Test Blu-ray / Le Plus grand cirque du monde, réalisé par Henry Hathaway

LE PLUS GRAND CIRQUE DU MONDE (Circus World) réalisé Henry Hathaway, disponible en Édition Blu-ray + DVD + DVD bonus + livre – Boîtier Mediabook le 24 mai 2023 chez Rimini Editions.

Acteurs : John Wayne, Claudia Cardinale, Rita Hayworth, Lloyd Nolan, Richard Conte, John Smith, Katharyna, Katherine Kath, Wanda Rotha, Maggie Rennie, Miles Malleson, José María Caffarel, Kay Walsh, Francois Calepides, Robert Cunningham, Hans Dantes…

Scénario : Ben Hecht, Julian Zimet & James Edward Grant, d’après une histoire originale de Bernard Gordon & Nicholas Ray

Photographie : Jack Hildyard

Musique : Dimitri Tiomkin

Durée : 2h17

Date de sortie initiale : 1964

LE FILM

Matt Masters est le propriétaire d’un grand cirque américain, célèbre pour ses numéros spectaculaires. Il décide de partir en tournée en Europe, où il espère retrouver Lili Alfredo, une trapéziste dont il a été amoureux. À son arrivée à Barcelone, le cirque est victime d’un grave incendie, qui détruit la plupart des équipements.

C’est la fin d’une ère, ou plutôt celle d’un empire, celui du producteur Samuel Bronston (1908-1994), qui venait d’enchaîner coup sur coup (on peut même écrire coût sur coût) Le Roi des roisKing of Kings (1961), Le CidEl Cid (1961), Les 55 jours de Pékin55 Days at Peking (1963) et La Chute de l’empire romain (1964), soit trois superproductions parmi les plus chères de la décennie. Le Plus grand cirque du mondeCircus World n’a sans doute pas le prestige des trois précédents opus, mais s’avère un très bel hommage aux artistes d’hier qui savaient donner de la joie aux spectateurs à travers un grand spectacle. Joliment réalisé, le film de Henry Hathaway est plus court et ramassé, possède un charme certain, mélange (sans se forcer) action, humour, bons sentiments et bien sûr de très beaux numéros visuels. John Wayne, qui multipliait alors les tournages, ici entre La Taverne de l’Irlandais Donovan’s Reef de John Ford et Première VictoireIn Harm’s Way d’Otto Preminger, porte facilement Circus World sur ses larges épaules et donne beaucoup de profondeur à son personnage qui parvient à rester optimiste malgré les malheurs qui s’abattent sur son cirque et ses virtuoses. Rétrospectivement, Le Plus grand cirque du monde n’a jamais bénéficié de l’aura de Sous le plus grand chapiteau du monde The Greatest Show on Earth (1952) de Cecil B. DeMille, auquel on ne peut s’empêcher de le comparer, mais le contrat est rempli, on en prend plein les yeux, la distribution est exceptionnelle, les décors gigantesques et l’évasion garantie.

L’imprésario Matt Masters, propriétaire d’un grand cirque américain qui porte son nom, décide de faire une tournée en Europe malgré les réticences de son fidèle collègue Cap Carson, qui accepte tout de même de le suivre. Cap affirme par ailleurs qu’il n’est pas dupe et qu’il comprend que Matt espère retrouver Lili Alfredo, une trapéziste disparue quatorze ans plus tôt après s’être sentie responsable de la mort de son mari, le grand Flying Alfredo, décédé après une chute alors que Lili le trompait avec Matt. Lili est la mère de Toni Alfredo, écuyère et étoile montante du cirque, que Matt a élevée comme si elle était sa propre fille depuis le départ de sa mère. Celle-ci est amoureuse de Steve, qui interprète un cow-boy dans une mise en scène de western faisant intervenir un combat à cheval contre des Indiens. Par ailleurs, le jeune homme affirme ouvertement sa volonté de devenir un associé de Matt et de prendre à terme sa suite comme directeur du cirque. Arrivé à Barcelone, le cirque subit un grave accident qui détruit la plupart des équipements, laissant Matt Masters et Cap Carson désemparés. Aux côtés de Steve et Toni, ils font néanmoins tout pour monter une nouveau cirque, travaillant pour un spectacle de western, le Ed Purdy Wild West Show, tout en recrutant de nouveaux artistes pour leur future équipe. Matt retrouve notamment Aldo Alfredo, dit Tojo le clown, le frère de Flying Alfredo (et donc l’oncle de Toni), qui accepte de rejoindre le projet de Matt. En Allemagne, ce dernier retrouve la trace de Lili mais elle disparaît avant son arrivée. Plus tard, Lili assiste en cachette à une représentation du spectacle d’Ed Purdy et se retrouve à discuter avec Toni, à qui elle se présente sous le nom de Margot Angeli. Cap Carson la reconnaît et s’empresse de prévenir Matt, qui la rattrape mais ne peut finalement la retenir de partir à nouveau. À Madrid, alors qu’elle continue de cacher son identité à Toni, Lili accepte de rejoindre le nouveau cirque de Matt.

