LE GRAND BAZAR réalisé par Claude Zidi, disponible en Blu-ray le 16 mars 2023 chez Studiocanal.
Acteurs : Gérard Rinaldi, Jean Sarrus, Gérard Filippelli, Jean-Guy Fechner, Michel Galabru, Michel Serrault, Roger Carel, Jacques Seiler, Coluche…
Scénario : Claude Zidi, Georges Beller & Michel Fabre
Photographie : Paul Bonis
Musique : Les Charlots
Durée : 1h20
Date de sortie initiale : 1973
LE FILM
Licenciés d’une usine, Gérard, Jean-Guy, Phil et Jean se retrouvent du jour au lendemain sans travail. Mais, très vite, ils trouvent une occupation qui va leur prendre tout leur temps. En effet, les quatre amis ont décidé d’aider un petit commerçant à faire face à la concurrence d’une grande surface…
Sur le tournage de leur premier film La Grande Java (3,4 millions d’entrées), mis en scène par Philippe Clair, les Charlots rencontrent Claude Zidi, directeur de la photographie, avec qui le courant passe immédiatement. La bande impose alors ce dernier au producteur Michel Ardan, pour réaliser leur prochain film, l’occasion pour Zidi de signer son premier long-métrage. Ce sera donc Les Bidasses en folie, un phénomène qui attire 7,5 millions de français dans les salles et devient le plus grand succès de l’année 1971, onze mois après le triomphe de La Grande Java. En septembre 1972, rebelote avec Les Fous du stade (5,7 millions d’entrées). Jean Girault les emmène de l’autre côté des Pyrénées pour Les Charlots font l’Espagne (4,2 millions de spectateurs), puis le quatuor retrouve Claude Zidi pour Le Grand bazar, qui cinquante ans après demeure incontestablement l’un de leurs meilleurs opus. Cette immense comédie menée à cent à l’heure et avec une vraie élégance, enchaîne les gags visuels et même les cascades (réglées par Rémy Julienne) sans discontinuer, mais il serait dommage de réduire le film juste à cela. Les quatre joyeux lurons y sont bien dirigés, toujours mis en valeur (même individuellement), à l’instar de personnages de dessin animé ayant débarqué dans le monde réel (et sans pitié), qui doivent d’ailleurs s’y confronter. Le travail pénible, la société de consommation et le rouleau compresseur de la grande distribution sont au coeur du récit (coécrit par le réalisateur, Georges Beller et Michel Fabre), qui ne contente pas d’enfiler les scènes (très) drôles gratuitement, avec même un hommage à Il était une fois dans l’Ouest souligné par le thème de L’Homme à l’harmonica en sus. Ce sera toujours la force du cinéma de Claude Zidi, qui traverse les décennies sans prendre (trop) de rides, dont les scénarios ont souvent reposé sur une scène solide, sur laquelle ses protagonistes pouvaient laisser libre cours à leur talent. Une avalanche de séquences anthologiques.
C’EST PAS PARCE QU’ON A RIEN À DIRE QU’IL FAUT FERMER SA GUEULE ! réalisé par Jacques Besnard, disponible en DVD et Blu-ray le 14 avril 2021 chez LCJ Editions & Productions.
Acteurs : Bernard Blier, Michel Serrault, Jean Lefebvre, Tsilla Chelton, Marion Game, Gérard Jugnot, Popeck, Max Amyl, Christian Clavier…
Scénario : Jacques Besnard & Jean Halain, d’après une idée de Christian Clavier, Gérard Jugnot & Thierry Lhermitte
Photographie : Jean-Pierre Baux
Musique : Gérard Calvi
Durée : 1h30
Date de sortie initiale : 1975
LE FILM
Deux truands minables, Max et Riton travaillent dans le vol de voitures, dirigés par un «cerveau», Phano. Leur maladresse est telle que Phano songe à les renvoyer. Pourtant, il a besoin d’eux pour le «coup du siècle» : le cambriolage de la caisse de retraite de la SNCF, dont le coffre est, au sous-sol de la gare de l’Est, dans une salle mitoyenne des toilettes. Il suffit de percer la cloison d’une cabine. Phano, Max et Riton vont se succéder dans cette cabine en utilisant des déguisements divers pour ne pas se faire remarquer de «Madame Pipi», la préposée aux toilettes.
