Test DVD / Monsieur, le Maire, réalisé par Karine Blanc & Michel Tavares

MONSIEUR, LE MAIRE réalisé par Karine Blanc & Michel Tavares, disponible en DVD le 6 mars 2024 chez UGC.

Acteurs : Clovis Cornillac, Eye Haïdara, Laurence Côte, Jean-Pierre Martins, Sophie Guillemin, Shirel Nataf, Cassie Makoumbo Fowe, Mehdi Senoussi…

Scénario : Karine Blanc & Michel Tavares

Photographie : Romain Le Bonniec

Musique : Jérôme Rebotier & Geoffroy Berlioz

Durée : 1h44

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Paul Barral est le maire de Cordon, une petite commune rurale en Haute-Savoie dans les Alpes. Il subit la désertification et le vieillissement de la population et doit se battre contre la fermeture des commerces et des salles de classe. Alors qu’il cherche désespérément comment attirer de nouveaux habitants, l’arrivée de mères célibataires en situation difficile constitue peut-être la clé pour ramener de la vie dans ce village peu habitué au changement et à l’agitation.

Recherche succès désespérément…Décidément, ce bon vieux Clovis Cornillac peine à remonter la pente depuis quelques années et finalement seules deux de ses mises en scène, Couleurs de l’incendie et Belle et Sébastien 3 : Le Dernier Chapitre lui auront permis de retrouver quelque peu les faveurs du public. Car on ne peut pas dire que Les Têtes givrées (120.000 entrées), C’est magnifique (175.000 entrées) et Si on chantait (220.000 entrées) ont laissé des traces dans la mémoire des spectateurs, à part peut-être Les Vétos (640.000 entrées) et on l’espère Les Chatouilles (370.000 entrées). Malgré tout, l’acteur âgé aujourd’hui de 55 ans (dont près de 40 passés devant la caméra) n’a jamais cessé d’enchaîner les films et de tenir le haut de l’affiche. C’est le cas de son dernier opus en date, Monsieur, le Maire, coréalisé par Karine Blanc et Michel Tavares, qui livrent leur premier long-métrage et qui avaient déjà collaboré par le passé sur le court-métrage 3 gouttes d’Antésite. Habituellement producteurs associés, ils signent un coup d’essai sympathique, certes pas transcendant et que beaucoup qualifieront de « téléfilmesque », mais qui tient sur la durée grâce à l’investissement et à l’excellence de ses comédiens, Clovis Cornillac donc, mais aussi et surtout de la géniale Eye Haïdara, que l’on a plaisir à revoir depuis son explosion dans Le Sens de la fête d’Éric Toledano et Olivier Nakache. Pour résumer, Monsieur, le Maire est complètement anecdotique, mais fait oublier les soucis pendant 1h40 et le cinéma sert également (pour ne pas dire avant tout) à cela.

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Test DVD / Le Théorème de Marguerite, réalisé par Anna Novion

LE THÉORÈME DE MARGUERITE réalisé par Anna Novion, disponible en DVD & Blu-ray le 5 mars 2024 chez Pyramide Vidéo.

Acteurs : Ella Rumpf, Jean-Pierre Darroussin, Clotilde Courau, Julien Frison, Sonia Bonny, Xiaoxing Cheng, Idir Azougli, Camille de Sablet…

Scénario : Agnès Feuvre, Marie-Stéphane Imbert, Anna Novion & Mathieu Robin

Photographie : Jacques Girault

Musique : Pascal Bideau

Durée : 1h48

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

L’avenir de Marguerite, brillante élève en Mathématiques à l’ENS, semble tout tracé. Seule fille de sa promo, elle termine une thèse qu’elle doit exposer devant un parterre de chercheurs. Le jour J, une erreur bouscule toutes ses certitudes et l’édifice s’effondre. Marguerite décide de tout quitter pour tout recommencer.

