Test Blu-ray / L’Odyssée du sous-marin Nerka, réalisé par Robert Wise

L’ODYSSÉE DU SOUS-MARIN NERKA (Run Silent, Run Deep) réalisé par Robert Wise, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 22 juillet 2023 chez Rimini Editions.

Acteurs : Clark Gable, Burt Lancaster, Jack Warden, Brad Dexter, Don Rickles, Nick Cravat, Joe Maross, Mary LaRoche, Eddie Foy III, Rudy Bond…

Scénario : Jon Gay, d’après le roman d’Edward L. Beach

Photographie : Russell Harlan

Musique : Franz Waxman

Durée : 1h29

Année de sortie : 1958

LE FILM

En 1942, pendant le conflit américano-japonais, le sous-marin du commandant Richardson est coulé par le submersible nippon, l’Akikaze. Rongé par ce mauvais souvenir, il se voit confier la direction d’un nouveau sous-marin, le Nerka, au détriment de Jim Bledsoe, son second. Après des mois d’entraînement intensif, Richardson a l’occasion de prendre sa revanche pendant l’attaque de Pearl Harbor.

À la poursuite d’Octobre rouge, Le Bateau, Le Chant du loup, 20 000 lieues sous les mers, USS Alabama, K-19 – Le Piège des profondeurs, U-571, chaque cinéphile visualise immédiatement le sous-marin de ces classiques et même chefs d’oeuvre du septième art. Mais avant ceux-ci, il fait remonter loin, très loin en arrière pour retrouver les origines de ce sous-genre à part entière, autrement dit le film de guerre de sous-marin. Parmi les opus notables et matriciels on trouve L’Espion noir Spy in Black (1939) de Michael Powell, première d’une fructueuse et mythique collaboration qui va durer près de quinze ans avec le scénariste Emeric Pressburger, remarquable film d’espionnage britannique comprenant une dimension documentaire exemplaire, surtout en ce qui concerne les séquences dévoilant le fonctionnement du sous-marin, qui happe le spectateur dès les premières scènes, pour ne plus le lâcher pendant 1h20 jusqu’à l’épatante bataille navale. On doit l’autre étape importante et même décisive à René Clément et à son film Les Maudits (1947), Grand Prix à Cannes, prototype même du film de sous-marin (décor reconstruit à l’échelle dans les studios de la Victorine à Nice) qui explosait alors au milieu des années 40. Témoin de son époque, le réalisateur français se penche sur la déchéance des perdants de la Seconde Guerre mondiale en plaçant ses personnages dans un lieu clôt où émergent petit à petit des règlements de compte souvent fatals. René Clément tire parti de son décor exigu grâce à une réalisation inventive, moderne et raffinée, usant de la caméra portée et d’angles inédits afin de créer une atmosphère étouffante et anxiogène avec un souci constant du réalisme renvoyant au documentaire. Outre-Atlantique, il faut attendre 1957 pour que le film de sous-marin rebondisse à nouveau avec Torpilles sous l’Atlantique The Enemy Below de Dick Powell, avec Robert Mitchum et Cud Jürgens, suivi de près par L’Odyssée du sous-marin NerkaRun Silent, Run Deep (1958). Ce dernier est signé par l’immense Robert Wise, alors entre Femmes coupablesUntil They Sail, avec Jean Simmons Joan Fontaine Paul Newman et Piper Laurie, et Je veux vivre ! I Want to Live!, qui vaudra à Susan Hayward l’Oscar de la meilleure actrice. À l’instar de Richard Fleischer, le cinéaste a toujours su s’approprier un sujet qu’on lui proposait. L’Odyssée du sous-marin Nerka est écrit par John Gay (Le Clan des irréductibles, Soldat bleu, Les Quatre cavaliers de l’apocalypse), habituellement scénariste pour la télévision et qui faisait ici ses débuts au cinéma, d’après un roman d’Edward L. Beach. Si Run Silent, Run Deep n’a pas connu le succès escompté à sa sortie, ses partis-pris sont devenus pour ainsi dire le cahier des charges des films de sous-marin qui allaient suivre. Rares sont les séquences qui se déroulent à l’extérieur du bâtiment, à part bien sûr durant le premier acte qui expose le contexte et les personnages, le principal de l’action étant centrée dans le Nerka avec ses hommes à bord qui communiquent avec le jargon technique approprié. Robert Wise, ancien monteur (chez William Dieterle, Orson Welles et Richard Wallace) apporte sa virtuosité habituelle à ce drame de guerre souvent percutant, qui prend son temps dans la première partie, mais dont la tension n’a de cesse de se resserrer et ce jusqu’à la fin. Une excellente (re)découverte dans laquelle brillent Burt Lancaster et Clark Gable.

Après avoir perdu son sous-marin coulé dans le détroit de Bungo par le destroyer japonais  » Akikaze « , le commandant Richardson reçoit la charge d’un autre submersible, le  » Nerka », mais se heurte à l’hostilité de l’équipage et de son second, le lieutenant Jim Bledsoe. Hanté par le souvenir de son précédent naufrage, Richardson entraîne ses hommes en vue d’affronter à nouveau l’Akikaze. N’ayant à l’esprit que sa vengeance, il évite une bataille avec un sous-marin ennemi et, contre les ordres de l’Amirauté, abandonne sa mission pour se diriger vers Bungo. Parvenu à proximité du détroit, le Nerka rencontre un convoi escorté par le destroyer japonais.

