EL MERCENARIO (Il Mercenario) réalisé par Sergio Corbucci, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD + Livret le 7 avril 2023 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Franco Nero, Jack Palance, Tony Musante, Giovanna Ralli, Eduardo Fajardo, Álvaro de Luna, Raf Baldassarre, Joe Kamel…
Scénario : Sergio Spina, Adriano Bolzoni, Sergio Corbucci & Luciano Vincenzoni, d’après une histoire originale de Giorgio Arlorio, Franco Solinas & Luciano Vincenzoni
Photographie : Alejandro Ulloa
Musique : Ennio Morricone & Bruno Nicolai
Durée : 1h42
Date de sortie initiale : 1968
LE FILM
Dans un Mexique en révolte, les frères Garcia, propriétaires d’une mine d’argent, souhaitent mettre leur magot à l’abri. Désireux de trouver du renfort, ils recrutent un mercenaire redouté : Sergeï Kowalski, dit « le Polack ». Mais celui-ci est surveillé et suivi comme son ombre par un voleur de grand chemin, qui voit ici l’opportunité de se saisir d’un formidable butin. Mais la partie s’annonce difficile car, sous l’impulsion de Paco Roman, les ouvriers révoltés de la mine se sont emparés de l’argent…
Ça c’est du spectacle. C’est même du très grand spectacle, vous savez du genre à vous coller un sourire jusqu’aux oreilles du début à la fin ! La même année que Le Grand silence – Il Grande silenzio, échec au box-office, Sergio Corbucci se lance dans le western zapata avec El Mercenario, immense film du genre, qui annonce alors la mutation de la représentation à l’écran du Far West telle que nous la connaissions, et l’amorce vers la parodie qui sera définitivement installée avec On l’appelle Trinita – Lo chiamavano Trinità… d’Enzo Barboni, qui sortira deux ans plus tard. Le réalisateur du Justicier du Minnessota – Minnesota Clay, Django, Ringo au pistolet d’or – Johnny d’oro et de Navajo Joe rempile pour un merveilleux récit couché sur celluloïd (ils se sont mis à quatre pour le scénario, dont le célèbre Luciano Vincenzoni, collaborateur de Sergio Leone), dans lequel il fait à nouveau preuve de sa virtuosité. Pas un seul moment de répit durant ces cent minutes, au cours desquelles on ne cesse d’admirer évidemment la composition et l’exploitation du cadre large, mais aussi la confrontation entre Franco Nero et Tony Musante, qui ont l’air de prendre autant de plaisir à se donner la réplique que nous à les regarder jouer au chat et à la souris. On en redemande, c’est du cinoche, du vrai, comme on l’aime.
1912, la frontière entre le Texas et le Mexique. Paco Roman est devenu clown car « mieux vaut être un clown vivant plutôt qu’un péon mort ». Sergei Kowalski, dit « le Polak » se souvient. Paco Roman, exploité sans vergogne dans une mine d’argent de la Sierra Palo comme son père avant lui, s’était révolté contre leurs conditions de travail et avait obligé Alfonso Garcia, le cruel propriétaire, à avaler un lézard, la seule viande qu’on leur laissait manger. Puis, il l’avait chassé prenant le contrôle de la mine et exécutant les contremaîtres. Ignorant cette révolte, dans un Mexique à la veille de la révolution, les autres frères Garcia, propriétaires de la mine, souhaitent mettre leur magot, sept tonnes d’argent, à l’abri. Désireux de trouver du renfort, ils recrutent le Polak, mercenaire redouté, qui vient d’humilier un employé de Curly. Celui-ci tient un casino où il triche allégrement menaçant les joueurs récalcitrant d’une exécution sommaire. Kowalski se rend donc à la mine d’argent avec Curly sur ses traces.
Quel pied franchement…D’emblée, la partition endiablée d’Ennio Morricone, épaulé par Bruno Nicolai, donne le ton. El Mercenario n’est pas un film qui se prendra au sérieux, même si un soin méticuleux, pour ne pas dire maniaque, a été apporté aux décors et aux costumes, Sergio Corbucci étant passionné par l’histoire de la révolution mexicaine. La beauté de la photographie d’Alejandro Ulloa, prolifique et talentueux chef opérateur ayant officié sur Le Miel du diable, California, Terreur dans le Shangaï Express, Photos interdites d’une bourgeoise, Tuez les tous… et revenez seul ! explose dès la première séquence, tandis que nous rencontrons le dénommé Kowalski, aka le Polack, auquel il grande Franco Nero apporte son élégance éternelle. Alors entre deux thrillers, La Mafia fait la loi – Il giorno della civetta de Damiano Damiani et Exécutions – Un detective de Romolo Guerrieri, le comédien, désormais appelé sur la scène internationale, revient au western et s’en donne à coeur joie dans le genre cowboy/chasseur de primes tiré à quatre épingles qui offre ses services (il est expert en armes légères et lourdes, tout en grattant ses allumettes n’importe où) au plus offrant. Sa rencontre avec Paco Roman, qui s’est quelque peu improvisé leader d’un groupe de mexicains révolutionnaires, va faire ses affaires, étant donné que ce dernier s’avère aussi maladroit au maniement des flingues que stratège.
