Test Blu-ray / Ce plaisir qu’on dit charnel, réalisé par Mike Nichols

CE PLAISIR QU’ON DIT CHARNEL (Carnal Knowledge) réalisé par Mike Nichols, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 9 mars 2022 chez Studiocanal.

Acteurs : Jack Nicholson, Candice Bergen, Art Garfunkel, Ann-Margret, Rita Moreno, Cynthia O’Neal, Carol Kane…

Scénario : Jules Feiffer

Photographie : Giuseppe Rotunno

Durée : 1h38

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

L’itinéraire sentimental, psychologique et sexuel de deux hommes : de l’adolescence à l’âge mûr, Jonathan et Sandy face à la femme, aux femmes, à la féminité.

Le Lauréat fait partie des films les plus importants de l’histoire du cinéma. Plus de cinquante ans après sa réalisation, le chef d’oeuvre de Mike Nichols (1931-2014), Oscar du meilleur réalisateur, possède encore cette aura qu’ont ces films qui ne prennent pas une seule ride et qui au contraire s’intensifient à chaque visionnage. Au-delà de l’immense beauté, de l’élégance et de la modernité de la mise en scène de Mike Nichols qui rompait avec l’ensemble des vieilles traditions cinématographiques, Dustin Hoffman crevait l’écran dans le rôle qui allait lancer sa carrière, celui de Benjamin Braddock, jeune homme paumé qui trouvera son salut dans les bras d’une femme mûre (Anne Bancroft alias la mythique Mrs Robinson) pour finir (?) dans ceux de sa fille (superbe Katharine Ross). Un film, ou plutôt un personnage devenu l’incarnation de toute une génération, celle où les enfants s’affranchissaient finalement de leurs parents pour se tourner vers un avenir incertain, mais non tracé. Quintessence du cinéma, Le Lauréat est également la plus belle épopée initiatique jamais vue à l’écran, la magnifique composition de Simon & Garfunkel finissant d’inscrire définitivement le film de Mike Nichols au firmament du Septième art. Il s’agissait du second long-métrage de Mike Nichols, un an après Qui a peur de Virginia Woolf ? Who’s Afraid of Virginia Woolf ?, porté par le couple Elizabeth Taylor – Richard Burton, récompensé par cinq Oscars, dont celui de la Meilleure Actrice. Difficile donc de rebondir après deux triomphes aussi influents et conséquents. Le réalisateur enchaîne avec Catch 22, film de guerre satirique, pour ne pas dire inclassable, qui n’obtient pas du tout le même engouement, ni de la part de la critique ni des spectateurs, alors que dans le même genre, MASH de Robert Altman emportait tous les suffrages. Que faire ? Mike Nichols jette son dévolu sur un scénario de Jules Feiffer, auteur de bandes dessinées et de dessins de presse (The New Yorker, Playboy, Esquire, The Nation), écrivain et auteur de théâtre, dans lequel il renoue avec les thèmes déjà explorés dans ses deux premiers films, dont la désillusion sexuelle et affective. Ainsi, Ce plaisir qu’on dit charnel Carnal Knowledge, conçu à l’origine pour la scène, apparaît comme un mix évident entre Qui a peur de Virginia Woolf ? et Le Lauréat, plusieurs séquences se répondant d’un film à l’autre, mais qui prolongent aussi ce qui avait été exposé dans ces deux monuments. Sans doute moins « célébré », cet opus n’en demeure pas moins fondamental dans la carrière de Mike Nichols, d’autant plus qu’il a très largement participé à la renommée de Jack Nicholson (tout juste sorti de Cinq pièces faciles Five Easy Pieces de Bob Rafelson), l’acteur y signant une prestation extraordinaire, qui lui vaudra d’être nommé pour le Golden Globe du meilleur acteur dans un film dramatique.

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Test Blu-ray / Chère Louise, réalisé par Philippe de Broca

CHÈRE LOUISE réalisé par Philippe de Broca, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 18 mars 2022 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Jeanne Moreau, Julian Negulesco, Didi Perego, Jill Larson, Lucienne Legrand, Pippo Starnazza, Luce Fabiole, Jenny Arasse, Louis Navarre, Yves Robert…

Scénario : Jean-Loup Dabadie, d’après une nouvelle de Jean-Louis Curtis

Photographie : Ricardo Aronovitch

Musique : Georges Delerue

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 1972

LE FILM

Louise, la quarantaine, divorcée et sans enfant, vit seule à Annecy depuis la mort de sa mère. Elle rencontre Luigi un immigré italien de 20 ans venu faire fortune en France et lui offre l’hospitalité. Elle décide de l’entretenir et lui trouve un emploi. Peu à peu, elle s’attache à lui mais leur relation va être bouleversée par la différence d’âge, le poids des dettes de Louise et le regard des autres.

