Test Blu-ray / Canicule, réalisé par Yves Boisset

CANICULE réalisé par Yves Boisset, disponible en combo Blu-ray+DVD le 31 juillet 2019 chez Studiocanal

Acteurs : Victor Lanoux, Lee Marvin, Miou-Miou, Jean Carmet, David Bennent, Bernadette Lafont, Grace De Capitani, Henri Guibet, Jean-Pierre Kalfon…

Scénario : Jean Herman, Michel Audiard, Dominique Roulet, Serge Korber et Yves Boisset d’après un roman de Jean Vautrin

Photographie : Jean Boffety

Musique : Francis Lai

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 1984

LE FILM

Suite au hold-up manqué d’une banque d’Orléans, Jimmy Cobb, un gangster américain vieillissant, s’enfuit avec le magot et trouve refuge dans une ferme de la Beauce. Là, une bande de culs terreux vont lui mener la vie dure.

En 1983, Yves Boisset réalise Le Prix du danger, film prophétique sur les dérives de la télévision, qui s’inspire d’une nouvelle de l’écrivain de science-fiction américain Robert Sheckley (1928-2005) publiée en 1958. Fable et satire sociale du devenir de l’humanité, cette dystopie centrée sur une chasse à l’homme autorisée, télévisée et favorisée par les autorités, demeure un modèle français du genre. Un beau succès dans les salles avec 1,4 million de spectateurs. Le cinéaste avait ensuite prévu d’aborder le commerce des armes dans un projet intitulé Barracuda, que devait interpréter Jean-Paul Belmondo. Après l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir, Yves Boisset doit revoir sa copie et le film tombe à l’eau. Michel Audiard lui propose alors de reprendre le flambeau de son adaptation de Canicule, d’après le roman homonyme de Jean Vautrin, pseudonyme de Jean Herman, après la défection de Serge Korber, dont le travail parallèle dans le domaine pornographique était mal perçu. Bien lui en a pris, car Canicule est devenu l’un des films les plus populaires d’Yves Boisset. Passionné par le cinéma américain, en particulier le film noir, le cinéaste s’approprie le genre qu’il affectionne, qu’il malaxe et pétrit, pour le déverser dans la campagne française en utilisant un ingrédient inattendu et miraculeux, à savoir la présence de Lee Marvin en tête d’affiche. Ou comment le film « redneck » débarque en pleine Beauce !

Au plus chaud de l’été, un braqueur américain poursuivi par les forces de l’ordre après avoir cambriolé une banque à Orléans aboutit dans une ferme de la Beauce où il devient l’objet de toutes les très fortes tensions de ce milieu de rustres aussi fermés que violents, y compris les poursuites sexuelles d’une nymphomane.

Canicule condense tout le cinéma d’Yves Boisset. Humour noir et scènes violentes. Cinéaste engagé, Yves Boisset n’aura de cesse de provoquer le débat grâce à ses films comme Un Condé (la violence policière), Dupont Lajoie (sur le racisme ordinaire), R.A.S. (les dysfonctionnements de l’armée), Le Juge Fayard dit le shérif (le système judiciaire français), Le Prix du danger (la dérive des médias). Ici, le réalisateur se livre plutôt à un exercice de style, un thriller buriné, presque inclassable, une série noire parasitée par la comédie décalée, le tout ponctué par des séquences violentes où personne n’est épargné. Agé d’à peine 60 ans, Lee Marvin semble quelque peu à bout de souffle, mais cela sert son personnage de vieux gangster américain, propulsé au milieu des champs de blé de la Beauce profonde. Canicule sera d’ailleurs son avant-dernier long métrage, puisqu’en dehors d’un pitoyable deuxième volet des Douze salopards réalisé pour la télévision par Andrew V. McLaglen en 1985, Lee Marvin réalisera son ultime tour de piste dans le légendaire Delta Force (1986) de Menahem Golan – ça y est, vous avez la musique dans la tête – aux côtés de Chuck Norris. Une crise cardiaque aura raison de lui le 29 août 1987, il avait 63 ans.