Il y a une dizaine d’années, la réalisatrice Anna Novion nous enchantait avec Rendez-vous à Kiruna (la ville la plus connue de la Laponie suédoise), un petit road-movie bourré de charme et d’émotion. Elle revient au cinéma après avoir signé quelques épisodes de la série Le Bureau des légendes, avec Le Théorème de Marguerite, dans lequel la cinéaste explore à nouveau un cheminement intérieur, ici celui d’une jeune femme de 25 ans, superbement interprétée Ella Rumpf, comédienne franco-suisse révélée dans Grave de Julia Ducournau, où elle volait d’ailleurs la vedette à Garance Marillier à chaque apparition. Actrice magnétique vue récemment dans les séries Succession et Tokyo Vice, elle explose littéralement dans Le Théorème de Marguerite, pour lequel elle vient d’être récompensée par le César de la meilleure révélation féminine, damnant ainsi le pion à l’excellente Rebecca Marder, alors favorite pour son rôle dans De grandes espérances de Sylvain Desclous. Là où les protagonistes évoluaient dans de magnifiques paysages suédois, le comportement de Marguerite et ses décisions vont muter hors des murs de l’École Nationale Supérieure où elle s’est enfermée depuis plusieurs années, à la suite d’un événement qui va remettre en question tout le travail effectué dans le cadre de sa thèse. À l’instar du personnage de Jean-Pierre Darroussin dans Rendez-vous à Kiruna, architecte parisien ronchon qui avait vécu toute sa vie en apnée et qui retrouvait alors un second souffle inattendu lors d’une « mission » troublante à l’étranger et à laquelle il ne pouvait échapper, Marguerite replonge dans la jungle urbaine et va devoir apprendre à penser à elle pour la première fois de son existence. Décidément, 2023 a été une des plus belles années pour le cinéma français depuis longtemps et Le Théorème de Marguerite est sans doute l’un des plus beaux de ses derniers fleurons.

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Test Blu-ray / Mausoleum, réalisé par Michael Dugan

MAUSOLEUM réalisé par Michael Dugan, disponible en Blu-ray chez Pulse Vidéo.

Acteurs : Bobbie Bresee, Marjoe Gortner, Norman Burton, LaWanda Page…

Scénario : Robert Barich, Robert Madero & Katherine Rosenwink

Photographie : Robert Barich

Musique : Jaime Mendoza-Nava

Durée : 1h37

Année de sortie : 1983

LE FILM

Traumatisée par la mort de sa mère, qu’elle pense due à la possession par un démon, Susan commence à ressentir elle aussi ce même démon qui l’habite. De plus en plus, son mari et son médecin remarquent de troublants changements en elle…

Mausoleum est resté culte dans nos contrées pour avoir remporté le Prix spécial du Jury au Festival National du Film Fantastique de Paris, tandis que sa tête d’affiche, la sculpturale et plantureuse Bobbie Bresee était récompensée par le Prix de la meilleure actrice. Tandis qu’Amityville, la maison du diable de Stuart Rosenberg et Poltergeist de Tobe Spielberg Hooper viennent de cartonner, qu’Evil Dead de Sam Raimi débarque dans les salles, Mausoleum tente de se faire une place dans le genre horrifique de possession, d’exorcisme et d’esprits maléfiques. S’il n’arrive pas à la cheville des films mentionnés, des monuments plutôt, l’opus mis en scène par Michael Dugan parvient à tirer son épingle du jeu grâce à sa comédienne principale, peu avare de ses charmes (bien rebondis), dont le charme, le sex-appeal et le talent (oui, quand même) élèvent Mausoleum au rang de sympathique curiosité.

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Test DVD / Nouveau départ, réalisé par Philippe Lefebvre

NOUVEAU DÉPART réalisé par Philippe Lefebvre, disponible en DVD le 7 février 2024 chez Orange Studio.