Le Plus grand cirque du monde a connu une genèse difficile avec une valse de scénaristes et de réalisateurs potentiels qui se sont succédé (Frank Capra avait même été engagé, avant d’être finalement remercié), jusqu’à ce que Samuel Bronston finisse enfin par confier les rênes de son nouveau bébé à Henry Hathaway. Ce dernier avait déjà collaboré à plusieurs reprises avec le Duke sur Le Retour du proscritThe Shepherd of the Hills (1941), La Cité disparue Legend of the Lost (1957), Le Grand Sam North to Alaska (1960) et se retrouveront d’ailleurs encore deux fois après Circus World pour Les Quatre Fils de Katie ElderThe Sons of Katie Elder (1965) et bien sûr Cent Dollars pour un shérifTrue Grit (1969) qui vaudra à John Wayne le seul Oscar du meilleur acteur de son illustre carrière. Le cinéaste se met au service du scénario de Ben Hecht (Spéciale première, La Proie, Scarface, Les Enchaînés), le blacklisté Julian Zimet (Terreur dans le Shanghaï Express, Le Bandit, Quand la Terre s’entrouvrira) et le complice de John Wayne, James Edward Grant (Le Grand McLintock, Comancheros, Alamo, Hondo), d’après une histoire originale de Bernard Gordon (Les Soucoupes volantes attaquent, Victime du destin, Custer, l’homme de l’Ouest), le tout on va dire supervisé par l’immense Philip Yordan.

Si l’on compte en plus l’apport de Nicholas Ray, qui devait à l’origine mettre en scène Circus World, on se dit finalement « tout ça pour ça », car l’histoire ne casse pas des briques, même si cette fois encore l’ensemble se tient sur près de 2h20 grâce à un montage réussi de Dorothy Spencer (La Chevauchée fantastique, La Main gauche du Seigneur) et surtout une merveilleuse photographie de Jack Hildyard (Les Oies sauvages, Pancho Villa, Le Pont de la rivière Kwaï, Soudain l’été dernier), sublimée par un tournage en Super Technirama-70. On retient plus la forme que le fond du Plus grand cirque du monde, en plus de la beauté hypnotique de Claudia Cardinale, qui s’offrait une récréation bienvenue entre deux chefs d’oeuvre de Luchino Visconti (Le Guépard et Sandra), ainsi que la mélancolie qui émane du jeu de Rita Hayworth, devenue rare au cinéma en raison de son penchant pour l’alcool et souffrant déjà de la maladie d’Alzheimer.

Les scènes se succèdent efficacement, sur un fil lâche certes, mais l’intérêt est sans cesse maintenu grâce à l’énergie déployée par les acteurs, l’émotion durant les confrontations entre le trio principal, l’humour bon enfant (voir John Wayne botter le cul d’un homme de petite taille fait toujours son effet), les séquences les plus marquantes et spectaculaires restant celles du naufrage dans le port de Barcelone et de l’incendie du chapiteau dans la dernière partie. Mais l’heure du dépôt de bilan est arrivée pour Samuel Bronston, qui malgré le succès (relatif toutefois) du Plus grand cirque du monde ne pourra remettre sa société à flot. Il peut partir la tête haute, ayant su et pu concurrencer Hollywood et en entrant dans l’Histoire du cinéma avec ses épopées uniques qui font encore aujourd’hui le bonheur des cinéphiles à travers le monde.

L’Édition Blu-ray + DVD + DVD bonus + livre – Boîtier Mediabook

La boucle est pour ainsi dire bouclée ! En effet, après Le Cid, Les 55 jours de Pékin et La Chute de l’empire romain, Rimini Éditions nous offre un nouveau et probablement ultime Mediabook consacré aux productions Samuel Bronston, réalisé par nos amis de Bubbelcom. Un magnifique objet de collection, auquel sont solidement accrochés les trois disques (le DVD du film, le DVD de supplément et le Blu-ray comprenant le tout), ainsi que le livre Il était une fois le cirque au cinéma (100 pages), écrit par Rania Griffete et Stéphane Chevalier. Après le film, nous vous conseillons de faire comme nous, de vous plonger dans ce merveilleux ouvrage composé de sublimes illustrations et comprenant un retour sur la difficile genèse (euphémisme) et le développement de Circus World, qui allait sonner le glas de l’empire Bronston, le casting, le tournage, la sortie, le box-office, la carrière de Henry Hathaway, celle du compositeur Dimitri Tiomkin, l’histoire du cirque et ce thème exploité au cinéma (ainsi que ses liens avec le septième art), la place du clown sur le grand écran (avec les plus grands représentants du genre, Chaplin, Keaton, Tati, on aurait ajouté Pierre Etaix) et d’autres sujets aussi passionnants. Le menu principal du DVD et du Blu-ray est animé et musical. À noter que Le Plus grand cirque du monde avait déjà fait l’objet d’une édition HD il y a une dizaine d’années chez Filmedia.

