Test Blu-ray / Le Grand couteau, réalisé par Robert Aldrich

LE GRAND COUTEAU (The Big Knife) réalisé par Robert Aldrich, disponible en Combo Blu-ray + DVD + Livret – Édition limitée le 17 janvier 2024 chez Rimini Editions.

Acteurs : Jack Palance, Ida Lupino, Wendell Corey, Jean Hagen, Rod Steiger, Shelley Winters, Ilka Chase, Everett Sloane…

Scénario : James Poe, d’après le pièce de Clifford Odets

Photographie : Ernest Laszlo

Musique : Frank De Vol

Durée : 1h49

Année de sortie : 1955

LE FILM

Charlie Castle, vedette d’Hollywood, a promis à sa femme de ne pas se lier à son producteur Stanley Hoff par un autre contrat. Mais le malheureux, pour ne pas voir exploiter certains faits délicats de sa vie privée, est obligé de revenir sur sa décision. Quand il tente de faire machine arrière, il est trop tard : tous ceux qui ont intérêt à lui nuire sont là, et sa femme, qu’il veut reconquérir, parle de le quitter…

Ce sont des débuts pour le moins fracassants. Imaginez, en l’espace de deux ans, Robert Aldrich (1918-1983) sort sur les écrans Alerte à Singapour World for Ransom, Bronco Apache Apache, Vera Cruz, En quatrième vitesse Kiss Me Deadly et Le Grand Couteau The Big Knife. Alors qu’il vient de fonder sa société de production, Associates and Aldrich, grâce au triomphe d’En quatrième vitesse, le réalisateur jette son dévolu sur une pièce de théâtre à succès, The Big Knife de Clifford Odets, qu’il souhaitait adapter depuis longtemps. Robert Aldrich a désormais les mains libres pour concrétiser ce projet. Le Grand couteau demeure avec Boulevard du Crépuscule une charge explosive contre Hollywood. Même si, soyons honnêtes, The Big Knife n’arrive pas à la hauteur du chef d’oeuvre de Billy Wilder et n’échappe pas à une certaine théâtralité (nous y reviendrons), le film de Robert Aldrich ne manque pas de virulence envers l’industrie hollywoodienne, mais se montre beaucoup trop bavard, s’étire en longueur et finit même par ennuyer parfois le spectateur. Toutefois, l’intérêt est souvent relancé par des séquences d’une ahurissante cruauté verbale, soutenue par la photo tranchante d’Ernest Laszlo avec qui le cinéaste collabora sept fois dans sa carrière. Le Grand couteau est passé à la postérité grâce à Jack Palance, habituel salaud au cinéma trouvant ici un rôle inattendu de victime à fleur de peau tout en violence contenue, un géant d’1m93 pliant sous le poids d’un chantage malsain, qui n’a pu oublier ses rêves alors brisés, un comédien devenu lâche et dépendant face au système qui le broie littéralement. The Big Knife est une œuvre peu aimable avec ses êtres vicieux et crapuleux, que l’on redécouvre néanmoins à chaque visionnage. Une nouvelle preuve du génie du cinéaste.

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Test Blu-ray / Acide, réalisé par Just Philippot

ACIDE réalisé par Just Philippot, disponible en DVD & Blu-ray le 24 janvier 2024chez Pathé.

Acteurs : Guillaume Canet, Laetitia Dosch, Patience Munchenbach, Marie Jung, Martin Verset, Suliane Brahim, Clément Bresson, Pascal Parmentier…

Scénario : Just Philippot & Yacine Badday

Photographie : Pierre Dejon

Musique : Robin Doudert

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Selma, quinze ans, grandit entre ses deux parents séparés, Michal et Élise. Des nuages de pluies acides et dévastatrices s’abattent sur la France. Dans un monde qui va bientôt sombrer, cette famille fracturée va devoir s’unir pour affronter cette catastrophe climatique et tenter d’y échapper.

