Test Blu-ray / L’Effrayant docteur Hijikata, réalisé par Teruo Ishii

L’EFFRAYANT DOCTEUR HIJIKATA (Kyôfu Kikei Ningen : Edogawa Rampo Zenshû – Horrors of Malformed Men) réalisé par Ishii Teruo, disponible en Blu-ray le 1er octobre 2023 chez Le Chat qui fume

Acteurs : Teruo Yoshida, Yukie Kagawa, Teruko Yumi, Mitsuko Aoi, Michiko Kobata, Yumiko Katayama, Kei Kiyama, Reiko Mikasa…

Scénario : Ishii Teruo & Kakefuda Masahiro, d’après le roman de Rampo Edogawa

Photographie : Akatsuka Shigeru

Musique : Kaburagi Hajime

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 1969

LE FILM

Mutique, interné de force dans un asile psychiatrique de Tokyo, le jeune chirurgien Hitomi Hirosuke entend régulièrement dans sa tête un chant féminin qui se superpose au bruit des vagues. Des images l’assaillent également, dont celle d’un homme difforme aux mains palmées, sans qu’il parvienne à leur donner du sens. Une nuit, alors que quelqu’un s’introduit dans sa cellule pour tenter de l’étrangler, Hirosuke se voit contraint de tuer ce mystérieux agresseur et en profite pour s’évader. Une fois dehors, il croise une jeune femme, Hatsuyo, perdue dans ses pensées et fredonnant précisément cette berceuse qui le hante…

Et les vagues du logo de la Toei se brisent une nouvelle fois sur les récifs en ouverture d’un film d’Ishii Teruo. Le cinéaste a entamé sept ans plus tôt une collaboration au long cours avec le studio, après des débuts éclectiques dans les années 1950 sous la bannière de la Shintoho – vers laquelle il revient de temps en temps pour quelques films de science-fiction. Réalisant jusqu’à huit productions par an à un rythme effréné, qu’il co-scénarise bien souvent, son travail à la Toei se concentre d’abord sur une série de polars avant que de contribuer à la résurgence cinématographique de l’ « ero-guro », ce mouvement d’abord littéraire qui mêle érotisme frontal et univers grotesque. Edogawa Ranpo, figure de proue du genre dans les années 1920, est l’un des auteurs horrifiques les plus importants du Japon, imbriquant roman noir et fantastique. En 1969, deux de ses plus grands livres, Le Lézard Noir et La Bête Aveugle, viennent tout juste d’être adaptés respectivement par Fukasaku Kinji et Masumura Yasuzō. Bien plus tard, le romancier fournira encore du carburant à des cinéastes aussi doués que disparates (Tsukamoto Shin’ya pour Gemini en 1999 ; Barbet Schroeder pour Inju en 2008…). Ishii, quant à lui, choisit deux romans plus anciens, L’Île Panorama et Le Démon de l’Île Solitaire, et les croise afin d’en tirer une histoire propre à prolonger ses obsessions actuelles tout en explosant leurs limites.

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Test Blu-ray / Meurtres dans la 110e rue, réalisé par Barry Shear

MEURTRES DANS LA 110e RUE (Across 110th Street) réalisé par Barry Shear, disponible en Combo Blu-ray + DVD + DVD de bonus le 16 janvier 2024 chez Rimini Editions.

Acteurs : Anthony Quinn, Yaphet Kotto, Anthony Franciosa, Paul Benjamin, Ed Bernard, Richard Ward, Norma Donaldson, Antonio Fargas…

Scénario : Luther Davis, d’après le roman de Wally Ferris

Photographie : Jack Priestley

Musique : J.J. Johnson

Durée : 1h37

Année de sortie : 1972

LE FILM

Dans un tripot de Harlem contrôlé par la Mafia, cinq hommes comptent la recette du jour. Deux Noirs déguisés en policiers font irruption dans la salle, abattent les hommes et s’enfuient à bord d’un véhicule des forces de l’ordre. Deux policiers, authentiques ceux-là, s’interposent et sont à leur tour abattus. La Mafia, qui a la mainmise sur le quartier, commence ses propres investigations, aidée par des caïds noirs. De son côté, la police confie l’affaire à Pope, un jeune et idéaliste lieutenant noir, et au capitaine Mattelli, proche de la retraite, et dont la misanthropie n’a d’égale que la corruption…