A part pour les spécialistes de la comédie française, le nom de Jacques Besnard (1929-2013) demeure obscur et pour ne pas dire inconnu. Pourtant, ce réalisateur et ancien assistant d’André Hunebelle sur les deux premiers Fantômas et les OSS 117 possède un hit dans la dizaine de films qu’il signera entre 1966 et 1982, Le Grand restaurant, son premier long-métrage, avec Louis de Funès dans la peau de Monsieur Septime, immense succès populaire avec près de quatre millions d’entrées. Le reste de sa filmographie se compose tout de même de quelques pépites à l’instar du Fou du labo 4 (1967) et La Situation est grave…mais pas désespérée (1975). Mais il y en a une autre qui a toujours fait la quasi-unanimité auprès des spectateurs, il s’agit de C’est pas parce qu’on a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule !, le troisième plus grand succès du metteur en scène derrière Le Grand restaurant donc et Le Jour de gloire (2 millions d’entrées). Derrière cette comédie au titre « Audiardesque » et vraisemblablement inspirée du Pigeon – I Soliti Ignoti (1958) de Mario Monicelli, se cachent en réalité Christian Clavier, Gérard Jugnot et Thierry Lhermitte, des jeunes comédiens et auteurs de 22 ans, qui venaient de former leur troupe du Splendid, et qui font d’ailleurs ici l’une de leurs premières apparitions au cinéma. C’est à eux que l’on doit l’idée géniale de ce casse malin et original, qui offre au trio vedette, Bernard Blier – Jean Lefebvre – Michel Serrault, l’occasion d’arborer de multiples déguisements, qui ont fait la renommée du film. Porté par ces merveilleux comédiens, auxquels s’ajoute bien sûr Tsilla Chelton dans le rôle culte de « Madame Pipi », C’est pas parce qu’on a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule ! demeure une vraie madeleine, une fantaisie dont on ne se lassera jamais.
LA BELLE AMÉRICAINE réalisé par Robert Dhéry, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret le 12 janvier 2021 chez LCJ Editions & Productions.
Acteurs : Louis de Funès, Robert Dhéry, Colette Brosset, Jean Richard, Jean Lefebvre, Michel Serrault, Jean-Marc Thibault, Roger Pierre, Jean Carmet…
Scénario : Pierre Tchernia, Robert Dhéry & Alfred Adam
Photographie : Ghislain Cloquet
Musique : Gérard Calvi
Durée : 1h40
Date de sortie initiale : 1961
LE FILM
En achetant pour une somme dérisoire une superbe voiture, un petit ouvrier a fait l’affaire de sa vie. Cette « belle américaine » va néanmoins lui causer de nombreux déboires.
La Belle Américaine est le quatrième long métrage de Robert Fourrey, alias Robert Dhéry (1921-2004) en tant que scénariste et réalisateur. Sorti en 1961, soit dix ans après Bertrand coeur de lion (que Dhéry avait mis en scène) et sept ans après Ah! les belles bacchantes… (réalisé par Jean Loubignac), cette fantaisie se hisse à la neuvième place du box-office cette année-là, dominée entre autres par les dix millions d’entrées des Canons de Navarone, les sept millions des Sept Mercenaires, les cinq millions d’Un Taxi pour Tobrouk ou les 4,3 millions de Don Camillon Monseigneur. 4,1 millions de spectateurs sont venus rire et applaudir ce qui demeure un des meilleurs films de la troupe des Branquignols (fondée en 1948), et encore plus à l’étranger puisque La Belle Américaine aura connu un triomphe international. Robert Dhéry a toujours mis ses amis en avant, sans jamais tirer la couverture. Acteur, metteur en scène, dramaturge et réalisateur, cet homme de théâtre accompagné de Colette Brosset, son épouse, aura fait le bonheur des français aux côtés de Louis de Funès, Jean Lefebvre, Jean Carmet, Jacqueline Maillan, Michel Serrault, Micheline Dax, Pierre Olaf, Jacques Legras, Robert Rollis et bien d’autres encore. On en retrouve d’ailleurs une bonne partie dans La Belle Américaine, dont Louis de Funès, déchaîné dans un double-rôle magnifique et qui annonce en grande pompe Le Gendarme de Saint-Tropez (1964), notamment quand ce dernier, contremaître d’une usine, se retrouve face à un chef comptable dépassé par les évènements incarné par Jean Lefebvre. Ou comment ne pas voir le maréchal des logis-chef Cruchot face à Fougasse. Soixante ans plus tard, La Belle Américaine a vieilli, mais doucement, sagement. Si sa structure que l’on pourrait comparer à celle des œuvres de Jacques Tati sera reprise par Robert Dhéry dans Allez France! en 1964 et dans Vos gueules les mouettes! en 1974, autrement dit une succession de vignettes qui tiennent sur un fil rouge, ou une réaction en chaîne, un effet papillon qui sera la marque de fabrique de son cinéaste, La Belle Américaine est un grand classique de la comédie hexagonale, que l’on a toujours beaucoup de plaisir à revoir.