Remarqué en 2021 avec La Nuée, son premier long-métrage, Just Philippot s’était mis la critique dans la poche, ainsi que le public adepte de films fantastiques. Après avoir remporté le Prix spécial du jury au Festival international du film de Catalogne à Sitges, ainsi que celui de la critique et du public au Festival international du film fantastique de Gérardmer, le réalisateur était attendu au tournant pour son deuxième film. Et celui-ci ne déçoit pas avec Acide, qui découle de son court-métrage du même nom, mis en scène en 2018, projet déjà initié avant même le début du tournage de La Nuée et qu’il coécrit avec Yacine Badday, scénariste de Sous le ciel d’Alice de Chloé Mazio. Si Just Philippot ne reprend pas les mêmes personnages du court-métrage, il en conserve tout du moins le même concept centré sur les pluies acides et prend le pari d’allier à la fois le thriller d’anticipation avec le drame familial intimiste. Une très belle réussite que ce vrai film de genre, qui plonge une famille dysfonctionnelle dans une catastrophe naturelle, où les personnages doivent mettre de côté leurs frustrations et leurs rancoeurs, dans le but commun de survivre. Un double challenge que ce mélange des tons, qui doit aussi parvenir à rendre intéressants des protagonistes complexes, qui ne sont pas à première vue attachants, qui ne le deviendront pas forcément par la suite, mais auxquels on parvient tout de même à s’identifier. Après un énorme échec dans les salles (240.000 entrées c’est vraiment trop peu), Acide saura sûrement trouver une seconde vie dans les années à venir. C’est ce qu’on lui souhaite.

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Test Blu-ray / Opération V2, réalisé par Boris Sagal

OPÉRATION V2 (Mosquito Squadron) réalisé par Boris Sagal, disponible en DVD & Blu-ray le 27 janvier 2024 chez Rimini Editions.

Acteurs : David McCallum, Suzanne Neve, Charles Gray, David Buck, David Dundas, Dinsdale Landen, Nicky Henson, Bryan Marshall…

Scénario : Donald S. Sanford & Joyce Perry

Photographie : Paul Beeson

Musique : Frank Cordell

Durée : 1h31

Année de sortie : 1969

LE FILM

Durant la Seconde Guerre Mondiale, les forces alliées apprennent que l’armée allemande a mis au point une nouvelle arme, encore plus dévastatrice que les précédentes : la fusée V2, conçue dans un centre d’essais ultra-secret. Un chef d’escadron de la Royal Air Force reçoit une mission : former en dix jours une équipe capable de détruire les bombes cachées dans un tunnel hyper protégé.

C’est un petit film de guerre sorti la même année que Le Pont de Remagen The Bridge at Remagen de John Guillermin et La Bataille d’Angleterre Battle of Britain de Guy Hamilton. Opération V2 Mosquito Squadron n’a sans doute pas le même prestige et la renommée des films cités précédemment, mais possède un atout de taille pour qu’on s’y intéresse en la personne de David McCallum, comédien (et musicien) américano-britannique, disparu il y a quelques mois à l’âge de 90 ans, qui tient ici le haut de l’affiche. Alors qu’il venait de mettre un terme à la série qui l’a rendu célèbre dans le monde entier, Des agents très spéciaux The Man from U.N.C.L.E., dans laquelle il campait Illya Kouriakine, un agent secret d’origine russe, l’acteur tentait de se reconvertir au cinéma. Il retrouve ainsi le réalisateur Boris Sagal, avec lequel il venait de tourner Espions en hélicoptère The Helicopter Spies, une des missions du tandem Solo/Kouriakine exploitées sur le grand écran. Opération V2 est une production modeste, supposée raconter une énième « mission suicide qui a changé le cours de la Seconde Guerre mondiale », qui repose avant tout sur un casting efficace. Si l’ensemble fait penser à un téléfilm ou à un épisode de série télévisée, Mosquito Squadron n’est pas déplaisant, mais demeure complètement anecdotique.

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Test Blu-ray / Visions, réalisé par Yann Gozlan

VISIONS réalisé par Yann Gozlan, disponible en DVD & Blu-ray le 24 janvier 2024 chez M6 Vidéo.

Acteurs : Diane Kruger, Mathieu Kassovitz, Marta Nieto, Amira Casar, Grégory Fitoussi, Élodie Navarre, Romain Fleury, Yun Lai…

Scénario : Yann Gozlan, Michel Fessler, Aurélie Valat, Jean-Baptiste Delafon & Audrey Diwan

Photographie : Antoine Sanier

Musique : Philippe Rombi

Durée : 2h03

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Estelle Vasseur est commandante de bord long courrier, au professionnalisme hors pair, elle mène une existence parfaitement réglée aux côtés de Guillaume, son mari aimant et protecteur. Tout semble aller pour le mieux même si les vols et les jet lag à répétition commencent à perturber le rythme biologique de la jeune femme, et particulièrement son sommeil. Un jour, par hasard, dans un couloir de l’aéroport de Nice, elle recroise la route d’Ana, photographe avec qui elle a eu une aventure passionnée vingt ans plus tôt. Estelle est alors loin d’imaginer que ces retrouvailles vont l’entraîner dans une spirale cauchemardesque et faire basculer sa vie dans l’irrationnel.

