QUELQUES MESSIEURS TROP TRANQUILLES réalisé par Georges Lautner, disponible en DVD (2009) et en Blu-ray depuis le 3 septembre 2014 chez Gaumont
Acteurs : Dani, Michel Galabru, Henri Guybet, Jean Lefebvre, André Pousse, Bruno Pradal, Paul Préboist, Renée Saint-Cyr, Charles Southwood…
Scénario : Georges Lautner, Jean-Marie Poiré d’après le roman de A.D.G.
Photographie : Maurice Fellous
Musique : Pierre Bachelet, Eddie Vartan
Durée : 1h32
Date de sortie initiale : 1973
LE FILM
Loubressac, petit village du Lot. Son château, sa comtesse, ses tracteurs, ses paisibles autochtones… Et voilà qu’arrive une colonie de hippies que la châtelaine a autorisé à bivouaquer sur son domaine. Un drôle de genre qui fait grincer bien des dents. Jusqu’au jour où l’on assassine le régisseur de la châtelaine. Les beatniks sont alors des coupables tout désignés.
LA GROSSE CAISSE réalisé par Alex Joffé, disponible en Édition Digibook Blu-ray + DVD + Livret le 22 mai 2019 chez Coin de mire Cinéma et L’Atelier d’images
Acteurs : Bourvil, Paul Meurisse, Françoise Deldick, Daniel Ceccaldi, Bernard Fresson, Aimé de March, Tsilla Chelton, Roger Carel, Pierre Vernier, Jacques Legras, Dominique Zardi…
Scénario : Alex Joffé, Renée Asséo, Geno Gil, Luc Charpentier, Pierre Levy Cort
Photographie : Louis Page
Musique : Jean Marion
Durée : 1h46
Date de sortie initiale : 1965
LE FILM
Louis Bourdin est employé à la RATP le jour, romancier la nuit, avec une forte prédilection pour le genre policier. Un jour, il rédige un polar situé dans l’univers de la RATP, boudé par les éditeurs. Le livre parvient alors aux yeux d’une bande de criminels…
« Je
fais des trous, des petits trous, encore des petits trous Des
petits trous, des petits trous, toujours des petits trous Des
trous de seconde classe Des trous de première classe… »
1965 est une grande année pour Bourvil qui aura enchaîné Le Corniaud de Gérard Oury, Guerre secrète de Christian-Jaque, Les Grandes Gueules de Robert Enrico et La Grosse Caisse d’Alex Joffé. Près de vingt millions d’entrées sur quatre films, dont plus de la moitié pour Le Corniaud. La Grosse Caisse n’est certes pas sa comédie la plus célèbre, mais n’en demeure pas moins intéressante et surtout drôle, pour plusieurs raisons. Premièrement, Alex Joffé trouve le parfait équilibre entre l’humour, décalé voire même parfois onirique (le cauchemar du procès), et l’intrigue policière. Deuxièmement, l’histoire nous permet de jeter un œil sur le Paris d’époque, et plus particulièrement sur son métro. Enfin, La Grosse Caisse est aussi et surtout l’occasion d’admirer le face à face entre deux monstres du cinéma français, Bourvil et Paul Meurisse.
Louis Bourdin est poinçonneur au métro parisien. Piqué de romans policiers (son petit appartement de célibataire croule d’ailleurs sous les livres de Ian Fleming et les séries noires) et secrètement amoureux d’Angélique, poinçonneuse du quai d’en face, l’idée lui vient de conquérir la gloire et la fortune en écrivant un roman dont la trame est simple, efficace et bourrée de détails : profitant du lundi, jour où la recette collectée par la rame à finances de la R.A.T.P. est considérable, des gangsters particulièrement audacieux s’empareront de cette » grosse caisse ». Mais hélas personne ne daigne publier sa prose, la jugeant « trop invraisemblable ». Il décide alors de prouver tout le contraire, d’autant plus qu’il subit de plus en plus les railleries de ses collègues. Il prend le pseudonyme de Lenormand, et intitule son roman « Rapt à la RATP ». Il décide d’en faire bénéficier, bien imprudemment, un malfaiteur notoire, Paul Filippi. Ce dernier, entouré de ses sbires, décide de suivre à la lettre l’écrit de Bourdin. Ce dernier n’imaginait pas qu’il serait aussi mis à contribution…
La carrière du réalisateur Alex Joffé tourne essentiellement autour de Bourvil, avec lequel il collaborera à six reprises : Les Hussards (1955), Fortunat (1960), Le Tracassin ou Les Plaisirs de la ville (1961), Les Culottes rouges (1962), La Grosse Caisse (1965) et Les Cracks (1968). Tous de grands succès populaires, tout comme d’ailleurs le reste de la filmographie du metteur en scène, à qui l’on doit également Les Fanatiques (1957) avec Pierre Fresnay et Du rififi chez les femmes (1959) avec Robert Hossein et Roger Hanin. Dans La Grosse Caisse, Bourvil prend visiblement beaucoup de plaisir à interpréter cet humble employé de la RATP, vantard, mais peureux, qui affronte son quotidien monotone à la station Quai de la Rapée, en pensant au roman policier qu’il est en train de terminer. Il y a tout d’abord l’humanité toujours débordante de Bourvil qui fait son effet. Même s’il se sent pousser des ailes, à tel point que ses pieds ne touchent plus le sol (au sens propre comme au figuré) en rêvant de son futur succès et de sa célébrité à venir, Louis Bourdin est un homme timide, mal dans sa peau, seul, gentil, honnête, qui se fait constamment engueuler par son chef de station (l’immense Roger Carel) et qui en pince pour la charmante Angélique (délicieuse Françoise Deldick) qui poinçonne les billets en face de son guichet en direction de la Place d’Italie.