LA CHASSE À L’HOMME réalisé par Edouard Molinaro, disponible en Édition Digibook Blu-ray + DVD + Livret le 6 mars 2020 chez Coin de mire Cinéma
Acteurs : Jean-Claude Brialy, Françoise Dorléac, Marie Laforêt, Claude Rich, Jean-Paul Belmondo, Catherine Deneuve, Marie Dubois, Hélène Duc, Bernadette Lafont, Francis Blanche, Bernard Blier, Mireille Darc, Micheline Presle, Michel Serrault…
Scénario : France Roche d’après une histoire originale d’Albert Simonin, Yvon Guézel et Michel Duran.
Photographie : Andréas Winding
Musique : Michel Magne
Durée : 1h27
Date de sortie initiale : 1964
LE FILM
Toni, brillant affichiste et séduisant célibataire, va se marier. Mais son ami Julien est contre son mariage et contre le mariage en général, ayant été victime d’un horrible traquenard tendu par sa jeune secrétaire. Julien va s’employer à tout faire pour convaincre son ami de ne pas se laisser passer la corde au cou…
Jean-Paul Belmondo, Jean-Claude Brialy, Françoise Dorléac, Marie Laforêt, Claude Rich, Catherine Deneuve, Marie Dubois, Bernadette Lafont, Micheline Presle, Michel Serrault, Bernard Blier, Francis Blanche, Mireille Darc, Noël Roquevert, Jacques Dynam, Henri Attal, Dominique Zardi…quel casting ! Tous les espoirs du cinéma français étaient réunis dans La Chasse à l’homme, réalisé par Edouard Molinaro en 1964, sur un scénario écrit par la journaliste et critique de cinéma France Roche. Resplendissants de jeunesse, ces acteurs et actrices magnifiques se confrontent et s’entrechoquent dans cette comédie de boulevard, qui prend l’apparence d’un film à sketches, sans en être un véritablement, mais qui repose sur un fil rouge, celui d’un célibataire endurci qui se laisse passer la bague au doigt, malgré les tentations d’infidélité qui se multiplient. La Chasse à l’homme est une succession de situations cocasses sur le thème de la séduction et du mariage, où les comédiennes, qui ont ici le beau rôle, rivalisent de beauté et de fraîcheur, la palme revenant aux deux soeurs, les sublimes Catherine Deneuve et Françoise Dorléac.
DES PISSENLITS PAR LA RACINE réalisé par Georges Lautner, disponible en Édition Digibook Blu-ray + DVD + Livret le 6 mars 2020 chez Coin de mire Cinéma
Acteurs : Louis de Funes, Michel Serrault, Mireille Darc, Maurice Biraud, Francis Blanche, Venantino Venantini, Darry Cowl, Hubert Deschamps, Raymond Meunier, Gianni Musy, Guy Grosso, Philippe Castelli…
Scénario : Clarence Weff, Georges Lautner, Albert Kantof, d’après le roman Y avait un macchabée de Clarence Weff
Photographie : Maurice Fellous
Musique : Georges Delerue
Durée : 1h32
Date de sortie initiale : 1964
LE FILM
Un mauvais garçon vient de trépasser. Ceux qui l’avaient rendu à une vie meilleure, le cachèrent dans une contrebasse. Quand on apprit, dans le “milieu” que le truand possédait le ticket gagnant 100 millions au tiercé, et que ce ticket se trouvait dans la veste du “macchabée”, donc dans la contrebasse, ce fut le début d’une sacrée course au trésor…
“Sans
être un hôte abusif, j’aimerais savoir à qui est ce cadavre ?”.
