Test Blu-ray / La Ville dorée, réalisé par Veit Harlan

LA VILLE DORÉE (Die Goldene Stadt) réalisé par Veit Harlan, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 2 mai 2023 chez Artus Films.

Acteurs : Kristina Söderbaum, Eugen Klöpfer, Annie Rosar, Dagny Servaes, Paul Klinger, Emmerich Hanus, Kurt Meisel, Rudolf Prack…

Scénario : Alfred Braun & Veit Harlan, d’après la pièce de Richard Billinger

Photographie : Bruno Mondi

Musique : Hans-Otto Borgmann

Durée : 1h56

Date de sortie initiale : 1942

LE FILM

Anna Jobst, fille d’un riche propriétaire terrien habitant sur les rives de la Moldau, ne rêve que d’aller à Prague, ville native de sa mère, morte de n’avoir pu s’adapter à la vie campagnarde. Le désir d’Anna grandit lorsque son père engage un jeune ingénieur originaire de Prague. Remarquant l’attrait de sa fille pour le nouvel arrivant, son père le remplace mais Anna n’y tenant plus s’enfuit…

Comme nous l’indiquions sur la chronique de La Fille au vautour, nous continuons sur notre lancée du Heimatfilm avec La Ville doréeDie goldene Stadt, sorti deux ans après le film de Hans Steinhoff et réalisé cette fois par Veit Harlan (1899-1964), tristement célèbre pour avoir signé Le Juif Süss en 1940, œuvre de propagande antisémite, projetée dans les pays occupés par l’Allemagne nazie, qui avait rencontré un gigantesque succès commercial en Europe durant la Deuxième Guerre mondiale, en attirant 40 millions de spectateurs. Supervisé par Joseph Goebbels, le travail de Veit Harlan n’en reste pas moins efficace sur le plan technique, comme il le prouve dans La Ville dorée, drame et récit initiatique souvent cruel, sur lequel le Ministre de l’Éducation du peuple et de la Propagande du Reich aura repris la main avant la sortie dans les salles, en imposant au cinéaste de changer radicalement le final, qu’il jugeait trop optimiste. Qui dit Heimat, dit mise en valeur de la terre natale, des traditions, de la famille et le personnage principal, très bien joué par la star de l’époque Kristina Söderbaum (alors la compagne de Veit Harlan), rejetant avant tout le chemin déjà tracé par son père, méritait selon Goebbels qu’on lui donne une leçon, histoire de bien ancrer dans la tête d’une audience au cerveau lavé qu’on ne plaisantait pas avec les us et coutumes ancestrales. En l’état, La Ville dorée est un beau film, élégamment photographié par Bruno Mondo (Casino de Paris, Les Jeunes Années d’une reine, la trilogie Sissi) et qui est entré dans l’histoire du cinéma pour avoir été l’un des premiers longs métrages en couleur réalisé en Europe, l’Agfacolor, dont la technologie venait d’être améliorée.

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Test Blu-ray / La Fille au vautour, réalisé par Hans Steinhoff

LA FILLE AU VAUTOUR (Die Geierwally) réalisé par Hans Steinhoff, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 2 mai 2023 chez Artus Films.

Acteurs : Heidemarie Hatheyer, Sepp Rist, Eduard Köck, Winnie Markus, Leopold Esterle, Mimi Gstöttner-Auer, Ludwig Auer, Maria Hofen…

Scénario : Jacob Geis & Alexander Lix, d’après le roman de Wilhelmine von Hillern

Photographie : Richard Angst

Musique : Nico Dostal

Durée : 1h38

Date de sortie initiale : 1940

LE FILM

1840, dans les Alpes du Tyrol, la jeune et jolie Wally est la fille unique d’un fermier. Elle travaille comme un homme pour aider son père et passe son temps libre dans les montagnes, tentant d’apercevoir Joseph, un chasseur, qu’elle aime en secret. Un jour, elle parvient à capturer un vautour, ce qui provoque le mépris de Joseph et l’admiration de son père. Ce dernier veut alors la marier à Vinzenz, un fermier voisin. Wally refuse et, chassée par son père, se réfugie dans les montagnes où elle va vivre avec son vautour.