Immense comédien, Bourvil parvient également à montrer également le feu qui anime son personnage, son désir de s’extraire de son quotidien morose et sans avenir. Le destin le rattrape finalement en le mettant face à un bandit. Tout droit sorti du Monocle rit jaune de Georges Lautner, Paul Meurisse apparaît avec son élégance coutumière et son rictus cynique, véritable aristocrate du crime. Comme son partenaire, son interprétation est constamment sur le fil entre le rire et la gravité, capable de passer d’un bon mot à un regard perçant et menaçant qui refroidit immédiatement son interlocuteur. Comme si le Michel Delassale des Diaboliques refaisait surface entre deux répliques à l’humour so british. La rencontre entre les deux acteurs fait des étincelles.
Ce petit bijou de scénario rappelle les merveilleux romans de Donald Westlake et notamment les aventures de Dortmunder. Si l’on pourra déplorer quelques longueurs, notamment durant le périple de Bourdin pour trouver le truand susceptible d’être intéressé par son affaire, La Grosse Caisse séduit à plus d’un titre. Outre le jeu phénoménal des comédiens, le décor reste original avec celui de la belle station de Quai de la Rapée (formidablement reconstituée dans les studios d’Epinay-sur-Seine) et de ses environs, dont la station Arsenal, fermée aux usagers, servant de vitrine publicitaire pour des voitures Simca (!), investie ici par les gangsters.
Témoignage d’une époque révolue et de métiers aujourd’hui disparus, le film d’Alex Joffé reste bourré de charme (très belle photo de Louis Page) et toute la séquence du fameux rapt est un grand moment d’humour et de suspense. Car même si l’on rit, on souhaite également que les bandits s’en sortent et réussissent leur larcin, tout en espérant que le livre de Bourdin soit reconnu. La Grosse Caisse est une comédie policière savoureuse, qui toutes proportions gardées, annonce Le Cerveau de Gérard Oury. D’ailleurs, le vol du train postal est même évoqué au détour d’une réplique. Etrange coïncidence…
LE
DIGIBOOK
Nous terminons cette deuxième vague Coin de Mire Cinéma, par La Grosse Caisse. Comme les précédents titres de la collection « La Séance », cette édition prend la forme d’un coffret Digibook prestige numéroté et limité à 3.000 exemplaires. L’objet mesure 142 x 194 mm et comprend le Blu-ray, le DVD, ainsi qu’un superbe livret de 24 pages cousu au boîtier, reproduisant des archives sur le film, mais aussi celles de la R.A.T.P. dans les années 1960, sans oublier la reproduction de 10 photos d’exploitations cinéma sur papier glacé format 120 x 150 mm rangées dans 2 étuis cartonnés, ainsi que la reproduction de l’affiche originale en format 215 x 290 mm pliée en 4. Rappelons que chaque titre est annoncé au tarif de 32€, disponible à la vente sur internet (sur le site de l’éditeur notamment) et dans certains magasins spécialisés à l’instar de Metaluna Store tenu par le fringuant Bruno Terrier, rue Dante à Paris. Merci à Laure et Thierry Blondeau pour leur confiance ! Le menu principal du Blu-ray est fixe et musical.
On attaque cette « dernière » séance, en attendant la troisième vague Coin de Mire Cinéma avec une grande impatience, par les actualités de la 27e semaine de l’année 1965 (9’). Au programme, des images impressionnantes d’un militant viet-cong fusillé devant des spectateurs, suivi d’un attentat dans les rues de Saïgon, un record de vitesse effectué à bord d’une 404 diesel rapide, une large place accordée au résumé d’un Grand Prix remporté par Jim Clark, ainsi qu’une nouvelle collection portée par des mannequins mis dans des situations quelque peu atypiques…
Place aux réclames publicitaires (8’30) avec cette fois les nougats Coupo Santo, les esquimaux Gervais, les caramels Isicrem (avec le comédien Paul Mercey), sans oublier la nouvelle gamme de chez Frigidaire, la brosse à dents Gibbs aux poils doux, Jean Nohain qui passe faire un coucou pour vanter les chauffages Arthur Martin, tandis que Régilait propose un granulé de lait soluble instantané.
L’interactivité
se clôt sur un lot de bandes-annonces.
L’Image
et le son
D’emblée, la copie nous apparaît étincelante, des noirs denses côtoient des blancs immaculés et la palette de gris est largement étendue. La restauration HD (à partir du négatif original) est exceptionnelle, aucune scorie n’a survécu au nettoyage numérique et le piqué est bluffant. Seules quelques séquences nocturnes témoignent d’une sensible perte de la définition, comme lors des fondus en noir où le N&B paraît alors étrangement bleuté avec un rendu plus lisse, mais ce serait vraiment chercher la petite bête. A 1h19, les limites de la restauration sont également notables à droite de l’écran. Vous pouvez donc remiser votre ancienne édition DVD LCJ.
L’éditeur est toujours aux petits soins avec ses films. La Grosse Caisse bénéficie d’une piste DTS HD Master Audio mono. Si quelques saturations demeurent inévitables surtout sur les quelques dialogues aigus, l’écoute se révèle fluide, limpide et surtout saisissante. Aucun craquement ou souffle intempestifs ne viennent perturber l’oreille des spectateurs, l’excellente musique de Jean Marion (La Cuisine au beurre, Le Capitan) est admirablement restituée et les échanges sont clairs. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.