Suite à l’échec cuisant des Caprices de Marie en 1970, Philippe de Broca s’associe pour la première fois avec Jean-Loup Dabadie pour La Poudre d’escampette, fantaisie d’aventure pleine d’humour, de rebondissements, d’émotions et de gags visuels, où brille le fabuleux trio de comédiens vedettes Piccoli-Jobert-York. Remis en selle avec plus d’1,3 millions d’entrées, le réalisateur se voit proposer un autre scénario du même auteur immédiatement après, un portrait de femme, d’après L’Éphèbe de Subiaco, une des quatre nouvelles qui composent Le Thé sous les cyprès de Jean-Louis Curtis. Loin, très loin des comédies virevoltantes qui ont fait son succès et qui l’ont fait passer à la postérité, Chère Louise montre pourtant l’une des facettes de Philippe de Broca, celle d’une profonde et indéniable mélancolie, qui s’est souvent fait ressentir y compris dans ses plus grandes gaudrioles, comme si rire, s’esclaffer, sauter et même défier la gravité permettaient à ses personnages et donc à lui-même, de calfeutrer le temps d’un film et d’un tournage, l’inéluctabilité du temps qui passe et du vieillissement. A l’instar d’Édouard Molinaro, Philippe de Broca ne se dévoilait jamais autant que dans ses opus les plus obscurs. Chère Louise est une œuvre douce, délicate, pudique, amère aussi sans doute, marquée par l’hypersensibilité de Jean-Loup Dabadie, secondée et relayée par celle d’un metteur en scène qui se livre à travers cette chronique intemporelle et universelle, magistralement interprétée par Jeanne Moreau.

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Test Blu-ray / La Fille du diable, réalisé par Henri Decoin

LA FILLE DU DIABLE réalisé par Henri Decoin, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD le 30 mars 2022 chez Pathé.

Acteurs : Pierre Fresnay, Fernand Ledoux, Thérèse Dorny, Andrée Clément, Pierre Juvenet, Robert Seller, Paul Frankeur, Nicolas Amato, André Wasley…

Scénario : Alex Joffé, Henri Decoin & Marc-Gilbert Sauvajon

Photographie : Armand Thirard

Musique : Henri Dutilleux

Durée : 1h39

Année de sortie : 1946

LE FILM

Célèbre criminel en fuite, Saget est pris en voiture par Ludovic Mercier, un homme qui revient dans son village natal après 25 ans d’exil fructueux aux Etats-Unis. Mais Mercier est ivre et le véhicule dérape. Si l’automobiliste meurt dans l’accident, Saget survit et décide d’usurper l’identité du mort. Accueilli en fanfare par tous les villageois, il trompe ses compatriotes à l’exception de la mystérieuse Isabelle, surnommée « Fille du Diable »…

Les films d’Henri Decoin (1890-1969) se suivaient et ne se ressemblaient pas. Cet éclectisme a longtemps été sa force et sa faiblesse, puisque la critique, bien plus que les cinéphiles, ne savait pas comment « cataloguer » ce réalisateur, qui aura signé une cinquantaine de longs-métrages en un peu plus de trente ans, en terminant sa carrière en 1964 sur Nick Carter va tout casser! avec Eddie Constantine. Nous avons déjà parlé de la filmographie riche, précieuse, impressionnante, attachante, élégante et sans fin d’Henri Decoin, à travers nos chroniques d’Au grand balcon, Les Amoureux sont seuls au monde, Non coupable, Charmants garçons, le metteur en scène connaissant depuis quelques années, à l’instar de Gilles Grangier, une nouvelle reconnaissance de la part de la critique qui lui avait souvent échappé, grâce à la restauration des films mentionnés précédemment, auxquels nous pouvons ajouter Maléfices (1962) avec Juliette Gréco, Le Masque de fer (1962) avec un Jean Marais truculent, Pourquoi viens-tu si tard… (1959) avec Michèle Morgan, L’Affaire des poisons (1955) avec Danielle Darrieux (alors son épouse), Razzia sur la chnouf (1955) avec Jean Gabin et Lino Ventura, Les Inconnus dans la maison (1941) avec Raimu…et là le passionné de cinéma de se dire « Ah mais c’est de lui aussi ça ? ». C’est dire si l’on redécouvre sans cesse l’oeuvre d’Henri Decoin, où l’on déniche de véritables trésors, à l’instar de La Fille du diable, également connu sous le titre La Vie d’un autre, qui sort sur les écrans le 17 avril 1946. Précipitez-vous sur ce drame teinté de thriller, dans lequel s’opposent les immenses Pierre Fresnay et Fernand Ledoux.