Quand on évoque le genre Heimat, on pense immédiatement au pari fou entrepris par le réalisateur Edgar Reitz au début des années 1980 : raconter un siècle d’histoire et de cataclysmes sous forme de feuilleton télévisé. À travers le destin de la famille Simon et des habitants d’un petit village de Rhénanie, les trois saisons de la minisérie intitulée justement Heimat – mot intraduisible en français, qui signifie la patrie, le lieu de naissance, la région d’origine, la matrice – réalisées et diffusées en 1984, 1994 et 2004 pour une durée totale de près de 60 heures – dessinaient les contours d’un pays bouleversé par le 20e siècle. En 2013, Heimat : Chronique d’un rêve – L’exode, formaient un tout nouveau volet en deux temps de la saga monumentale et fresque historique d’Edgar Reitz, mais aussi et surtout un préambule aux trois saisons de la série culte qui nous plongeait au coeur du 19e siècle, alliant l’incroyable précision historique avec une dimension quasi-documentaire (à l’instar des métiers d’époque), à la beauté sidérante d’un N&B en cinémascope, parfois marqué par quelques touches de couleurs. Merveilleusement écrit, interprété, mis en scène et photographié, porté par une musique quasi-hypnotique, ces deux épisodes d’Heimat subjuguaient du début à la fin et ravissaient les sens. Mais le genre Heimat remonte en réalité au début du cinéma, inspirant les cinéastes allemands durant plusieurs décennies. L’un des titres emblématiques demeure incontestablement La Fille au vautourDie Geierwally, réalisé par Hans Steinhoff, sorti en 1940, d’après le roman de Wilhelmine von Hillern, déjà adapté trois fois (et ce dès le début des années 1920), qui le sera d’ailleurs encore à cinq reprises par la suite, dont à l’opéra. Très beau film, au charme forcément vintage avec ses décors de carte postale, La Fille au vautour a sous ses allures de bonbon acidulé beaucoup de caractère, à comme le personnage principal, excellemment campé par la belle Heidemarie Hatheyer, alors au tout début de sa carrière.

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Test Blu-ray / L’Odyssée du sous-marin Nerka, réalisé par Robert Wise

L’ODYSSÉE DU SOUS-MARIN NERKA (Run Silent, Run Deep) réalisé par Robert Wise, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 22 juillet 2023 chez Rimini Editions.

Acteurs : Clark Gable, Burt Lancaster, Jack Warden, Brad Dexter, Don Rickles, Nick Cravat, Joe Maross, Mary LaRoche, Eddie Foy III, Rudy Bond…

Scénario : Jon Gay, d’après le roman d’Edward L. Beach

Photographie : Russell Harlan

Musique : Franz Waxman

Durée : 1h29

Année de sortie : 1958

LE FILM

En 1942, pendant le conflit américano-japonais, le sous-marin du commandant Richardson est coulé par le submersible nippon, l’Akikaze. Rongé par ce mauvais souvenir, il se voit confier la direction d’un nouveau sous-marin, le Nerka, au détriment de Jim Bledsoe, son second. Après des mois d’entraînement intensif, Richardson a l’occasion de prendre sa revanche pendant l’attaque de Pearl Harbor.

