LES DAMES DU BOIS DE BOULOGNEréalisé par Robert Bresson,disponible en Édition 4K Ultra HD + Blu-ray le 18 février 2025 chez Rimini Éditions.
Acteurs : Paul Bernard, María Casares, Élina Labourdette, Lucienne Bogaert, Jean Marchat, Yvette Etiévant…
Scénario : Robert Bresson d’après le roman Jacques le fataliste et son maître de Denis Diderot
Photographie : Philippe Agostini
Musique : Jean-Jacques Grünenwald
Durée : 1h26
Date de sortie initiale: 1945
LE FILM
Hélène a juré de se venger de Jean, son amant qui la délaisse. Elle retrouve une de ses amies qui loue sa jeune fille à de riches fêtards. Hélène s’arrange alors pour que Jean rencontre la jeune Agnès. Mais celui-ci tombe amoureux d’Agnès et décide de l’épouser.
Les Dames du Bois de Boulogne n’est pas un film sur les femmes de petite vertu. Loin de là. Le second long métrage de Robert Bresson (1901-1999) est un drame sombre et impitoyable qui a connu un tournage chaotique à la fin de l’Occupation Allemande, avec de longs arrêts en raison de la Libération de Paris, des prises de vue durant une saison rude, des pannes d’électricité, des alertes aux bombardements, une pellicule limitée, des tensions entre le réalisateur et Maria Casarès. Le film s’inspire librement de l’histoire de Mme de la Pommeraye dans Jacques le fataliste et son maître, de Denis Diderot, récemment adaptée par Emmanuel Mouret avec Mademoiselle de Joncquières. Sorti en 1945, ce deuxième essai est un coup de maître, qui cependant ne connaîtra pas le succès critique et commercial des Anges du péché (1943). Sur des dialogues signés Jean Cocteau, même si ce dernier aura toujours déclaré n’avoir participé que de façon amicale, Les Dames du Bois de Boulogne permet à son auteur de trouver et d’imposer son style, notamment à travers un immense travail sur le son.
LE TONNERRE DE DIEU réalisé par Denys de La Patellière, disponible en DVD & Blu-ray le 4 février 2025 chez Coin de Mire Cinéma.
Acteurs : Jean Gabin, Michèle Mercier, Robert Hossein, Lilli Palmer, Georges Géret, Emma Danieli, Ellen Schwiers, Daniel Ceccaldi…
Scénario : Pascal Jardin, d’après le roman de Bernard Clavel
Photographie : Walter Wottitz
Musique : Georges Garvarentz
Durée : 1h29
Date de sortie initiale : 1965
LE FILM
Léandre Brassac, vétérinaire, est l’heureux propriétaire d’un manoir dont il a hérité. Homme caractériel et misanthrope, il partage sa vie avec une Allemande répondant au nom de Marie. Un jour, il fait la rencontre d’une jeune prostituée sans repères qu’il décide d’installer chez lui, après s’être débarrassé de son souteneur.
Sorti en 1965, Le Tonnerre de Dieu n’est assurément pas le film le plus connu avec Jean Gabin en vedette. Pourtant, il demeure rétrospectivement le cinquième plus grand hit de toute la carrière du comédien (sans tenir compte de son apparition dans le Napoléon de Sacha Guitry) et le plus gros succès de ses dix collaborations avec le réalisateur Denys de La Patellière avec 4,1 millions d’entrées. Entre L’Âge ingrat de Gilles Grangier et Du rififi à Paname du même Denys de La Patellière, Le Tonnerre de Dieu réunit la star du cinéma français et Michèle Mercier, alors tout juste auréolé du triomphe d’Angélique, marquise des anges de Bernard Borderie. Souvent qualifié de misogyne depuis sa sortie, cet opus est certes « représentatif » d’une certaine époque, mais ne mérite pas la volée de bois vert qui accompagne quasiment systématiquement Le Tonnerre de Dieu, car ce drame non dénué d’humour, ou comédie de mœurs teinté de tragédie, joue habilement avec les genres, fait perdre ses repères aux spectateurs, déstabilise, à tel point qu’on ne sait plus sur quel pied danser à plusieurs reprises. Toujours est-il que Jean Gabin reste immense, son personnage – « alcoolique, paillard et de plus en plus anarchiste » – retrouve l’ivresse d’Un Singe en hiver et parfois la gouaille d’Archimède le clochard, tout en annonçant le Julien Bouin du Chat. On est sans cesse subjugué par la prestation du « Vieux », qui du haut de ses soixante piges trônait toujours au sommet du box-office, savait donner la réplique à ses jeunes partenaires, tout en conservant une fraîcheur de jeu inégalée.
