
LE SORCIER DU RIO GRANDE (Arrowhead) réalisé par Charles Marquis Warren, disponible en Blu-ray + DVD + Livret depuis le 15 novembre 2024 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Charlton Heston, Jack Palance, Katy Jurado, Brian Keith, Mary Sinclair, Milburn Stone, Richard Shannon, Lewis Martin.…
Scénario : Charles Marquis Warren, d’après le roman de W.R. Burnett
Photographie : Ray Rennahan
Musique : Paul Sawtell
Durée : 1h45
Date de sortie initiale : 1953
LE FILM
Dans le désert du Sud-Ouest Américain, Ed Bannon, officier de cavalerie qui a grandi chez les Apaches, commande une unité chargée de faire la paix avec les guerriers de cette tribu. Forcé au combat, il affronte le chef indien élevé chez les blancs, Toriano, les deux hommes se connaissent depuis leurs enfances.

Le nom de Charles Marquis Warren (1912-1990) n’est sans doute pas très connu de ce côté de l’Atlantique. En revanche, il demeure célèbre aux États-Unis pour son travail dans le western, en littérature, mais aussi au cinéma comme à la télévision. Si ses œuvres les plus marquantes restent les séries Gunsmoke, Le Virginien et Rawhide, pour le grand écran, c’est un peu plus aléatoire, puisqu’il écrit pour les autres (Le Triomphe de Buffalo Bill de Jerry Hopper, Fort Invincible de Gordon Douglas, La Chevauchée de l’honneur de Leslie Fenton, La Mission du commandant Lex d’André de Toth), mais aussi pour lui-même (Charro avec Elvis Presley, La Chevauchée des Vaqueros avec Joel McCrea, Little Big Horn avec Lloyd Bridges). 1953, il adapte Adobe Walls, un roman de W. R. Burnett, auteur très prisé par Hollywood puisque Quand la ville dort de John Huston, La Fille du désert, La Grande évasion et L’Escadron noir de Raoul Walsh, ainsi que Le Petit César de Mervyn LeRoy étaient déjà tirés de ses œuvres. Si Charles Marquis Warren s’éloigne volontairement du livre original, c’est pour mieux recentrer son récit sur l’opposition des deux personnages principaux, interprétés ici par Charlton Heston et Jack Palance. Le premier a alors le vent en poupe au début des années 1950 et enchaîne une série de westerns, à l’instar du Fils de Géronimo – The Savage de George Marshall et de films d’aventures à succès (Quand la Marabunta gronde – The Naked Jungle de Byron Haskin, Le Secret des Incas – Secret of the Incas de Jerry Hopper). Prenant déjà de beaux risques alors qu’il n’est qu’au début de sa carrière cinématographique, il incarne un individu froid, repoussant, animé par la haine. Mais comme souvent, Charlton Heston, qui n’a jamais choisi ses rôles au hasard et surtout sans réflexion, apporte à son personnage une importante et passionnante ambiguïté, cherchant non pas à excuser les agissements de son personnage, mais plutôt à comprendre pourquoi Ed Bannon est devenu ainsi. Western excessivement mal reçu à sa sortie et bien encore après, au point où il est encore aujourd’hui très souvent rejeté par les cinéphiles qui en ont entendu des vertes et des pas mûres, surtout son caractère raciste (ce qu’il n’est pas du tout), Le Sorcier du Rio Grande –Arrowhead vaut pour la confrontation de ses deux têtes d’affiche, qui assurent chacun de leur côté et qui font des étincelles quand ils se retrouvent face à face. Un divertissement avant tout, mais aussi doublé d’une réflexion sur ce qui peut amener un être humain à vivre dans l’hostilité, l’aversion, la malveillance et le ressentiment. Un western pas aussi idiot, comme ont pu le qualifier certains critiques et même historiens du cinéma spécialisés dans le genre, les mêmes qui encensent Le Vent de la plaine – The Unforgiven, qui pour le coup est plus que nauséabond. Faites-vous donc votre propre opinion, avant de tirer sur l’ambulance sans même connaître ce film finalement moins célèbre que sa réputation.


Une prophétie, qui hante la tribu des Chiricahuas, prédit qu’un homme, venu de l’Est, de race Apache, prendra la tête de la révolte contre les colons. À l’heure où Toriano, le fils du chef Chattez, revient de ses études dans le pays des Blancs, il décide de jouer sur cette croyance et devient l' »Invincible ». Ed Bannon, un blanc élevé parmi les indiens, et qui les hait, cherche à cerner la personnalité de Toriano. Mais l’armée américaine, décidée à faire la paix avec les Apaches, lui refuse son concours…


Comme l’indique un panneau en guise de conclusion, Le Sorcier du Rio Grande s’inspire de l’histoire d’Al Sieber (1844-1907), célèbre figure de l’histoire de l’Ouest Américain, ayant combattu pendant la guerre de Sécession et durant la conquête de l’Ouest contre les Amérindiens, devenu prospecteur et chef des éclaireurs pendant les guerres apaches. Un personnage qui a inspiré le cinéma à plusieurs reprises, dont le mythique Fureur Apache de Robert Aldrich, dont les exploits narrés dans Le Sorcier du Rio Grande ont été reconstitués sur les lieux mêmes où ils se sont déroulés au XIXe siècle, à savoir Bracketville au Texas, très bien filmés par le réalisateur, même si la mise en scène manque trop souvent de personnalité.