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Test Blu-ray / Les Tuche 4, réalisé par Olivier Barroux

LES TUCHE 4 réalisé par Olivier Barroux, disponible en DVD et Blu-ray le 11 avril 2022 chez Pathé.

Acteurs : Jean-Paul Rouve, Isabelle Nanty, Michel Blanc, Claire Nadeau, Sarah Stern, Pierre Lottin, Théo Fernandez, François Berléand, Jérémy Lopez, Lila Poulet-Berenfeld, Lenny Joubij…

Scénario : Olivier Baroux, Philippe Mechelen, Julien Hervé, Nessim Chikhaoui, Jean-Paul Rouveoin & Marc-Gilbert Sauvajon

Photographie : Christian Abomnes

Musique : Martin Rappeneau

Durée : 1h40

Année de sortie : 2021

LE FILM

Après avoir démissionné de son poste de président de la république, Jeff et sa famille sont heureux de retrouver leur village de Bouzolles. A l’approche des fêtes de fin d’année, Cathy demande un unique cadeau : renouer les liens avec sa sœur Maguy, et son mari Jean-Yves avec qui Jeff est fâché depuis 10 ans. La réconciliation aurait pu se dérouler sans problème, sauf que lors d’un déjeuner, Jeff et Jean-Yves, vont une nouvelle fois trouver un sujet de discorde : Noël. Cette querelle familiale qui n’aurait jamais dû sortir de Bouzolles va se transformer en bras de fer entre Jeff et un géant de la distribution sur Internet.

Évidemment qu’ils n’allaient pas en rester là. Ils auraient eu tort de se gêner ! Récapitulons. Durant l’été 2011, Les Tuche obtient un joli succès dans les salles en attirant plus d’1,5 millions de spectateurs. Pas trop mal pour une comédie sortie de nulle part, mais reposant sur un casting sympathique, même si Safari du même Olivier Baroux avait fait quasiment deux millions d’entrées deux ans auparavant. Après le carton du film à la télévision et le relais sur les réseaux sociaux, le réalisateur décide de suivre à nouveau ses personnages, la famille Tuche donc, dans de nouvelles aventures et de les envoyer aux Etats-Unis. Les Tuche 2 – Le rêve américain sort en février 2016 et là le triomphe est aussi inattendu que conséquent : 4,6 millions d’entrées ! Puisque les français en redemandaient, les Tuche faisaient déjà leur retour deux ans plus tard, cette fois à l’Elysée ! Résultat des courses, 5,7 millions d’entrées ! Qui aurait pu prévoir cela ? Revoilà l’une des familles les plus célèbres de France, plongées dans un conte de Noël (oui oui) teinté de fable sociale, où Jeff, Cathy, Stéphanie, Wilfried et Donald « Coin-Coin » rencontrent rien de moins que le Père-Noël, venu les aider à sauver une petite usine locale spécialisée dans les jouets, qui a décidé d’affronter une entreprise de commerce en ligne installée dans les environs. Maintes fois reporté en raison de la Pandémie, Les Tuche 4 a pu sortir sur les écrans le 8 décembre 2021. Toutefois, cet épisode un peu « hors-série » est loin d’avoir connu le même engouement avec « seulement » 2,4 millions de spectateurs qui ont répondu à l’appel. Ce qui n’a pas empêché l’équipe de prévoir un cinquième opus…

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Test Blu-ray / Meurtre à Montmartre, réalisé par Gilles Grangier

MEURTRE À MONTMARTRE réalisé par Gilles Grangier, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD le 30 mars 2022 chez Pathé.