Acteurs : Franck Dubosc, Karin Viard, Clotilde Courau, Youssef Hajdi, Tom Leeb, Clémentine Baert, Bérengère Krief, Louise Orry-Diquéro…

Scénario : Philippe Lefebvre & Maria Pourchet, d’après le scénario original de Daniel Cúparo & Juan Vera

Photographie : Axel Cosnefroy

Musique : Philippe Kelly

Durée : 1h32

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Amoureux de Diane comme au premier jour, Alain traverse la cinquantaine sans crise. Même le départ des enfants, il l’a bien vécu. Diane moins.… Cette période, elle l’entame avec la sensation qu’elle pourrait mourir d’ennui ou d’angoisse. Pour Alain, qui voit pour la première fois son couple vaciller, il est temps de se poser les questions essentielles, et de prendre un risque majeur après 30 ans de vie commune : quitter Diane pour réveiller la flamme et l’envie de se retrouver.

Nouveau départ est à la base le remake du film argentin El amor menos pensado, sorti chez nous sous le titre Retour de flamme, avec le grand Ricardo Darín. Décidément, la comédie sud-américaine « inspire » le cinéma français, puisqu’Un coup de maître de Rémi Bezançon, Citoyen d’honneur de Mohamed Hamidi, 7 jours pas plus d’Héctor Cabello Reyes et Un homme à la hauteur de Laurent Tirard étaient aussi des adaptations de films provenant du « Pays de l’argent ». Le projet a été confié à Philippe Lefebvre, scénariste (complice de Guillaume Canet), comédien et réalisateur (Le Siffleur), qui après quelques séries (Fais pas ci, fais pas ça, Les Chamois, Sam), fait son retour au cinéma avec son deuxième long-métrage comme metteur en scène. Nouveau départ se penche sur la relation d’un homme et d’une femme, mariés depuis trente ans, atteints par syndrome du nid vide, quand leur deuxième et dernier enfant s’envole au Japon pour y faire ses études. Alors qu’un sentiment de tristesse et de solitude s’empare de Diane, son mari Alain, profondément amoureux de son épouse, se rend compte qu’ils n’ont peut-être pas vieilli de la même façon. Cette comédie tendre est impeccablement campée par le tandem Karin Viard – Franck Dubosc, qui s’ils se connaissaient depuis l’adolescence (ils ont fréquenté en même temps le conservatoire de Rouen), ne s’étaient jamais encore donnés la réplique, même s’ils avaient partagé l’affiche des Visiteurs – La Révolution. Avec sa coscénariste Maria Pourchet (King), Philippe Lefebvre signent un film très attachant et sans doute universel. Son échec relatif dans les salles (285.000 entrées, c’est peu avec ces têtes d’affiche) sera rattrapé plus tard et Nouveau départ devrait en toute logique connaître une seconde vie par la suite, ce qu’on lui souhaite et ce qu’il mérite largement.

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Test Blu-ray / Silent Night, réalisé par John Woo

SILENT NIGHT réalisé par John Woo, disponible en DVD & Blu-ray le 29 février 2024 chez Metropolitan Vidéo.

Acteurs : Joel Kinnaman, Catalina Sandino Moreno, Kid Cudi, Harold Torres, Vinny O’Brien, Yoko Hamamura, Anthony Giulietti, John Pollack…

Scénario : Robert Archer Lynn

Photographie : Sharone Meir

Musique : Marco Beltrami

Durée : 1h44

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

En couple avec Saya, Brian Godlock est un père de famille comme tout le monde. En cette veille des fêtes de fin d’année, son jeune fils est tué, victime collatérale d’une guerre des gangs. Godlock va alors décider de se venger. Ignorant tous les codes, il va devoir se rendre dans les bas-fonds de la pègre et dans ce monde qu’il ne connaît pas, pour tuer les responsables de la mort de son enfant.