Bien que présent depuis plus de dix ans dans le panorama du cinéma français, le réalisateur Yann Gozlan (né en 1977) aura dû attendre 2021 pour toucher le grand public avec le succès de Boîte noire (1,2 millions d’entrées), multi-récompensé et auréolé de cinq nominations aux César. Qu’ils soient réussis (Captifs, Burn Out, Boîte noire) ou pas (Un homme idéal), ses films ont toujours démontré un savoir-faire indéniable, un style qui n’a eu de cesse de s’aiguiser et une ambition finalement rare dans nos contrées. Difficile de passer après un triomphe et Yann Gozlan n’aura pas attendu longtemps, puisque Visions devait débarquer sur les écrans deux ans quasiment jour pour jour après la sortie de Boîte noire. Ce thriller érotico-fantastico-psychologique allait décontenancer le public. Avec un budget avoisinant les 9 millions d’euros, Visions ne parviendra même pas à franchir la barre des 200.000 spectateurs. Un échec important et pourtant le cinquième long-métrage du metteur en scène apparaît comme étant le plus recherché sur le plan visuel. Avec sa magnifique photographie stylisée signée Antoine Sanier (King, Hors normes, Leatherface, Santa & Cie), Visions est l’un des plus beaux films hexagonaux de l’année 2023. Sans doute trop gourmand et désireux de montrer cette fois encore qu’il en a sérieusement sous le capot, Yann Gozlan aurait toutefois mérité de tailler dans son scénario, d’assécher son intrigue qui s’étend sur plus de deux heures, ce qui peut paraître long pour le spectateur quand celui-ci est perdu dans un labyrinthe mental, d’autant plus que certains éléments demeureront mystérieux. Mais Visions est une véritable expérience sensorielle et immersive, composée de motifs récurrents dans l’oeuvre de son auteur, au point que certains font étonnamment écho à Boîte noire, comme si les deux opus dialoguaient parfois. Il s’agit bel et bien d’un film d’auteur, qui n’a de cesse d’explorer des thèmes obsessionnels et qui prouve une nouvelle fois toute la virtuosité d’un artiste arrivé à sa pleine maturité et qui possède enfin les moyens de s’exprimer. Si Visions ne fera jamais l’unanimité, heureusement d’ailleurs, on ne pourra pas nier cette folie furieuse de faire du vrai, du bon, du grand cinéma.

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Test Blu-ray / Reality, réalisé par Tina Satter

REALITY réalisé par Tina Satter, disponible en Combo Blu-ray + DVD – Édition Limitée le 27 janvier 2024 chez Metropolitan Vidéo.

Acteurs : Sydney Sweeney, Josh Hamilton, Marchánt Davis, Benny Elledge, John Way, Darby, Arlo…

Scénario : Tina Satter & James Paul Dallas, d’après la pièce de théâtre de Tina Satter

Photographie : Paul Yee

Musique : Nathan Micay

Durée : 1h22

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Le 3 juin 2017, Reality Winner, vingt-cinq ans, est interrogée par deux agents du FBI à son domicile. Cette conversation d’apparence banale parfois surréaliste, dont chaque dialogue est tiré de l’authentique transcription de l’interrogatoire, brosse le portrait complexe d’une milléniale américaine, vétérane de l’US Air Force, professeure de yoga, qui aime les animaux, les voyages et partager des photos sur les réseaux sociaux. Pourquoi le FBI s’intéresse-t-il à elle ? Qui est vraiment Reality ?