Le casting français qui s’oppose au monstre hollywoodien n’est pas en reste, puisque Victor Lanoux, Miou-Miou, Jean Carmet, Bernadette Lafont, jean-Pierre Kalfon composent des personnages hauts en couleurs, y compris le jeune David Bennent, vedette du Tambour de Volker Schlöndorff. Si le rythme est parfois en dents de scie, les numéros d’acteurs valent leur pesant. Yves Boisset se fait plaisir derrière la caméra, d’une part en dirigeant ses comédiens, véritables stradivarius, mais aussi en composant des plans d’une folle élégance. Les champs remués par le passage incessant des hélicoptères, le casse initial réalisé devant la mairie d’Orléans, la fuite de Jimmy Cobb, puis l’introduction des personnages, jusque dans leurs confrontations (les dialogues d’Audiard à tomber) et les règlements de comptes sanglants, jusqu’au thème principal composé au synthé part Francis Lai, tout est culte dans Canicule, qui reste une oeuvre forte, hautement recommandable, passionnante, chaotique et virulente.

Depuis, seul l’explosif Total Western d’Eric Rochant (2000) a su tenir la dragée haute à Canicule, dont le dénominateur commun reste d’ailleurs l’exceptionnel Jean-Pierre Kalfon. Pour l’heure, le film d’Yves Boisset est toujours aussi prisé par les amateurs de cinéma Bis. Une œuvre légendaire, chaînon manquant entre Quelques messieurs trop tranquilles de Georges Lautner, Carnage de Michael Ritchie (avec Lee Marvin d’ailleurs) et La Colline a des yeux de Wes Craven. Et puis il est vrai que l’auteur de ces mots a grandi à côté de la ferme ayant servi de décor principal, donc forcément, Canicule est un film important.

LE COMBO BLU-RAY+DVD

Et voilà ! Le numéro 14 de la collection Make My Day disponible chez Studiocanal est arrivé ! A l’instar du combo Digipack Hitler…connais pas / France société anonyme qui regroupait un film de Bertrand Blier et d’Alain Corneau, l’éditeur et Jean-Baptiste Thoret proposent ici deux films rares d’Yves Boisset, Folle à tuer (1975) et Canicule (1983). Nous nous concentrons aujourd’hui sur Canicule. Le menu principal est typique de la collection, sensiblement animé et muet.

En tant que créateur de cette collection, Jean-Baptiste Thoret présente tout naturellement le film qui nous intéresse au cours d’une préface en avant-programme (7’). Comme il en a l’habitude, le critique replace de manière passionnante Canicule dans son contexte, dans la filmographie et le parcours d’Yves Boisset. Il évoque également la genèse et les conditions de tournage du film, son casting. Tout cela est abordé sans pour autant spoiler le film pour celles et ceux qui ne l’auraient pas encore vu.

Ensuite, nous nous retrouvons face à un véritable trésor, autrement dit le making of de 83 minutes (!), très rare et peu vu en près de 35 ans, entièrement composé d’images de tournage, d’interviews, des acteurs sur le plateau, de la mise en place du braquage devant la mairie d’Orléans. Lee Marvin répond gentiment aux questions qui n’ont de cesse de le brosser dans le sens du poil, et il est amusant de voir l’alchimie évidente entre le comédien américain (« La Beauce vous rattrape toujours : personne ne survit à la Beauce ! ») et Jean Carmet, qui parviennent à se comprendre, surtout lorsque l’acteur français parle de vin rouge et de vin blanc. On y découvre Yves Boisset, toujours la clope au bec, omniprésent avec ses comédiens, tandis que Michel Audiard, planté dans une chaise paumée au milieu des champs de Saint-Péravy-la-Colombe, s’exprime sur l’adaptation du roman de Jean Vautrin. Le casting intervient également pour parler de leurs personnages, de l’histoire et du travail avec Lee Marvin.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Canicule avait jusqu’à maintenant bénéficié d’une sortie en DVD chez Studiocanal en 2006, dans la collection Crim & Cinéma, dans une édition épuisée. Le film avait ensuite été réédité en 2013, toujours en DVD et toujours chez le même éditeur. Juillet 2019, Canicule fait son retour par la grande porte, en Haute-Définition ! La restauration est indéniable et profite surtout à la luminosité des séquences diurnes. La colorimétrie retrouve également un éclat appréciable, avec des teintes chatoyantes, en particulier la blondeur des champs de blé et le rouge du sang qui éclabousse. La gestion du grain est plus aléatoire, sensiblement plus prononcée sur les séquences tamisées, avec des noirs plus hésitants et un léger bruit vidéo. La copie est également très propre.

Canicule combine à la fois les langues anglaise et française. L’écoute Stéréo est très agréable, riche, y compris dans ses silences. Les dialogues ne manquent pas de clarté, tout comme la composition de Francis Lai. Pas de sous-titres pour les spectateurs sourds et malentendants en revanche…

Crédits images : © Studiocanal / Adolphe Drhey / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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