Acteurs : Michel Auclair, Paul Frankeur, Giani Esposito, Annie Girardot, Lucien Nat, Gib Grossac, Franck MacDonald, Philippe Dumat…

Scénario : Gilles Grangier & René Wheeler, d’après le roman de Michel Lenoir

Photographie : Jacques Lemare

Musique : Jean Yatove

Durée : 1h32

Année de sortie : 1956

LE FILM

Le marchand d’art Marc Kelber croit faire l’affaire du siècle quand il achète un tableau de Gauguin à Jacques Lacroix, un prétendu collectionneur. Mais quand il découvre que ce dernier est un escroc qui lui a vendu un faux, Kelber est bien décidé à se venger. Il retrouve alors Lacroix et ses complices, le peintre faussaire Watroff et sa compagne et modèle Viviane. Mais plutôt que de leur faire payer leur arnaque, il décide finalement d’y prendre part…

Habitué aux gros succès populaires depuis ses débuts dans les années 1940 comme Le Cavalier noir, Jo la Romance, Amour et compagnie et Trente et quarante avec Georges Guétary, L’Aventure de Cabassou avec Fernandel, Leçon de conduite avec Odette Joyeux, Par la fenêtre avec Bourvil, Gilles Grangier va petit à petit et momentanément délaisser la comédie pour se diriger vers des films plus dramatiques. L’une des étapes les plus marquantes de son illustre carrière reste sa rencontre avec Jean Gabin, avec lequel il tourne pour la première fois en 1953 pour La Vierge du Rhin, d’après le roman de Pierre Nord. Les deux hommes collaboreront à douze reprises. Le réalisateur démontre qu’il peut alors offrir autre chose aux spectateurs qu’un film musical ou des divertissements légers du samedi soir et c’est finalement dans un registre plus grave qu’il va trouver un second souffle, mais aussi s’épanouir derrière la caméra. Entre Le Sang à la tête, merveilleuse adaptation du roman de Georges Simenon, et Le Rouge est mis, Gilles Grangier se tourne vers un autre fidèle comédien, le grand Paul Frankeur, qui l’accompagne depuis 1950 (Au p’tit Zouave) et qu’il retrouvera sur Jeunes mariés (1953), Le Sang à la tête (1956), Le Rouge est mis (1957), Le Désordre et la Nuit (1958), Archimède le clochard (1959), Le Gentleman d’Epsom (1962), Le Voyage à Biarritz (1962, même si non crédité), Maigret voit rouge (1963), sans oublier la mini-série Max le débonnaire diffusée en 1967. Paul Frankeur, c’est souvent celui dont on ne sait pas forcément le nom dans un film. C’est un mécanicien, un bonimenteur, un patron de bistrot, un cordonnier, un réparateur de lignes électriques, un inspecteur ou un commissaire, un reporter, un aubergiste, un coiffeur, un cafetier, un coiffeur, un brigadier de gendarmerie, un contrôleur SNCF, un curé…et l’on se souvient pourtant toujours de lui. Meurtre à Montmartre, précédemment sorti au cinéma sous le titre Reproduction interdite, mais qui avait été rebaptisé par une production déçue par les résultats du film au box-office (ce qui avait irrité Gilles Grangier, étant donné que l’action se déroule à Montparnasse et non pas sur la butte, ce à quoi on lui avait rétorqué que « Meurtre à Montparnasse aurait été un titre trop long ») est l’un des rares films où Paul Frankeur tient le haut de l’affiche. Si l’on peut citer aussi Premières Armes (1950) de René Wheeler et Passion (1951) de Georges Lampin, il porte sur ses épaules Meurtre à Montmartre, en étant quasiment de toutes les scènes. Et il est admirable dans cette transposition d’un roman de Michel Cade (sous le nom de Lenoir), où Gilles Grangier dresse le portrait d’un galeriste, qui va malgré-lui tombé dans le crime, pour pouvoir subsister et offrir à sa jeune épouse un train de vie confortable. S’il n’est assurément pas le film le plus célèbre du cinéaste, Reproduction interdite (puisqu’on peut l’appeler ainsi) est un vrai bijou sombre et pessimiste, qui s’offre enfin à nous en copie entièrement restaurée.