Disons-le d’emblée, Reality est une des grandes et enthousiasmantes expériences cinématographiques de l’année 2023. Ce premier long-métrage et coup de maître de la dramaturge Tina Sutter s’inspire d’une étonnante histoire vraie, celle de Reality Winner (il ne s’agit pas d’un pseudonyme), arrêtée à son domicile le 3 juin 2017 par le FBI. Pour quelle(s) raison(s) ? Un mois auparavant, Reality Winner, linguiste spécialiste du persan et du pachto, ancien membre de l’US Air Force, regarde les actualités, qui parlent du renvoi de James Comey (ancien directeur du FBI) par Donald Trump, alors qu’il dirigeait l’enquête sur les liens éventuels entre l’équipe de campagne du candidat républicain et la Russie. Le 3 juin, des agents du FBI se présentent chez Reality, perquisitionnent sa maison et la soumettent ensuite à un interrogatoire aimable, mais tendu, au sujet de la fuite de documents classifiés liés à un rapport de renseignement concernant des accusations d’ingérences russes dans l’élection présidentielle américaine de 2016, dont ils savent qu’elle l’a consulté et imprimé au début du mois de mai. Tina Sutter, a eu accès à la transcription de cet interrogatoire. Il en découle tout d’abord une pièce de théâtre, jouée à Broadway en 2021 et intitulée Is this a room. L’auteure prend le pari fou de reprendre ce sujet pour le cinéma et en tire un étouffant thriller qui lorgne sur l’atmosphère des films de David Lynch, où le quotidien et la normalité deviennent soudainement étranges, comme si les personnages étaient sur le point de hurler, à l’instar du plan final de Twin Peaks : The Return. Mais TOUT ce qui est montré et entendu, jusqu’aux bégaiements et quintes de toux, dans Reality est vrai. En toute logique, quelques nominations aux oscars devraient suivre dans les prochaines semaines, notamment pour Sydney Sweeney, méconnaissable (sans doute parce qu’elle ne se dévêt pas une seule fois du métrage), magnétique dans le rôle principal, où son visage mis à nu (mais ce sera tout, allez voir ailleurs pour le reste) est capturé par la réalisatrice. La comédienne vue dans le lénifiant Under the Silver Lake de David Robert Mitchell, l’interminable Once Upon a Time… in Hollywood de Quentin Tarantino, mais surtout dans les séries Sharp Objects, Euphoria, The Handmaid’s Tale et The White Lotus, trouve enfin au cinéma un rôle qui devrait lui ouvrir de nouvelles portes.

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Test Blu-ray / MurderRock, réalisé par Lucio Fulci

MURDEROCK (Murderock – uccide a passo di danza) réalisé par Lucio Fulci, disponible en Blu-ray + DVD + Livre le 5 décembre 2023 chez Artus Films.

Acteurs : Olga Karlatos, Ray Lovelock, Claudio Cassinelli, Belinda Busato, Cosimo Cinieri, Giuseppe Mannajuolo, Berna Maria do Carmo, Maria Vittoria Tolazzi…

Scénario : Gianfranco Clerici, d’après une histoire originale de Gianfranco Clerici, Lucio Fulci & Vincenzo Mannino

Photographie : Giuseppe Pinori

Musique : Keith Emerson

Durée : 1h29

Date de sortie initiale : 1984

LE FILM

Une prestigieuse académie de danse de New York est le théâtre de meurtres sanglants. Les étudiantes se font assassiner de manière sadique. La directrice de l’établissement, Candice, souffrant de cauchemars étranges mettant en scène le mystérieux tueur, entreprend de mener l’enquête, avec l’aide d’un mannequin.

Bon…ce n’est pas nouveau, MurderRock ne bénéficiera jamais de l’aura de (pour ne citer que ceux-là) Les Quatre de l’apocalypseI Quattro dell’apocalisse, L’Emmurée vivante Sette note in nero, L’Enfer des zombies Zombi 2, Frayeurs Paura nella città dei morti viventi, L’Au-delà …E tu vivrai nel terrore ! L’aldilà, La Maison près du cimetière Quella villa accanto al cimitero et L’Éventreur de New York Lo Squartatore di New York. Néanmoins, le film vaut-il toute cette volée de bois vert reçue depuis sa sortie en 1984, au point d’être devenu emblématique de la déchéance de son auteur ? Sans doute pas. Il est évident que MurderRock, qui débarque sur les écrans italiens quelques semaines seulement après 2072, les mercenaires du futur I Guerrieri dell’anno 2072, s’accompagne d’éléments nanars, mais cela n’empêche pas, au contraire, de prendre du bon temps devant ce giallo-musical. D’accord, nous sommes beaucoup plus proches de Staying Alive de Sylvester Stallone, de Parking de Jacques Demy et de Dancing Machine de Gilles Béhat, qui dans leur genre s’apparentent aussi à des films d’épouvante (on se souvient de Francis Huster poussant la chansonnette et de Patrick Dupont en hyperventilation devant un Alain Delon stoïque fumant son cigare) que de Flashdance et Fame, succès internationaux sur lesquels voulait surfer la production. Murder Rock, ou MurderRock – Uccide a passo di danza, mais aussi Giallo a disco, Murder Rock – Dancing Death, ou même allons-y gaiement Slashdance est un divertissement sans prise de tête, avec de belles nanas qui n’hésitent pas à se dénuder pour faire plaisir aux spectateurs, des meurtres plus ou moins soignés, le tout sur un rythme soutenu. Que demander de plus ?