A l’automne 1963, alors qu’il est en plein montage des Tontons flingueurs, Georges Lautner a déjà deux autres films sur le feu, dont le troisième et dernier volet de la trilogie du Monocle, qu’il se prépare à tourner à Hong Kong. Mais avant cela, il décide d’entamer les prises de vue d’une nouvelle comédie, Des pissenlits par la racine, l’adaptation du roman Y’avait un macchabée de Clarence Weff, pseudonyme d’Alexandre Valletti, coécrite par ce dernier avec le cinéaste lui-même, le tout supervisé par Michel Audiard et très largement inspiré du scénario de Three Strangers (1946) de Jean Negulesco, écrit par John Huston, avec Sydney Greenstreet et Peter Lorre. Tourné dans la précipitation en 10 jours, ce petit film permettait ainsi à Georges Lautner de “se couvrir” au cas où Les Tontons flingueurs se planterait au box-office. Rétrospectivement, Des pissenlits par la racine est une récréation pour le réalisateur et vaut essentiellement pour son casting quatre étoiles digne d’un Expendables à la française puisque Michel Serrault, Maurice Biraud, Mireille Darc, Louis de Funès, Francis Blanche, Venantino Venantini, Darry Cowl et Guy Grosso s’y donnent la (formidable) réplique, dans un délire complètement assumé et où l’humour noir très anglo-saxon coule à flots. Une vraie friandise acidulée comme le grand Georges Lautner en avait le secret.
EN TOUTE INNOCENCE réalisé par Alain Jessua, disponible en combo Blu-ray+DVD le 27 novembre 2019 chez Studiocanal.
Acteurs : Michel Serrault, Nathalie Baye, François Dunoyer, Suzanne Flon, Philippe Caroit, Sylvie Fennec, Bernard Fresson, André Valardy…
Scénario : Alain Jessua, Luc Béraud, Dominique Roulet, d’après le roman Suicide à l’amiable d’André Lay
Photographie : Jean Rabier
Musique : Michel Portal
Durée : 1h40
Date de sortie initiale : 1988
LE FILM
Paul Duchesne, industriel du Bordelais, mène une vie bourgeoise et paisible auprès de son fils Thomas et de sa belle-fille Catherine. Très attaché aux valeurs familiales, il est profondément choqué lorsqu’il découvre que la jeune femme a un amant à tel point que, perturbé et inattentif, il est victime d’un accident qui le laisse paralysé et muet. Une lutte secrète va alors l’opposer à Catherine, à l’insu des autres membres de la famille…
Comédie noire, thriller pervers, drame bourgeois, s’il y a bien une chose que l’on puisse dire, c’est qu’En toute innocence n’a rien perdu de son caractère inclassable trente ans après sa sortie. Huitième et avant-dernier long métrage d’Alain Jessua (1932-2017), ce film étrange et singulier de l’ancien assistant de Max Ophüls, Marcel Carné, Yves Allégret et de Jacques Becker est une pépite de plus dans une des filmographies les plus étonnantes et originales de l’histoire du cinéma français. Dès son premier film, La Vie à l’envers (1964) avec Charles Denner et Jean Yanne, primé à Venise et une grande inspiration pour Martin Scorsese, le réalisateur a su imposer un univers qui lui est propre, qui a toujours détonné au sein de l’industrie cinématographique hexagonale. Suivront Jeu de massacre (1967) avec Jean-Pierre Cassel et Michel Duchaussoy, les deux opus avec Alain Delon, Traitement de choc (1973) et Armaguedon (1977), puis le légendaire Les Chiens (1979) avec Gérard Depardieu et Victor Lanoux, Paradis pour tous (1982), le dernier film de Patrick Dewaere et enfin le non-moins culte Frankenstein 90 (1984). Quatre ans plus tard, Alain Jessua jette son dévolu sur le roman Suicide à l’amiable, d’André Lay. En toute innocence est une adaptation culottée dans le sens où le réalisateur ne recherche pas un récit standard, mais distille son venin, goutte à goutte, dans un décor comme placé sous cloche, où les protagonistes, peu aimables et ambigus, s’affrontent violemment, mais sans véritable effusion. Il y a quelque chose de foncièrement troublant dans En toute innocence, et ce jeu entre l’immense Michel Serrault et la belle Nathalie Baye devient franchement jubilatoire.