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Test Blu-ray / Le Ciel sur la tête, réalisé par Yves Ciampi

LE CIEL SUR LA TÊTE réalisé par Yves Ciampi, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 18 mars 2022 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : André Smagghe, Jacques Monod, Bernard Fresson, Guy Tréjan, Marcel Bozzuffi, Henri Piégay, Yves Brainville, Jean Dasté, Beatrice Cenci, Yvonne Monlaur…

Scénario : Yves Ciampi, Jean Chapot & Alain Satou

Photographie : Edmond Séchan & Guy Tabary

Musique : Jacques Loussier

Durée : 1h50

Date de sortie initiale : 1965

LE FILM

1965, après plusieurs mois de campagne en mer à travers le monde, le porte avion Clémenceau regagne sa base de Brest. Les avions sont expédiés à terre et le reste de l’équipage s’apprête à débarquer pour retrouver leurs proches. Soudain, un message top secret de l’État-Major des Armées arrive auprès du Commandant Ravesne. Quelques instants après, celui-ci ordonne de faire demi-tour et rappelle toute la flottille à bord. Il déclenche le poste de combat et fait équiper les avions de l’arme nucléaire. Une question est sur toutes les lèvres : que se passe-t-il’? Mais le commandant reste silencieux…

Ancien médecin, Yves Ciampi (1921-1982), abandonne sa carrière médicale pour embrasser celle de réalisateur. Il commence tout d’abord en tant qu’assistant de Jean Dréville et d’André Hunebelle, mais passe très vite lui-même derrière la caméra à la fin des années 1940 pour son premier long-métrage, Suzanne et ses brigands, une petite comédie avec Suzanne Flon. Après avoir fait ses classes dans le documentaire, ce qui lui a apporté un véritable bagage technique et le sens du détail à l’écran, il se fait remarquer dès 1951 avec Un grand patron, dans lequel Pierre Fresnay interprète un chirurgien de renom, film qui rencontre un énorme succès public. A l’instar de Thomas Lilti (Hippocrate, Médecin de campagne, Première année), Yves Ciampi s’inspire de son expérience de médecin généraliste pour dépeindre avec précision son domaine professionnel originel dans L’Esclave (1953), sur la dépendance à la morphine, et Le Guérisseur (1953), sur la médecine alternative. Durant les années 1950, il dirige les plus grands acteurs, Yves Montand, Jean Servais, Gert Fröbe et Curd Jürgens dans Les Héros sont fatigués, Jean Marais et Danielle Darrieux dans Typhon sur Nagasaki, avant de signer des oeuvres plus confidentielles dans les années 1960. C’est pourtant en 1964 qu’il met en scène un formidable et inattendu film d’anticipation, Le Ciel sur la tête, quasiment entièrement tourné à bord du porte-avions Clémenceau (il s’agit avant tout d’une commande de la Marine Française), qui parcourait le monde depuis 1957. Film hybride, que l’on pourrait placer entre Top Gun (1986) de Tony Scott et Premier contact Arrival (2016) de Denis Villeneuve, Le Ciel sur la tête rend compte du passé de documentariste d’Yves Ciampi, quand celui-ci s’empare littéralement de son gigantesque décor « naturel », en présentant tous les recoins possibles et imaginables du navire de tête. Après une exposition du lieu où se tiendra l’essentiel de l’action, Le Ciel sur la tête bifurque ensuite vers le film fantastique, quand un étrange satellite fait irruption quelques kilomètres au-dessus de leur tête. Menace ? Avertissement ? Rencontre du troisième type ? Les hommes sont prêts à intervenir. A sa sortie, le film déconcerte quelque peu, même si près d’un million de spectateurs se rendront tout de même dans les salles. Il y a fort à parier que Le Ciel sur la tête sera largement reconsidéré, tant celui-ci demeure furieusement moderne avec des scènes de vol particulièrement bluffantes et une dimension « surnaturelle » aussi singulière que maîtrisée.

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Test Blu-ray / Les Pirates du métro, réalisé par Joseph Sargent

LES PIRATES DU MÉTRO (The Taking of Pelham One Two Three) réalisé par Joseph Sargent, disponible en Combo Blu-ray + DVD + DVD de bonus le 5 avril 2022 chez Rimini Editions.

Acteurs : Walter Matthau, Robert Shaw, Martin Balsam, Hector Elizondo, Earl Hindman, James Broderick, Dick O’Neill, Lee Wallace…

Scénario : Peter Stone, d’après le roman de John Godey

Photographie : Owen Roizman

Musique : David Shire

Durée : 1h44

Date de sortie initiale : 1974

LE FILM

À New York, quatre hommes armés, utilisant des couleurs comme noms, prennent en otage une voiture de métro et demandent une rançon d’un million de dollars pour la libération des passagers. Le Lieutenant Zachary Garber de la police du métro de New York doit gérer cette affaire, alors même qu’il doit faire visiter le centre de contrôle du réseau à des responsables du métro de Tōkyō.