SUPERNICHONS CONTRE MAFIA (Double Agent 73) réalisé par Doris Wishman, disponible en DVD depuis le 13 février 2015 chez Sidonis Calysta
Acteurs : Chesty Morgan, Frank Silvano, Saul Meth, Jill Harris, Louis Burdi, Peter Savage…
Scénario : Doris Wishman, Judy J. Kushner
Photographie : Nouri Haviv, C. Davis Smith
Musique : Cine Top
Durée : 1h23
Année de sortie : 1974
LE FILM
Bien qu’elle souhaite se retirer des affaires, Jane Tennay reprend du service à la demande du patron des Services Secrets. Sa mission : identifier le chef d’un gang de trafiquants de drogue qui inonde le marché d’une héroïne bon marché. Son arme secrète : un microscopique appareil photo implanté dans le téton de son sein gauche. Pratique pour prendre des clichés de documents compromettants. Mais, son opulente poitrine, Jane l’utilise aussi pour faire diversion, empoisonner et assommer ses ennemis.
Quelle série Z ! Si le titre en version originale Double Agent 73 ne le laissait pas présager de ce côté de l’Atlantique (73 est la taille, en pouces, du tour de poitrine de Busty…), au moins il n’y a pas tromperie sur la marchandise avec celui en français, Supernichons contre mafia.
Réalisé en 1974 par Doris Wishman (1912-2002), la « cinéaste » experte du nudie, ce chef-d’oeuvre du genre qui compile tout ce qui ne faut pas faire au cinéma demeure essentiel pour les amateurs de déviant. Ce grand classique repose sur la poitrine généreuse, débordante devrait-on dire, de Chesty Morgan (de son vrai nom Liliana Wilczkowski), strip-teaseuse dont les attributs naturels (220 de tour de poitrine) lui ont valu une petite notoriété dans le genre de la sexploitation. Doris Wishman la filme à hauteur du « buste » ou en contre-plongée pendant 1h10, mais rien d’excitant puisque la gravité faisant son effet, les « mamelles » s’apparentent à deux montgolfières en perdition.
Chesty Morgan, qui ressemble à Danièle Thompson maquillée comme une voiture volée, a le charisme d’un encornet avec des yeux éteints, aucun talent d’actrice et se voit en plus doublée puisque son accent polonais était trop prononcé. Comme Pamela Anderson, « elle est très distinguée ». L’histoire en elle-même est débile, les morceaux de bravoure s’enchaînent comme des perles sur un collier, les faux raccords sont légion, le cadre est laissé à l’abandon, l’interprétation est consternante, les décors hideux, bref, que du bon, surtout que la version française s’avère aussi abominable et rajoute une touche exotique et vulgaire à ce nanar grâce à des répliques fumeuses.
Ce film hors-normes mérite bien une projo entre potes. Fous-rires garantis avec ce film amateur, ou à mateurs c’est selon…
LE DVD
Le DVD de Supernichons contre mafia (c’est toujours étrange d’écrire ce titre…) repose dans un boîtier classique Amaray. La jaquette a été choyée par Sidonis Calysta avec des couleurs bien voyantes et au centre de laquelle pose Chesty Morgan afin d’appâter le chaland. On adore l’accroche « Même ses ennemis ne savent plus à quel sein se vouer », très chic ! Le boîtier est glissé dans un surétui cartonné. Le menu principal est quant à lui animé et musical.
Sidonis Calysta n’a pas fait les choses à moitié et livre près d’une heure de suppléments !
La Fabuleux destin de Doris Wishman (23’) : Voici un formidable portrait de la cinéaste américaine Doris Wishman réalisé par Marc Toullec et narré par Linda Tahir-Meriau. Ponctué par d’incroyables images de films et de bandes-annonces d’époque, ce module donne l’eau à la bouche et nous rend fous d’impatience à l’idée de découvrir d’autres « chefs-d’oeuvre » de cette réalisatrice atypique et habituée des nudies, née en 1912 et disparue en 2002, à l’instar de Diary of a Nudist, Gentlemen Prefer Nature Girls, The Sex Perils of Paulette et Mamell’s Story ! 30 films réalisés entre 1960 et 2007 !
Ne manquez pas le dialogue entre l’immense Patrick Brion et l’excellent Christophe Carrière (33’) sur Supernichons contre mafia ! C’est à mourir de rire car les deux critiques proposent un retour sur la carrière et le film de Doris Wishman, mais se trouvent rapidement rattrapés par la dimension Z de ce chef d’oeuvre du genre. Il faut voir comment Patrick Brion tente de garder son sérieux face au trublion qu’il a en face de lui et qui se marre en citant les dialogues de la version française, absolument abominable et donc monumentale. Ils en viennent ensuite au casting, en se focalisant bien évidemment sur le jeu « extraordinaire » de Chesty Morgan. Voilà une présentation qui prolonge le plaisir ressenti en visionnant Supernichons contre mafia !
L’Image et le son
Et bien franchement nous n’attendions pas une copie aussi belle ! L’image de Supernichons contre mafia s’avère impressionnante, surtout quand on sait que le film de Doris Wishman avait quasiment disparu des radars ! Le master (1.77, 16/9) affiche une indéniable propreté, le grain est habilement géré excepté sur les plans accélérés ou ralentis. Sur ces séquences, la texture est plus grumeleuse, les contrastes sont poreux et la luminosité décline. Mais en dehors de cela, la stabilité est de mise, les couleurs sont au top et les détails sont très agréables.
Le confort acoustique est assuré en français comme en anglais, même si cette dernière s’en tire bien mieux que son homologue, avec toutefois un souffle chronique. Si certains dialogues paraissent plus couverts que d’autres, on se délecte de l’ambiance sonore avec des sonneries de téléphone stridentes ou la musique affreuse. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue est verrouillé à la volée. A noter que le doublage français a été perdu sur certaines séquences. Elles passent donc automatiquement en anglais sous-titrées en français. Mais c’est ainsi que vous devez visionner Supernichons contre mafia !