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Test Blu-ray / L’Effrayant docteur Hijikata, réalisé par Teruo Ishii

L’EFFRAYANT DOCTEUR HIJIKATA (Kyôfu Kikei Ningen : Edogawa Rampo Zenshû – Horrors of Malformed Men) réalisé par Ishii Teruo, disponible en Blu-ray le 1er octobre 2023 chez Le Chat qui fume

Acteurs : Teruo Yoshida, Yukie Kagawa, Teruko Yumi, Mitsuko Aoi, Michiko Kobata, Yumiko Katayama, Kei Kiyama, Reiko Mikasa…

Scénario : Ishii Teruo & Kakefuda Masahiro, d’après le roman de Rampo Edogawa

Photographie : Akatsuka Shigeru

Musique : Kaburagi Hajime

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 1969

LE FILM

Mutique, interné de force dans un asile psychiatrique de Tokyo, le jeune chirurgien Hitomi Hirosuke entend régulièrement dans sa tête un chant féminin qui se superpose au bruit des vagues. Des images l’assaillent également, dont celle d’un homme difforme aux mains palmées, sans qu’il parvienne à leur donner du sens. Une nuit, alors que quelqu’un s’introduit dans sa cellule pour tenter de l’étrangler, Hirosuke se voit contraint de tuer ce mystérieux agresseur et en profite pour s’évader. Une fois dehors, il croise une jeune femme, Hatsuyo, perdue dans ses pensées et fredonnant précisément cette berceuse qui le hante…

Et les vagues du logo de la Toei se brisent une nouvelle fois sur les récifs en ouverture d’un film d’Ishii Teruo. Le cinéaste a entamé sept ans plus tôt une collaboration au long cours avec le studio, après des débuts éclectiques dans les années 1950 sous la bannière de la Shintoho – vers laquelle il revient de temps en temps pour quelques films de science-fiction. Réalisant jusqu’à huit productions par an à un rythme effréné, qu’il co-scénarise bien souvent, son travail à la Toei se concentre d’abord sur une série de polars avant que de contribuer à la résurgence cinématographique de l’ « ero-guro », ce mouvement d’abord littéraire qui mêle érotisme frontal et univers grotesque. Edogawa Ranpo, figure de proue du genre dans les années 1920, est l’un des auteurs horrifiques les plus importants du Japon, imbriquant roman noir et fantastique. En 1969, deux de ses plus grands livres, Le Lézard Noir et La Bête Aveugle, viennent tout juste d’être adaptés respectivement par Fukasaku Kinji et Masumura Yasuzō. Bien plus tard, le romancier fournira encore du carburant à des cinéastes aussi doués que disparates (Tsukamoto Shin’ya pour Gemini en 1999 ; Barbet Schroeder pour Inju en 2008…). Ishii, quant à lui, choisit deux romans plus anciens, L’Île Panorama et Le Démon de l’Île Solitaire, et les croise afin d’en tirer une histoire propre à prolonger ses obsessions actuelles tout en explosant leurs limites.

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Test Blu-ray / Meurtres dans la 110e rue, réalisé par Barry Shear

MEURTRES DANS LA 110e RUE (Across 110th Street) réalisé par Barry Shear, disponible en Combo Blu-ray + DVD + DVD de bonus le 16 janvier 2024 chez Rimini Editions.