Les Pirates du métro The Taking of Pelham 123 est réalisé en 1974 par Joseph Sargent. De son vrai nom Giuseppe Danielle Sorgente, il naît en 1925 dans le New Jersey et commence sa carrière au cinéma en tant qu’acteur. Il attrape le virus de la comédie quand il a une dizaine d’années, au moment où il reçoit une caméra 8 mm de la part de son oncle, avec laquelle il s’amuse à réaliser et à interpréter quelques courts métrages bien évidemment amateurs. Il intègre ensuite les rangs de l’Actors Studios dans les années 1940 et commence à se produire à Broadway dans quelques pièces, tout en multipliant les apparitions dans diverses séries télévisées, comme Peter Gunn ou The Lone Ranger. Il apparaît également comme figurant dans Tant qu’il y aura des hommes de Fred Zinnemann en 1953. Mais au milieu des années 1950 Joseph Sargent change son fusil d’épaule et souhaite devenir réalisateur. Il a l’opportunité de mettre en scène son premier long-métrage en 1959, Streetfighter, un drame à petit budget, écrit et interprété par Vic Savage, qui raconte l’histoire d’un jeune délinquant en quête de rédemption, après la mort de celle qu’il aimait. Mais c’est véritablement au cours de la décennie suivante que Joseph Sargent va apprendre son métier et surtout s’épanouir derrière la caméra, en réalisant moult épisodes de séries télévisées diverses et variées, Lassie, Gunsmoke, Les Envahisseurs, Bonanza, Le Fugitif, Opération vol et surtout Des agents très spéciaux. En 1966-1967, sortent deux longs-métrages, Un espion de trop et L’Espion au chapeau vert, qui sont en fait constitués chacun de deux épisodes de la série tirés de la seconde et de la troisième saison. Puis Joseph Sargent signe un film de guerre avec Claudia Cardinale et Rod Taylor, Tous les héros sont morts. Au début des années 1970, Joseph Sargent va signer son premier chef d’oeuvre, Le Cerveau d’acier Colossus : The Forbin Projet, sublime film de science-fiction apocalyptique, dans lequel Eric Braden, « monsieur Moustaches » des Feux de l’amour, qui avait alors une carrière intéressante au cinéma (Les Evadés de la planète des singes ou Les 100 fusils de Tom Gries), affrontait une intelligence artificielle, sur le point de prendre le contrôle de la Terre et de ses habitants. Toutes proportions gardées bien sûr, cette relecture glaçante du mythe de Prométhée apparaît comme un chaînon manquant entre 2001 l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick et Point Limite de Sidney Lumet. Méconnu et néanmoins précurseur, ce film aurait grandement inspiré James Cameron pour la création du Skynet de Terminator. Tout en continuant son travail pour la télévision, entre téléfilms et séries télévisées, il a d’ailleurs réalisé l’épisode de Kojak, Joseph Sargent reçoit de plus en plus de propositions pour le cinéma. En 1972, il commence le tournage d’un western, Buck et son complice, avec Sidney Poitier et Harry Belafonte, mais suite à des divergences avec la production, il est débarqué du tournage peu de temps après le début des prises de vues. Il sera remplacé par Sidney Poitier lui-même. Il enchaîne avec The Man Le numéro 4, téléfilm dans lequel James Earl Jones interprète le premier président des Etats-Unis afro-américain. Un téléfilm qui connaîtra une petite exploitation dans les salles et qui deviendra culte, au point d’être projeté lors de la première investiture de Barack Obama en 2009. Puis, Joseph Sargent réalise un film d’action avec Burt Reynolds, Les Bootlegers, dont l’acteur réalisera une suite trois ans plus tard et avec laquelle il fera lui-même ses débuts à la mise en scène. On lui propose alors de prendre les manettes des Pirates du métro.

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Test Blu-ray / La Menace, réalisé par Alain Corneau

LA MENACE réalisé par Alain Corneau, disponible en DVD et Blu-ray depuis le 21 novembre 2021 chez LCJ Editions & Productions.

