Test DVD / Vous n’aurez pas ma haine, réalisé par Kilian Riedhof

VOUS N’AUREZ PAS MA HAINE réalisé par Kilian Riedhof, disponible en DVD le 2 mai 2023 chez Blaq Out.

Acteurs : Pierre Deladonchamps, Zoé Iorio, Camélia Jordana, Thomas Mustin, Christelle Cornil, Anne Azoulay, Farida Rahouadj, Yannick Choirat…

Scénario : Marc Blöbaum, Jan Braren, Stéphanie Kalfon & Kilian Riedhof, d’après le livre autobiographique d’Antoine Leiris

Photographie : Manuel Dacosse

Musique : Peter Hinderthür

Durée : 1h38

Année de sortie : 2022

LE FILM

Comment surmonter une tragédie sans sombrer dans la haine et le désespoir ? L’histoire vraie d’Antoine Leiris, qui a perdu Hélène, sa femme bien-aimée, pendant les attentats du Bataclan à Paris, nous montre une voie possible : à la haine des terroristes, Antoine oppose l’amour qu’il porte à son jeune fils et à sa femme disparue.

« Vendredi soir vous avez volé la vie d’un être d’exception, l’amour de ma vie, la mère de mon fils, mais vous n’aurez pas ma haine. Je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir, vous êtes des âmes mortes. Si ce dieu pour lequel vous tuez aveuglément nous a fait à son image, chaque balle dans le corps de ma femme aura été une blessure dans son cœur.

Alors non je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr. Vous l’avez bien cherché pourtant mais répondre à la haine par la colère, ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes. Vous voulez que j’aie peur, que je regarde mes concitoyens avec un œil méfiant, que je sacrifie ma liberté pour la sécurité. Perdu. Même joueur joue encore.

Je l’ai vue ce matin. Enfin, après des nuits et des jours d’attente. Elle était aussi belle que lorsqu’elle est partie ce vendredi soir, aussi belle que lorsque j’en suis tombé éperdument amoureux il y a plus de douze ans. Bien sûr je suis dévasté par le chagrin, je vous concède cette petite victoire, mais elle sera de courte durée. Je sais qu’elle nous accompagnera chaque jour et que nous nous retrouverons dans ce paradis des âmes libres auquel vous n’aurez jamais accès.

Nous sommes deux, mon fils et moi, mais nous sommes plus fort que toutes les armées du monde. Je n’ai d’ailleurs pas plus de temps à vous consacrer, je dois rejoindre Melvil qui se réveille de sa sieste. Il a 17 mois à peine, il va manger son goûter comme tous les jours, puis nous allons jouer comme tous les jours et toute sa vie ce petit garçon vous fera l’affront d’être heureux et libre. Car non, vous n’aurez pas sa haine non plus. »

Voilà la lettre ouverte écrite par le journaliste Antoine Leiris publiée en 2016, qui aura un écho retentissant sur les réseaux sociaux, avant d’être relayée dans le journal Le Monde. Vous n’aurez pas ma haine est tiré du livre éponyme de son auteur, qui avait donc perdu son épouse Hélène Muyal-Leiris, le 13 novembre 2015 lors de l’attentat du Bataclan à Paris. Après Revoir Paris d’Alice Winocour et Novembre de Cédric Jimenez, sans oublier le superbe Amanda de Mikhaël Hers (qui s’en inspirait), c’est au tour de Kilian Riedhof de se pencher sur ces événements tragiques qui ont touché la capitale. Le film se focalise sur la survie et le deuil d’un homme et de son petit garçon de 18 mois (interprété par l’incroyable Zoé Iorio). Alors que le monde l’admire pour ses mots pleins de courage, Antoine Leiris, fou de désespoir, manque de perdre totalement pied. C’est cette histoire vraie et intimiste qui a inspiré le réalisateur allemand, qui a principalement œuvré pour la télévision (Un cas pour deux, Tatort), qui rend compte de ce qui a rendu célèbre Antoine Leiris, mais qui révèle aussi ce qu’on sait forcément moins, à savoir comment ce dernier a dû se battre pour s’en sortir et donc en quelque sorte respecter ce qu’il avait déclaré dans sa lettre.