Pourquoi tant de haine autour du dernier long-métrage en date de John Woo ? Vingt ans après Paycheck, le réalisateur chinois fait son retour à Hollywood pour un nouveau film d’action, qui présente pour particularité de ne comprendre aucun dialogue, si ce n’est en fond, par radio ou à la télévision. Même chose, on a beaucoup entendu qu’il s’agissait d’un opus au rabais, pourtant Silent Night n’a rien d’un « John Wish », même s’il est inévitable de penser à la saga avec Keanu Reeves. En fait, il s’agit ici d’un mix entre John Wick (avec les mêmes producteurs Erica Lee et Basil Iwanyk aux manettes) et Un justicier dans la ville et le maître hongkongais (né en 1946) ne s’en cache pas, il connaît bien sûr les clichés inévitables, qu’il n’évite pas, mais qu’il embrasse au contraire avec une totale décontraction. Évidemment, ceux qui s’attendent à retrouver la virtuosité du Syndicat du crime, The Killer, Une balle dans la tête et bien d’autres seront sans doute déçus, pourtant, le cinéaste renoue avec l’efficacité plus édulcorée dirons-nous qui avait fait ses preuves dans Chasse à l’homme, Broken Arrow, Volte-Face et Mission impossible 2. Il n’y a rien de déshonorant dans Silent Night, le film étonne même par son émotion et la belle installation des personnages dans le premier acte, malgré son absence quasi-totale de dialogues et qui repose entre autres sur l’intense prestation du suédois Joel Kinnaman. Un bon ride, un divertissement soigné, un spectacle haut de gamme.

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Test 4K UHD / Incubus, réalisé par Leslie Stevens

INCUBUS réalisé par Leslie Stevens, disponible en Combo Blu-ray + 4K UHD le 14 décembre 2023 chez Le Chat qui fume

Acteurs : William Shatner, Allyson Ames, Eloise Hardt, Robert Fortier, Milos Milos, Ann Atmar…

Scénario : Leslie Stevens

Photographie : Conrad L. Hall

Musique : Dominic Frontiere

Durée : 1h14

Date de sortie initiale : 1965

LE FILM

Situé au bord de l’océan, le village de Nomen Tuum a tout d’un lieu paradisiaque. On y trouve un puits, la Fontaine du Cerf, au fond duquel coule une source aux vertus curatives. Mais cet endroit a aussi attiré des succubes, démons à l’apparence de belles femmes, recherchant des âmes corrompues pour les livrer au Dieu des Ténèbres. L’une d’elles, Kia, a jeté son dévolu sur une âme pure : Marko, ancien soldat rentré au pays après avoir été blessé et qui vit modestement dans une ferme avec sa soeur, Arndis. Kia séduit Marko, qui tombe rapidement amoureux de la jeune femme, ignorant sa véritable nature.

En 2017, nous faisions la découverte de Propriété privée Private Property. Longtemps considéré comme définitivement perdu – en raison d’un incendie qui aurait tout dévasté – avant qu’une copie 35mm soit finalement retrouvée par l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA). Propriété privée était en réalité une vraie perle rare du film noir des années 1960, qui demeurait invisible depuis sa sortie. Premier film réalisé par le cinéaste américain Leslie Clark Steven IV alias Leslie Stevens (1924-1998), célèbre pour avoir créé la série Au-delà du réel en 1963, ce drame-thriller que l’on pourrait qualifier de néo-hitchcockien, marquait les débuts au cinéma du comédien Warren Oates, qui signait sa troisième apparition à l’écran. 2024, Incubus, le troisième long-métrage de Leslie Stevens connaît quelque peu le même sort et se révèle être une autre expérience cinématographique tout aussi originale. Après l’annulation de la série Au-delà du réel en 1965 par ABC, le réalisateur signe un scénario afin de réunir son équipe technique habituelle, entre autres le directeur de la photographie Conrad L. Hall (De sang-froid, Electra Glide in Blue, Luke la main froide, Marathon Man, American Beauty) et le compositeur Dominic Frontiere (Pendez-les haut et court, Roar), en vue de l’exploiter dans les cinémas art et essai. Le plus surprenant sur Incubus et ce qui l’a fait entrer dans l’histoire du cinéma, est d’avoir été tourné en langue espéranto (les acteurs ayant appris phonétiquement leurs répliques à cette occasion), le second des trois films à avoir adopté ce langage dit « universel » au cinéma, ce qui selon le cinéaste ajoutait une dimension étrange à son récit. Ce procédé ne vaut pas celui de The Man from Another Place dans la série Twin Peaks, mais on s’en rapproche, même si seuls les espérantophones sauront juger de la qualité de la prononciation des acteurs. Incubus, emballé en un plus de deux semaines avec un budget très modeste, est quasiment inclassable et le résultat oscille entre les œuvres d’Ingmar Bergman (pour ce qui est du décor et des silhouettes perdues dans l’immensité de la nature) et de Carl Theodor Dreyer (en ce qui concerne la capture des visages et du thème central de l’amour). Une curiosité sur laquelle les cinéphiles devraient tous se pencher à un moment donné de leur parcours du septième art, d’autant plus que ce long-métrage avait été longtemps perdu…