Acteurs : Yves Montand, Carole Laure, Marie Dubois, Jean-François Balmer, Marc Eyraud, Roger Muni, Jacques Rispal, Michel Ruhl, Gabriel Gascon…

Scénario : Daniel Boulanger & Alain Corneau

Photographie : Pierre-William Glenn

Musique : Gerry Mulligan

Durée : 1h56

Date de sortie initiale : 1977

LE FILM

Dominique gère une société de transports routiers près de Bordeaux. Elle est assistée de son compagnon Henri. Mais leur relation tourne court lorsque le quinquagénaire s’éprend de Julie, une jeune Canadienne. Un soir, apprenant qu’Henri a rendez-vous avec Julie, Dominique s’y rend à sa place. Elle propose de l’argent à sa rivale pour qu’elle quitte la région. Le ton monte. Julie s’enfuit. Folle de jalousie, Dominique se suicide…

Après un premier long-métrage – France société anonyme – complètement foutraque, à la fois fascinant et terriblement assommant (euphémisme), Alain Corneau change son fusil d’épaule et signe un vrai coup de maître deux ans plus tard, Police Python 357, polar implacable et froid comme le platine, qui connaît un beau succès public, en attirant près d’1,5 million de spectateurs dans les salles en mars 1976. Metteur en scène et scénariste cinéphile, mais aussi cinéphage, Alain Corneau profite de cet engouement pour surfer sur la même recette et décide de remettre le couvert dès l’année suivante avec La Menace, également interprété par Yves Montand. Avec ce troisième film, le cinéaste prolonge ce qu’il avait entrepris avec Police Python 357, en poussant les curseurs, en asséchant aussi bien le fond que la forme, à la limite de l’abstraction. Moins ou mal considéré, c’est selon, La Menace n’en reste pas moins représentatif du cinéma « mathématiques », pour ne pas dire scientifique d’Alain Corneau, où tout y est carré, symétrique, glacé et pourtant fragile, car souvent fatal ou sans espoir de retour. Redoutablement pessimiste, ce polar sombre demeure essentiellement connu pour son dernier acte, quasiment dépourvu de dialogues, reposant entièrement sur le cadre, l’ambiance, une claustrophobie qui serre la gorge du spectateur jusqu’au dénouement entré dans l’histoire du cinéma.

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Test Blu-ray / Charmants garçons, réalisé par Henri Decoin

CHARMANTS GARÇONS réalisé par Henri Decoin, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 18 mars 2022 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Zizi Jeanmaire, Daniel Gelin, Henri Vidal, François Perier, Gert Fröbe, Yves Barsacq, Marie Daems, Renaud Mary, Jacques Berthier, Gil Vidal, Jacques Dacqmine, Jean-Pierre Marielle, Madeleine Lambert…

Scénario : Dominique Fabre, Étienne Périer & Charles Spaak

Photographie : Pierre Montazel

Musique : Georges Van Parys

Durée : 1h47

Date de sortie initiale : 1957

LE FILM

Lulu, chanteuse et danseuse dans un grand cabaret parisien, a de nombreux admirateurs… mais ses aventures amoureuses la déçoivent. Ainsi, Robert, le jeune industriel et homme marié, Edmond, le financier d’âge mûr persuadé que son argent lui donne un sex-appeal infaillible, Jo, le boxeur qui préfère le sport à la tendresse, Alain, le gentleman cambrioleur qui reste malhonnête même en amour, et Charles, l’impresario à tendance misogyne. Tous de charmants garçons avec de vilains défauts ! Lulu se demande si l’homme idéal existe… Quand un soir, un inconnu sort du lot…

Pour les jeunes spectateurs, le nom de Zizi Jeanmaire (1924-2020) ne leur dira probablement rien, et même sans doute à certains trentenaires ou quadra. Pourtant, elle fut l’une de nos plus grandes et de nos plus belles danseuses de ballet. Également chanteuse et meneuse de revue, ancien petit rat de l’École de danse de l’Opéra de Paris, l’artiste, de son vrai nom Renée Marcelle Jeanmaire, a bien sûr été appelée par le cinéma et ce dès 1952, année où elle tourne son premier long-métrage, Hans Christian Andersen et la Danseuse, sous la direction de Charles Vidor, interprété par Danny Kaye et surtout produit par Howard Hugues, à l’affût pour repérer les donzelles qui affolent le public. Son complice (qui sera son compagnon de toujours) Roland Petit se charge des chorégraphies. Elle donne ensuite la réplique à Bing Crosby et Donald O’Connor dans Quadrille d’amour Anything Goes (1956) de Robert Lewis. De retour en France, Zizi Jeanmaire et Roland Petit se marient, ont une fille, puis s’inspirent de leur expérience américaine pour leurs nouveaux shows parisiens. Elle revient devant la caméra pour Folies-Bergère, mis en scène par Henri Decoin, dans lequel elle a pour partenaire le très populaire Eddie Constantine. Résultat des courses, le film est un immense succès dans les salles avec 3,5 millions d’entrées, se classant à la dixième place du box-office en 1957. Lé star du music-hall, future interprète de Mon truc en plumes remet le couvert dès l’année suivante avec le même réalisateur, pour Charmants garçons, qui est plus ou moins envisagé comme un pendant féminin de la comédie Adorables créatures de Christian-Jaque, sortie cinq ans auparavant. S’il ne s’agit pas d’une suite, d’ailleurs Daniel Gélin, présent dans les deux films, joue deux personnages différents, Charmants garçon, écrit par le même Charles Spaak, fait un petit clin d’oeil à Adorables créatures dans la dernière scène, en convoquant un personnage du nom d’André Noblet, héros du film de Christian-Jaque. S’il aura moins d’engouement que Folies-Bergère en attirant deux fois moins de français au cinéma, Charmants garçons n’en demeure pas moins une belle réussite, dans laquelle le visage mutin mis en valeur par sa légendaire coupe à la garçonne et la gouaille de Zizi Jeanmaire fonctionnent parfaitement, rappelant souvent le jeu et le charisme d’Annie Girardot ou d’Arletty, tandis que ses partenaires masculins, Daniel Gélin, Henri Vidal, François Périer et Gert Froebe, ainsi qu’un jeune débutant du nom de Jean-Pierre Marielle, se disputent ses faveurs, dans une comédie menée à cent à l’heure et dont le charme perdure encore.