À la poursuite d’Octobre rouge, Le Bateau, Le Chant du loup, 20 000 lieues sous les mers, USS Alabama, K-19 – Le Piège des profondeurs, U-571, chaque cinéphile visualise immédiatement le sous-marin de ces classiques et même chefs d’oeuvre du septième art. Mais avant ceux-ci, il fait remonter loin, très loin en arrière pour retrouver les origines de ce sous-genre à part entière, autrement dit le film de guerre de sous-marin. Parmi les opus notables et matriciels on trouve L’Espion noir Spy in Black (1939) de Michael Powell, première d’une fructueuse et mythique collaboration qui va durer près de quinze ans avec le scénariste Emeric Pressburger, remarquable film d’espionnage britannique comprenant une dimension documentaire exemplaire, surtout en ce qui concerne les séquences dévoilant le fonctionnement du sous-marin, qui happe le spectateur dès les premières scènes, pour ne plus le lâcher pendant 1h20 jusqu’à l’épatante bataille navale. On doit l’autre étape importante et même décisive à René Clément et à son film Les Maudits (1947), Grand Prix à Cannes, prototype même du film de sous-marin (décor reconstruit à l’échelle dans les studios de la Victorine à Nice) qui explosait alors au milieu des années 40. Témoin de son époque, le réalisateur français se penche sur la déchéance des perdants de la Seconde Guerre mondiale en plaçant ses personnages dans un lieu clôt où émergent petit à petit des règlements de compte souvent fatals. René Clément tire parti de son décor exigu grâce à une réalisation inventive, moderne et raffinée, usant de la caméra portée et d’angles inédits afin de créer une atmosphère étouffante et anxiogène avec un souci constant du réalisme renvoyant au documentaire. Outre-Atlantique, il faut attendre 1957 pour que le film de sous-marin rebondisse à nouveau avec Torpilles sous l’Atlantique The Enemy Below de Dick Powell, avec Robert Mitchum et Cud Jürgens, suivi de près par L’Odyssée du sous-marin NerkaRun Silent, Run Deep (1958). Ce dernier est signé par l’immense Robert Wise, alors entre Femmes coupablesUntil They Sail, avec Jean Simmons Joan Fontaine Paul Newman et Piper Laurie, et Je veux vivre ! I Want to Live!, qui vaudra à Susan Hayward l’Oscar de la meilleure actrice. À l’instar de Richard Fleischer, le cinéaste a toujours su s’approprier un sujet qu’on lui proposait. L’Odyssée du sous-marin Nerka est écrit par John Gay (Le Clan des irréductibles, Soldat bleu, Les Quatre cavaliers de l’apocalypse), habituellement scénariste pour la télévision et qui faisait ici ses débuts au cinéma, d’après un roman d’Edward L. Beach. Si Run Silent, Run Deep n’a pas connu le succès escompté à sa sortie, ses partis-pris sont devenus pour ainsi dire le cahier des charges des films de sous-marin qui allaient suivre. Rares sont les séquences qui se déroulent à l’extérieur du bâtiment, à part bien sûr durant le premier acte qui expose le contexte et les personnages, le principal de l’action étant centrée dans le Nerka avec ses hommes à bord qui communiquent avec le jargon technique approprié. Robert Wise, ancien monteur (chez William Dieterle, Orson Welles et Richard Wallace) apporte sa virtuosité habituelle à ce drame de guerre souvent percutant, qui prend son temps dans la première partie, mais dont la tension n’a de cesse de se resserrer et ce jusqu’à la fin. Une excellente (re)découverte dans laquelle brillent Burt Lancaster et Clark Gable.

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Test Blu-ray / Salvatore Giuliano, réalisé par Francesco Rosi

SALVATORE GIULIANO réalisé par Francesco Rosi, disponible en combo Blu-ray+DVD le 31 mai 2023 chez Studiocanal.

Acteurs : Salvo Randone, Frank Wolff, Sennuccio Benelli, Giuseppe Calandra, Pietro Cammarata, Max Cartier, Nando Cicero…

Scénario : Francesco Rosi, Suso Cecchi d’Amico, Enzo Provenzale & Franco Solinas

Photographie : Gianni Di Venanzo

Musique : Piero Piccioni

Durée : 2h

Date de sortie initiale : 1962

LE FILM

Juillet 1950. Le cadavre du bandit sicilien Salvatore Giuliano est découvert dans la cour d’une maison de Castelvetrano. Un commissaire y dresse un bref constat, des journalistes recueillent quelques renseignements. Plus tard, son corps est exposé à Montelepre, sa commune natale ; la foule vient s’y recueillir, sa mère le pleure…

C’est comme qui dirait de là que tout est parti. Salvatore Giuliano est le troisième long-métrage réalisé par Francesco Rosi (1922-2015) après Le Défi La Sfida (1958) et Profession Magliari I Magliari (1959). Le cinéaste y trouvait son style, en dressant un tableau quasi-documentaire (une voix-off est aussi utilisée) sur les liens tendus entre la politique, la police et la mafia. Comme il le fera juste après pour l’exceptionnel Main basse sur la villeLe Mani sulla città (1963) et Lucky Luciano (1973), Francesco Rosi ne s’intéresse pas seulement à l’homme mais à tout ce qui l’entoure à travers des allers-retours temporels non chronologiques qui pourront rebuter le spectateur le moins conditionné. Le film de Francesco Rosi peut paraître froid, presque clinique, avec une mise en scène au scalpel qui dissèque quinze années de l’histoire de la Sicile, en faisant participer celles et ceux qui ont vécu les événements et en tournant là où ils se sont vraiment déroulés. Les scènes de confrontations, mais aussi celles montrant la vie dans les petits villages, l’effervescence quotidienne, la loi du silence, la passion, la peur qui secouaient la population demeurent d’une beauté plastique ahurissante. Furieusement moderne, passionnant (même si vous n’y connaissez rien au sujet), Salvatore Giuliano, salué depuis toujours par Martin Scorsese (qui le fait apparaître systématiquement dans son top 10) et Francis Ford Coppola, est un chef d’oeuvre immense et intemporel. Ours d’argent à la Berlinale de 1962.