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Test DVD / Les Feuilles mortes, réalisé par Aki Kaurismäki

LES FEUILLES MORTES (Kuolleet lehdet) réalisé par Aki Kaurismäki, disponible en DVD et Blu-ray le 6 février 2024 chez Diaphana.

Acteurs : Martti Suosalo, Alma Pöysti, Alina Tomnikov, Jussi Vatanen, Janne Hyytiäinen, Sherwan Haji, Sakari Kuosmanen, Nuppu Koivu…

Scénario : Aki Kaurismäki

Photographie : Timo Salminen

Durée : 1h17

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Deux personnes solitaires se rencontrent par hasard une nuit à Helsinki et chacune tente de trouver en l’autre son premier, unique et dernier amour. Leur chemin vers ce but louable est obscurci par l’alcoolisme de l’homme, la perte d’un numéro de téléphone, l’ignorance de leur nom et de leurs adresses réciproques. La vie a tendance à mettre des obstacles sur la route de ceux qui cherchent le bonheur.

C’est chaque fois la même chose ou presque avec Aki Kaurismäki. On connaît la musique, on sait ce qui nous attend, on se dit qu’il va nous ressortir la même galerie de personnages et pourtant au final on est cueilli. Les Feuilles mortesKuolleet lehdet est le vingtième long-métrage du réalisateur finlandais (sans compter ses nombreux clips musicaux, ses courts-métrages et ses segments de films collectifs) et cet opus ne s’écarte pas d’intentions et de partis-pris esthétiques déjà installés par le passé, ce qui donne souvent au cinéma d’Aki Kaurismäki un aspect aussi intemporel qu’anachronique. Récompensé par le Prix du Jury au Festival de Cannes, Les Feuilles mortes n’est pas le troisième et dernier volet de la trilogie des migrants constituée des films Le Havre (2011) et L’Autre Côté de l’espoir (2017), mais un « complément » à celle du prolétariat, initiée en 1986 avec Ombres au paradis, qui sera aussi prolongée d’Ariel (1988) et de La Fille aux allumettes (1990). Si le cinéaste avait déclaré prendre sa retraite après L’Autre Côté de l’espoir, il en sort donc six ans après pour nous livrer un nouveau bijou. Rapide (75 minutes), concis, merveilleusement interprété, drôle, politique, Les Feuilles mortes foudroie autant le coeur que l’âme. Un des indispensables de 2023.

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Test Blu-ray / Gold Run – Le Convoi de l’impossible, réalisé par Hallvard Bræin

GOLD RUN – LE CONVOI DE L’IMPOSSIBLE (Gulltransporten) réalisé par Hallvard Bræin, disponible en DVD et Blu-ray le 27 janvier 2024 chez Condor Entertainment.