Au bord de l’ennui, une femme seule et déprimée paie un homosexuel pour qu’il se joigne à elle pour une exploration audacieuse de la sexualité qui durera quatre jours et au cours de laquelle tous deux rejetteront toutes les conventions et briseront toutes les frontières, enfermés à l’écart de la société dans un domaine isolé. Ce n’est qu’en affrontant les aspects les plus inavouables de leur sexualité que l’homme et la femme parviendront à une compréhension pure de la façon dont les sexes se perçoivent l’un l’autre.
Anatomie de l’enfer est le dixième long-métrage de Catherine Breillat et sa seconde collaboration avec Rocco Siffredi, cinq ans après Romance, avec lequel la star du porno faisait ses premiers dans le cinéma dit « traditionnel ». La réalisatrice profite du charisme indéniable de sa tête de bite d’affiche et lui offre un rôle étonnant, évidemment à mille lieues de ce qu’il exécute habitetuellement (décidément), avec lequel il prouve une fois de plus un vrai talent dramatique. Le pari était pourtant risqué, d’autant plus qu’il donne la (douloureuse) réplique à Amira Casar, comédienne éclectique, aussi à l’aise chez Thomas Gilou (les trois premiers volets de La Vérité si je mens!) que chez Anne Fontaine (Comment j’ai tué mon père). Celle-ci commençait à prendre un virage dans sa carrière, se tournant de plus en plus vers le cinéma d’auteur (Carlos Saura, Gaël Morel, les frères Larrieu), Anatomie de l’enfer marquant définitivement un carrefour, une rupture dans sa filmographie. On pourra cette fois encore reprocher à la cinéaste un côté hermétique de certains dialogues (« La fragilité des chairs féminines impose le dégoût et la brutalité »), partis-pris qui pourront faire rire de nombreux spectateurs peu habitués à l’univers de Catherine Breillat, mais aussi cette mauvaise habitude de montrer du doigt les hommes qui salissent tout ce qu’ils touchent, les femmes en particulier et même en premier lieu. Mais Anatomie de l’enfer, film à la durée ramassée (1h15 montre en main) parvient sans mal à créer un état d’hypnose, un engourdissement (pour ne pas une dire une léthargie pour certains), pour que l’on puisse aller au bout de cette « expérience » menée à la fois par la réalisatrice, mais aussi de ses personnages-marionnettes.
THE APPRENTICE réalisé par Ali Abbasi, disponible en DVD & Combo Blu-ray + DVD – Édition Limitée le 13 février 2025 chez Metropolitan Film & Video.
Acteurs : Sebastian Stan, Jeremy Strong, Iona Rose MacKay, Maria Bakalova, Martin Donovan, Catherine McNally, Charlie Carrick, Ben Sullivan, Mark Rendall…
Scénario : Gabriel Sherman
Photographie : Kasper Tuxen
Musique : Martin Dirkov, David Holmes & Brian Irvine
Durée : 2h02
Date de sortie initiale : 2024
LE FILM
Véritable plongée dans les arcanes de l’empire américain, The Apprentice retrace l’ascension vers le pouvoir du jeune Donald Trump grâce à un pacte faustien avec l’avocat conservateur et entremetteur politique Roy Cohn.
