LE SPORT FAVORI DE L’HOMME (Man’s Favorite Sport ?) réalisé par Howard Hawks, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 8 décembre 2020 chez Elephant Films.
Acteurs : Rock Hudson, Paula Prentiss, Maria Perschy, Charlene Holt, John McGiver, Roscoe Karns, James Westerfield, Norman Alden…
Scénario : John Fenton Murray & Steve McNeil, d’après la nouvelle « The Girl Who Almost Got Away » de Pat Frank
Photographie : Russell Harlan
Musique : Henry Mancini
Durée : 2h
Année de sortie : 1964
LE FILM
Si Roger Willoughby a écrit un excellent livre sur la pêche, personne ne se doute qu’il n’aime pas du tout ce sport, et encore moins les poissons. Pourtant, une publiciste va l’inscrire dans un concours de pêche où il va bien devoir gagner pour sauver la face…
Rétrospectivement, Le Sport favori de l’homme – Man’s Favorite Sport ? est le préantépénultième, autrement dit l’avant-avant-avant-dernier long-métrage du grand Howard Hawks (1896-1977), qui ne devait réaliser par la suite que le méconnu Ligne rouge 7000 – Red Line 7000 (1965) avec James Caan en pilote automobile, ainsi que les deux déclinaisons de son chef d’oeuvre Rio Bravo (1959), à savoir El Dorado (1966) et Rio Lobo (1970) avec John Wayne. Deux ans après Hatari ! (1962) qui mettait à l’honneur la chasse, le cinéaste utilise un autre sport comme vecteur, la pêche, pour se pencher sur les rapports entre les hommes et les femmes dans Le Sport favori de l’homme. La pêche, ce « sport favori » éponyme en version française, n’est pas plus celle du poisson que celle de l’homme ou de la femme devenant la proie ou le prédateur de l’autre. Certes, il y a bien un concours de pêche dans Man’s Favorite Sport ? (le point d’interrogation indique d’ailleurs le questionnement sur la nature de l’activité physique en question), mais le spectateur assiste avant tout au jeu de séduction savamment orchestré par maître Hawks entre Rock Hudson et la sublimissime Paula Prentiss, dont la dynamique, le charisme, le talent et la sensualité renvoient à ceux de Katharine Hepburn et de Cary Grant dans L’Impossible Monsieur Bébé – Bringing up Baby plus de 25 ans auparavant, dont il reprend même quelques motifs et quiproquos. C’est dire l’immense réussite du Sport favori de l’homme, qui détonne quelque peu dans l’univers de la comédie hollywoodienne du moment et qui renvoie pour ainsi dire dix ans en arrière, mais avec laquelle Howard Hawks, 68 ans au moment du tournage, démontrait à quel point il en avait encore sous le capot, surtout lorsqu’il s’agit de mettre à mal la gent masculine et de mettre en valeur l’imposture généralisée de la société.
Roger Willoughby est un sympathique vendeur d’articles de pêche, domaine dans lequel il excelle (du moins le pense-t-on), travaillant dans un magasin réputé de Floride. D’ailleurs, les clients affluent pour solliciter ses précieux conseils. Afin de faire parler de son commerce, son patron décide de l’inscrire à son insu à un grand concours sur le lac Wakapoogee. Confiant dans le talent de son employé, il espère ainsi un formidable coup de publicité. Pour Roger, c’est une mauvaise nouvelle. En effet, il n’a jamais révélé à qui que ce soit qu’il détestait la pêche. Pire : manger du poisson l’horripile. Il est contraint de révéler à l’organisatrice du concours, la charmante Abigail Page, qu’il déteste le poisson…
Le Sport favori de l’homme est l’adieu à la comédie d’un scénariste et metteur en scène de génie, qui dans sa riche et éclectique filmographie, a signé quelques longs-métrages représentatifs de la screwball comedy. S’il aurait bien voulu retrouver Cary Grant avec lequel il avait collaboré entre autres sur les comédies L’Impossible monsieur Bébé (1938), La Dame du vendredi – His Girl Friday (1940) et Allez coucher ailleurs – I Was a Male War Bride (1949), Howard Hawks devra finalement essuyer le refus de celui qu’il considérait comme étant « de loin le meilleur et qu’aucun ne pouvait se comparer à lui ». Mais il ne perd rien au change en engageant Rock Hudson, qui s’était largement imposé dans ce registre sous la direction de Robert Mulligan, Delbert Mann et Michael Gordon depuis le début des années 1960, après les mélodrames de Douglas Sirk. La comédie semblait toujours agir comme une récréation pour l’acteur, qui excellait comme toujours dans le burlesque, surtout quand celui-ci se retrouvait face à une femme au caractère bien trempé. C’est encore le cas ici dans Man’s Favorite Sport ?, où il est confronté à la divine Paula Prentiss, qui crève littéralement l’écran. Diaboliquement sexy, ses yeux de biche rendraient n’importe quel homme fou amoureux, ainsi que sa voix grave et son sourire enjôleur. C’est peu dire que le couple fait des étincelles dans Le Sport favori de l’homme. Et comme bien souvent chez Howard Hawks, les acteurs et donc les personnages satellites grouillant autour du noyau central comme des électrons sont irrésistibles, de Maria Perschy à John McGiver, en passant par Charlene Holt, Roscoe Karns et Norman Alden, hilarant dans la peau de John Aigle Braillard, qui vole toutes les scènes dans lesquelles il apparaît.