Tout le monde, ou presque connaît la chanson de Bobby Womack, Across 110th Street et la plupart des spectateurs ont dans la tête l’ouverture de Jackie Brown (1997) de Quentin Tarantino. En réalité, ce dernier a comme d’habitude pompé de tous les côtés et avait tout simplement repris le tube éponyme du film de Barry Shear, baptisé en France Meurtres dans la 110e rue. Souvent classé à tort dans le sous-genre alors en vogue de la Blaxploitation, Across 110th Street est un polar pur et dur se déroulant à Harlem, Pandémonium sur Terre, territoire laissé à l’abandon, ou plutôt aux mains des mafieux blancs qui se la coulent douce de l’autre côté de Central Park, laissant le sale boulot aux noirs avec lesquels ils sont en affaire. Venu de la télévision, pour laquelle il officiait sur une quantité phénoménale de téléfilms et de séries depuis les années 1950 (Des agents très spéciaux, Opération vol, Les Règles du jeu, Opération danger, Les Rues de San Francisco), Barry Shear (1923-1979) aura peu, mais bien tourné pour le cinéma. Meurtres dans la 110e rue est alors son quatrième long-métrage pour le grand écran et restera son film le plus célèbre. Comme dirait Raoul Volfoni, « c’est du brutal » ! Across 110th Street est une véritable immersion (rendu imputable à l’utilisation de la révolutionnaire caméra portée Arriflex 35BL) au coeur de l’enfer, une œuvre poisseuse, redoutablement pessimiste, ultra-violente par moments (certaines scènes sont même déconseillées aux âmes sensibles), qui n’a rien perdu de son efficacité et qui embarque le spectateur pendant 1h35 sur un des affluents du Styx. Merveilleusement interprété par Anthony Quinn (également co-producteur exécutif aux côtés du metteur en scène) et Yaphet Kotto, Meurtres dans la 110e rue, écrit par Luther Davis (auteur des géniaux La Main noire de Richard Thorpe et Une femme dans une cage de Walter Grauman) d’après un roman de Wally Ferris (sorti en France sous le titre Noirs et Blancs, dans la collection Série Noire), est un thriller à réhabiliter de toute urgence.

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Test Blu-ray / Eve of Destruction, réalisé par Duncan Gibbins

EVE OF DESTRUCTION réalisé par Duncan Gibbins, disponible en Blu-ray depuis le 1er octobre 2023 chez Le Chat qui fume

Acteurs : Renée Soutendijk, Gregory Hines, Michael Greene, Kurt Fuller, John M. Jackson Loren Haynes Nelson Mashita Alan Haufrect…

Scénario : Duncan Gibbins & Yale Udoff

Photographie : Alan Hume

Musique : Philippe Sarde

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1991

LE FILM

En marge de ses programmes plus traditionnels, l’armée américaine travaille dans le plus grand secret à la fabrication de robots censés imiter à la perfection l’apparence et la personnalité humaines, dédiés à la surveillance, au combat rapproché, voire à la destruction massive. Responsable de ce département, le docteur Eve Simmons a notamment créé un modèle féminin à son image : « Eve VIII » ; son propre background mental ayant même servi à construire l’habitus du cyborg. Mais alors qu’on teste ce dernier à l’extérieur sous surveillance, un incident fâcheux le fait échapper au contrôle de ses créateurs.

