Auer, Ludwig Auer, Maria Hofen…

Scénario : Jacob Geis & Alexander Lix, d’après le roman de Wilhelmine von Hillern

Photographie : Richard Angst

Musique : Nico Dostal

Durée : 1h38

Date de sortie initiale : 1940

LE FILM

1840, dans les Alpes du Tyrol, la jeune et jolie Wally est la fille unique d’un fermier. Elle travaille comme un homme pour aider son père et passe son temps libre dans les montagnes, tentant d’apercevoir Joseph, un chasseur, qu’elle aime en secret. Un jour, elle parvient à capturer un vautour, ce qui provoque le mépris de Joseph et l’admiration de son père. Ce dernier veut alors la marier à Vinzenz, un fermier voisin. Wally refuse et, chassée par son père, se réfugie dans les montagnes où elle va vivre avec son vautour.

Quand on évoque le genre Heimat, on pense immédiatement au pari fou entrepris par le réalisateur Edgar Reitz au début des années 1980 : raconter un siècle d’histoire et de cataclysmes sous forme de feuilleton télévisé. À travers le destin de la famille Simon et des habitants d’un petit village de Rhénanie, les trois saisons de la minisérie intitulée justement Heimat – mot intraduisible en français, qui signifie la patrie, le lieu de naissance, la région d’origine, la matrice – réalisées et diffusées en 1984, 1994 et 2004 pour une durée totale de près de 60 heures – dessinaient les contours d’un pays bouleversé par le 20e siècle. En 2013, Heimat : Chronique d’un rêve – L’exode, formaient un tout nouveau volet en deux temps de la saga monumentale et fresque historique d’Edgar Reitz, mais aussi et surtout un préambule aux trois saisons de la série culte qui nous plongeait au coeur du 19e siècle, alliant l’incroyable précision historique avec une dimension quasi-documentaire (à l’instar des métiers d’époque), à la beauté sidérante d’un N&B en cinémascope, parfois marqué par quelques touches de couleurs. Merveilleusement écrit, interprété, mis en scène et photographié, porté par une musique quasi-hypnotique, ces deux épisodes d’Heimat subjuguaient du début à la fin et ravissaient les sens. Mais le genre Heimat remonte en réalité au début du cinéma, inspirant les cinéastes allemands durant plusieurs décennies. L’un des titres emblématiques demeure incontestablement La Fille au vautourDie Geierwally, réalisé par Hans Steinhoff, sorti en 1940, d’après le roman de Wilhelmine von Hillern, déjà adapté trois fois (et ce dès le début des années 1920), qui le sera d’ailleurs encore à cinq reprises par la suite, dont à l’opéra. Très beau film, au charme forcément vintage avec ses décors de carte postale, La Fille au vautour a sous ses allures de bonbon acidulé beaucoup de caractère, à comme le personnage principal, excellemment campé par la belle Heidemarie Hatheyer, alors au tout début de sa carrière.

Dans les Alpes du Tyrol vers 1840. Wally, Heidemarie Hatheyer, une jeune montagnarde, est la fille unique d’Aloïs Fender, Edouard Köck, un riche veuf, agriculteur dans la vallée d’Ötztal. Elle est jeune, belle, intrépide, volontaire et travaille à la ferme comme un homme. Quand au péril de sa vie, elle escalade une falaise et capture un jeune vautour dans son aire malgré les attaques d’un rapace, elle suscite l’admiration de son père mais le mépris de Joseph, Sepp Rist, surnommé « L’ours », un jeune chasseur qui chasse avec le châtelain de la vallée, Gustav Waldau. Il la tourne en ridicule en l’appelant « La fille au vautour » car il pense qu’une jeune fille ne peut porter des pantalons et grimper dans les montagnes alentour. Ce qu’il ne perçoit pas encore, c’est que Wally est follement éprise de lui et trop fière pour se l’avouer. Pour compliquer les choses, son père veut la marier à Vinzenz, Leopold Esterle, un fermier voisin mais Wally ayant de la répulsion pour ce dernier et se consumant d’amour pour Joseph refuse tout net. Fou de colère, le vieux Fender la corrige avec un bâton et comme elle ne veut pas changer d’avis, malgré ses pleurs, il lui ordonne d’aller vivre dans une hutte qu’il possède très haut dans la montagne jusqu’à ce qu’elle capitule. Là-haut, dans la neige et près des glaciers, au-dessus des nuages, avec pour seule compagnie Hansl, le vautour qu’elle a apprivoisé, elle maudit le monde qui la tient à l’écart.

