Test DVD / Le Vent de la plaine, réalisé par John Huston

LE VENT DE LA PLAINE (The Unforgiven) réalisé par John Huston, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 9 décembre 2022 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Burt Lancaster, Audrey Hepburn, Audie Murphy, John Saxon, Charles Bickford, Lillian Gish, Albert Salmi, Joseph Wiseman, June Walker…

Scénario : Ben Maddow, d’après le roman d’Alan LeMay

Photographie : Franz Planer

Musique : Dimitri Tiomkin

Durée : 2h05

Date de sortie initiale: 1960

LE FILM

Le Texas, 1850. La veuve Mathilda Zachary vit entourée de ses trois fils et de sa fille Rachel dans un ranch isolé. Kelsey, un vagabond à demi fou, raconte partout une étrange histoire : Rachel serait une indienne enlevée à sa tribu lorsqu’elle était enfant. Dans la région, la haine des indiens est à son comble, et la famille Zachary se retrouve prise au piège : les indiens sont prêts à tout pour récupérer la jeune femme, et les blancs, refusant sa présence, aimeraient qu’elle retourne vivre parmi les siens.

Les nombreux problèmes survenus sur le tournage seraient presque plus passionnants que Le Vent de la plaineThe Unforgiven. Entre un Burt Lancaster devenu lui-même réalisateur qui n’a que faire des directives de John Huston, Lillian Gish ancienne star du cinéma muet qui radote sur ses collaborations avec les plus grands, Audrey Hepburn qui chute de cheval et qui malheureusement perd son enfant, la chaleur écrasante et la poussière qui détériorent les objectifs, tout contribue à faire du Vent de la plaine, adapté du roman d’Alan Le May (La Prisonnière du désert) un film maudit. Si John Huston y aborde ses thèmes de prédilection (le racisme, l’ode à la tolérance, la cause des Indiens), ceux-ci ne semblent pas dénoncer mais affirmer au contraire la prédominance des blancs, l’asservissement des Indiens qui deviennent pendant toute la deuxième partie de la chair à canon pour les héros du film. D’ailleurs, le personnage interprété par Burt Lancaster apparaît franchement écoeurant en convoitant manifestement sa jeune « soeur » campée par Audrey Hepburn, qui abuse quelque peu de son sourire d’habitude si charmant. Puis, venu le retournement (la « soeur» est en réalité une Indienne volée à ses parents quand elle était bébé), le spectateur est amené à rejoindre la cause de cette famille de « visages pâles » qui non seulement ne veut pas rendre cette jeune fille Indienne « volée » aux siens (surtout le fils aîné qui n’inspire désormais qu’à s’approprier celle qu’il aimait déjà), mais celle-ci en vient également aux armes en tirant sur sa tribu, sa famille et même son frère de sang sans véritable regret.

Ben Zachary revient de Wichita avec des hommes embauchés pour s’occuper du troupeau dont il est propriétaire avec Zeb Rawlins, un fermier voisin. Il retrouve sa sœur adoptive Rachel, qui vit avec sa mère et ses frères. Rachel a été recueillie bébé par Zachary père, tué ensuite par les Indiens Kiowas en défendant son ranch et son bétail. Dans les environs rode un vieux cavalier solitaire, fantomatique et un peu fou, armé d’un sabre, qui parle de vengeance et fait courir le bruit que Rachel serait une Indienne. Peu après, trois indiens se présentent pacifiquement devant la ferme Zachary et proposent à Ben de troquer Rachel contre quelques chevaux ; celui-ci refuse mais en informe sa mère et ses frères et sa sœur, tous très troublés. Certains cow-boys sont de plus en plus persuadés que Rachel est une Indienne et en parlent à Zeb Rawlins. Celui-ci les éconduit. Charlie, le fils de Zeb, amoureux de Rachel, la demande en mariage et elle accepte. Ni Rachel ni Ben ne sont ravis de cette union mais quel autre prétendant trouver dans ce désert ? Sur la route du retour, Charlie est tué par des Indiens. Mrs Rawlins repousse avec horreur Rachel venue lui présenter ses condoléances et l’accuse en termes violents d’être une squaw responsable de la mort de son fils. Comprenant qu’il faut en finir avec les rumeurs concernant Rachel, Ben décide de capturer le vieux cavalier pour le faire parler. La chose est bientôt faite. La corde autour du cou, le vieil homme raconte que Rachel a été trouvée par Zachary père dans un camp Indien ravagé, qu’à titre de représailles les Indiens ont enlevé son fils, qu’il a alors demandé à Zachary père de rendre Rachel aux Kiowas en échange de sa libération, mais que Zachary père a refusé. Depuis, le cavalier a soif de vengeance contre l’Indienne Rachel et ceux qui l’ont adoptée.