La distribution s’impose sans mal avec un Charlton Heston tout en dents serrées comme on l’aime, mais aussi Katy Jurado (Trapèze, Au-dessous du volcan, La Vengeance aux deux visages, La Lance brisée), Jack Palance, lui aussi encore à ses débuts, qui n’était alors apparu que dans L’Homme des vallées perdues – Shane de George Stevens, Okinawa de Lewis Milestone, Le Masque arraché de David Miller et Panique dans la rue d’Elia Kazan. Ainsi, juste avant de rencontrer Robert Aldrich pour Le Grand couteau – The Big Knife et Douglas Sirk pour Le Signe du païen – Sign of the Pagan, l’acteur à la gueule taillée à la serpe se taille la part du lion dans le rôle de Toriano, fils du chef Apache Chattez, qui retourne chez les siens après avoir reçu une éducation moderne. Misant sur une vieille légende, il devient « l’Invincible » et fomente une révolte contre les colons. Si l’armée américaine ne se doute de rien, Ed Bannon se méfie de ses motivations. C’est dans un climat d’extrême tension et dans le sang que tout prendra fin.


Charles Marquis Warren fait ce qu’il peut derrière la caméra et son boulot demeure essentiellement fonctionnel. La photographie de Ray Rennahan, chef opérateur habitué du genre (Le Fort de la dernière chance, Les Rivaux du rail, Smith le taciturne, Californie, terre promise) fait toujours son effet, le cadre 1.33 resserre bien l’action sur les protagonistes, les costumes d’Edith Head sont impeccables…Et les sentiments d’Ed Bannon sont aussi secs et brutaux que ceux de Toriano. Tous deux sont logés à la même enseigne et aucun n’est montré comme étant un exemple à suivre. La complexité de ce qui se joue alors ne donne ni raison à l’armée américaine, ni aux Amérindiens, tout aussi animés par la violence. C’est pour cela que Le Sorcier du Rio Grande, sorti en France en 1964, soit quasiment dix ans après les États-Unis, mérite assurément d’être redécouvert.


LE BLU-RAY
Inédit en DVD en France, Le Sorcier du Rio Grande débarque en édition Standard chez Sidonis Calysta, mais aussi pour la première fois en Blu-ray dans le monde ! C’est tout naturellement dans la collection Silver que le titre de Charles Marquis Warren arrive chez l’éditeur. Cette édition se compose du Blu-ray, du DVD, mais aussi d’un livret de près de cinquante pages. Dans cet ouvrage écrit par Jean-François Giré, l’historien du western et intervenant habituel de la collection, souhaite absolument réhabiliter Le Sorcier du Rio Grande. Il revient également sur la carrière de Charles Marquis Warren, celle de Jack Palance et de Katy Jurado, sans oublier l’incursion dans le western de Charlton Heston. Les dernières pages présentent la collection Charlton Heston chez Sidonis Calysta. Le menu principal du Blu-ray est animé et musical.

On retrouve d’ailleurs Jean-François Giré dans une présentation en vidéo de 22 minutes. Celles et ceux qui auront lu livret avant de voir ce bonus y retrouveront les mêmes arguments, les mêmes informations sur le réalisateur et surtout les propos sur la polémique qui accompagne Le Sorcier du Rio Grande (considéré comme un film raciste envers les Amérindiens) depuis sa sortie au cinéma. L’adaptation du livre de W.R. Burnett, le casting, la psychologie des personnages, la mise en scène sont aussi les sujets abordés au cours de ce supplément. Cette fois encore, Jean-François Giré souhaite réhabiliter ce film et ne manque pas de bons arguments pour cela.



Sidonis Calysta reprend le long documentaire consacré à Charlton Heston réalisé en 1995 (50’). Le comédien revient sur son parcours, les grandes étapes de sa carrière, ses rôles emblématiques (et il y en a un paquet), ainsi que sur ses grandes collaborations, tandis que sa fille, Gregory Peck, Carroll Baker, Janet Leigh, le producteur Walter Seltzer et bien d’autres s’expriment sur l’acteur et l’homme qu’ils ont côtoyé dans la vie privée. De nombreux extraits de films viennent illustrer ces très beaux propos, ainsi que des archives personnelles et des images de tournage. Documentaire déjà présent sur les éditions HD du Seigneur de la guerre, Le Maître des îles et Le Secret des Incas.







L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Ce n’est clairement pas avec le master HD du Sorcier du Rio Grande que vous épaterez la galerie ! Le piqué, la gestion des contrastes, la propreté, la texture argentique dont aléatoires du début à la fin, les détails manquent singulièrement de mordant et certains plans larges s’accompagnent de flous et d’un mauvais alignement du Technicolor. Avec la réputation qui précède le film de Charles Marquis Warren, il est difficilement envisageable que celui-ci connaisse un jour une restauration digne de ce nom et cette galette HD a au moins le mérite d’exister. Blu-ray au format 1080p.

La version originale mise sur l’ardeur de la musique composée par Paul Sawtell (Le Cri de guerre des Apaches, Dix hommes à abattre, Marché de brutes, La Fusée de l’épouvante), très présente. Aucun souffle constaté et les dialogues sont continuellement énergiques. Le mixage anglais s’avère plus équilibré que la version française également disponible, sur laquelle les voix des personnages prend souvent le pas sur le reste. Ces deux options permettent de visionner le film dans les meilleures conditions possibles même si la version originale demeure incontournable afin de profiter du timbre et de la diction si particulière de Charlton Heston.


Crédits images : © Sidonis Calysta / Paramount / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr