Test Blu-ray / La Cage, réalisé par Pierre Granier-Deferre

LA CAGE réalisé par Pierre Granier-Deferre, disponible en Blu-ray le 14 juin 2023 chez Studiocanal.

Acteurs : Lino Ventura, Ingrid Thulin, William Sabatier, Sophie Sam, Jean Turlier, Dominique Zardi…

Scénario : Pierre Granier-Deferre & Pascal Jardin, d’après la pièce de Jack Jacquine

Photographie : Walter Wottitz

Musique : Philippe Sarde

Durée : 1h30

Date de sortie initiale : 1975

LE FILM

Divorcés depuis des années, Julien et Hélène se retrouvent pour conclure la vente de la maison de campagne du couple. L’ex-femme, délaissée par son mari, en profite pour l’assommer et le séquestrer à la cave. Une relation étrange s’établit entre le prisonnier et son geôlier.

La filmographie conséquente de Lino Ventura dissimule forcément quelques pépites méconnues ou même carrément oubliées comme Un papillon sur l’épaule de Jacques Deray, mais aussi et surtout La Cage de Pierre Granier-Deferre, dont l’échec cinglant (280.000 entrées) a vite été éclipsé par le succès d’Adieu poulet (2 millions de spectateurs) six mois plus tard. Suite au triomphe de La Gifle en octobre 1974, Lino Ventura, alors convoité par William Friedkin pour jouer dans Le Convoi de la peur Sorcerer et venant de décliner un rôle dans Les Trois Jours du Condor de Sydney Pollack, le comédien accepte (après un premier refus) un huis clos adapté d’une pièce de Jack Jacquine, créée au Théâtre de l’Athénée à Paris, puis reprise à la Comédie de Paris. Les droits allaient être achetés par Robert Hossein, qui envisageait de réaliser son adaptation pour le cinéma, de tenir le rôle principal et même de produire le film. Les projets s’accumulant, il revend finalement les droits au producteur Raymond Danon, qui pense à Jean Gabin et même à Henry Fonda, avant que le scénario arrive dans les mains de Lino Ventura. D’abord réticent, celui-ci se lance, mais désire coproduire La Cage, afin de se sentir plus libre sur ce sujet qui ne ressemble en rien à ce qu’il avait fait. L’acteur retrouve Pierre Granier-Deferre, avec lequel il avait déjà collaboré dix ans auparavant sur La Métamorphose des cloportes, et donne la réplique à la suédoise Ingrid Thulin, l’une des muses d’Ingmar Bergman (Les Fraises sauvages, Au seuil de la vie, Le Visage…), qui sortait alors de Cris et Chuchotements. La Cage est un exercice de style que certains ont jugé académique (trop ?), mais avec le recul la mise en scène apparaît beaucoup plus pertinente que dans nos souvenirs et évite le côté théâtre filmé dans lequel le réalisateur aurait pu facilement tomber ou se complaire. Les deux monstres sacrés du cinéma sont sublimes et leur face à face vaut sacrément le détour, quand bien même la chute peut paraître décevante et expédiée. Assurément LE film à réhabiliter et à redécouvrir avec le grand Lino.

Julien et Hélène, divorcés depuis plusieurs années, se sont donné rendez-vous pour préparer la vente de leur maison de campagne. En réalité, Hélène a tendu un piège à son ex-mari dont elle est toujours follement éprise. Profitant d’un moment d’inattention de celui-ci, elle l’enferme dans le sous-sol de sa maison, où une cage a été aménagée, pour le tenir à sa merci. Espère-t-elle le convaincre de reprendre avec elle une vie commune ? Un face-à-face surréaliste s’instaure entre un homme séquestré qui cherche par tous les moyens à s’échapper et sa geôlière, amoureuse transie mais déterminée.

Depuis les hits de La Horse (1970), Le Chat (1971), La Veuve Couderc (1971), Le Train (1973), Pierre Granier-Deferre a le vent en poupe, malgré deux échecs relatifs du Fils (1973) avec Yves Montand et La Race des Seigneurs (1974) avec Alain Delon. Pour La Cage, il revient à un dispositif plus sobre, avec quasiment une unité de lieu, de temps et d’action. En dehors du pré-générique, qui installe le personnage principal, professionnel jusqu’au bout des ongles dans son boulot, l’histoire se déroulera dans la demeure d’Hélène, principalement dans la cuisine, dont le sol muni d’une trappe lui permet de parler avec Julien, enfermé dans sa cave, dans laquelle il a été précipité lors de son arrivée. Un événement inattendu, soudain, par ailleurs violent. C’est là qu’on découvre réellement Hélène, qui ne s’est jamais remise de sa séparation avec Julien, qui a préféré consacrer à son travail, plutôt qu’à son couple. Aucun des deux n’a refait sa vie, Julien passant son existence sur des chantiers plantés dans toute la France, Hélène n’ayant visiblement pensé qu’à son ex-compagnon depuis leur rupture.