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Test Blu-ray / Absolution, réalisé par Anthony Page

ABSOLUTION réalisé par Anthony Page, disponible en DVD et Blu-ray depuis le 21 octobre 2021 chez LCJ Editions & Productions.

Acteurs : Richard Burton, Dominic Guard, David Bradley, Billy Connolly, Andrew Keir, Willoughby Gray, Preston Lockwood…

Scénario : Anthony Shaffer

Photographie : John Coquillon

Musique : Stanley Myers

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1978

LE FILM

Un prêtre sans compassion est enseignant dans une école militaire catholique. Un étudiant décide de lui jouer un tour et lui raconte, lors d’une confession, comment il a accidentellement assassiné un de ses amis et l’a enterré dans la forêt. Une blague morbide qui va se transformer en un meurtre sanglant, lorsque l’homme d’église décidera d’en savoir plus…

C’est un bijou méconnu, voire complètement oublié de l’épouvante britannique. Mais attention, point de sang, pas de gore, ni encore d’effets outranciers destinés à faire peur ! Absolution est l’une des rares incursions au cinéma du réalisateur Anthony Page (né en 1935), qui aura fait l’essentiel de sa carrière à la télévision, à travers des séries diverses (Z Cars, Middlemarch, Performance), mais surtout moult téléfilms comme Male of the Species (1969) avec Sean Connery et Michael Caine, Pueblo (1973) avec Hal Hholbrook et Ronny Cox, The Missiles of October (1974) avec William Devane et Martin Sheen, jusqu’à My Zinc Bed (2008), son dernier en date, interprété par Uma Thurman et Jonathan Price. A la fin des années 1970, le metteur en scène va enchaîner trois projets destinés à être exploités dans les salles, Jamais je ne t’ai promis un jardin de roses I Never Promised You a Rose Garden, avec Bibi Andersson, d’après un roman de Joanne Greenberg, The Lady Vanishes, remake du film d’Alfred Hitchcock, avec Elliott Gould et Cybill Shepherd, ainsi qu’Absolution, d’après un scénario d’Anthony Shaffer, tiré d’une de ses pièces de théâtre qui n’avait jamais vu le jour. Ce dernier n’est autre que l’auteur de Frenzy (1972), de Sleuth Le Limier (1972) de Joseph L. Mankiewicz, de The Wicker Man (1973) de Robin Hardy et de Mort sur le Nil Death on the Nile (1978) de John Guillermin. Dans Absolution, on retrouve cette implacable mécanique qui a fait le style reconnaissable du scénariste, qui prend le spectateur à la gorge d’entrée de jeu et qui ne fait que resserrer sa pression jusqu’au dénouement absolument ébouriffant. Magistralement interprété par Richard Burton (dans un rôle envisagé pour Christopher Lee), qui entamait alors la dernière partie de sa vie, puisqu’une hémorragie cérébrale l’emportera six ans plus tard à l’âge de 58 ans, Absolution demeure un modèle de thriller paranoïaque et psychologique teinté d’horreur, qui glace les sangs et qui marquera les esprits des cinéphiles qui s’y aventureront.

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