Acteurs : Jon Øigarden, Ida Elise Broch, Sven Nordin, Eivind Sander, Axel Bøyum, Morten Svartveit, Anatole Taubman, Thorbjørn Harr…

Scénario : Thomas Moldestad, Jørgen Storm Rosenberg & Sofia Lersol Lund, d’après une histoire originale de Lasse Lindtner & Arne Lindtner Næss

Photographie : Oskar Dahlsbakken

Musique : Christian Wibe

Durée : 1h57

Date de sortie initiale : 2022

LE FILM

Le 9 avril 1940, les soldats allemands entrent dans Oslo pour s’emparer de trois cibles : le roi, le gouvernement et l’or du pays. En quelques heures chaotiques, le secrétaire parlementaire Fredrik Haslund réunit une équipe improbable, composée de sa soeur Nini, d’employés de banque, de chauffeurs de camion et du célèbre poète Nordahl Grieg, pour mener à bien une mission top secrète et périlleuse : déplacer plus de cinquante tonnes d’or à travers le pays pour atteindre un convoi maritime allié.

Si l’on vous demande de citer quelques réalisateurs norvégiens, vous nous répondez ? Bent Hamer oui (les géniaux Factotum et 1001 grammes), Erik Poppe peut-être (le troublant Utøya, 22 juillet), Joachim Trier bien sûr (les sublimes Oslo, 31 août, Julie (en 12 chapitres)), Mortel Tyldum (connu pour Imitation Game et Passengers) ou Harakld Zwart si vous êtes vicieux (La Panthère rose 2, The Mortal Instruments : La Cité des ténèbres). On se rend compte qu’Hollywood ne s’est jamais gêné pour aller chercher des metteurs en scène du côté du pays du soleil de minuit, susceptibles d’apporter un peu d’originalité à leurs grosses productions. Étrange que la Mecque du Cinéma n’ait jamais fait appel à Hallvard Bræin (né en 1965), pourtant remarqué avec sa sympathique et recommandable trilogie Børning (2014, 2016 et 2020), relecture nordique de la franchise Fast & Furious, mais avec plus d’acteurs sans calvitie. Avec son dernier opus en date, Gold Run – Le Convoi de l’impossible, ou Gulltransporten en version originale, il rend un très bel hommage au cinéma d’aventure d’antan, en s’inspirant d’une histoire vraie et méconnue survenue durant la Seconde Guerre mondiale. Oui, encore une. Durant près de deux heures, le cinéaste enchaîne les rebondissements durant ce qui s’apparente à un vrai road-movie, un survival (pour les hommes, mais aussi pour l’économie du pays), un film de guerre évidemment, le tout saupoudré d’émotions et surtout très bien interprété par une belle brochette d’acteurs du cru. Une bonne surprise.

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Test Blu-ray / Smooth Talk, réalisé par Joyce Chopra

SMOOTH TALK réalisé par Joyce Chopra, disponible en Blu-ray le 5 mars 2024 chez Carlotta Films.

Acteurs : Treat Williams, Laura Dern, Mary Kay Place, Margaret Welsh, Sara Inglis, Levon Helm, Elizabeth Berridge, Geoff Hoyle, William Ragsdale…

Scénario : Tom Cole, d’après une nouvelle de Joyce Carol Oates

Photographie : James Glennon

Musique : Russ Kunkel, George Massenburg & Bill Payne

Durée : 1h31

Année de sortie : 1985

LE FILM

Pour ses vacances d’été, Connie, lycéenne de 15 ans en pleine crise d’adolescence, est coincée à la campagne avec ses parents et sa sœur aînée. Horrifiée à l’idée de passer du temps en famille, la jeune fille préfère traîner avec ses deux meilleures amies au centre commercial et flirter avec les garçons. Elle finit par éveiller la curiosité d’un certain Arnold Friend, jeune homme charismatique et enjôleur aux desseins ambigus…