L’histoire de Duncan Gibbins n’est pas très heureuse. Auteur d’une grosse poignée de vidéoclips pour George Michael, Bananarama, Eurythmics et quelques autres, sa filmographie ne comporte que trois longs-métrages, dont deux dédiés au grand écran (et encore : pas dans tous les pays). Aucun n’effectuera la percée tant attendue en dépit de qualités certaines. L’émouvante Virginia Madsen aura accompagné les premiers pas au cinéma d’au moins deux clippeurs de talent : le prolifique et surdoué Steve Barron en 1984 pour son Electric Dreams (dans lequel elle partageait l’affiche avec feu Lenny von Dohlen) et donc, deux ans plus tard, Duncan Gibbins pour Fire With Fire, une production modeste mais fort estimable où une jeune fille cloîtrée dans un sévère institut catholique et un jeune délinquant purgeant sa peine dans un centre en milieu ouvert décident de s’évader ensemble, au mépris de toutes les autorités qui s’interposent. Cette fois, son partenaire est Craig Sheffer (par la suite, les deux comédiens s’illustreront chacun de leur côté dans l’univers de Clive Barker : Madsen en héroïne de Candyman ; Sheffer en héros de Cabal). Le film de Gibbins rapporte moins de 5 millions de dollars et il lui faudra cinq ans de plus pour revenir au cinéma avec le très bon Eve of Destruction – qui ne fera guère mieux au box office ! Le casting étonnant du film confronte Gregory Hines (alors connu pour Tap de Nick Castle, Deux Flics à Chicago et le Cotton Club de Coppola) à la hollandaise Renée Soutendijk (qui marqua les esprits dans deux grands films signés Paul Verhoeven : Spetters et Le Quatrième Homme). Suite à l’accueil trop mitigé de ces deux travaux, Gibbins mettra en scène Jennifer Grey et Peter Berg en 1993 dans un téléfilm policier de facture très honnête (… mais très télévisuelle !) : Seul dans la nuit (A Case for Murder), qui sera donc sa dernière œuvre. Décédé accidentellement à l’âge de 41 ans, sans avoir réellement connu le succès, Gibbins fait partie de ces artistes partis trop tôt pour qu’on ait pu juger de leur possible importance dans le paysage. D’autant plus grande est la nécessité de garder en mémoire la petite trace qu’ils ont laissée…

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Test Blu-ray / Le Diable boiteux, réalisé par Sacha Guitry

LE DIABLE BOITEUX réalisé par Sacha Guitry, disponible en Combo Blu-ray + DVD + DVD de bonus le 5 décembre 2023 chez Rimini Editions.

Acteurs : Sacha Guitry, Lana Marconi, Émile Drain, Henry Laverne, Maurice Teynac, Philippe Richard, Georges Spanelly, Renée Devillers…

Scénario : Sacha Guitry, d’après sa pièce

Photographie : Nikolai Toporkoff

Musique : Louis Beydts

Durée : 2h05

Année de sortie : 1948

LE FILM

De la fin du XVIIIè au début du XIXè, Talleyrand, homme d’État français et rusé diplomate sert six régimes successifs, parfois opposés… Avec brio, Sacha Guitry dresse le portrait de ce maître de la trahison et du changement d’allégeance, jusqu’à son triomphe final.

Avec Le Diable boiteux (« un film conçu, dialogué, réalisé et interprété par l’auteur »), biographie filmée du prince de Talleyrand, évêque d’Autun, qui servit la France de l’Ancien Régime jusqu’à la Monarchie de Juillet en passant par le Directoire, le Consulat, le Premier Empire et la Restauration (« Vive le roy ! », « Vive la République ! », « Vive l’Empereur ! », « Vive le roi ! » est-il écrit sur le même mur au fil du récit), Sacha Guitry signait son retour au cinéma. Si Le Comédien allait sortir en premier, Le Diable boiteux était initialement prévu avant celui-ci, mais le réalisateur, auteur et comédien allait rencontrer quelques soucis avec la censure. Avant que le tournage soit lancé, la pièce en trois actes et neuf tableaux Talleyrand ou le Diable boiteux attirait les foules au théâtre Édouard VII en 1948. Fasciné par le personnage historique, Sacha Guitry y voyait une opportunité pour faire un parallèle avec ce qu’il venait de vivre, ayant été arrêté puis incarcéré pour son comportement avec l’occupant allemand. Adulé et pourtant détesté par certains, mis au pilori et encensé, Sacha Guitry se met à nu dans la peau de Talleyrand (« le plus grand diplomate qui ait jamais existé […] qui ne s’est jamais soucié de l’opinion d’autrui ») et livre une sublime prestation, probablement l’une de ses meilleures. Si quelques longueurs se font parfois ressentir (le film durant plus de deux heures), notamment lors de la fête organisée pour les infants d’Espagne à Valençay, Le Diable boiteux laisse pantois d’admiration par la beauté incommensurable de ses dialogues et la modernité de sa mise en scène.