Sur un bijou de scénario de John Fenton Murray et Steve McNeil (mais aussi de la fidèle Leigh Brackett, même si elle n’est pas mentionnée au générique) d’après la nouvelle The Girl Who Almost Got Away de Pat Frank, sans compter la magnifique photographie colorée de Russell Harlan (La Captive aux yeux clairs, Graine de violence, La Vie passionnée de Vincent van Gogh, Rio Bravo), la partition toujours virtuose de Henry Mancini, Le Sport favori de l’homme est et demeure un divertissement haut de gamme, une comédie désopilante, une romance furieusement intelligente, qui chatouille autant les sens que les zygomatiques. On se met alors à fantasmer sur le montage original d’Howard Hawks qui dépassait les 150 minutes, une version refusée par Universal qui a purement et simplement coupé plus de trente minutes sans l’accord du cinéaste. En l’état, en dépit de son échec commercial à sa sortie (que Hawks imputera au remontage du studio), Man’s Favorite Sport ? reste un joyau de la comédie américaine sur le thème intemporel de la guerre des sexes.
LE BLU-RAY
Et de trois ! Le Sport favori de l’homme est notre troisième chronique consécutive consacrée au cycle Rock Hudson proposé par Elephant Films. Le film d’Howard Hawks est disponible en DVD, ainsi qu’en combo Blu-ray + DVD, alors qu’une édition Standard existait chez Universal depuis quinze ans. Les autres titres de cette salve sont La Légende de l’épée magique de Nathan Juran, Ne dites jamais adieu de Jerry Hopper, Les Yeux bandés de Philip Dunne et Étranges compagnons de lit de Melvin Frank. Les chroniques de ces deux derniers arrivent très prochainement. Le visuel est typique de la conséquente collection Cinéma Master Class de l’éditeur. Le menu principal est fixe et musical, et la jaquette toujours réversible.
Jean-Pierre Dionnet dresse le portrait de Roy Harold Scherer Jr., connu sous le nom de Rock Hudson (16’), « un des plus grands acteurs du monde, aussi important que Marlon Brando » que certains ont pu découvrir récemment à travers la mini-série Hollywood disponible sur Netflix, dans laquelle l’acteur Jake Picking interprète une version fictionnelle de l’acteur. Les grandes étapes de la carrière du comédien sont abordées, ainsi que ses films les plus emblématiques, son amitié avec Liz Taylor, l’ambiguïté sexuelle de Rock Hudson, sans oublier évidemment sa longue, fructueuse et immense collaboration avec Douglas Sirk.
Journaliste et critique chez Transfuge, Frédéric Mercier, dont nous avons souvent parlé sur Homepopcorn.fr, notamment lors de ses présentations des films de Billy Wilder disponibles en DVD et Blu-ray chez Rimini Editions, intervient ici sur Le Sport favori de l’homme (25’). Il replace ainsi cette œuvre dans la carrière d’Howard Hawks, dévoile les secrets de production (Howard Hawks voulait Cary Grant pour interpréter le rôle principal, qui l’a décliné car se trouvant trop âgé pour séduire trois jeunes femmes à l’écran), évoque le casting, dissèque quelques séquences, y compris le générique d’ouverture, et croise habilement le fond et la forme. Le travail sur la couleur, le thème de la place de la femme dans un monde jusqu’alors mené par les hommes et pour les hommes, celui des apparences et bien d’autres éléments toujours intéressants et malins sont abordés au fil de cette analyse.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.
L’Image et le son
Voilà un beau master HD, qui n’est vraisemblablement pas récent, mais qui s’en sort avec tous les honneurs, surtout du point de vue des couleurs, lumineuses et affirmées dès le générique d’ouverture. La propreté est indéniable, tout comme la stabilité de la copie, le piqué est fort acceptable…même si le grain apparaît parfois bien trop lissé, donnant de temps en temps un teint un peu cireux aux comédiens. Mais le rendu des matières est assez impressionnant. Le Blu-ray est au format 1080p.
La version originale bénéficie d’un mixage nettement plus performant que la piste française. Pour la première option acoustique, l’espace phonique se révèle probant, la composition de Henry Mancini jouit d’une belle ouverture, le confort est concret, et les dialogues clairs et nets. De son côté, la version française apparaît plus feutrée avec des voix qui prennent souvent le pas sur les ambiances et les effets annexes. Que vous ayez opté pour la langue de Shakespeare ou celle de Molière, aucun souffle ne vient parasiter votre projection et l’ensemble reste propre. Les sous-titres français ne sont pas imposés.