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Test Blu-ray / Les Survivants, réalisé par Guillaume Renusson

LES SURVIVANTS réalisé par Guillaume Renusson, disponible en DVD et Blu-ray le 4 mai 2023 chez Ad Vitam.

Acteurs : Denis Ménochet, Zar Amir-Ebrahimi, Victoire Du Bois, Oscar Copp, Luca Terracciano, Raphaël Ferret, Roxane Barazzuol, Valentine Atlan…

Scénario : Guillaume Renusson & Clément Peny

Photographie : Pierre Maillis-Laval

Musique : Rob

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Samuel part s’isoler dans son chalet au cœur des Alpes italiennes. Une nuit, une jeune femme se réfugie chez lui, piégée par la neige. Elle est afghane et veut traverser la montagne pour rejoindre la France. Samuel ne veut pas d’ennuis mais, devant sa détresse, décide de l’aider. Il est alors loin de se douter qu’au-delà de l’hostilité de la nature, c’est celle des hommes qu’ils devront affronter.

Attention, film choc, premier essai et premier coup de maître pour Guillaume Renusson, qui n’avait dirigé que deux courts-métrages avant de signer Les Survivants. Un projet né à partir de l’écriture d’une seule scène avec son co-scénariste Clément Peny (Maestro(s)), celle d’un homme donnant la carte d’identité de sa femme décédée à une réfugiée pour lui permettre d’essayer de passer une frontière. De là sont nés des enjeux, sociaux et politiques, qui ont conduit à la création du personnage de Samuel, puis à celui de Chehreh…Les Survivants questionne forcément des sujets brûlants d’actualité, mais sans marteler un message pour se donner bonne conscience et en offrant avant tout un vrai et grand film de cinéma, magnifiquement photographié Pierre Maillis-Laval (qui avait Le Grand silence de Sergio Corbucci comme inspiration), excellemment mis en scène et surtout porté par deux comédiens exceptionnels, Denis Ménochet et Zar Amir Ebrahimi, assurément l’un des tandems les plus marquants de l’année 2023.

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Test Blu-ray / Ursule et Grelu, réalisé par Serge Korber

URSULE ET GRELU réalisé par Serge Korber, disponible en Blu-ray le 14 juin 2023 chez Studiocanal.

Acteurs : Annie Girardot, Bernard Fresson, Roland Dubillard, Jean Le Poulain, Marcel Dalio, Alfred Adam, Jacqueline Doyen, Patrick Préjean, Jean Carmet, Mario David…

Scénario : Michel Cournot & Serge Korber, d’après le roman de Léopold Chauveau

Photographie : Jean-Jacques Tarbès

Musique : Alain Goraguer

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1974

LE FILM

Ursule, membre actif de l’Armée du Salut, rencontre lors d’un naufrage l’accordéoniste Grelu. Ils tombent amoureux, mais la vie les sépare. Lorsqu’enfin ils se retrouvent, Grelu mène une existence rangée, Ursule continue de mener une vie trépidante. Ils décident tout de même de se marier.