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Test Blu-ray / Le Comédien, réalisé par Sacha Guitry

LE COMÉDIEN réalisé par Sacha Guitry, disponible en Combo Blu-ray + DVD + DVD de bonus le 5 décembre 2023 chez Rimini Editions.

Acteurs : Sacha Guitry, Lana Marconi, Pauline Carton, Jacques Baumer, Robert Seller, José Noguéro, Maurice Teynac, Léon Belières, Simone Paris…

Scénario : Sacha Guitry, d’après sa pièce

Photographie : Nikolai Toporkoff

Musique : Louis Beydts

Durée : 1h36

Année de sortie : 1948

LE FILM

La vie romancée de Lucien Guitry par son fils Sacha…Lucien se prend de passion pour le théâtre dès l’enfance et fait ses débuts sur scène à dix-sept ans. Il triomphe dans tous les grands rôles du répertoire. Les difficultés commencent lorsqu’il s’éprend d’une jeune fille qui décide de devenir à son tour comédienne.

« Sacha Guitry, pourquoi avez-vous fait Lucien Guitry ? » demandait un journaliste au dramaturge quand son film s’intitulait encore ainsi. Ce à quoi ce dernier aurait répondu « Parce-que Lucien Guitry m’a fait ». À l’origine du Comédien, sorti en 1948, il y a un livre, Lucien Guitry raconté par son fils, puis une pièce Le Comédien, et finalement un film, comme un hommage ultime rendu à Lucien par Sacha, qui pour le coup endosse les deux rôles dans ce long-métrage. S’il commence comme un véritable documentaire centré sur l’enfance du personnage principal, Le Comédien bifurque rapidement vers la reconstitution en narrant les origines de la passion du théâtre de son père, qui préférait apprendre les pièces les plus célèbres, plutôt que ses leçons d’arithmétique. Le Comédien convoque une troupe d’acteurs exceptionnels (dont la fidèle Pauline Carton), qui gravitent tous autour du noyau central représenté par le maître en personne, maniant le sarcasme et l’ironie comme personne d’autre à son époque. Le Comédien est une œuvre irrésistible, marquée constamment par de fabuleuses répliques, le tout doublé d’une déclaration d’amour d’un fils pour son père, qui le ressuscite pour toucher sa main une dernière fois grâce à l’artifice du septième art, pour converser avec lui, pour lui signifier qu’il sera toujours présent chaque seconde. Et c’est superbe.

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Test Blu-ray / Cherry 2000, réalisé par Steve De Jarnatt

CHERRY 2000 réalisé par Steve De Jarnatt, disponible en Blu-ray depuis le 1er octobre 2023 chez Le Chat qui fume

Acteurs : Ben Johnson, Pamela Gidley, Melanie Griffith, David Andrews, Laurence Fishburne, Harry Carey Jr., Brion James, Michael C. Gwynne…

Scénario : Michael Almereyda, d’après une histoire originale de Lloyd Fonvielle

Photographie : Jacques Haitkin

Musique : Basil Poledouris

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 1987

LE FILM

En l’an 2017, une partie des États-Unis a été ravagée par la guerre atomique. Les zones sinistrées, nouveau terrain de jeu pour les contrebandiers sanguinaires, ne sont pas sûres. Sam Threadwell, cadre dans une station de recyclage des déchets électroniques et métalliques, coule des jours heureux avec sa femme artificielle, une Cherry 2000 d’un autre âge programmée pour répondre à ses moindres caprices et simuler l’amour béat en gardant toujours le sourire. Jusqu’au jour où les circuits de Cherry grillent accidentellement et rendent le robot hors d’usage.