Acteurs : Anthony Quinn, Yaphet Kotto, Anthony Franciosa, Paul Benjamin, Ed Bernard, Richard Ward, Norma Donaldson, Antonio Fargas…

Scénario : Luther Davis, d’après le roman de Wally Ferris

Photographie : Jack Priestley

Musique : J.J. Johnson

Durée : 1h37

Année de sortie : 1972

LE FILM

Dans un tripot de Harlem contrôlé par la Mafia, cinq hommes comptent la recette du jour. Deux Noirs déguisés en policiers font irruption dans la salle, abattent les hommes et s’enfuient à bord d’un véhicule des forces de l’ordre. Deux policiers, authentiques ceux-là, s’interposent et sont à leur tour abattus. La Mafia, qui a la mainmise sur le quartier, commence ses propres investigations, aidée par des caïds noirs. De son côté, la police confie l’affaire à Pope, un jeune et idéaliste lieutenant noir, et au capitaine Mattelli, proche de la retraite, et dont la misanthropie n’a d’égale que la corruption…

Tout le monde, ou presque connaît la chanson de Bobby Womack, Across 110th Street et la plupart des spectateurs ont dans la tête l’ouverture de Jackie Brown (1997) de Quentin Tarantino. En réalité, ce dernier a comme d’habitude pompé de tous les côtés et avait tout simplement repris le tube éponyme du film de Barry Shear, baptisé en France Meurtres dans la 110e rue. Souvent classé à tort dans le sous-genre alors en vogue de la Blaxploitation, Across 110th Street est un polar pur et dur se déroulant à Harlem, Pandémonium sur Terre, territoire laissé à l’abandon, ou plutôt aux mains des mafieux blancs qui se la coulent douce de l’autre côté de Central Park, laissant le sale boulot aux noirs avec lesquels ils sont en affaire. Venu de la télévision, pour laquelle il officiait sur une quantité phénoménale de téléfilms et de séries depuis les années 1950 (Des agents très spéciaux, Opération vol, Les Règles du jeu, Opération danger, Les Rues de San Francisco), Barry Shear (1923-1979) aura peu, mais bien tourné pour le cinéma. Meurtres dans la 110e rue est alors son quatrième long-métrage pour le grand écran et restera son film le plus célèbre. Comme dirait Raoul Volfoni, « c’est du brutal » ! Across 110th Street est une véritable immersion (rendu imputable à l’utilisation de la révolutionnaire caméra portée Arriflex 35BL) au coeur de l’enfer, une œuvre poisseuse, redoutablement pessimiste, ultra-violente par moments (certaines scènes sont même déconseillées aux âmes sensibles), qui n’a rien perdu de son efficacité et qui embarque le spectateur pendant 1h35 sur un des affluents du Styx. Merveilleusement interprété par Anthony Quinn (également co-producteur exécutif aux côtés du metteur en scène) et Yaphet Kotto, Meurtres dans la 110e rue, écrit par Luther Davis (auteur des géniaux La Main noire de Richard Thorpe et Une femme dans une cage de Walter Grauman) d’après un roman de Wally Ferris (sorti en France sous le titre Noirs et Blancs, dans la collection Série Noire), est un thriller à réhabiliter de toute urgence.

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Test Blu-ray / Eve of Destruction, réalisé par Duncan Gibbins

EVE OF DESTRUCTION réalisé par Duncan Gibbins, disponible en Blu-ray depuis le 1er octobre 2023 chez Le Chat qui fume

Acteurs : Renée Soutendijk, Gregory Hines, Michael Greene, Kurt Fuller, John M. Jackson Loren Haynes Nelson Mashita Alan Haufrect…

Scénario : Duncan Gibbins & Yale Udoff

Photographie : Alan Hume

Musique : Philippe Sarde

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1991

LE FILM

En marge de ses programmes plus traditionnels, l’armée américaine travaille dans le plus grand secret à la fabrication de robots censés imiter à la perfection l’apparence et la personnalité humaines, dédiés à la surveillance, au combat rapproché, voire à la destruction massive. Responsable de ce département, le docteur Eve Simmons a notamment créé un modèle féminin à son image : « Eve VIII » ; son propre background mental ayant même servi à construire l’habitus du cyborg. Mais alors qu’on teste ce dernier à l’extérieur sous surveillance, un incident fâcheux le fait échapper au contrôle de ses créateurs.