En fait, il n’y a pas grand-chose à dire sur L’Odyssée du sous-marin Nerka, qui peut se voir comme l’ancêtre du blockbuster, qui privilégie les scènes d’action (réalisées avec de jolies maquettes) au développement psychologique des personnages, même si ceux-ci demeurent suffisamment dépeints, en particulier le commandant « Rich » Richardson (Clark Gable) et son second, le lieutenant Jim Bledsoe (Burt Lancaster). Chose amusante, rétrospectivement on ne peut s’empêcher de voir dans cette relation, entre rivalité et respect, un parallèle entre une star sur le déclin qui passe le relais à une autre alors au sommet de sa gloire. Si Clark Gable allait mourir deux ans après, il tient la dragée haute à Burt Lancaster, qui sortait de Règlements de comptes à OK Corral de John Sturges, dans lequel il campait Wyatt Earp, mais peinait à se remettre de l’échec cinglant du Grand Chantage d’Alexander Mackendrick, qu’il avait interprété et produit. Essayant de renflouer les caisses de sa société Hill-Hecht-Lancaster Productions, le comédien jette son dévolu sur L’Odyssée du sous-marin Nerka, qui pourrait surfer sur le succès de Torpilles sous l’Atlantique.

Film court, 1h30 montre en main, Run Silent, Run Deep va droit à l’essentiel, offre aux spectateurs une succession quasi-ininterrompue de scènes de bataille navale, avec ce qu’il faut d’humour (le running-gag de la tape sur les fesses d’une pin-up dont le poster orne le réfectoire) et d’émotions (de plus en plus présente au fil de l’histoire), sans oublier une petite touche de patriotisme (mais point trop) et une superbe photographie de Russell Harlan (La Grande Course autour du monde, Le Sport favori de l’homme, Témoin à charge), et vous obtenez le cocktail idéal pour passer un très bon moment de cinéma orchestré par l’un des meilleurs artisans du septième art américain.

LE COMBO BLU-RAY + DVD

En fouinant, on découvre que L’Odyssée du sous-marin Nerka avait connu une première édition en DVD dans nos contrées en 2000, un disque dépourvu de suppléments…Rimini Éditions explore encore et toujours le catalogue MGM et ressort le film de Robert Wise, en édition Standard et pour la première fois en France en Haute-Définition. Les deux disques sont disposés dans un Digipack à deux volets au visuel très attractif, qui met forcément en avant les deux stars prêtes à s’affronter. Le menu principal est animé et musical.

Laurent Aknin, historien du cinéma, nous présente L’Odyssée du sous-marin Nerka (23’). L’invité de Rimini Éditions, qui était déjà intervenu sur les Blu-ray de 20.000 lieues sous les mers de Stuart Paton et Dans la souricière, propose un beau retour en arrière sur le sous-genre du film de guerre de sous-marin, considérant L’Odyssée du sous-marin Nerka comme étant « un archétype, un classique, un modèle du genre ». Si ce dernier ne parle pas de L’Espion noir et des Maudits, Laurent Aknin donne d’autres titres emblématiques, avant d’en venir plus précisément au film de Robert Wise, en expliquant pourquoi Run Silent, Run Deep a été une révolution, en l’occurrence pour son intrigue qui se déroule presque entièrement dans le sous-marin et ce pour la première fois au cinéma. L’importance du son, l’utilisation du langage technique, la photo, la figure de l’adversaire (ou le japonais qui remplace l’allemand, devenu un allié), les conditions de tournage, le casting, la mise en scène et la carrière de Robert Wise, la musique et les films de sous-marin plus récents (Laurent Aknin déclare que Le Chant du loup a été une très grande surprise pour lui) sont aussi les éléments abordés au cours de ce bonus toujours intéressant made in Rimini Éditions.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

L’éditeur reprend vraisemblablement le même master HD sorti en septembre 2014 chez Kino Lorber. Une copie qui a évidemment quelques heures de vol, mais qui s’en tire pas trop mal avec une propreté évidente (on excuse les poussières et autres griffures récalcitrantes), un piqué acceptable et des détails appréciables, aussi bien sur les visages (souvent en sueur) que sur les matières, notamment le métal dans le sous-marin. L’ensemble est stable, les contrastes soignés (un ou deux effets de pulsations, mais rien de grave), la texture argentique préservée, la luminosité bien équilibrée et même si les stockshots se voient comme le nez au milieu de la figure et occasionnent une perte de la définition (aussi notable sur des scènes semblant provenir d’une autre source), le Blu-ray (au format 1080p) permet de revoir L’Odyssée du sous-marin Nerka dans de bonnes conditions.

En ce qui concerne la version anglaise DTS-HD Master Audio 2.0, peu de choses à signaler, si ce n’est que le confort acoustique est éloquent, les dialogues dynamiques, en dépit de fluctuations. Peut-être un sifflement sensible en fond, mais rien de rédhibitoire. La version française se concentre essentiellement sur le report des voix. Une piste de bonne facture. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Rimini Editions / MGM / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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