Qui peut dire : « Je n’ai réalisé que deux longs-métrages dans ma vie, mais tous deux sont devenus cultissimes » ?… C’est au beau milieu des années 1980, après un court-métrage (Tarzana, 1978) et un épisode de New Alfred Hitchcock Presents (le remake de Man from the South d’après Roald Dahl) que le scénariste-réalisateur Steve De Jarnatt, avant de ne plus officier que dans le domaine de la série télévisée (X-Files, American Gothic ou Urgences, entre autres), met en scène coup sur coup l’inclassable Cherry 2000 et le sublime Miracle Mile (réédité en 2017 chez Blaq Out et très vite épuisé !). Personnage à part dans l’industrie hollywoodienne, sa carrière sur grand écran fut aussi éphémère que mémorable. Plus étonnant encore, elle pourrait constituer un diptyque à l’envers, la post-apocalypse décrite dans Cherry 2000 prenant potentiellement ses racines dans l’événement déclencheur de Miracle Mile. Peu revus et commentés depuis lors mais vénérés religieusement par un noyau de fervents admirateurs et, de plus en plus, par une partie de la critique, les deux films révèlent une personnalité à part, une véritable vision d’auteur trouvant sa cohérence dans l’insaisissable, à l’intérieur d’un cinéma du samedi soir naïf et assumé comme tel. Côté casting, le pétillant Cherry 2000 offre un rôle d’envergure au second couteau David Andrews, lui aussi homme de télévision avant tout. Aperçu dans A Nightmare on Elm Street, on le reverra dans Graveyard Shift (La Créature du Cimetière – film de vidéoclub entre tous !), puis en frère de Kevin Costner dans Wyatt Earp ou plus tard encore dans Hannibal, mais le gros de sa prolifique carrière s’épanouit sur le petit écran. Quant à Melanie Griffith, redécouverte en 1984 par Abel Ferrara (Fear City) et surtout Brian De Palma (Body Double), Steve De Jarnatt vient alors de la diriger dans Man from the South, face à Steven Bauer et John Huston. Sur la pente ascendante, elle enchaînera l’année suivante avec le Working Girl de Mike Nichols, gagnant définitivement ses galons de star. Autour du couple gravitent gloires du passé (Ben Johnson, Harry Carey Jr.), « gueules » de l’époque (Brion James, Tim Thomerson, Marshall Bell) et vedettes en devenir (Laurence Fishburne) dans un univers de comic book qui doit beaucoup à l’inventivité roublarde du réalisateur et aux compétences de son équipe technique – lesquelles font pas mal d’or avec beaucoup de plomb !

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Test Blu-ray / Hypnotic, réalisé par Robert Rodriguez

HYPNOTIC réalisé par Robert Rodriguez, disponible en DVD et Blu-ray le 21 décembre 2023 chez M6 Vidéo.

Acteurs : Ben Affleck, William Fichtner, Alice Braga, JD Pardo, Hala Finley, Dayo Okeniyi, Jeff Fahey, Jackie Earle Haley…

Scénario : Robert Rodriguez & Max Borenstein

Photographie : Robert Rodriguez & Pablo Berron

Musique : Rebel Rodriguez

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Déterminé à retrouver sa fille, le détective Danny Rourke enquête sur une série de braquages qui pourraient être liés à sa disparition. Mais les criminels qu’il poursuit sont bien plus machiavéliques qu’il ne l’imaginait : ils hypnotisent des innocents pour qu’ils commettent des crimes contre leur volonté. Personne ne semble à l’abri. Pour les déjouer, Rourke va devoir se méfier de tout le monde…