Il fallait bien que cela arrive ! Si Donald Trump a fait quelques panouilles à la télévision (Le Prince de Bel-Air, Une nounou d’enfer) et au cinéma, dont la plus célèbre demeure peut-être son apparition Maman, j’ai encore raté l’avion ! – Home Alone 2: Lost in New York de Chris Colombus, sans oublier une apparition chez Woody Allen (Celebrity) et Ben Stiller (Zoolander), il avait jusqu’à présent surtout inspiré plusieurs personnages. Daniel Clamp de Gremlins 2: La nouvelles génération et bien sûr Biff Tannen, devenu milliardaire dans le futur alternatif dans Retour vers le futur 2, ou bien encore dernièrement le Maxwell Lord de Wonder Woman 1984 sont comme qui dirait des ersatz du golden boy, puis du 45è et 47è président des États-Unis. Mais jamais encore Donald Trump n’avait été « incarné » sur le grand écran. C’est désormais chose faite avec The Apprentice, premier long-métrage américain d’Ali Abbasi, ancien étudiant de l’Université Polytechnique de Téhéran et depuis installé en Suède, réalisateur de Border et de l’exceptionnel Les Nuits de Mashhad – Holy Spider, qui avait valu à Zar Amir Ebrahimi d’être récompensée par le Prix d’interprétation féminine à Cannes. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le cinéaste ne s’est pas facilité la tâche et livre un merveilleux objet de cinéma, aussi passionnant sur le fond que sur la forme. Dans le rôle de Donald Trump, on retrouve Sebastian Stan, jusqu’à présent essentiellement connu pour son rôle de James « Bucky » Barnes dans l’Univers cinématographique Marvel. Celles et ceux qui s’intéressent de près à sa carrière auront noté ses apparitions chez Jonathan Demme (Rachel se marie), Darren Aronofsky (Black Swan), Ridley Scott (Seul sur Mars), Steven Soderbergh (Logan Lucky) ou Craig Gillespie (Moi, Tonya). Alors qu’il vient d’être récompensé par l’Ours d’argent du meilleur acteur à Berlin et par le Golden Globe du Meilleur acteur dans un film musical ou une comédie pour A Different Man de Aaron Schimberg, Sebastian Stan vient de recevoir sa première nomination aux Oscars pour son incroyable prestation dans The Apprentice et se place en principal concurrent d’Adrien Brody, favori dans la course à la statuette dorée convoitée. À ses côtés, tout aussi magistral, Jeremy Strong, échappé de la série Succession, interprète l’avocat Roy Cohn, conseiller juridique de Donald Trump et de son père pendant une dizaine d’années, son mentor, celui qui a senti le potentiel de ce jeune arriviste très vert et pas encore orange. The Apprentice, ou quand l’élève dépasse le maître, est une magistrale leçon de cinéma, qui combine à la fois le format 16mm pour représenter les années 1970, et le format VHS pour la décennie suivante (magnifique photographie de Kasper Tuxen, Julie (en 12 chapitres), Riders of Justice, comme si la caméra avait capté sur le vif les étapes qui ont fait de Trump ce qu’il est devenu. On peut y voir une relecture de Frankenstein, où le monstre finit par échapper à son créateur, à tout contrôle, prêt à tout écraser comme un rouleau compresseur. Si l’on pourra reprocher au film d’être un peu bavard (cela n’arrête pas une seconde pendant deux heures), The Apprentice impressionne du début à la fin.
TATAMI réalisé par Zar Amir Ebrahimi & Guy Nattiv, disponible en DVD & Combo Blu-ray + DVD – Édition Limitée le 10 janvier 2025 chez Metropolitan Film & Video.
Acteurs : Arienne Mandi, Zar Amir Ebrahimi, Jaime Ray Newman, Nadine Marshall, Lir Katz, Ash Goldeh, Valeriu Andriuta, Mehdi Bajestani…
Scénario : Guy Nattiv & Elham Erfani
Photographie : Todd Martin
Musique : Dascha Dauenhauer
Durée : 1h42
Date de sortie initiale : 2023
LE FILM
La judokate iranienne Leila et son entraîneuse Maryam se rendent aux Championnats du monde de judo avec l’intention de ramener sa première médaille d’or à l’Iran. Mais au cours de la compétition, elles reçoivent un ultimatum de la République islamique ordonnant à Leila de simuler une blessure et d’abandonner pour éviter une possible confrontation avec l’athlète israélienne. Sa liberté et celle de sa famille étant en jeu, Leila se retrouve face à un choix impossible : se plier au régime iranien, comme l’implore son entraîneuse, ou se battre pour réaliser son rêve.
Elle nous avait subjugué dans Les Nuits de Mashhad, thriller d’Ali Abassi, qui lui avait valu le prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes en 2022, la franco-iranienne Zar Amir Ebrahimi est de retour devant la caméra, mais aussi cette fois derrière, puisqu’elle coréalise Tatami avec l’israélien Guy Nattiv. Drame sportif inspiré d’une histoire vraie, ce long-métrage s’avère aussi tendu qu’un thriller et rappelle le cinéma d’Asghar Farhadi. Tatami possède cette griffe iranienne, sans doute l’un des meilleurs cinémas du monde, et rend compte de la pression d’un gouvernement qui met tout en œuvre afin d’empêcher les Iraniens et les Israéliens de se rencontrer lors d’événements internationaux. Influencé par l’histoire vraie de plusieurs sportifs Iraniens, dont Sadaf Khadem, première femme boxeuse iranienne, réfugiée en France et devenue porte-parole des droits des femmes, Tatami est une œuvre coup de poing, ou O soto gari plutôt, qui nous tient en haleine du début à la fin, prend aux tripes, bouleverse et joue avec les nerfs. Assurément l’un des grands films de 2024, acclamé par près de 200.000 spectateurs dans les salles françaises.
ABSOLUTION réalisé par Hans Petter Moland, disponible en DVD & Blu-ray le 10 janvier 2025 chez Metropolitan Film & Video.
Acteurs : Liam Neeson, Ron Perlman, Frankie Shaw, Daniel Diemer, Yolonda Ross, Ryan Homchick, William Xifaras, Josh Drennen…
Scénario : Tony Gayton
Photographie : Philip Remy Øgaard
Musique : Kaspar Kaae
Durée : 1h52
Date de sortie initiale : 2024
LE FILM
Thug est un homme de main de la mafia sur le déclin qui met tout en jeu pour reconquérir sa famille dont il est séparé et pour tenter une dernière fois de se racheter en démantelant les opérations d’une organisation criminelle rivale.
Liam Neeson n’a jamais autant tourné que dans les années 2010 et ce grâce au carton planétaire inattendu rencontré en 2008 par Taken de Pierre Morel. À 55 ans, le comédien, du haut de son mètre 93, est devenu un spécialiste du bourre-pif. Depuis, les cinéastes ne se sont pas gênés pour lui donner l’occasion de parler à son téléphone portable (son partenaire récurrent) et faire des clés de bras, de Louis Leterrier à Joe Carnahan, en passant par Jaume Collet-Serra (à quatre reprises) et Peter Berg. Entre deux productions destinées à vendre du popcorn, Liam Neeson aime bien rappeler qu’il est aussi demandé par les plus grands, en apparaissant chez Martin Scorsese (Silence) et les frères Coen (La Ballade de Buster Scruggs). Mais le bougre est comme Nicolas Cage et enchaîne tellement les films que le spectateur a tendance à les confondre, tout en oubliant à quel point il peut être puissant quand il s’en donne la peine. C’est le cas avec cet Absolution, non pas un énième ersatz de Taken (qui était un produit issu de chez Wish ou AliExpress), mais un drame psychologique sur le crépuscule d’une existence, celle d’un vieux briscard qui a fait sa carrière le flingue vissé à la pogne, en enchaînant les affaires douteuses, tout en mettant de côté sa vie de famille. On pense alors au superbe Knox de et avec Michael Keaton, sorti en 2023, dans lequel le comédien et réalisateur incarnait un tueur à gages, atteint d’une forme de démence à évolution rapide, qui jure de passer ses derniers jours à tenter de se racheter en sauvant la vie de son fils. Absolution est comme qui dirait un film-jumeau, moins réussi sans doute, mais tout aussi attachant. Le hic provient du fait que, à l’instar de son personnage, Liam Neeson paraît avoir oublié qu’il venait d’interpréter un rôle quasi-similaire dans Mémoire meurtrière – Memory de Martin Campbell, où il campait lui aussi un assassin qui commence à montrer des signes de la maladie d’Alzheimer. Tout cela pour dire que si même la star s’emmêle les pinceaux dans ses projets, le spectateur est tout excusé et peut tout de même passer un beau moment devant Absolution.