Quand Julien essaye de comprendre pourquoi Hélène agit ainsi, en enfermant un type dans ces circonstances, elle lui répond « Je n’enferme pas un type, je t’enferme toi ! » (excellents dialogues signés Pascal Jardin), la grille de cette cage symbolisant rapidement un confessionnal où un homme et une femme parleront enfin pour la première fois, ce qu’ils n’avaient jamais réussi à faire quand ils étaient mariés. « Va chercher la clé avant qu’on se haïsse vraiment » déclare Julien, tout d’abord décontenancé, puis riant nerveusement, avant que la stupéfaction et la fatigue prennent le dessus, tandis qu’Hélène prépare presque amoureusement des petits plats trois mètres au-dessus, en le regardant, en lui souriant, en le laissant parler, en pensant peut-être qu’ils vont enfin pouvoir vieillir ensemble. Pierre Granier-Deferre crée un climat de tension du début à la fin, resserre son objectif sur les visages (merveilleux) de son tandem, Lino Ventura explorant un nouvel univers et délivrant une palette inédite de sentiments. Pas étonnant que ce rôle lui ait fait peur dans un premier temps, puisqu’il s’agit pour lui de dévoiler des facettes peu ou pas encore montrées à l’écran.

Outre le cadre et la réalisation, La Cage bénéficie d’autres atouts non négligeables avec Philippe Sarde à la baguette (très occupé en 1975 avec les partitions de Sept Morts sur ordonnance, Adieu poulet, Le Locataire, Les Galettes de Pont-Aven et Un sac de billes) et la photographie de Walter Wottitz (Le Soleil des voyous, Le Jardinier d’Argenteuil), qui participent à l’ambiance anxiogène du film. Si le final déçoit et aurait gagné à rester dans la noirceur psychologique pure et dure, La Cage demeure avant tout une vraie curiosité, mais aussi un très bon opus de Pierre Granier-Deferre, qui s’avère même étonnamment moderne encore aujourd’hui et qui l’était sans doute trop à sa sortie. Il est donc temps de le revoir et de l’apprécier à sa juste valeur près d’un demi-siècle après sa sortie.

LE BLU-RAY

Disponible en DVD chez Studiocanal depuis 2010, La Cage débarque en Haute-Définition dans la collection Nos années 70 dirigée par Jérôme Wybon, dont nous avons déjà parlé dans nos colonnes. Le visuel de la jaquette laisse toujours à désirer…dommage. Le disque repose dans un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui cartonné. Le menu principal est fixe et muet.

Jérôme Wybon nous présente La Cage (4’) en expliquant que le film de Pierre Granier-Deferre est « peut-être le moins connu de la carrière de Lino Ventura, sans doute en raison de son échec à sa sortie ». Le directeur de cette anthologie évoque la présence d’Ingrid Thulin, ainsi que le succès d’Adieu Poulet, qui allait sortir six mois plus tard dans les salles. Enfin, Jérôme Wybon donne un avant-goût et des explications sur les bonus suivants.

Le premier supplément d’archives est un reportage sur le tournage, daté du 17 février 1975 (4’). Une vraie plongée sur le plateau où le réalisateur s’affaire avec son équipe et les comédiens. Lino Ventura s’exprime ensuite sur ses premières réticences et son anxiété à la lecture du scénario, qu’il avait refusé, avant d’accepter et même de coproduire La Cage, ce qui lui permettait d’aborder le film avec moins de craintes.

Dans le second bonus retrouvé par Jérôme Wybon, la parole est une fois donnée à Lino Ventura, mais aussi cette fois à Pierre Granier-Deferre (qui parle du casting) et à Ingrid Thulin (avril 1975, 13’). Des images de tournage et de plateau sont aussi au rendez-vous et l’on retiendra les interventions de Lino Ventura (« Faut surtout pas que je fasse des choses que je n’ai pas envie de faire ! ») sur les propositions américaines qu’il venait de recevoir (Le Convoi de la peur de William Friedkin, « mais c’est encore trop embryonnaire ») ou de décliner car il n’aimait pas l’histoire (Les Trois Jours du Condor de Sydney Pollack), avant d’évoquer sa future collaboration avec Francesco Rosi (Cadavres exquis).

L’Image et le son

L’image est très propre, la stabilité est de mise grâce à un codec AVC de bon aloi (et ce malgré de légers fourmillements pendant le générique), les contrastes ont été revus à la hausse et le piqué est suffisamment aiguisé. Le grain est relativement bien géré et la texture plutôt agréable. Notons tout de même que les rares séquences tournées en extérieur sont celles qui profitent le plus de cette élévation HD.

Le mixage DTS-HD Master Audio Mono 2.0 instaure un bon confort acoustique. Les dialogues sont clairs. La propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. La très belle composition de l’immense Philippe Sarde jouit également d’un très bel écrin. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.