Il en a fait du chemin depuis ses débuts el Señor Robert Rodriguez ! D’El Mariachi (1993), tourné avec les moyens du bord (on parle de 7000 dollars) à Alita : Battle Angel, produit et coécrit par James Cameron, avec son budget colossal de 200 millions de dollars ! Avec une vingtaine de longs-métrages à son actif, on pouvait penser que le réalisateur bénéficierait enfin d’une tranquillité assurée ou qu’il disposerait désormais d’un confort lui permettant de miser sur de grosses productions à 100-150 millions de dollars. Visiblement, Robert Rodriguez n’a pas décidé de lâcher les films de séries B qui ont fait sa notoriété. C’était dernièrement le cas pour Red 11 (tourné avec un budget encore plus petit qu’El Mariachi) et même C’est nous les héros We Can Be Heroes, succès de la plateforme Netflix et rattaché aux Aventures de Shark Boy et Lava Girl (2005). Alors que se profilait un énième épisode de la saga Spy Kids (Spy Kids: Armageddon), également diffusé sur Netflix, Robert Rodriguez retrouvait le chemin des salles avec Hypnotic, projet qui couvait depuis une vingtaine d’années, pensé comme un hommage au cinéma d’Alfred Hitchcock. Si l’ensemble des spectateurs penseront forcément au lénifiant Inception (qui pompait largement sur l’exceptionnel Le Monde sur le fil de Rainer Werner Fassbinder), Hypnotic, qui n’a ni les mêmes moyens, ni la prétention (certains diront la suffisance suintante) du film boursoufflé de Christopher Nolan, n’en reste pas moins une série B fort honnête. Comme souvent chez le cinéaste, beaucoup d’idées apparaissent ici et là et la plupart ne sont pas suffisamment exploitées, mais le spectacle est garanti et Ben Affleck, à qui cela sied bien de prendre de la bouteille (en gros depuis sa période Batman), porte solidement ce petit divertissement sur ses épaules de déménageur.

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Test Blu-ray / Salon Kitty, réalisé par Tinto Brass

SALON KITTY réalisé par Tinto Brass, disponible en Blu-ray le 16 janvier 2024 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Helmut Berger, Ingrid Thulin, Teresa Ann Savoy, John Steiner, Sara Sperati, John Ireland, Tina Aumont, Stefano Satta Flores, Paola Senatore…

Scénario : Ennio De Concini, Maria Pia Fusco & Tinto Brass, d’après le roman de Peter Norden

Photographie : Silvano Ippoliti

Musique : Fiorenzo Carpi

Durée : 2h09

Date de sortie initiale : 1976

LE FILM

Berlin 1939. L’officier SS Wallenberg est chargé de sélectionner et de former de très jolies jeunes femmes allemandes afin de pourvoir le célèbre Salon de « Madame Kitty ». Ces nymphes nazi sont soumises aux passions et pratiques dégradantes des officiers de hauts rangs du Reich. Wallenberg constitue des dossiers sur chacun d’entre eux. Mais lorsqu’une innocente et jeune prostituée découvre les manoeuvres de Wallenberg, sa vengeance mettra le feu à cet holocauste de dépravation.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que près de cinquante ans après sa sortie, Salon Kitty (ou Les Damnées du Troisième Reich, ou bien encore Les Nuits chaudes de Berlin, voire même aussi Madame Kitty) n’a rien perdu de sa force dévastatrice et que le neuvième long-métrage de Tinto Brass n’a pas fini d’en choquer plus d’un. Tant mieux. Spectacle grandiose déconseillé aux âmes sensibles et à ne pas mettre devant tous les yeux, Salon Kitty est le premier volet d’une trilogie du réalisateur consacrée au pouvoir. Entre Portier de nuit Il portiere di notte de Liliana Cavani (sorti deux ans auparavant), Les Damnés La caduta degli dei de Luchino Visconti (dont il reprend d’ailleurs deux des acteurs principaux, Helmut Berger et Ingrid Thullin) et Salò ou les 120 Journées de Sodome Salò o le centoventi giornate di Sodoma de Pier Paolo Pasolini, Salon Kitty met en lumière la vulgarité, la violence, la connerie, la dégénérescence, la décadence du Troisième Reich, en misant justement sur le jusqu’au-boutisme, sur le fond comme sur la forme. Sommet dans la carrière riche et prolifique de son auteur, Salon Kitty met les nerfs à rude épreuve, joue forcément avec le voyeurisme du spectateur, que le cinéaste ne caresse pas dans le sens du pubis, le place comme témoin volontaire des agissements de personnages psychotiques, débauchés et pervertis. Il s’agit non seulement d’une véritable expérience de cinéma, mais aussi et clairement d’un des plus grands films des années 1970. Ni plus ni moins.