DEUX HEURES MOINS LE QUART AVANT JÉSUS-CHRIST réalisé par Jean Yanne, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD depuis le 10 septembre 2014 chez Pathé
Acteurs : Coluche, Michel Serrault, Jean Yanne, Françoise Fabian, Michel Auclair, Mimi Coutelier, Darry Cowl, Paul Préboist, Daniel Emilfork, André Pousse, Michel Constantin, Philippe Clay, Valérie Mairesse, Yves Mourousi, Léon Zitrone…
Scénario : Jean Yanne
Photographie : Mario Vulpiani
Musique : Jean Yanne, Raymond Alessandrini
Durée : 1h50
Date de sortie initiale : 1982
LE FILM
C’est l’histoire d’un mec, Ben-Hur Marcel, conducteur de chars à Rahatlocum, petite colonie romaine nord-africaine où Jules César vient passer des vacances impériales… La révolte gronde parmi le petit peuple qui, opprimé par un régime cruel et tyrannique, trouve en Marcel un tribun charismatique et annonciateur d’une ère nouvelle… deux heures moins le quart avant Jésus-Christ !
Ce meneur, c’est un petit garagiste sans importance… Si j’ose me permettre, c’est même dommage de le faire bouffer par les lions parce que c’est le seul qui sache bien réparer les chars dans ce foutu pays de merde… Faut dire qu’on se demande ce qu’on a fait aux dieux pour se retrouver dans un bled à la con pareil, et tout ça pour faire plaisir à un empereur débile, qui lui pendant ce temps-là… Enfin, excuse-moi, c’est les nerfs, on est surmenés. […] Haaaa, bordel d’uniforme de putain de métier de con de nom de Jupiter de saloperie de cape de merde.
Et des dialogues anthologiques, des gags « hénaurmes », des anachronismes comme ça il y en a à satiété. Avec 4,6 millions d’entrées au cinéma, Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ est le plus grand succès de Jean Yanne en tant que réalisateur, depuis sa première mise en scène, Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil qui avait attiré plus de 4 millions de spectateurs dans les salles en 1972. Pouvant se targuer de terminer sur la troisième marche du podium au box-office en 1982, derrière E.T. L’Extra-terrestre et L’As des as, Jean Yanne retrouve le succès qui commençait à lui échapper des deux côtés de la caméra – Chobizenesse et Je te tiens, tu me tiens par la barbichette avaient déçu – et signe une immense comédie.
L’IBIS ROUGE réalisé par Jean-Pierre Mocky disponible en DVD et Blu-ray le 5 mars 2019 chez ESC Editions
Acteurs : Michel Simon, Michel Serrault, Michel Galabru, Jean Le Poulain, Evelyne Buyle, Karen Nielsen, Jean Cherlian, François Bouchex…
Scénario : Jean-Pierre Mocky, André Ruellan d’après la nouvelle de Fredric Brown « Knock Three One Two »
Photographie : Marcel Weiss
Musique : Eric Demarsan
Durée : 1h20
Date de sortie initiale : 1975
LE FILM
Raymond Villiers ne se doute pas que l’homme qui lui fait face dans l’ascenseur n’est autre que l’étrangleur qui défraie la chronique. Mais Raymond ne s’attarde pas, il abandonne ce personnage et se met en quête des trois millions qu’il a perdus au jeu et qu’il doit rembourser au plus tôt. Dès lors, une succession de quiproquos et de méprises vient bouleverser l’ordre naturel des événements.
Quand Jean-Paul Mokiejewski alias Jean-Pierre Mocky (né en 1933) fait son Grand Sommeil. Enfin, toutes proportions gardées. Néanmoins, L’Ibis rouge s’avère un vrai polar et film noir bourré d’humour tourné sur le Canal Saint-Martin, avec un trio d’acteurs au sommet, les trois Michel, Serrault, Galabru et Simon. Trois ans après Le Viager de Pierre Tchernia, Louis Martinet se retrouve face à Léon Galipeau, tandis que Michel Simon tire sa révérence dans sa dernière apparition à l’écran. Le comédien disparaîtra une semaine après la sortie de L’Ibis rouge au cinéma. Les fans de Jean-Pierre Mocky considèrent cet opus comme l’un de ses meilleurs, l’un de ses plus emblématiques et réussis. Ce qu’il est assurément puisqu’il contient toutes les obsessions, les références et donc l’univers de son auteur.