Vous n’aviez jamais sans doute entendu parler d’Ursule et Grelu ! L’auteur de ces mots n’avait jusqu’à présent pas eu connaissance de cette comédie sortie en 1974, mettant en scène Annie Girardot et Bernard Fresson et signée Serge Korber (1936-2022). Le réalisateur du merveilleux Un idiot à Paris (1967), adapté du roman de René Fallet, et de deux opus originaux avec Louis de Funès, L’Homme orchestre (1970) et Sur un arbre perché (1971), livre un de ses films les plus dingues, pour ne pas dire inclassables, avec Ursule et Grelu, fantaisie burlesque à la frontière de la tragédie, un OFNI presque inracontable, qui doit beaucoup à l’énergie dévastatrice de son couple vedette (qui l’étaient aussi dans la vie) et des gags souvent visuels à la limite du slapstick. En 1972, Serge Korber avait bifurqué vers le drame avec Les Feux de la Chandeleur, dans lequel il dirigeait déjà Annie Giradot. Dans Ursule et Grelu, il lui offre un personnage diamétralement opposé, dont l’immense comédienne se délecte visiblement du début à la fin. Même si son partenaire n’a rien à lui envier, on ne cesse d’admirer cette grande dame du cinéma français, qui n’avait pas son pareil pour insuffler sa gouaille personnelle à des rôles insolites, à la fois graves et farfelus. Ursule et Grelu n’est assurément pas une réussite totale, néanmoins le septième long-métrage de Serge Korber demeure une curiosité à laquelle le cinéphile saura accorder 95 minutes de son temps.

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Test Blu-ray / Le Secret, réalisé par Robert Enrico

LE SECRET réalisé par Robert Enrico, disponible en Blu-ray le 14 juin 2023 chez Studiocanal.

Acteurs : Jean-Louis Trintignant, Marlène Jobert, Philippe Noiret, Jean-François Adam, Solange Pradel, Antoine Saint-John, Michel Delahaye, Maurice Vallier…

Scénario : Robert Enrico & Pascal Jardin, d’après le roman de Francis Ryck

Photographie : Étienne Becker

Musique : Ennio Morricone

Durée : 1h43

Date de sortie initiale : 1974

LE FILM

Quelque part en France, détenteur d’un secret qui pourrait nuire à des instances imprécises, mais puissantes, David est séquestré dans une forteresse. Il s’évade en tuant son geôlier puis trouve asile chez une amie obligeante, pour une nuit. Il se rend ensuite dans les Cévennes, dans l’espoir de passer la frontière. Là, un couple de solitaires, Thomas et Julia, l’invite à se reposer dans sa ferme. Malgré l’attirance qu’elle éprouve pour David, Julia ne peut s’empêcher de s’interroger sur son attitude et le suspecte d’être dangereux. Elle décide d’en parler à son frère, Claude, journaliste, qui lui confirme ses craintes. De son côté, Thomas accepte d’aider David à quitter le pays…

La même année que Conversation secrète The Conversation de Francis Ford Coppola, Palme d’or au Festival de Cannes, un autre thriller paranoïaque, français cette fois, se distinguait en 1974, à savoir Le Secret, le dixième long-métrage de Robert Enrico. Après quelques « véhicules de stars » et les triomphes des Grandes gueules (3,6 millions d’entrées), Les Aventuriers (3,1 millions), Ho ! (1,8 million) et Boulevard du Rhum (1,2 million), le cinéaste connaît de légers revers avec Un peu, beaucoup, passionnément… avec Maurice Ronet et Les Caïds, porté par Serge Reggiani, Michel Constantin et Jean Bouise. Deux ans après cet échec (un peu plus d’un demi-million de spectateurs), Robert Enrico s’allie avec Pascal Jardin (également auteur des formidables dialogues du film), pour adapter un roman de l’écrivain Francis Ryck, Le Compagnon indésirable, dont l’un des livres venait d’ailleurs d’être transposé avec succès au cinéma par Claude Pinoteau avec Le Silencieux. S’il s’en sortira mieux au box-office, Le Secret n’atteindra pas la barre des 900.000 entrées dans l’Hexagone. Pourtant, cet opus de Robert Enrico demeure incontestablement l’un des plus intéressants de sa carrière, un petit bijou méconnu, interprété par un trio de choc, Marlène Jobert, Jean-Louis Trintignant et Philippe Noiret, monstres de talent et de charisme, lancés dans une cavale sans issue et une histoire ambiguë du début à la fin. Une redécouverte s’impose.

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Test Blu-ray / La Cage, réalisé par Pierre Granier-Deferre

LA CAGE réalisé par Pierre Granier-Deferre, disponible en Blu-ray le 14 juin 2023 chez Studiocanal.

Acteurs : Lino Ventura, Ingrid Thulin, William Sabatier, Sophie Sam, Jean Turlier, Dominique Zardi…

Scénario : Pierre Granier-Deferre & Pascal Jardin, d’après la pièce de Jack Jacquine

Photographie : Walter Wottitz

Musique : Philippe Sarde

Durée : 1h30

Date de sortie initiale : 1975

LE FILM

Divorcés depuis des années, Julien et Hélène se retrouvent pour conclure la vente de la maison de campagne du couple. L’ex-femme, délaissée par son mari, en profite pour l’assommer et le séquestrer à la cave. Une relation étrange s’établit entre le prisonnier et son geôlier.