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Test Blu-ray / Malicia 2000, réalisé par Salvatore Samperi

MALICIA 2000 (Malizia 2mila) réalisé par Salvatore Samperi, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 5 décembre 2023 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Laura Antonelli, Turi Ferro, Roberto Alpi, Luca Ceccarelli, Barbara Scoppa, Miko Magistro…

Scénario : Ottavio Jemma & Salvatore Samperi

Photographie : Paolo Carnera

Musique : Fred Bongusto

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1991

LE FILM

Le riche Ignazio La Brocca coule des jours heureux avec Angela, son ancienne bonne, dans une splendide villa sicilienne. Le jour où un jeune architecte s’y installe avec son fils Jimmy âgé de quinze ans, l’harmonie du couple se fissure. L’adolescent tombe immédiatement sous le charme de la belle maîtresse des lieux et, pour la séduire, redouble d’imagination. S’il réussit à sortir son mari de sa maison en pleine nuit pour arriver à ses fins, il ne s’attendait pas à que ce soit son père qui profite des faveurs d’Angela. Aussi rusé qu’amoureux, Jimmy n’a pas dit son dernier mot…

Ah oui mais là non quoi…Même en étant indulgent, il est impossible de défendre Malicia 2000, ou Malizia 2mila de l’autre côté des Alpes, ultime apparition à l’écran de Laura Antonelli. Alors que la cinquantaine approche, la carrière de la comédienne bat de l’aile. À cela s’ajoute son arrestation en avril 1991, après que la police ait retrouvé 36 grammes de cocaïne à son domicile suite à une perquisition. Assignée à résidence, Laura Antonelli fait la première page des journaux, les images de l’affaire judiciaire sont diffusées en boucle à la télévision et demeurent dans toutes les mémoires. La même année, elle accepte pourtant un projet inespéré, Malicia 2000, autrement dit la suite de son plus grand succès, réalisé près de vingt ans auparavant. Si toute l’équipe ou presque est réunie, devant comme derrière la caméra, rien, plus rien, absolument rien ne fonctionne dans cet immense navet honteux. Le charisme éteint, les yeux soulignés de cernes qu’elle peine à dissimuler, le corps fatigué, Laura Antonelli n’est plus que l’ombre d’elle-même dans cette séquelle inappropriée, qui ne lui offre rien à jouer et dans laquelle elle déambule comme un spectre qui ne demanderait qu’à se cacher ou à disparaître définitivement. Suite à ce gigantesque échec au box-office et aux critiques unanimement négatives (pléonasme) qui accompagneront le film à sa sortie, l’actrice fera ses adieux au cinéma, avant de connaître d’autres drames. Après avoir accepté des injections de collagène en vue du tournage de Malicia 2000, elle se retrouve avec le visage défiguré par la chirurgie esthétique, ce qui entraînera treize années de procès contre le chirurgien, Salvatore Samperi et le producteur Silvio Clementelli. Elle passera sa vie recluse dans un petit appartement de Ladispoli, dans l’ombre, dans la foi, avant de disparaître en 2015 à l’âge de 73 ans. Mais Laura Antonelli est éternelle, son talent et son incommensurable beauté ont été imprimés à vie sur la pellicule de Mario Bava, Jean-Paul Rappeneau, Philippe Labro, Pasquale festa Campanile, Lucio Fulci, Claude Chabrol, Dino Risi, Luigi Comencini, Luchino Visconti, Mauro Bolognini, Ettore Scola et bien d’autres, dont Salvatore Samperi, qui, en dépit de cette conclusion pathétique, tant sur le plateau que dans le privé, fera d’elle une déesse du septième art.