UN BEAU VOYOU réalisé par Lucas Bernard, disponible en DVD le 7 mai 2019 chez Pyramide Vidéo
Acteurs : Charles Berling, Swann Arlaud, Jennifer Decker, Jean-Quentin Châtelain, Erick Deshors, Anne Loiret, Pierre Aussedas, Marina Moncade, Victor Pontecorvo…
Scénario : Lucas Bernard
Photographie : Alexandre Léglise
Musique : Christophe Danvin
Durée : 1h40
Année de sortie : 2019
LE FILM
Le commissaire Beffrois attend la retraite avec un enthousiasme mitigé quand un vol de tableau retient son attention. Est-ce l’élégance du procédé ? L’audace du délit ? La beauté de l’œuvre volée ? Beffrois se lance à la recherche d’un voleur atypique, véritable courant d’air, acrobate à ses heures.
Ancien assistant opérateur de Tonie Marshall sur France Boutique, de Coline Serreau sur Saint-Jacques… La Mecque, également directeur de la photographie et écrivain (Les Lacets rouges, FDS Seuil), Lucas Bernard signe Un beau voyou, son premier long métrage. Très belle réussite et prometteur, ce film doux-amer, difficile à classer, joue avec les genres et les ruptures de tons pour mieux surprendre les spectateurs qui pourraient se prendre au jeu concocté par le réalisateur. Le trio vedette Charles Berling, Swann Arlaud et Jennifer Decker sont excellents, formidablement dirigés et prennent visiblement beaucoup de plaisir à se donner la réplique.
Précédemment scénariste et metteur en scène d’un très bon court-métrage intitulé La Place du mort (2014) avec Christian Benedetti et Anne Loiret, Lucas Bernard passe donc le cap du « grand format » avec Un beau voyou. Comme souvent dans un premier long métrage, moult sujets sont abordés. Le cinéaste trouve le bon équilibre et croise à la fois le départ d’un flic à la retraite, une histoire d’amour, le récit d’un vol de tableaux, le portrait d’un trentenaire trouble et ambigu, le deuil, la filiation. Là où la plupart se seraient perdus en chemin en privilégiant un sujet plutôt que l’autre, tout en délaissant la plupart des bases posées ici et là en début de film, Lucas Bernard imbrique et entrecroise les personnages, les sensibilités et les destinées.
Volontairement « old school » dixit le réalisateur, le personnage de François Albagnac, dit Bertrand ou Antoine, incarné par Swann Arlaud qui venait alors de recevoir le César tellement mérité pour Petit paysan d’Hubert Charuel, est un voleur qui renvoie au «Chat » interprété part Cary Grant dans La Main au collet d’Alfred Hitchcock, sans complice, se faufilant par les toits. Son « adversaire » est un commissaire qui se prépare à fêter son départ à la retraite, qui arbore des chemises fleuries, avec un sourire cynique constamment collé au visage. Veuf, sa femme lui a laissé deux garçons dans la trentaine, ainsi que certaines connaissances pointues en matière d’art. En ayant « marre des délits qui sentent la misère », Beffrois, merveilleusement incarné par Charles Berling au jeu toujours aussi frais, souhaiterait finir sa carrière sur un beau coup. Et s’il mettait la main sur le voleur de tableaux avant d’aller tailler ses rosiers ?
Un beau voyou est un film lumineux, vraisemblablement tourné en plein été, avec des couleurs vives et une clarté omniprésente. Pourtant, les portraits dressés des protagonistes sont plutôt sombres. Beffrois tente de se remettre de la mort de son épouse et de réapprendre à communiquer avec ses deux fils, tandis que Bertrand, sans véritable domicile fixe (ses parents ne savent d’ailleurs même pas où il habite), passe d’arnaque en arnaque en usurpant l’identité de certains quidams, tout en se transformant en voleur félin la nuit où les toits de Paris (très bien filmés d’ailleurs, notamment lors d’une poursuite à la Peur sur la ville) deviennent son domaine. La rencontre avec Justine va bouleverser quelque peu son quotidien.
Ce que l’on apprécie dans Un beau voyou c’est d’abord les comédiens, dont le jeu et les parcours diffèrent, mais qui pourtant s’assemblent royalement pour donner au film une identité propre et inattendue. Charles Berling bouffe l’écran et compose une vraie figure de flic qui a visiblement connu toutes les arnaques dans son commissariat du XVIIIe arrondissement, un peu à la Philippe Noiret dans Les Ripoux. La scène d’ouverture où il offre « un jus » au jeune voleur pris en flagrant délit dans son propre appartement installe d’emblée le personnage. Immédiatement attachant, Beffrois se révèle par strates et sa dernière scène est absolument jubilatoire. Swann Arlaud est également admirable dans la peau du « Beau voyou » instable et roublard. La trop rare à l’écran Jennifer Decker de la Comédie Française, est à se damner et son regard ardent vole toutes les scènes où elle apparaît.
Comédie-dramatique policière à la fois sensuelle, romanesque et fantaisiste, bref inclassable, très attachante et dynamique, Un beau voyou est une des très belles surprises de l’année 2019 dont on retient d’ores et déjà le nom de son auteur, Lucas Bernard.