La filmographie conséquente de Lino Ventura dissimule forcément quelques pépites méconnues ou même carrément oubliées comme Un papillon sur l’épaule de Jacques Deray, mais aussi et surtout La Cage de Pierre Granier-Deferre, dont l’échec cinglant (280.000 entrées) a vite été éclipsé par le succès d’Adieu poulet (2 millions de spectateurs) six mois plus tard. Suite au triomphe de La Gifle en octobre 1974, Lino Ventura, alors convoité par William Friedkin pour jouer dans Le Convoi de la peur Sorcerer et venant de décliner un rôle dans Les Trois Jours du Condor de Sydney Pollack, le comédien accepte (après un premier refus) un huis clos adapté d’une pièce de Jack Jacquine, créée au Théâtre de l’Athénée à Paris, puis reprise à la Comédie de Paris. Les droits allaient être achetés par Robert Hossein, qui envisageait de réaliser son adaptation pour le cinéma, de tenir le rôle principal et même de produire le film. Les projets s’accumulant, il revend finalement les droits au producteur Raymond Danon, qui pense à Jean Gabin et même à Henry Fonda, avant que le scénario arrive dans les mains de Lino Ventura. D’abord réticent, celui-ci se lance, mais désire coproduire La Cage, afin de se sentir plus libre sur ce sujet qui ne ressemble en rien à ce qu’il avait fait. L’acteur retrouve Pierre Granier-Deferre, avec lequel il avait déjà collaboré dix ans auparavant sur La Métamorphose des cloportes, et donne la réplique à la suédoise Ingrid Thulin, l’une des muses d’Ingmar Bergman (Les Fraises sauvages, Au seuil de la vie, Le Visage…), qui sortait alors de Cris et Chuchotements. La Cage est un exercice de style que certains ont jugé académique (trop ?), mais avec le recul la mise en scène apparaît beaucoup plus pertinente que dans nos souvenirs et évite le côté théâtre filmé dans lequel le réalisateur aurait pu facilement tomber ou se complaire. Les deux monstres sacrés du cinéma sont sublimes et leur face à face vaut sacrément le détour, quand bien même la chute peut paraître décevante et expédiée. Assurément LE film à réhabiliter et à redécouvrir avec le grand Lino.

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Test Blu-ray / Le Plus grand cirque du monde, réalisé par Henry Hathaway

LE PLUS GRAND CIRQUE DU MONDE (Circus World) réalisé Henry Hathaway, disponible en Édition Blu-ray + DVD + DVD bonus + livre – Boîtier Mediabook le 24 mai 2023 chez Rimini Editions.

Acteurs : John Wayne, Claudia Cardinale, Rita Hayworth, Lloyd Nolan, Richard Conte, John Smith, Katharyna, Katherine Kath, Wanda Rotha, Maggie Rennie, Miles Malleson, José María Caffarel, Kay Walsh, Francois Calepides, Robert Cunningham, Hans Dantes…

Scénario : Ben Hecht, Julian Zimet & James Edward Grant, d’après une histoire originale de Bernard Gordon & Nicholas Ray

Photographie : Jack Hildyard

Musique : Dimitri Tiomkin

Durée : 2h17

Date de sortie initiale : 1964

LE FILM

Matt Masters est le propriétaire d’un grand cirque américain, célèbre pour ses numéros spectaculaires. Il décide de partir en tournée en Europe, où il espère retrouver Lili Alfredo, une trapéziste dont il a été amoureux. À son arrivée à Barcelone, le cirque est victime d’un grave incendie, qui détruit la plupart des équipements.