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Test Blu-ray / Péché véniel, réalisé par Salvatore Samperi

PÉCHÉ VÉNIEL (Peccato veniale) réalisé par Salvatore Samperi, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 5 décembre 2023 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Laura Antonelli, Alessandro Momo, Orazio Orlando, Lilla Brignone, Tino Carraro, Monica Guerritore, Lino Toffolo, Stefano Amato, Lino Banfi…

Scénario : Ottavio Jemma & Alessandro Parenzo

Photographie : Tonino Delli Colli

Musique : Fred Bongusto

Durée : 1h36

Date de sortie initiale : 1974

LE FILM

Dans la station balnéaire de Versilia où il passe ses vacances, le jeune Sandro passe le plus clair de son temps à feuilleter des revues érotiques et à observer les filles sur la plage. Son frère ainé contraint de s’absenter, il porte toute son attention sur Laura, sa belle-sœur, une femme terriblement attirante dont il est chargé de prendre soin. Et, effectivement, Sandro se montre tout particulièrement attentionné à l’égard de la belle Laura…

Aujourd’hui encore, Malicia (ou Malizia pour les puristes) de Salvatore Samperi, figure dans le top 20 des plus grands succès de l’histoire du cinéma en Italie, avec plus de 11,7 millions de spectateurs, ce qui lui avait valu la même année la troisième marche sur le podium, juste derrière les 21,7 millions d’entrées du Parrain et les 15,6 millions du Dernier Tango à Paris. Ce triomphe international allait faire de son actrice, Laura Antonelli, l’un des sex-symbols les plus célèbres des années 1970. La comédienne, peu avare de ses charmes (et quels charmes!) depuis le bandant (mais pas queue) Ma femme est un violon Il merlo maschio de Pasquale Festa Campanile, enfonce le clou avec le tordant (et turgescent) Sexe fou Sessomatto de Dino Risi. Mais Salvatore Samperi (1944-2009) a de la suite dans les idées, ou presque, autrement dit réunir les deux têtes d’affiche de Malicia, Laura Antonelli et Alessandro Momo, les mêmes auteurs, Ottavio Jemma (La Fille de Trieste, La Proie de l’autostop, Sacco et Vanzetti, L’Amour à cheval) et Alessandro Parenzo (Les Chiens enragés, Qui l’a vue mourir?), y compris le même compositeur, Fred Bongusto (Les Ordres sont les ordres, Venez donc prendre le café chez nous, Exécutions, L’Homme à la Ferrari). Toujours sous la houlette du producteur Silvio Clementelli (Les Adolescentes, Il Bidone), le réalisateur surfe bien sûr sur son hit précédent, prolonge les thèmes qu’il abordait précédemment. Intensément sensuel, Péché véniel est avant tout le récit d’apprentissage, sentimental et sexuel d’un adolescent de seize ans, qui n’est en aucun cas un copier-coller de Malicia, mais à (re)voir plutôt comme une version alternative, par ailleurs nullement redondante. Les deux longs-métrages se complètement parfaitement et Péché véniel repose aussi bien sur l’extraordinaire beauté de son actrice principale, mais aussi et surtout sur son jeu beaucoup plus fin, intelligent et pertinent qu’on avait bien trop souvent tendance à sous-estimer. Une très grande réussite.

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