Smooth Talk est l’adaptation sortie en 1985 de la nouvelle Where Are You Going, Where Have You Been? (1966) de Joyce Carol Oates, sortie en France dans le recueil CorpsThe Wheel of Love and Other Stories, paru chez Stock dans les années 1970, puis réédité sous le titre Démons chez Aubier-Flammarion quelques temps plus tard, mais indisponible depuis dans nos contrées. L’amour et les relations entre les hommes et les femmes sont au coeur de la nouvelle originale et donc de ce film complètement méconnu chez nous. Réalisé par Joyce Chopra (née en 1936), Smooth Talk est le premier des deux longs-métrages de la cinéaste, qui fera surtout sa carrière à la télévision et qui reviendra d’ailleurs à Joyce Carol Oates avec une adaptation de son livre Blonde, qu’elle transposera en 2001 avec Poppy Montgomery dans le rôle de Marilyn Monroe. C’est la première fois au cinéma que l’univers et le langage de l’écrivaine sont retranscrits, bien avant les deux versions de Foxfire: Confessions of a Girl Gang, dont celle (excellente) signée Laurent Cantet et l’on y retrouve évidemment quelques-uns de ses thèmes de prédilection, l’adolescence, la jeunesse rebelle, en dressant le portrait d’une adolescente voulant s’émanciper et se révolter contre ses parents, en particulier sa mère, tout en étant très attirée par la gent masculine. Smooth Talk est une chronique remarquablement interprétée entre autres par la jeune et déjà imposante Laura Dern, alors âgée de 18 ans, dont la prestation convaincra David Lynch pour l’engager sur Blue Velvet l’année suivante. C’est dire si Smooth Talk vaut le détour !

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Test DVD / Fermer les yeux, réalisé par Víctor Erice

FERMER LES YEUX (Cerrar los ojos) réalisé par Víctor Erice, disponible en DVD le 3 janvier 2024 chez Blaq Out.

Acteurs : Manolo Solo, Jose Coronado, Ana Torrent, Petra Martínez, María León, Mario Pardo, Helena Miquel, Antonio Dechent…

Scénario : Víctor Erice & Michel Gaztambide

Photographie : Valentín Álvarez

Musique : Federico Jusid

Durée : 2h42

Année de sortie : 2023

LE FILM

Julio Arenas, un acteur célèbre, disparaît pendant le tournage d’un film. Son corps n’est jamais retrouvé, et la police conclut à un accident. Vingt-deux ans plus tard, une émission de télévision consacre une soirée à cette affaire mystérieuse, et sollicite le témoignage du meilleur ami de Julio et réalisateur du film, Miguel Garay. En se rendant à Madrid, Miguel va replonger dans son passé…