Traumatisé dans son enfance par la vue d’une mouche sur la gorge de son professeur de piano, Jérémie, modeste employé, étrangle des femmes seules à l’aide d’une écharpe brodée d’un ibis. Zizi, marchand de journaux acariâtre et raciste pourtant flanqué d’un enfant noir, rêve de notoriété. Il déclare à tous ses clients qu’il est le coupable des meurtres. Pendant ce temps, Raymond, ivrogne invétéré et représentant en liqueurs, doit rembourser une importante dette de jeu contractée auprès d’un ancien colonel infirme qui menace de le faire assassiner s’il ne paye pas. Il espère que sa femme, Evelyne, va le tirer d’affaire grâce à sa fortune personnelle…
L’Ibis rouge est une œuvre comme qui dirait foutraque. Jean-Pierre Mocky est généreux. Le cinéaste se fait plaisir, ainsi qu’à ses acteurs, tout en pensant constamment au divertissement des spectateurs. Il jette ici son dévolu sur une nouvelle de l’écrivain américain Fredric Brown, Knock Three One Two (« Ça ne se refuse pas »), qu’il adapte avec André Ruellan et l’arrange à la sauce française, en situant l’action dans le 10e arrondissement de Paris, le long du Canal Saint-Martin, principalement de nuit. Jean-Pierre Mocky filme ses personnages déambuler dans le Paris interlope, celui qu’il affectionne tout particulièrement, rarement représenté dans le paysage cinématographique français encore à cette époque. Autant dire que le réalisateur est dans son élément et qu’il se fait plaisir à travers une histoire rocambolesque où chaque protagoniste fait figure de monstre humain, tueur (Serrault, qui use de son écharpe pour étrangler les demoiselles à forte poitrine), représentant en vin (Galabru, imperméable et galurin à la Bogart), restaurateur grec (en fait auvergnat), vendeur de journaux limite clochard, tout le monde y passe et chacun en prend pour son grade.
Si le scénario est prétexte pour dresser le portrait acide de ses contemporains, Jean-Pierre Mocky ne se moque jamais et L’Ibis rouge est tout autant un hommage au cinéma hollywoodien des années 1940-50 qu’une étude ironique sur l’âme humaine. Le metteur en scène observe tout ce beau petit monde avec l’oeil d’un entomologiste. A l’instar de Raymond Chandler, l’histoire importe peu et part dans tous les sens et les personnages, leur psychologie, leur confrontation, leurs diatribes font avancer l’intrigue avec un rythme en dents de scie. Parfaite transition pour évoquer la composition d’Eric Demarsan réalisée à l’aide d’une scie musicale, que Jean-Pierre Mocky utilise du début à la fin, ce qui peut parfois porter sur les nerfs. Au trio vedette, s’ajoutent un Jean Le Poulain fielleux manipulateur et la superbe Evelyne Buyle, femme fatale à l’accent titi parisien.
Malgré son casting, la
sauce n’a pas pris à l’époque et le film s’est soldé par un
échec cuisant avec à peine 150.000 spectateurs dans les salles.
Depuis, ce savoureux vaudeville bien français et nimbé de
références américaines est devenu un vrai film culte.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de L’Ibis rouge, disponible chez ESC Editions, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical. Le film de Jean-Pierre Mocky avait connu une précédente édition en DVD chez Pathé en 2005.
L’éditeur est allé à la rencontre de Jean-Pierre Mocky lui-même pour nous livrer quelques infos et anecdotes sur L’Ibis rouge (8’). Le cinéaste évoque le travail avec les comédiens et le roman « fantastique » (dixit Mocky) de Fredric Brown, dont il adaptera un autre de ses livres en 2001 avec La Bête de miséricorde. Les personnages et la musique sont également abordés, ainsi que (toujours d’après le réalisateur) « l’énorme succès critique du film, qui a d’ailleurs fait le tour du monde et qui a cartonné dernièrement sur Arte avec plus de 1,7 million de téléspectateurs ».
L’Image et le son
La copie HD de L’Ibis rouge impressionne du début à la fin. L’image est dépoussiérée et aucune tâche et autres scories ne viennent parasiter le visionnage. La palette de couleurs est pimpante et on ne peut que saluer la définition remarquable de cette édition, notamment sur les très nombreuses séquences nocturnes. L’apport HD donne une nouvelle densité aux contrastes et surtout aux noirs. Le grain original est respecté, le relief palpable, la copie stable et le gros point fort de cette édition demeure la restitution des gros plans en tous point admirable. Un lifting minutieux.
Les dialogues sont parfois grinçants ou sourds et manquent d’intelligibilité. La musique est mieux servie et dynamique. Pas de sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, étrange…