Test 4K UHD / Les Fauves, réalisé par Jean-Louis Daniel

LES FAUVES réalisé par Jean-Louis Daniel, disponible en Combo 4K Ultra HD + Blu-ray le 15 février 2022 chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Philippe Léotard, Daniel Auteuil, Gabrielle Lazure, Macha Méril, Valérie Mairesse, Véronique Delbourg, Florent Pagny, Farid Chopel…

Scénario : Catherine Cohen, Jean-Louis Daniel & Philippe Setbon

Photographie : Richard Andry

Musique : Philippe Servain

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 1984

LE FILM

Un couple de célèbres cascadeurs. Bela et Berg, se préparent à présenter un numéro particulièrement dangereux. Bela, en larmes, annonce à Berg qu’elle le quittera à la fin de la soirée. Étonné de cette décision soudaine, Berg s’énerve et provoque l’accident. Berg est éjecté de la voiture en flammes tandis que Bela périt brûlée vive. Trois ans plus tard, Berg en proie aux remords, a renoncé au métier de cascadeur et travaille comme vigile faisant des rondes de nuit en voiture, dans Paris…

Avant sa mise en orbite définitive avec Jean de Florette et Manon des sources, la carrière de Daniel Auteuil prenait un premier envol grâce au triomphe des Sous-doués de Claude Zidi, qui attire pas loin de 4 millions de spectateurs en 1980, conforté par le succès des Sous-doués en vacances (3,6 millions d’entrées) deux ans plus tard. Les films, principalement des comédies (Les Hommes préfèrent les grosses, T’empêches tout le monde de dormir, Pour cent briques t’as plus rien !, Que les gros salaires lèvent le doigt !) s’enchaînent très vite pour l’acteur désormais populaire. Mais celui-ci mettra un an pour revenir sur le grand écran, refusant les « pantalonnades » qu’on lui propose, désireux de montrer qu’il peut faire autre chose et de dévoiler entre autres ses capacités dramatiques. C’est à ce moment-là qu’arrive Les Fauves de Jean-Louis Daniel (né en 1955), metteur en scène et scénariste autodidacte, qui avait jusqu’à présent réalisé deux longs-métrages, La Bourgeoise et le Loubard, connu aussi sous le titre Trottoir des allongés, présenté au Festival de Cannes en 1977, suivi en 1980 de Même les mômes ont du vague à l’âme, avec Marie-Christine Barrault, Guy Bedos, Bruno Cremer, Jacques Spiesser et Mimsy Farmer. Polar suintant qui pue le caniveau, la sueur, le cuir tanné et la bibine frelatée, Les Fauves est un pur produit de son époque, qui interpelle par son côté désespéré, pessimiste, sombre et ultraviolent, un film néo-noir qui dégouline de spleen, où une poignée de marginaux prennent possession des rues de Paris quand arrive minuit et que la ville met à jour les plus bas instincts de l’être humain.

Jadis cascadeur célèbre, Christopher Bergham (Daniel Auteuil) a causé un accident où sa femme Bella (Gabrielle Lazure), qui était sa partenaire dans ce numéro périlleux, a trouvé la mort. Trois ans plus tard, alors qu’il est toujours hanté par ce souvenir, c’est sous le nom de « Berg » qu’il est employé comme patrouilleur de nuit dans une société de police privée. Leandro (Philippe Léotard) le frère de Bella, qui était en fait à l’origine indirecte de l’accident, s’introduit dans la société « La Veillance », dont le patron La Rocca (Jean-Louis Foulquier) est peu regardant sur le passé de ses employés pourvu qu’ils soient capables d’affronter les événements violents des missions de nuit. Leandro comprenant que les rapports au sein du groupe de policiers sont tendus et fréquemment susceptibles de dégénérer, exploite un incident violent entre Berg et un de ses collègues : une nuit, Berg blesse Garcia (Jean-François Balmer) qui était en train de violer Mimi (Véronique Delbourg), une employée de La Veillance. Leandro saisit l’occasion pour tuer Garcia et faire porter la responsabilité du meurtre à Berg. Bien que La Rocca tente de les exhorter au calme en décidant de confier l’affaire à la police, tous les patrouilleurs de nuit tombent d’accord pour prendre Berg en chasse afin de régler leur compte avec lui.

Une implacable et déchirante mélancolie coule dans les veines des Fauves. Si Daniel Auteuil, bien décidé à montrer ce qu’il a sous le capot dans le registre du polar (et accessoirement dans le slip dans un plan qui aujourd’hui en fera rigoler plus d’un) s’avère impeccable, il se fait voler la vedette par l’immense Philippe Léotard, un an après le César du meilleur acteur obtenu pour La Balance. Complètement cassé, bloc de granit, suant abondamment, fragile comme du cristal, le comédien y est bouleversant dans la peau d’un mec pourtant peu reluisant, anéanti par un inceste qui le lie à jamais à sa sœur, incarnée par la sublime Gabrielle Lazure, qui n’apparaît qu’au début du film, mais dont l’aura incandescente plane sur les deux personnages principaux tout le reste du film. Le casting est hétéroclite, puisqu’on y croise aussi bien Macha Méril que Sylvie Jolie, les belles Valérie Mairesse et Véronique Delbourg, Jean-François Balmer en transe, Farid Chopel qui se fait un rail ainsi que Florent Pagny lui aussi la bite à l’air. Mais vous n’aurez pas, sa liberté de bander.