LE
DVD
Le test du DVD d’Un beau voyou, disponible chez Pyramide Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
Nous ne manquons jamais de saluer un éditeur quand il décide de proposer des courts-métrages en guise de supplément. C’est le cas ici avec tout d’abord l’excellent film La Place du mort (21’), réalisé par Lucas Bernard en 2014. Georges (Christian Benedetti), juge de province, percute et tue un homme assis sur une route de campagne. Ne semblant pas bouleversé par sa mésaventure, il arrive à l’heure au tribunal. Mais une inconnue, Carole Favourier (Anne Loiret) se glisse dans la salle d’audience et le regarde rendre justice.
Egalement présent, l’essai intitulé La Part disponible (2013, 7’) dans lequel Lucas Bernard se penche sur l’héritage familial à travers une collection d’anciennes cartes postales. Un montage troublant sur le temps qui passe («mais surtout qui s’accélère » dit le narrateur) constitué d’images Super 8, de photographies, de bobines, de cassettes…
Emergence est une fabrique pour le cinéma et la fiction créée en 1998. Sa vocation est de soutenir la jeune création et de révéler des talents. Chaque année, les réalisateurs sélectionnés tournent deux scènes de leur scénario avec les acteurs et les équipes techniques du long métrage en développement. En 2015, Lucas Bernard a participé à Emergence, dans le cadre de la préparation d’Un beau voyou, alors que le film s’intitulait encore Une histoire de l’art (8’). Nous retrouvons Jennifer Decker et Swann Arlaud, dans une scène finalement non retenue pour le film, mais qui est évoquée lors du repas. Il s’agit du moment où le père de Justine la surprend au lit avec Bertrand.
Ne manquez pas les essais costumes des comédiens (9’30), très beaux, durant lesquels les protagonistes regardent la caméra et récitent visiblement une tirade de leur choix.
Enfin, deux scènes coupées viennent compléter cette section (6’). La première montre la confrontation entre Beffrois et le mari victime du vol, qui vient comme par enchantement de retrouver sa toile dérobée. La seconde, beaucoup plus émouvante, montre la confrontation entre Beffrois et ses deux fils, dans un café, où la mort de la mère-épouse est enfin abordée.
L’Image et le son
Point d’édition HD pour Un beau voyou, mais le DVD proposé par Pyramide Vidéo est tout point lumineux. Les couleurs sont vives, le piqué constant, les contrastes fermes. Aucun problème constaté, les gros plans regorgent de détails et les scènes nocturnes sont également élégantes.
Bien qu’elle soit essentiellement musicale, la spatialisation instaure un réel confort acoustique. Par ailleurs, les quelques effets glanés ici et là sur les enceintes arrière permettent de plonger le spectateur dans une atmosphère probante. Sans surprise, le caisson de basses n’intervient pas dans cette histoire, ou seulement lors de la scène de la poursuite sur les toits. Les voix demeurent solidement plantées sur la centrale, la balance frontale étant quant à elle riche et savamment équilibrée. Une option Stéréo est également au programme, ainsi qu’une piste Audiodescription et les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
PREMIÈRES VACANCES réalisé par Patrick Cassir, disponible le 8 mai 2019 en DVD et Blu-ray chez Le Pacte
Acteurs : Camille Chamoux, Jonathan Cohen, Camille Cottin, Jérémie Elkaïm, Vincent Dedienne, Dominique Valadié, Svetlana Gergova, Bar Levy…
Scénario : Camille Chamoux, Patrick Cassir
Photographie : Yannick Ressigeac
Musique : Alexandre Lier, Sylvain Ohrel, Nicolas Weil
Durée : 1h42
Année de sortie : 2018
LE FILM
Marion et Ben, trentenaires, font connaissance sur Tinder. C’est à peu près tout ce qu’ils ont en commun ; mais les contraires s’attirent, et ils décident au petit matin de leur rencontre de partir ensemble en vacances malgré l’avis de leur entourage. Ils partiront finalement… en Bulgarie, à mi-chemin de leurs destinations rêvées : Beyrouth pour Marion, Biarritz pour Ben. Sans programme précis et, comme ils vont vite le découvrir, avec des conceptions très différentes de ce que doivent être des vacances de rêve…
Il y a les comédies, françaises et autres – car ce serait stupide de considérer que seules les comédies hexagonales sont la plupart du temps ratées – qui semblent avoir été écrites par des adolescents, en style SMS, dans le simple but d’être tournées, sans aucun sens de la mise en scène, pour ensuite finir une seule semaine dans les salles de cinéma. On accueille donc à bras ouverts, non pas l’immonde long métrage de Philippe de Chauveron, mais ces Premières vacances, concoctées par Patrick Cassir et Camille Chamoux. Si le premier, venu du clip (Les Plasticines, Arielle Dombasle, Philippe Katerine, Camelia Jordana, Rose) et de la publicité signe ici son premier long métrage, la seconde a percé depuis quelques années avec ses one-woman-show, puis en apparaissant au cinéma dans Bye Bye Blondie de Virginie Despentes et dans Supercondriaque de Dany Boon. Mais ce sont Les Gazelles, film sorti en 2014 qu’elle co-écrit avec la réalisatrice Mona Achache, qui révèle son univers, son tempérament volcanique et son humour décalé. Après le succès de Larguées d’Eloïse Lang, la comédienne signe le scénario de Premières vacances avec son compagnon Patrick Cassir. Et c’est une belle réussite. Non seulement le film est drôle et bien écrit, mais il donne également matière à réflexion sur l’amour au XXIe siècle dans les grandes villes, tout en offrant à l’excellent Jonathan Cohen l’occasion de briller une fois de plus devant la caméra. Et n’oublions pas la participation de Camille Cottin, Jérémie Elkaïm, Caroline Anglade et d’autres qui campent des personnages satellites qui gravitent autour du noyau central de ce very bad trip qui n’oublie pas d’être romantique.