Il faut le voir pour le croire, pourtant tout n’est pas à jeter dans Le Vent de la plaine. John Huston connaît son affaire, sa mise en scène demeure spectaculaire et les décors d’une beauté à couper le souffle. Il est vrai que nul n’a son pareil pour filmer les chevaux comme le cinéaste américain. En donnant à son film un aspect fantomatique avec ce mystérieux cowboy solitaire, qui reste incontestablement le plus beau et honnête être humain du film, John Huston parsème son film de touches poétiques et surréalistes à l’instar de la poursuite dans la tempête de sable ou celle de la pendaison. Mais malheureusement, jamais le spectateur ne prend parti pour l’un des deux camps, surtout pas pour la famille, encore moins pour ces pauvres Indiens, rabaissés au rang de types plumés caricaturaux. Si le personnage d’Audrey Hepburn devient la cible de brutalités racistes lorsque ses origines sont découvertes, entre les Indiens qui veulent la récupérer et les blancs locaux qui veulent sa mort, il se trouve que son unique chance de survie soit incarnée par son frère qui ne souhaite qu’une seule chose, la garder pour lui.

On ne sait ce que donnait le premier montage de 2h30 de John Huston puisque celui-ci a tout simplement été saboté par la production dans le dos du cinéaste. 30 minutes aujourd’hui introuvables qui donnaient peut-être plus d’épaisseur aux Indiens du film qui au final se retrouvent à ne servir que de cibles (40 contre un) dans un véritable ball-trap de très mauvais goût. Le film ne correspond pas aux valeurs de John Huston, lui qui habituellement plaide la cause des Indiens. Il préféra d’ailleurs désavouer Le Vent de la plaine, devenu un film d’action réac.

LE DVD

Nous n’avons pas eu l’édition HD entre les mains. Le Vent de la plaine avait déjà connu une autre vie dans les bacs, dès 2004 en DVD chez MGM/United Artists, avant d’atterrir dans le catalogue de Filmedia dès 2012, année où le film de John Huston sera édité pour la première fois en Blu-ray. Puis, nous faisons un bond de dix ans en avant et arrivons en décembre 2022, The Unforgiven intégrant désormais la collection Silver chez Sidonis Calysta. Le menu principal est animé et musical.

Patrick Brion (13′), historien du cinéma et auteur d’une biographie sur John Huston analyse ce film maudit, tout en le replaçant dans la filmographie du cinéaste. Maudit dans le sens où Le Vent de la plaine a connu de nombreux problèmes sur le tournage mais aussi au montage (remanié et coupé de plus de trente minutes dans le dos de John Huston) jusqu’à ce que le réalisateur finisse par se désintéresser de son oeuvre. Quelques anecdotes de tournage viennent évidemment illustrer cette analyse passionnante durant laquelle sont abordés les thèmes du film.

Nous écoutons ensuite François Guérif qui présente le roman d’Alan Le May dont est adapté Le Vent de la plaine (7’). Notre interlocuteur dresse ensuite un parallèle entre cette oeuvre et La Prisonnière du désert et pour cause puisque le chef-d’oeuvre de John Ford est également adapté d’un roman du même auteur. Désireux de réhabiliter cet auteur oublié, François Guérif dresse ici une petite bio-filmographie d’Alan Le May (il a été scénariste, metteur en scène et comédien), spécialiste du Grand Ouest Américain dont la principale marque de fabrique était de très bien connaître la coexistence entre les Indiens et les hommes blancs. Ce thème présent dans ses livres se retrouve comme l’indique François Guérif, dans La Prisonnière du désert et Le Vent de la plaine qu’il considère comme les deux faces d’une même pièce.

Le seul supplément inédit de cette édition est un entretien avec Jean-François Giré (17’30), devenu l’une des figures phares des titres Sidonis Calysta. Celui-ci replace Le Vent de la plaine dans le western, genre qui n’était plus à son zénith et qui subissait de plein fouet la concurrence de la télévision. Jean-François Giré évoque le rejet total de John Huston vis-à-vis de son film, en développe les thèmes, le casting, commente quelques scènes, tout en indiquant que pour lui le seul point négatif provient de la composition de Dimitri Tiomkin, qui possède un côté vieillot et peu approprié.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Si les anciennes éditions du Vent de la plaine commençaient à prendre de la bouteille compte tenu des standards actuels, ce transfert lui offre un petit dépoussiérage numérique, même si la définition est encore loin d’être parfaite. Les contrastes retrouvent une certaine densité, la luminosité est bienvenue et la colorimétrie n’a jamais été aussi vive et saturée (voir les yeux de Burt Lancaster). Seulement le grain, anciennement trop appuyé sur les plans de ciel, apparaît ici trop lissé à notre goût, le piqué manque de fermeté, surtout sur les séquences sombres. Exit les anciens dépôts résiduels, les rayures verticales, les points blancs, les fourmillements sur les arrière-plans et autres griffures. Comme souvent, c’est le générique qui a subi le plus les outrages du temps mais ce master trouve ensuite et heureusement un équilibre convenable.

La piste française 2.0 au doublage réussi s’en sort très bien du point de vue ardeur mais se concentre trop sur les dialogues du film au détriment des ambiances annexes. De plus, certaines saturations sur les aigus tendent à vriller les tympans. Si la version originale est plus modérée, les voix des comédiens apparaissent plus fluides et les ambiances plus naturelles et homogènes. Dans les deux cas, aucun souffle intempestif n’est à déplorer, la propreté est de mise et la partition du compositeur culte Dimitri Tiomkin est restituée avec fracas, surtout sur la piste française.

Crédits images : © Sidonis Calysta / MGM / Captures : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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