1973, à travers une épure extrême et l’interprétation quasi-surréaliste de la petite et sensationnelle Ana Torrent, âgée de 7 ans, le réalisateur Víctor Erice (né en 1940) filme le malaise et les frustrations de l’Espagne meurtrie par la dictature franquiste. Le spectateur doit alors composer avec certaines longueurs, des ellipses et l’apparente froideur de l’ensemble. Il ne tient qu’à lui de se laisser porter par l’immense poésie qui se dégage du film, de voir au-delà des silences et du regard d’Ana pour y décrypter une critique virulente du régime en place. L’Esprit de la rucheEl espíritu de la colmena est le film catalyseur d’un cinéma contestataire et engagé où allait s’engouffrer une poignée de cinéastes, comme Carlos Saura, qui réalisera Cria Cuervos quelques années plus tard… avec Ana Torrent. Bien avant Le Labyrinthe de Pan, le chef d’oeuvre de Guillermo del Toro, Víctor Erice exprime les maux d’un pays marqué par la guerre civile et vampirisé par la dictature. Dans un monde où le langage et la communication semblent interdits, Ana, cinq ans, imagine tout ce qu’on lui cache. Sa capacité à observer et à croire à ce qu’elle voit lui permet de vivre. Elle se rendra compte qu’il lui faudra, pour grandir, explorer seule des territoires inconnus et prendre des risques. Ana parviendra finalement à s’échapper grâce au rêve et à son imagination. La jeune actrice impose déjà son intense regard noir « perçant l’ombre » dont Víctor Erice capte les moindres expressions comme lorsqu’Ana visionne Frankenstein (la version de James Whale) au début du film. Elle découvre ainsi la violence humaine dans l’injustice de la mort. À l’aide de son chef opérateur Luis Cuadrado, qui commençait à perdre la vue sur le tournage, Víctor Erice réalise un film d’une incroyable beauté plastique. La mise en scène sublime, lumineuse, d’une richesse inouïe, explore la frontière entre l’enfance et le monde des adultes, la réalité et la fiction, la vie et la mort. Afin de ne pas subir les foudres de la censure franquiste, il use de la métaphore poétique et du regard des enfants sur le monde adulte. Tourné au cours des dernières années du franquisme, L’Esprit de la ruche est passé à travers les mailles de la censure qui n’a su trouver les arguments pour interdire le film et ce malgré de nombreux spectateurs le critiquant, ouvrant ainsi une voie nouvelle dans le cinéma espagnol. Dix ans plus tard, Víctor Erice revient avec El Sur. L’action se déroule en Espagne dans les années 1950. Dans une maison, appelée « La Mouette » et située dans un village du Nord, vivent Agustín, médecin et sourcier, son épouse, institutrice révoquée de l’enseignement après la Guerre civile, et leur petite fille, Estrella. Le réalisateur adopte à nouveau le point de vue d’une enfant, fascinée et en adoration pour son père. Des sentiments malmenés quand celle-ci découvre que celui qui lui a donné la vie a aimé une autre femme qu’il a laissée dans son Sud natal. Ce film, adapté d’un roman d’Adelaida García Morales, alors son épouse, demeure le plus méconnu de son auteur, qui reniera plus ou moins son second long-métrage car le jugeant inachevé, étant donné qu’il l’avait conçu en deux parties, la deuxième ne parvenant pas à trouver de financements suffisants. Cette expérience éloignera Víctor Erice du monde du cinéma pendant une nouvelle décennie. Nous voilà rendus en 1992. Le Songe de la lumière, le troisième film de Víctor Erice s’avère une extraordinaire réflexion sur la vie, sur le passage du temps, un traité sur la création artistique ayant nécessité pas moins de trois mois de tournage, un an de montage ainsi que le travail de trois chefs opérateurs. Un véritable film d’aventure porté par la quête de l’artiste peintre Antonio Lopez qui ne peut finalement que déposer les armes devant le caractère inéluctable de son entreprise : capturer sur sa toile la lumière du soleil. Il se dégage du Songe de la lumière une époustouflante et contagieuse passion pour l’art contemporain, la peinture et le cinéma, des images qui laissent pantois d’admiration le spectateur, plongeant dans une expérience sensorielle rare. 2023, revoilà Víctor Erice, que l’on pourrait rapprocher de Terrence Malick pour le don semblable du réalisateur espagnol de capturer ce qu’on ne peut définir ni saisir, la communion entre l’homme et la nature. Fermer les yeux est une œuvre testamentaire, un film-somme, une pleine plongée dans le septième art. Incontestablement l’un des sommets cinématographiques de l’année passée, Cerrar los ojos aborde et prolonge des thèmes déjà explorés par Víctor Erice dans ses travaux passés, mais se double également d’une réflexion sur le cinéma, qui inspire la vie réelle, où les deux s’imbriquent, où l’existence dépasse même parfois la fiction par ses retournements inattendus. Durant près de trois heures qui passent en un éclair, le maître espagnol remet les pendules à l’heure, le cinéma est certes un divertissement, ce que Fermer les yeux est indubitablement, mais où tout n’est qu’émotions. Vous trouverez difficilement un long-métrage plus bouleversant que Fermer les yeux sorti en 2023. Chef d’oeuvre.

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