MOI CHRISTIANE F. 13 ANS, DROGUÉE, PROSTITUÉE… (Christiane F. – Wir Kinder vom Bahnhof Zoo) réalisé par Uli Edel, disponible en Édition collector limitée – 4K Ultra HD + Blu-ray le 10 janvier 2025 chez Metropolitan Film & Video.
Acteurs : Natja Brunckhorst, Thomas Haustein, Christiane Lechle, Jens Kuphal, Bernhard Janson, Christiane Reichelt, Daniela Jaeger, Jan Georg Effler, David Bowie…
Scénario : Hermann Weigel, d’après le livre de Kai Hermann & Horst Rieck
Photographie : Jürgen Jürges & Justus Pankau
Musique : Jürgen Knieper
Durée : 2h05
Date de sortie initiale : 1981
LE FILM
Christiane, une jeune berlinoise de treize ans, vit très mal le divorce de ses parents et entretient une relation compliquée avec sa mère. Elle rêve de s’intégrer à une bande d’amis et de s’en approprier les codes. Lorsqu’elle sort en boîte de nuit pour la première fois, la descente aux enfers de Suzanne commence: la drogue puis la prostitution vont venir ternir le reste de sa jeunesse.
C’est un film culte, un vrai, celui de toute une génération et dont l’histoire a su perdurer dans le temps. Mais à la base, c’est aussi un récit biographique, celui de Christiane Felscherinow, écrit par les journalistes Kai Hermann et Horst Rieck. Adapté au cinéma par Uli Edel, ce roman traduit en français et publié en 1981 sous le titre Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée… est une histoire sans doute intemporelle et sa version pour le septième art une étape dans une vie de cinéphile. Magistralement mise en scène, cette descente aux enfers d’une adolescente est une plongée viscérale et anxiogène dans la capitale allemande, peuplée de jeunes zombies défoncés par la dope et qui n’hésitaient pas à vendre leur cul pour quelques Deutsche Marks, nécessaires pour aller acheter plus tard leur prochaine dose. Bercé par la voix de David Bowie, Heroes, Station to Station, TVC 15 et autres tubes/classiques tirés des albums Heroes, Lodger, Stage et Low, la star faisant d’ailleurs une apparition centrale dans son propre rôle, Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée… – Christiane F. – Wir Kinder vom Bahnhof Zoo (littéralement « Nous, les enfants de la station Zoo ») est une véritable expérience sensorielle comme seul le septième art est capable d’offrir aux spectateurs. Même plus de quarante ans après sa sortie (triomphale), le public ressort lessivé de ce chef d’oeuvre redoutablement immersif, choquant, frontal, qui malgré les abîmes laisse percevoir l’espoir.
LES BOURREAUX MEURENT AUSSI (Hangmen Also Die!)réalisépar Fritz Lang,disponibleen édition 2 Blu-ray + DVD – Version longue le26 février 2025chez Rimini Éditions.