L’histoire de Duncan Gibbins n’est pas très heureuse. Auteur d’une grosse poignée de vidéoclips pour George Michael, Bananarama, Eurythmics et quelques autres, sa filmographie ne comporte que trois longs-métrages, dont deux dédiés au grand écran (et encore : pas dans tous les pays). Aucun n’effectuera la percée tant attendue en dépit de qualités certaines. L’émouvante Virginia Madsen aura accompagné les premiers pas au cinéma d’au moins deux clippeurs de talent : le prolifique et surdoué Steve Barron en 1984 pour son Electric Dreams (dans lequel elle partageait l’affiche avec feu Lenny von Dohlen) et donc, deux ans plus tard, Duncan Gibbins pour Fire With Fire, une production modeste mais fort estimable où une jeune fille cloîtrée dans un sévère institut catholique et un jeune délinquant purgeant sa peine dans un centre en milieu ouvert décident de s’évader ensemble, au mépris de toutes les autorités qui s’interposent. Cette fois, son partenaire est Craig Sheffer (par la suite, les deux comédiens s’illustreront chacun de leur côté dans l’univers de Clive Barker : Madsen en héroïne de Candyman ; Sheffer en héros de Cabal). Le film de Gibbins rapporte moins de 5 millions de dollars et il lui faudra cinq ans de plus pour revenir au cinéma avec le très bon Eve of Destruction – qui ne fera guère mieux au box office ! Le casting étonnant du film confronte Gregory Hines (alors connu pour Tap de Nick Castle, Deux Flics à Chicago et le Cotton Club de Coppola) à la hollandaise Renée Soutendijk (qui marqua les esprits dans deux grands films signés Paul Verhoeven : Spetters et Le Quatrième Homme). Suite à l’accueil trop mitigé de ces deux travaux, Gibbins mettra en scène Jennifer Grey et Peter Berg en 1993 dans un téléfilm policier de facture très honnête (… mais très télévisuelle !) : Seul dans la nuit (A Case for Murder), qui sera donc sa dernière œuvre. Décédé accidentellement à l’âge de 41 ans, sans avoir réellement connu le succès, Gibbins fait partie de ces artistes partis trop tôt pour qu’on ait pu juger de leur possible importance dans le paysage. D’autant plus grande est la nécessité de garder en mémoire la petite trace qu’ils ont laissée…

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Test Blu-ray / Le Diable boiteux, réalisé par Sacha Guitry

LE DIABLE BOITEUX réalisé par Sacha Guitry, disponible en Combo Blu-ray + DVD + DVD de bonus le 5 décembre 2023 chez Rimini Editions.

Acteurs : Sacha Guitry, Lana Marconi, Émile Drain, Henry Laverne, Maurice Teynac, Philippe Richard, Georges Spanelly, Renée Devillers…

Scénario : Sacha Guitry, d’après sa pièce

Photographie : Nikolai Toporkoff

Musique : Louis Beydts

Durée : 2h05

Année de sortie : 1948

LE FILM

De la fin du XVIIIè au début du XIXè, Talleyrand, homme d’État français et rusé diplomate sert six régimes successifs, parfois opposés… Avec brio, Sacha Guitry dresse le portrait de ce maître de la trahison et du changement d’allégeance, jusqu’à son triomphe final.

Avec Le Diable boiteux (« un film conçu, dialogué, réalisé et interprété par l’auteur »), biographie filmée du prince de Talleyrand, évêque d’Autun, qui servit la France de l’Ancien Régime jusqu’à la Monarchie de Juillet en passant par le Directoire, le Consulat, le Premier Empire et la Restauration (« Vive le roy ! », « Vive la République ! », « Vive l’Empereur ! », « Vive le roi ! » est-il écrit sur le même mur au fil du récit), Sacha Guitry signait son retour au cinéma. Si Le Comédien allait sortir en premier, Le Diable boiteux était initialement prévu avant celui-ci, mais le réalisateur, auteur et comédien allait rencontrer quelques soucis avec la censure. Avant que le tournage soit lancé, la pièce en trois actes et neuf tableaux Talleyrand ou le Diable boiteux attirait les foules au théâtre Édouard VII en 1948. Fasciné par le personnage historique, Sacha Guitry y voyait une opportunité pour faire un parallèle avec ce qu’il venait de vivre, ayant été arrêté puis incarcéré pour son comportement avec l’occupant allemand. Adulé et pourtant détesté par certains, mis au pilori et encensé, Sacha Guitry se met à nu dans la peau de Talleyrand (« le plus grand diplomate qui ait jamais existé […] qui ne s’est jamais soucié de l’opinion d’autrui ») et livre une sublime prestation, probablement l’une de ses meilleures. Si quelques longueurs se font parfois ressentir (le film durant plus de deux heures), notamment lors de la fête organisée pour les infants d’Espagne à Valençay, Le Diable boiteux laisse pantois d’admiration par la beauté incommensurable de ses dialogues et la modernité de sa mise en scène.

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