Les Fauves est certes un thriller, mais c’est aussi et surtout un drame psychologique, pour ne pas dire shakespearien, où les âmes damnées déambulent dans les dédales d’un Pandémonium, qui n’ont plus rien à faire, ni à perdre, à part traîner leur mal de vivre, sans penser une seconde à un espoir possible de rédemption. Une réaction en chaîne de violence se déroule au cours d’une nuit, durant laquelle Berg va devenir la proie de ses semblables, grisés par la binouse et la cocaïne. L’ancien cascadeur devra user de ruse et mettre à profit ses anciens talents, pour échapper à ceux qui ont décidé de le lyncher, après que le plan machiavélique de Léandro se soit mis en branle. Jean-Louis Daniel sait filmer la nuit, les noctambules, ses fêtes clinquantes (le défilé de lingerie), ses impasses sordides, où tout semble permis une fois que les banlieusards ont pris le dernier RER et que ses habitants plus fortunés roupillent tranquillement dans leur appartement intra-muros. Une loi de la jungle forcément urbaine régit la capitale, Les Fauves prenant alors l’apparence d’un western crasseux et citadin, les bagnoles remplaçant les chevaux et les brasseries répugnantes les saloons. Mais les shérifs sont pour la plupart pourris jusqu’à la moelle et Les Fauves rappelle parfois Un Condé d’Yves Boisset, dans sa description d’une autorité, ici une société de police privée, peuplée de laissés-pour-compte.

Le scénario coécrit par Jean-Louis Daniel, Philippe Setbon (le futur réalisateur du mythique Cross avec Roland Giraud et Michel Sardou, également l’auteur du légendaire Parole de flic de José Pinheiro) et Catherine Cohen (La Femme de ma vie et Indochine de Régis Wargnier) rend compte du versant oublié des premières années Mitterrand, qui s’accompagnent souvent aujourd’hui de nostalgie et de commentaires du genre « c’était mieux avant ». La photographie crépusculaire du chef opérateur Richard Andry (L’Arbalète et La Nuit du risque de Sergio Gobbi) est une véritable plus-value et instaure une ambiance sauvage, en « magnifiant » la souillure, avec une réelle patine et de superbes éclairages, à l’instar des cascades qui ouvrent le film, le tout soutenu par la partition marquante de Philippe Servain (Il y a des jours et des lunes, La Belle Histoire et Tout ça… pour ça ! de Claude Lelouch).

Alors oui, Les Fauves a pris pas mal de rides, quelques fautes techniques sautent aux yeux (le reflet d’un cameraman par exemple) et des effets peuvent prêter à sourire, comme Berg qui arbore ses lunettes de soleil au volant en plein milieu de la nuit, ce qui est peut-être stylé, mais absurde…mais bad-ass quand même. Cependant, nous ne sommes pas du tout en plein nanar comme certaines mauvaises langues ont eu tendance à le qualifier depuis quelques années. Son charme désuet, la force de son interprétation, sa mise en scène couillue, son final dans le chantier du Palais Omnisports de Paris-Bercy et ses personnages torturés font toujours leur effet et font du film de Jean-Louis Daniel un digne et efficace représentant du polar hard-boiled hexagonal.

LE COMBO BLU-RAY + 4K UHD

Il y a plus de quinze ans, certains avaient dû se procurer Les Fauves en DVD chez LCJ Editions, dans la série « Les Films du Collectionneur ». Ceux-ci pourront aisément transformer leur ancienne édition en dessous de verre, car Le Chat qui fume s’est une fois affûté les griffes pour nous concocter un combo définitif du film de Jean-Louis Daniel. Voici un magnifique Digipack à trois volets, qui renferme le Blu-ray et le disque 4K UHD, le tout glissé dans un fourreau cartonné liseré bleu et au visuel bad-ass. Le menu principal est animé et musical. Édition limitée à 1000 exemplaires.