Paco Roman est incarné par l’excellent Tony Musante, découvert dans le génial Les Tueurs de San Francisco – Once a thief de Ralph Nelson, mais dont l’imposante prestation dans le percutant L’Incident – The incident de Larry Peerce l’avait fait remarquer par Franco Nero lui-même, qui l’avait ensuite conseillé à Sergio Corbucci au moment du casting. Mort en 2013, Tony Musante terminera sa carrière chez James Gray, dans The Yards et La Nuit nous appartient – We Own The Night. Outre de fabuleux tandem, la distribution se compose également de l’impérial Jack Palance, que la carrière ramenait souvent en Italie, qui lui aussi tire son épingle du jeu en jouant un personnage sadique qui pourrait être tiré d’un épisode de Lucky Luke hardcore. Sa garde-robe, ses tics (le signe de croix pour rendre hommage à celui qui vient de trépasser sous ses mains ou suite à ses ordres), la scène où il finit dans le plus simple appareil en restant stoïque, Jack Palance vole la vedette à chaque apparition.
Alors, quand ces trois individus se retrouvent et s’affrontent dans une arène déserte en guise de (première) conclusion, comme une relecture du final du Bon, la Brute et le Truand, le spectateur jubile forcément. Pour l’anecdote, Quentin Tarantino pillera une fois de plus ce qui lui est passé devant les yeux ou dans les oreilles, puisqu’il reprendra le thème du film, L’Arena, pour son soporifique Kill Bill : Volume 2. Ah oui, n’oublions pas la sublime Giovanna Ralli dans un rôle fort et marquant, loin de la potiche habituelle du genre et sans doute la plus révolutionnaire d’entre tous parmi les personnages.
El Mercenario est un western zapata puissant et épique, hautement jouissif, bourré d’action, d’humour, d’explosion, de chevauchées, de fusillades et de bagarres, magnifiquement mis en scène, porté par des acteurs exceptionnels, sans aucun temps mort et qui n’a sûrement pas à rougir face aux monuments toujours plus célébrés de Sergio Leone. En 1970, Sergio Corbucci refera équipe avec Franco Nero et Jack Palance, auxquels se joindra Tomás Milián dans Compañeros, autre western « mexicain ».
LE DVD
El Mercenario avait connu une première édition en DVD chez Wild Side Vidéo en 2009, dans la collection Les Introuvables. 2023, le film de Sergio Corbucci atterrit dans la besace de Sidonis Calysta, éditeur qui le présente désormais en DVD, mais aussi en Combo Blu-ray + DVD dans l’anthologie Silver. Le menu principal de l’édition Standard est animé et musical.
Sur le DVD (nous n’avons pas bu obtenir le Blu-ray, désolé), nous ne trouvons que la bande-annonce originale, ainsi qu’une présentation du film par Jean-François Giré (18’). Une belle et riche intervention, qui indique tout d’abord qu’El Mercenario, production Alberto Grimaldi, devait être réalisé par Gillo Pontecorvo (La Bataille d’Alger, Queimada, Kapò), d’après un scénario de Franco Salinas. Un western révolutionnaire dit zapata, finalement repris par Sergio Corbucci (la même année que Le Grand silence), qui reprendra l’histoire et se la réappropriera, en la mettant à sa sauce. Pour Jean-François Giré, El Mercenario « fait partie des meilleurs westerns zapatas », puis revient en long en large sur le casting (Eli Wallach et James Coburn avaient été pressentis pour le rôle du Polack), le montage, la musique d’Ennio Morricone et la mise en scène.
L’Image et le son
À l’exception d’une poignée de plans flous (à l’instar de la première apparition de Jack Palance), d’une compression parfois aléatoire et d’un piqué un peu émoussé, ce DVD d’El Mercenario s’en tire avec les honneurs et s’avère même très beau dès le générique. La propreté est de mise, les couleurs sont éclatantes, la luminosité est omniprésente, la texture argentique préservée, les contrastes sont denses, les détails sont appréciables, surtout sur les nombreux gros plans.
Rien à redire à propos des pistes anglaise et française Dolby Digital 2.0, amplement suffisantes et accompagnant efficacement le film. Aucun souffle constaté sur les deux pistes ici présentes et les dialogues restent très clairs tout du long, même si beaucoup moins en VF. La musique tient également une place prépondérante et aucun accroc ne vient perturber sa restitution. Les sous-titres français ne sont pas imposés. En revanche, les puristes noteront l’absence du doublage italien…ce qui pourra en faire rager plus d’un. D’autant plus que le doublage de Franco Nero paraît inapproprié.
Crédits images : © Sidonis Calysta / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr
Une réflexion sur « Test DVD / El Mercenario, réalisé par Sergio Corbucci »