Marion et Ben font connaissance sur Tinder. Ils se donnent rendez-vous un soir sur le bassin de la Villette. Ils font connaissance. Malgré leurs caractères complètement opposés, le courant passe bien, à tel point qu’ils couchent finalement ensemble et décident de partir en vacances à deux, en dépit des doutes de leurs amis et de leurs familles. Les deux tourtereaux se rendront en Bulgarie, pays qui se situe à mi-chemin de leurs destinations initialement envisagées. Sur place, les caractères, désirs, phobies, doutes et sentiments se dévoilent réellement.
Premières vacances est une sorte de road-movie doux-amer, inspiré, joliment mis en scène avec des paysages étonnants – ceux de la Bulgarie – très peu vus au cinéma. Le rythme est maîtrisé, les répliques tordantes et le couple vedette en parfaite osmose. Camille Chamoux, véritable pile électrique est aussi plus sobre qu’à l’accoutumée, rien de péjoratif à dire cela puisque son personnage est ici plus « relax » que le personnage incarné par Jonathan Cohen. Ce dernier, l’une des plus belles révélations comiques de ces quinze dernières années à la télévision (Bref, Serge le Mytho) et au cinéma (Un plan parfait de Pascal Chaumeil, Budapest de Xavier Gens et dernièrement dans Amanda de Michaël Hers) explose enfin en tant que véritable tête d’affiche. Assurément l’un des acteurs français à suivre de près.
Sur une très belle photographie de Yannick Ressigeac, Premières vacances enchaîne les scènes comme on ferait défiler les pages d’un album de photos souvenirs, avec un rythme soutenu, des péripéties calibrées et bien senties, sans jamais oublier la réflexion qui se fraye un chemin, notamment quand le couple se rend dans un hôtel moderne où le confort social, et donc les vraies différences entre les deux individus, se révèlent et s’exacerbent. C’est donc une vraie bonne surprise que cette comédie, excellente, à placer sur le haut du panier du genre et qui s’avère déjà l’une des réussites de l’année 2019.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Premières vacances, disponible chez Le Pacte, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
Pour compléter le film, l’éditeur propose deux entretiens. Le premier avec le réalisateur Patrick Cassir et le second avec les comédiens Camille Chamoux et Jonathan Cohen. Nous retiendrons surtout l’intervention du metteur en scène et co-scénariste qui revient sur son parcours, la genèse du film, l’écriture du scénario avec sa compagne Camille Chamoux. Patrick Cassir explique avoir voulu filmer différemment celle qui partage sa vie. Les scènes improvisées (l’apéro-cul), les thèmes, le tournage en Bulgarie, le travail avec le chef opérateur, les volontés artistiques et partis pris sont également abordés.
Jonathan Cohen et Camille Chamoux reviennent pour ainsi dire sur les mêmes sujets avec enthousiasme et une évidente complicité.
L’interactivité se clôt
sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Le Pacte frôle la perfection avec le master HD de Premières vacances. Toutes les scènes se déroulant en extérieur impressionnent par leur rendu saisissant. Le piqué reste tranchant comme la lame d’un scalpel, les détails abondent sur le cadre large, la profondeur de champ est appréciable, les contrastes sont denses et la colorimétrie chatoyante. L’encodage AVC consolide l’ensemble, la luminosité ravit constamment les yeux. Un très bel écrin qui sied à ravir à l’élégante photo du chef opérateur Yannick Ressigeac.
Le spectacle est également assuré du point de vue acoustique grâce à un mixage DTS-HD Master Audio 5.1 qui exploite toutes les enceintes dans leurs moindres recoins. La balance frontale est percutante, les effets nets et précis, les dialogues savamment délivrés sur le point central et les ambiances latérales constantes participent à l’immersion du spectateur. La musique bénéficie d’une belle spatialisation. N’oublions pas le caisson de basses qui tire habilement son épingle du jeu à de multiples reprises. La Stéréo est évidemment plus plate, mais ne démérite pas. L’éditeur joint également une piste audiodescription ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE 2 (The Texas Chainsaw Massacre 2) réalisé par Tobe Hooper, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume
Acteurs : Dennis Hopper, Caroline Williams, Jim Siedow, Bill Moseley, Bill Johnson, Ken Evert, Harlan Jordan, Kirk Sisco…
Scénario : L.M. Kit Carson
Photographie : Richard Kooris
Musique : Tobe Hooper, Jerry Lambert
Durée : 1h40
Date de sortie initiale : 1986
LE FILM
Douze ans après le massacre d’un groupe de jeunes au Texas, la tronçonneuse vrombit à nouveau dans les mains de Bubba, le tueur masqué, la famille Sawyer ayant désormais trouvé refuge dans un parc d’attractions abandonné. Mais l’arrivée du shérif Lefty Enright, oncle de deux des victimes de Leatherface, va changer la donne, d’autant que l’homme de loi est aussi un maniaque de la scie à moteur.
Est-ce un nanar ? C’est ce que l’auteur de ces mots pensait jusqu’alors, mais non, finalement, Massacre à la tronçonneuse 2 – The Texas Chainsaw Massacre 2 est juste une incroyable comédie d’horreur. Douze ans après le film qui l’a fait connaître, Tobe Hooper décide de revenir à sa scie mécanique, surtout suite aux échecs commerciaux consécutifs de Lifeforce (1985) et de L’Invasion vient de Mars (1986). Troisième long métrage produit par la Cannon et les trublions Menahem Golan et Yoram Globus, Massacre à la tronçonneuse 2 va emmener les spectateurs là où ils s’y attendaient le moins, sur le territoire de la comédie noire. Aujourd’hui encore, les fans hardcore du premier volet ne savent pas quoi faire cet épisode quasi-indépendant de la franchise Texas Chainsaw. C’est là toute l’ambition d’un cinéaste conscient que l’époque avait changé et qui ne voulait surtout pas se répéter. Massacre à la tronçonneuse 2 est une oeuvre totalement barrée, insolite, inclassable, extrêmement généreuse. Et s’il s’agissait là d’une des meilleures suites de l’histoire du cinéma ?