Le gros morceau de cette interactivité est une longue, mais passionnante interview de Jean-Louis Daniel. Un supplément de 69 minutes plus précisément, au cours duquel le réalisateur revient en long et en large sur son parcours et sa carrière, en s’arrêtant évidemment plus précisément sur Les Fauves (y compris ses longs-métrages suivants) qui s’intitulait dans un premier temps Paris Boulevard. Éternel rebelle, Jean-Louis Daniel aborde sa façon originale de faire du cinéma, en marginal, pour ne pas dire totalement sauvage ou en monde « guérilla » comme il le dit lui-même en évoquant ses débuts, avant de disséquer les conditions de production du film, qui pourraient faire l’objet d’un documentaire tant celles-ci s’avèrent plutôt dingues. L’évolution du projet (qui s’est fait sur plusieurs années), le casting (Christophe Lambert – encore inconnu – avait été pressenti, ainsi que Thierry Lhermitte), ses intentions (« je voulais filmer Daniel Auteuil comme s’il était Clint Eastwood ! »), l’investissement de ses comédiens (un tournage de nuit dans des conditions quelque peu drastiques et en plein hiver, « la tension du film provient de la façon dont il a été tourné »), la musique de Philippe Servain, les références du cinéaste (Jacques Doillon, John Cassavetes, Maurice Pialat), la réaction des spectateurs et de la critique, ainsi que de multiples anecdotes de tournage, comme celles liées à la présence (ou à l’absence, c’est selon) de Philippe Léotard, pris alors dans un « trip d’autodestruction » sont les sujets que vous trouverez au cours de cet entretien.

La deuxième interview rétrospective proposée sur cette édition est celle de Gabrielle Lazure (38’). La resplendissante comédienne canadienne, née à Philadelphie, revient sur quelques films importants de sa carrière, y compris bien sûr sur Les Fauves, dans lequel elle interprète « un joli rôle marquant ». Elle partage ses souvenirs liés au tournage de ce film, en racontant sa rencontre avec Jean-Louis Daniel, sa collaboration avec Philippe Léotard (« un être super fragile, un poète ») et Daniel Auteuil. Si le son est parfois un peu parasité par le bruit des pendentifs de l’actrice et que l’on entend parfois mieux la question du journaliste que la réponse donnée, nous ne saurons que trop vous conseiller de ne pas rater ce beau moment passé avec Gabrielle Lazure, durant lequel elle raconte quelques anecdotes (y compris d’avoir passé des essais pour Sheena, reine de la jungle! ou que le rôle principal de La Femme publique d’Andrzej Żuławski lui était destiné, avant d’être attribué à Valérie Kaprisky), aborde le côté féministe du film, avant de parler rapidement du Prix du danger d’Yves Boisset, La Belle captive d’Alain Robbe-Grillet, Noyade interdite de Pierre Granier-Deferre et de La Crime de Philippe Labro. On est sous le charme de cette artiste lumineuse et plurielle (elle fait également de la musique et écrit un roman) qui déclare à la fin de ce module « Je suis dans la vie ».

L’éditeur a pu mettre la main sur une rapide interview télévisée de Daniel Auteuil (3’30), durant laquelle le comédien s’exprime sur Les Fauves, qu’il replace dans sa carrière, en disant que ce film tombait à point nommé pour lui, puisqu’il cherchait à casser une certaine image qui l’accompagnait depuis le succès des Sous-doués, refusant alors moult « mauvaises » comédies pendant un an, avant que n’arrive le scénario de Jean-Louis Daniel. Il déclare avoir été très attiré par ce personnage, qui lui rappelait Robert De Niro dans Taxi Driver, en précisant que l’univers de ce « film de fêlés » lui a beaucoup plu.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Les Fauves a été entièrement restauré par Le Chat qui fume, à partir des négatifs originaux. Un lifting 4K qui lui sied à ravir et dont l’éclatante réussite explose dès la première séquence, lors de l’exhibition des cascadeurs, avec de magnifiques éclairages quasi-luminescents, qui embrasent les bords de Seine et les décors dans lesquels évoluent les casse-cou. La texture argentique est là, bien présente tout le long du film, participant à l’atmosphère râpeuse du film de Jean-Louis Daniel. L’un des gros points forts de cette copie UHD provient de son étalonnage, vraisemblablement rééquilibré, qui fait la part belle aux gammes chromatiques bleues et rouges, tout en conservant le teint naturel des acteurs. Du point de vue propreté, on remarque encore des petites poussières et surtout une rayure verticale qui apparaît vers 1h16, au moment où Philippe Léotard joue de la flûte, assis dans une des tribunes de Bercy. Mais l’ensemble est quasi-immaculé, les noirs sont denses, les détails multiples et le film profite à fond de cette promotion UHD inespérée voire même inimaginable il y a peu de temps encore.

La piste française DTS-HD Master Audio Mono 2.0 des Fauves est plutôt percutante. Aucun souffle n’est à déplorer, ni aucune saturation dans les aigus. Les dialogues sont vifs, toujours bien détachés, la musique de Philippe Servain est délivrée avec une belle ampleur. L’ensemble est aéré, fluide et dynamique. En revanche, point de sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, mais une piste anglaise pour nos amis d’outre-Manche.

Crédits images : © Le Chat qui fume / Accord Productions – Super 7 Productions – Transcontinentale Productions – TF1 Studios / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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