C’est la fin d’une ère, ou plutôt celle d’un empire, celui du producteur Samuel Bronston (1908-1994), qui venait d’enchaîner coup sur coup (on peut même écrire coût sur coût) Le Roi des roisKing of Kings (1961), Le CidEl Cid (1961), Les 55 jours de Pékin55 Days at Peking (1963) et La Chute de l’empire romain (1964), soit trois superproductions parmi les plus chères de la décennie. Le Plus grand cirque du mondeCircus World n’a sans doute pas le prestige des trois précédents opus, mais s’avère un très bel hommage aux artistes d’hier qui savaient donner de la joie aux spectateurs à travers un grand spectacle. Joliment réalisé, le film de Henry Hathaway est plus court et ramassé, possède un charme certain, mélange (sans se forcer) action, humour, bons sentiments et bien sûr de très beaux numéros visuels. John Wayne, qui multipliait alors les tournages, ici entre La Taverne de l’Irlandais Donovan’s Reef de John Ford et Première VictoireIn Harm’s Way d’Otto Preminger, porte facilement Circus World sur ses larges épaules et donne beaucoup de profondeur à son personnage qui parvient à rester optimiste malgré les malheurs qui s’abattent sur son cirque et ses virtuoses. Rétrospectivement, Le Plus grand cirque du monde n’a jamais bénéficié de l’aura de Sous le plus grand chapiteau du monde The Greatest Show on Earth (1952) de Cecil B. DeMille, auquel on ne peut s’empêcher de le comparer, mais le contrat est rempli, on en prend plein les yeux, la distribution est exceptionnelle, les décors gigantesques et l’évasion garantie.

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Test Blu-ray / Le Souffle de la tempête, réalisé par Alan J. Pakula

LE SOUFFLE DE LA TEMPÊTE (Comes a Horseman) réalisé par Alan J. Pakula, disponible en Combo Blu-ray + DVD – Édition limitée le 5 juillet 2023 chez Rimini Editions.

Acteurs : James Caan, Jane Fonda, Jason Robards, George Grizzard, Richard Farnsworth, Jim Davis, Mark Harmon ,Macon McCalman…

Scénario : Dennis Lynton Clark

Photographie : Gordon Willis

Musique : Michael Small

Durée : 1h53

Année de sortie : 1978

LE FILM

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans le Montana. Propriétaire d’un ranch dans l’Ouest, Ella Connors est harcelée par le riche J. W. Ewing, qui a des vues sur ses terres. Endettée, la jeune femme a dû vendre une parcelle à deux soldats démobilisés, dont l’un trouve bientôt la mort lors d’une échauffourée avec les hommes d’Ewing. L’autre, Frank Athearn, s’en tire avec une blessure et se réfugie chez Ella.

Klute, À cause d’un assassinatThe Parallax View, Les Hommes du présidentAll the President’s Men, Le Choix de SophieSophie’s Choice, Présumé Innocent Presumed Innocent, L’Affaire Pélican The Pelican Brief et Ennemis rapprochésDevil’s Own…ou les films les plus célèbres du réalisateur d’Alan J. Pakula (1928-1998). En regardant ses œuvres d’un peu plus près, on se rend compte que la moitié de ses opus demeurent étonnamment obscurs ou tout du moins peu renommés. Suite au triomphe international rencontré par Les Hommes du président, récompensé par quatre Oscars en 1977 (sur huit nominations), Alan J. Pakula a les mains libres pour choisir le sujet qui l’intéresse. Contre toute attente, il jette son dévolu sur un scénario de Dennis Lynton Clark, ancien directeur artistique d’Un homme nommé ChevalA Man Called Horse (1970) d’Elliot Silberstein, du Convoi sauvage Man in the Wilderness (1971) de Richard C. Sarafian et d’American Graffiti (1973) de George Lucas, un western, alors que le genre était quasiment mort à la fin des années 1970 après avoir viré au pastiche au milieu de la décennie. La postérité n’a pas retenu grand-chose du sixième long-métrage d’Alan J. Pakula, en dehors de son casting de luxe composé de James Caan, Jane Fonda et Jason Robards. Le Souffle de la tempête se place dans la continuité de Missouri Breaks d’Arthur Penn, même s’il n’en possède pas l’étrangeté et s’avère plus épuré, proche des romans de feu Cormac McCarthy. Lent, parfois contemplatif, volontairement anti-spectaculaire, Comes a Horseman vaut il est vrai et avant tout pour ses comédiens, que l’on admire, qui subjuguent, plutôt que pour son histoire il faut bien le dire qui manque d’enjeux et qui pourra en lasser certains par l’absence de rebondissements et surtout d’action. Mais Le Souffle de la tempête est une merveille visuelle incontestable et l’émotion emporte finalement et facilement l’adhésion.

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