Depuis plus de 10 ans, le Texas Ranger Lefty Enright, l’oncle de Sally et Franklin, cherche sans relâche à venger le meurtre brutal des enfants de son frère par Leatherface et sa famille de cannibales. Aujourd’hui c’est son jour de chance : une présentatrice de radio vient d’enregistrer la bande son du meurtre par Leatherface de deux jeunes hommes qui étaient en communication téléphonique avec la radio au moment du crime.
Sur un scénario signé L.M. Kit Carson, qui avait participé à celui du sublime Paris, Texas de Wim Wenders, Tobe Hooper confronte sa famille de fous furieux cannibales aux yuppies de l’Amérique de Ronald Reagan. Alors que les hippies subissaient les assauts de Leatherface dans le premier épisode, le réalisateur s’en prend aux jeunes cadres ambitieux et sans scrupules dans Massacre à la tronçonneuse 2, tout en jouant avec l’empathie des spectateurs. Ici, en dehors du personnage joué par la bad-ass et sexy Caroline Williams, Vanita Brock aka Stretch, on en vient à préférer cette bande de frappadingues merveilleusement interprétés à l’écran par Jim Siedow (seul rescapé du premier film) devenu un businessman et à qui le libéralisme a également profité, l’incroyable Bill Moseley (Chop-Top) et Bill Johnson, qui remplace Gunnar Hansen derrière le masque en peau de Leatherface. A tout ce beau monde se joint évidemment Dennis Hopper, qui se fond totalement dans l’esprit tordu du film. Arborant un Stetson démesuré et deux tronçonneuses en guise de colts, le comédien traverse ce récit en assumant le ridicule de son personnage, qui ne fait quasiment rien du film, à part couper les poutres du repaire de ses adversaires.
Conçu et mis en scène comme un délire ultime, cette séquelle longtemps mal aimée est pourtant un incroyable tour de force. Tobe Hooper ne craint pas de détourner les attentes de son audience, pour mieux les surprendre, du moins ceux qui sauront accepter ces partis-pris. Si quelques séquences apparaissent trop étirées, à l’instar de l’apparition de Leatherface et de Chop-Top dans la station de radio, le film parvient à trouver son rythme de croisière. Massacre à la tronçonneuse 2 se divise en trois parties distinctes. Le meurtre des deux yuppies partis en virée laisse place à l’attaque de la station de radio, puis à un huis clos hallucinant où notre héroïne se retrouve enfermée dans l’antre – superbe décor forain – de la famille dégénérée.
Progressivement, les personnages principaux pètent les plombs, comme Dennis Hopper tout droit sorti de Blue Velvet et qui semble encore avoir un pied sur le plateau du chef d’oeuvre de David Lynch. Il faut attendre l’apparition de Chop-Top, revenu du Viet Nam avec une plaque en fer greffée sur le crâne pour que le film dévie et ne fasse plus machine arrière. Ajoutez à cela un Leatherface “romantique” qui use de sa tronçonneuse comme d’un sexe turgescent, qui tombe amoureux de Stretch et qui s’amuse à lui caresser l’entrecuisse avec son outil, tout en lui confectionnant un masque de sa composition pour qu’ils puissent jouer ensemble. Ça crie, ça gesticule et parle fort, c’est complètement dingue et grand guignolesque, c’est aussi vulgaire et outrancier. Tobe Hooper repousse les limites de l’hystérie, jusqu’au dîner final repris directement du premier film avec même la présence du Grandpa, toujours en (sur)vie, prêt à donner des coups de marteau sur les demoiselles.
Malgré une semaine de tournage annulée, un million de dollars amputé sur le budget initialement prévu et des réécritures quotidiennes du scénario, Massacre à la tronçonneuse 2, farce malsaine, témoigne de la virtuosité d’un cinéaste (également compositeur ici) en pleine possession de ses moyens (ici avec plus de sang et des maquillages très réussis signés Tom Savini) et au sommet de son art créatif. Pour sa sortie, craignant de voir leur film classé X, les Go-Go Boys décident de se passer de la commission en faisant interdire Massacre à la tronçonneuse 2 aux moins de 17 ans. Le film remporte tout de même deux fois sa mise sur le sol américain, mais se voit priver d’une sortie en Angleterre, en Australie et en Allemagne. Le montage diffère selon les pays et même si ce second épisode ne connaît pas le triomphe inattendu du film original, Massacre à la tronçonneuse 2 n’est pas un échec commercial. Aujourd’hui, il est peut-être même devenu encore plus culte que le film original.
LE BLU-RAY
Voilà une belle et grosse édition concoctée une fois de plus par Le Chat qui fume ! Massacre à la tronçonneuse 2 fait son retour dans les bacs, douze ans après le DVD MGM sorti en juin 2007. Cette édition limitée à 2000 exemplaires se compose du Blu-ray et de deux DVD, placés dans un sublime Digipack 3 volets (Frédéric Domont, tu es le meilleur !) avec étui cartonné du plus bel effet. Le menu principal est animé et musical. Nous trouvons également un petit encart de quatre pages signé Christophe Lemaire, qui évoque la découverte de Massacre à la tronçonneuse 2 au cinéma la première semaine d’octobre 1986, au festival de Sitges.