Rimini Éditions et La Plume / Bubbelcom nous gratifient de deux formidables suppléments en vidéo, qui donnent la parole à Spencer McAndrew, écrivain et petit-fils du scénariste et producteur Philip Yordan. Le premier module, La Dernière représentation (19’) revient longuement sur le « tournage très compliqué de Circus World et la fin de l’empire Bronston ». La gestation compliquée du film, le boulot attribué à Nicholas Ray, Bernard Gordon (« non crédité alors que le scénario contient des choses qui lui appartiennent »), Philip Yordan bien entendu, Ben Hecht, Julian Halevy et à James Edward Grant, avant d’en venir au casting. L’arrivée de Henry Hathaway (engagé grâce au Duke après le renvoi de Frank Capra) et les conditions de tournage sont aussi au centre de ce bonus. La seconde intervention de Spencer McAndrew (Le Cas Philip Yordan, 33’) est encore plus riche que la précédente et s’avère indispensable pour les amoureux du cinéma. En effet, il est ici question de Philip Yordan, qui a longtemps servi de prête-nom pour des auteurs victimes du Maccarthysme, sur lequel Bertrand Tavernier est longtemps revenu dans ses présentations en DVD-Blu-ray (Plus dure sera la chute). Fils d’émigrants polonais, Philip Yordan demeure un mystère pour les spécialistes du cinéma puisque le scénariste en apparence « prolifique » a longtemps fait travailler d’autres écrivains à sa place et certains scénaristes inscrits sur la tristement célèbre liste noire lors du Maccarthysme. Un prête-nom avoué certes, mais Philip Yordan n’hésitait pas non plus à s’attribuer certains succès qu’il n’avait pas écrits selon Tatav, qui avait interviewé Philip Yordan (« j’ai rarement entendu autant de bobards de ma vie » dira d’ailleurs le réalisateur). Spencer McAndrew met les choses au clair ici. Il aborde l’enfance et les débuts de la carrière de son grand-père (« passionné par les arts, la littérature et l’écriture »), son arrivée à Hollywood (grâce à William Dieterle), ses films les plus célèbres (Dillinger de Max Nosseck, Bravados, Association criminelle, Johnny Guitar), son style (« une idée de la fatalité […] il n’aimait pas les happy-ends […] des dialogues très secs et efficaces […] des personnages à vif »), avant de répondre à certaines accusations comme quoi Philip Yordan aurait souvent signé des scénarios qu’il aurait fait écrire par d’autres. « Il y a eu beaucoup d’exagérations sur mon grand-père » dit-il, en parlant des propos de Bertrand Tavernier, qu’il connaissait et qui aurait modéré ses interventions avant sa mort. Sans aucun doute l’une des meilleures interactivités de ces dernières semaines !

L’ensemble se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Merci à Rimini Éditions de nous permettre d’ajouter Le Plus grand cirque du monde à notre collection de Digibooks ! Toutefois, pour son retour en HD dans les bacs, ce film n’a connu aucun lifting depuis le dernier Blu-ray édité par Filmedia en 2012 ! Si les canons de restauration ont évidemment changé depuis, la copie est excellente avec des scories et autres poussières quasi-subliminales. L’ensemble est plutôt riche et stable (hormis des décrochages chromatiques sur les fondus enchaînés), la gestion du grain est équilibrée et les fourmillements limités. Le piqué demeure pointu. Certaines séquences tirent agréablement profit de cette élévation HD, notamment toutes celles tournées en extérieur. Les couleurs sont également pimpantes avec des contrastes au top et une luminosité souvent impressionnante. Blu-ray au format 1080p. Signalons enfin que Circus World est présenté ici avec la musique d’ouverture (pré-générique), l’entracte et la musique de fin (post-générique).

Circus World est disponible en version originale et française DTS-HD Master Audio 2.0, Stéréo pour la première, Mono pour la seconde. La première instaure un confort acoustique plaisant avec une délivrance suffisante des dialogues, des effets annexes convaincants et surtout une belle restitution de la musique. La piste française se focalise souvent sur les voix au détriment des ambiances environnantes, même si le doublage est particulièrement réussi avec l’immense Raymond Loyer à la barre. Les deux options acoustiques sont propres et dynamiques. Les sous-titres ne sont pas imposés sur la VO. Pour les puristes, sachez que vous ne trouverez pas le mixage six pistes issu de la version 70mm.

Crédits images : © Rimini Editions / Samuel Bronston Productions / MGM / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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