Parfait exemple du film Heimat, La Fille au vautour contient tous les ingrédients qui n’auront de cesse d’être repris et qui reprenaient d’ailleurs une formule classique déjà installée depuis près de vingt ans chez nos amis teutons. Ce qui compte dans le film de Hans Steinhoff, alors au service de Joseph Goebbels sous le Troisième Reich et un des principaux cinéastes du régime nazi ayant cumulé les œuvres de propagande (Le Jeune Hitlérien Quex, Le Président Krüger), c’est l’élégance de la photographie de Richard Angst, futur chef opérateur du diptyque de Fritz Lang Le Tigre du Bengale / Le Tombeau hindou, celle des paysages naturels autrichiens et bien sûr celle de la comédienne principale Heidemarie Hatheyer. Mais cette dernière est loin d’être une belle plante ou un edelweiss prêt à être cueilli dans La Fille au vautour. C’est une jeune femme qui s’oppose au destin tracé par son père et qui refuse donc de se marier avec l’homme qu’il lui ordonne d’épouser. Wally en aime un autre et après un violent affrontement avec son cher papa brutal, quitte sa Heimat pour se réfugier dans un environnement glacé et hostile, avec pour seul compagnon un vautour qu’elle a réussi à apprivoiser.

Derrière cette apparence calme et bucolique, où l’on travaille dans les champs avec le sourire, tout en maniant la faux sur un rythme soutenu, les âmes et les coeurs s’échauffent, les conflits de génération apparaissent, la Heimat ne représente pas ou plus la même chose pour les enfants, qui n’hésitent pas à quitter la terre natale ou le milieu familial pour vivre leurs propres vies, débarrassés de ce qui est devenu un carcan dans l’Allemagne rurale des années 1840, qui historiquement avait été marquée par un mouvement massif d’émigration vers une possible terre promise pour fuir une misère sans issue et des hivers rigoureux. Les protagonistes ne sont pas si sympathiques que cela et montrés dans leurs contradictions, ce qui les rend étonnamment riches et intéressants et témoigne de l’incommunicabilité qui pouvait alors s’installer au sein d’une même famille jusqu’alors régie par la tradition, les us et les coutumes. Une thématique toujours moderne puisque intemporelle et universelle.

LE COMBO BLU-RAY + DVD

La Fille au vautour apparaît chez Artus Films dans la collection Heimat, en même temps que La Ville dorée dont nous parlerons tout de suite après cette chronique. Le DVD et le Blu-ray reposent dans un Digipack à deux volets, glissés dans un fourreau cartonné du plus bel effet. Le menu principal est fixe et musical.

En plus d’un Diaporama d’affiches et de photos d’exploitation, l’éditeur nous gratifie d’une petite présentation de La Fille au vautour par Bertrand Lamargelle (12’). L’auteur sur Culture 31 donne des indications sur le réalisateur (son parcours, sa carrière, sa filmographie), ses rapports avec Joseph Goebbels et ses œuvres de propagande, ainsi que sur les films Heimat et bien sûr sur La Fille au vautour. Sur ce dernier, Bertrand Lamargelle parle de la photographie, des lieux et conditions de tournage, des thèmes, de l’adaptation du roman de Wilhelmine von Hillern, du casting et des autres adaptations du livre.

L’Image et le son

La Fille au vautour a bénéficié d’un scan et d’une remasterisation 2K en 2015 par Cine Post Productions pour la fondation Friedrich-Wilhelm Murnau (dont nous avons déjà parlé) à partir d’éléments conservés par la Bundesarchiv-Filmarchiv, Berlin. Des rayures verticales, des griffures et des poussières demeurent. Cependant, la luminosité est omniprésente, le piqué est acéré et offre des détails poussés sur les visages, le grain original est aussi respecté que bien géré, les contrastes sont souvent épatants, les noirs profonds et les blancs ne sont étonnamment pas brûlés. Cette copie participe donc à la (re)découverte du film de Hans Steinhoff.

Un souffle chronique est inhérent à l’âge du film, mais ne dérange pas l’écoute. Le mixage est plutôt propre, équilibré, les bruitages précis, les dialogues sensiblement pincés, mais intelligibles. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Artus Films / Friedrich-Wilhelm Murnau-Stiftung / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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