On voit Antoine lutter pour ne pas sombrer dans la haine, pour rester digne devant son petit garçon, pour ne pas tomber dans l’alcoolisme, pour ne pas se jeter par la fenêtre. Kilian Riedhof confie le rôle principal au merveilleux Pierre Deladonchamps, qui n’a eu de cesse de multiplier les performances depuis le César du meilleur espoir masculin obtenu en 2014 pour L’Inconnu du lac d’Alain Guiraudie. Ainsi, après Nos années folles d’André Téchiné, Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré, Les Chatouilles d’Andréa Bescond et Éric Métayer et Reprise en main de Gilles Perret, le comédien signe l’une de ses plus grandes prestations dans Vous n’aurez pas ma haine, bouleversant, déchirant du début à la fin. Nous ne parlerons pas de sa carrière dans la chanson (le duo avec Yseult nous ayant traumatisé), mais force est de constater que Camélia Jordana tire son épingle du jeu bien une fois de plus au cinéma et continue de se faire remarquer après Le Brio d’Yvan Attal et Les Choses qu’on dit, les Choses qu’on fait d’Emmanuel Mouret. Si elle n’apparaît essentiellement que dans la première partie (et pour cause), son aura demeure tout du long et son personnage hante autant le récit qu’Antoine.

Si les spectateurs qui ont lu le livre critiqueront le fait que la transposition est sans doute plan-plan car fidèle, pour ne pas dire sage, il serait absurde de dire que Vous n’aurez pas haine ne dispose pas d’un réel point de vue, car la mise en scène reflète intelligemment le vertige de son protagoniste, sa perte de repères, son désespoir, sa douleur, mais aussi bien sûr son amour pour celle qu’il a perdue tout comme pour son fils, qui lui donnera la force de relever la tête. Avec une émotion à fleur de peau et une tension en continu, certaines séquences étant d’ailleurs très anxiogènes et à la limite du supportable pour celles et ceux qui auront connu la peur d’avoir perdu un être cher dans l’attentat ou malheureusement la souffrance d’en perdre un voire plusieurs, Kilian Riedhof a recours à des procédés sobres qui s’allient parfaitement avec l’humilité d’Antoine Leiris, soutenu par sa famille et celle de sa compagne, même si ses proches ne sont pas d’accord avec cette exposition inattendue. Il en résulte un film puissant, viscéral, pudique, difficile, mais indispensable et qui se clôt sur un sentiment de plénitude, ou tout du moins une acceptation aussi inespérée que méritée.

LE DVD

Seule une édition Standard est disponible chez Blaq Out qui s’apparente à une sortie technique après un rapide tour dans les salles en novembre 2022. Le disque repose dans un boîtier Amaray classique, glissé dans un surétui cartonné. Le menu principal est fixe et musical.

Aucun supplément.

L’Image et le son

C’est en découvrant le master SD soigné de Vous n’aurez pas ma haine que l’on regrette l’absence d’une édition en Haute définition. Si le piqué n’est pas aussi ciselé sur les séquences sombres ou tamisées, la colorimétrie est d’une richesse impressionnante, les contrastes sont tranchants et les détails abondent aux quatre coins du cadre large. Le relief est omniprésent, la clarté très appréciable.

Une piste Dolby Digital 5.1 qui parvient à embarquer le spectateur dans l’intimité du personnage principal. Les ambiances naturelles ne manquent pas. Les voix sont solidement plantées sur la centrale et la spatialisation musicale est systématique. La Stéréo contentera largement ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière. Une piste Audiodescription est également proposée, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Blaq Out / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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