Il vous faudra réserver près de six heures pour aller au bout de tous les suppléments disponibles sur cette édition de Massacre à la tronçonneuse 2 !
On commence par un commentaire audio (vostf) du cinéaste Tobe Hooper, mené par David Gregory, réalisateur de Texas Chaisaw Massacre: The Shocking (2000). Ce commentaire, réalisé en juillet 2006 est plutôt agréable, dans le sens où Tobe Hooper se livre progressivement au fil de l’exercice. La genèse, le contexte politique et social des années 1980, les partis pris, les intentions, les conditions de tournage, le casting, les décors, les effets visuels, la réception du film à sa sortie, le metteur en scène revient sur tous ces aspects. Notons quelques silences et le fait que Tobe Hooper désirait revenir « à ce genre de film scandaleux » et qu’il travaillait alors sur « quelque chose de dément ».
Le second commentaire audio, également sous-titré en français, donne cette fois la parole au maquilleur Tom Savini, accompagné des comédiens Caroline Williams et Bill Moseley. Si les informations sont moins nombreuses ici, la bonne humeur des trois intervenants est réellement contagieuse. Sans aucun temps mort, les invités se lâchent derrière le micro, refont des dialogues du film, avec quelques cris de circonstance et surtout beaucoup de rires.
Cinq scènes inédites sont disponibles (13’ au total). Présentées séparément avec un carton en introduction qui permet de remettre ladite séquence dans son contexte, ces scènes coupées au montage (pour des questions de rythme) prolongent surtout les virées nocturnes de la famille Sawyer, à la recherche de viande fraîche pour leur chili con carne ! Cela nous vaut un carnage dans un parking avec des membres arrachés. La qualité fait mal aux yeux, mais ces suppléments restent une belle curiosité. Egalement présent, un générique alternatif.
Réalisé en 2006, le documentaire C’est de famille (87’) est ici divisé en six parties distinctes, Le scénario du massacre du Texas (13’), L’art du grabuge (17’), Une série de personnages (26’), Viande de premier choix sur le plateau avec Tom Savini (14’), Père de la tronçonneuse (8’) et Requiem pour une suite (9’). On y retrouve donc les mêmes intervenants, à savoir le scénariste M. Kit Carson, le directeur de la photo Richard Kooris, le chef décorateur Cary White, les acteurs Bill Johnson (Leatherface), Lou Perryman (LG), Bill Moseley (Chop Top) et Caroline Williams (Stretch), l’accessoiriste Michael Sullivan et le maquilleur Tom Savini.
Tout ce beau petit monde, enregistré séparément, revient sur la genèse et surtout sur le tournage de Massacre à la tronçonneuse 2. Remplit d’anecdotes (surtout sur Tobe Hooper, toujours la canette de Dr Pepper et le cigare Montecristo à portée de main) et d’images de plateau, ce passionnant making of aborde tous les aspects de la production du film qui nous intéresse, la création des décors, le casting, les maquillages, etc.
Place à l’excellent Julien Sévéon, dont nous avons parlé à plusieurs reprises sur Homepopcorn.fr, à l’occasion de ses présentations sur les galettes d’Incidents de parcours de George A. Romero, de Gungala, la vierge de la jungle de Romano Ferrara et de Maximum Overdrive de Stephen King. Une fois de plus, il nous propose une brillante et passionnante analyse de Massacre à la tronçonneuse 2 (33’), en croisant le fond avec la forme. Certes, les propos font parfois écho avec ce qui a déjà été entendu au fil des suppléments précédents, mais l’ensemble reste dynamique, toujours intéressant et bourré d’informations, notamment en ce qui concerne les problèmes de continuité d’un film à l’autre. Julien Sévéon en profite également pour indiquer ses trois opus préférés de la franchise, à savoir les deux films réalisés par Tobe Hooper, ainsi que le Leatherface de Julien Maury et Alexandre Bustillo.
Le dernier documentaire de cette incroyable édition, La Maison de la douleur (42’30) compile cette fois les interventions des associés de Tom Savini, à savoir John Vulich (responsable du maquillage de Grandpa), Gino Crognale (responsable du maquillage de Lou Perryman), Barx Mixon (assistant de l’équipe) et Gabe Bartalos (responsable des matières). Chaque invité se remémore les conditions de tournage, tout en dévoilant les trucs de l’époque pour donner vie à la famille Sawyer et à leur univers. Tom Savini intervient à la fin du générique pour une petite blague.
L’interactivité se clôt
sur les bandes-annonces de Massacre à la tronçonneuse 2, La
Saignée et La Rose écorchée.
L’Image et le son
L’apport HD est flagrant sur la luminosité de la copie, sur le nouvel éclat des couleurs (dans l’antre des Sawyer surtout) et le renforcement des contrastes. Des points blancs restent notables du début à la fin, discrets certes, mais bel et bien présents. Le piqué est somme toute inédit, les détails éloquents et la profondeur de champ indéniable, ce qui nous permet d’apprécier le soin apporté aux décors et surtout aux maquillages de Tom Savini qui n’ont pour ainsi dire pas vieilli, comme l’écorché ou bien encore le crâne de Chop-Top. Signalons également quelques plans plus flous, qui nous semblent d’origine. N’oublions pas la texture argentique, évidemment et heureusement préservée.
La version française (géniale) est à la fois proposée en Stéréo et en Mono. La première option offre un rendu plus aéré, mais les différences sont minimes et l’écoute reste plutôt confinée. En revanche, la version originale DTS HD Master Audio 2.0 est plus riche et dynamique, équilibrée entre la b.o. démentielle et les dialogues (ou les cris, c’est selon). Point de remixage artificiel 5.1 et c’est pas plus mal.