Acteurs : Brian Donlevy, Anna Lee, Walter Brennan, Hans Heinrich von Twardowski, Nana Bryant, Margaret Wycherly, Gene Lockhart, Dennis O’Keefe…
Scénario : John Wexley, Bertolt Brecht & Fritz Lang
Photographie : James Wong Howe
Musique : Hanns Eisler
Durée : Version intégrale (2h15), Version française (2h)
Date de sortie initiale : 1943
LE FILM
Dans Prague occupée par les Nazis. Le 27 mai 1942, le Reich Protektor Heydrich est grièvement blessé par une bombe (il meurt une semaine plus tard). L’auteur de l’attentat, le professeur Svoboda, se réfugie par hasard chez le professeur Novotny. Celui-ci est arrêté comme otage par la Gestapo. Marcia, la fille du professeur se rend à la Gestapo. Elle a l’intention de dénoncer Svoboda pour faire libérer son père. Mais Svoboda, devenu héros national, est aidé par les résistants tchèques. Elle se tait mais attire l’attention des S.S. qui la font suivre par l’Inspecteur Grüber. Svoboda feint d’être l’amant de Marcia, pour détourner les soupçons de Grüber qui les suit dans la chambre où se cache le chef de la résistance, blessé. Jan Horek, le fiancé de Marcia, se rend compte du subterfuge et joue également la comédie à Grüber. Par la suite, il rejoint Svoboda à temps et ils tuent Grüber…
Grand amateur du travail de Sigmund Freud, Fritz Lang n’aura de cesse au cours de sa longue et prolifique carrière, de se pencher sur la question du meurtre, des assassins, de la culpabilité. En 1933, Joseph Goebbels propose au cinéaste le poste de directeur du département cinématographique de son ministère, celui de la propagande. Fritz Lang refuse. La légende dit que le réalisateur aurait déclaré à Goebbels que sa mère était juive. Il s’enfuit en France avant de s’installer aux Etats-Unis. Furie, son premier film américain et réquisitoire contre le lynchage, montre l’engagement du réalisateur. Suivront J’ai le droit de vivre (1937), Casier judiciaire – You and Me (1938), Le Retour de Frank James – The Return of Frank James (1940), Les Pionniers de la Western Union (1941) puis Chasse à l’homme – Man Hunt la même année. Avec ce film, Fritz Lang entame une tétralogie antinazie avec Les Bourreaux meurent aussi – Hangmen Also Die!, Espion sur la Tamise – Ministry of Fear (1944) et Cape et Poignard – Cloak and Dagger (1946).
Lucie est une agente de la police technique et scientifique. Son quotidien solitaire est troublé par l’arrivée dans sa zone pavillonnaire d’un jeune couple, parents d’une petite fille. Alors qu’elle se prend d’affection pour ses nouveaux voisins, elle découvre que Yann, le père, est un activiste anti-flic au lourd casier judiciaire. Le conflit moral de Lucie entre sa conscience professionnelle et son amitié naissante pour cette famille fera vaciller ses certitudes…
Né en 1943, le réalisateur André Téchiné n’a quasiment jamais arrêté de tourner depuis son premier long-métrage, Pauline s’en va, sorti à la fin des années 1960. S’il avait mis un peu de temps pour livrer son second opus (Souvenirs d’en France, 1975), le cinéaste a enchaîné au rythme d’un film tous les deux ou trois ans. La dernière fois qu’une œuvre d’André Téchiné a attiré plus d’un million de spectateurs c’était en 1993, avec Ma saison préférée, suivi de près par Les Voleurs (1996). Depuis, rares sont ses films qui ont dépassé les 300.000 entrées (Alice et Martin, Les Égarés, Les Temps qui changent, Les Témoins) et son dernier sursaut au box-office remonte déjà à 2014, avec l’excellent L’Homme qu’on aimait trop. Le metteur en scène s’est récemment fait une santé avec le beau succès rencontré par Les Gens d’à côté, boosté sans doute par la présence d’Isabelle Huppert en haut de l’affiche, avec laquelle André Téchiné avait collaboré en 1979 sur Les Soeurs Brontë. La star y donne réplique à Hafsia Herzi, avec laquelle l’alchimie est évidente. Les deux actrices sont formidables et solidement épaulées par le brillant Nahuel Pérez Biscayart, révélé en 2017 avec Au revoir là-haut d’Albert Dupontel et 120 Battements par minute de Robin Campillo, pour lequel il avait reçu le César du meilleur espoir masculin. Si comme bien souvent, le récit pâtit d’un romanesque quelque peu déplacé et de partis-pris qui peuvent parasiter entamer la crédibilité du propos, on s’attache petit à petit aux personnages, suffisamment complexes et qui prouvent qu’André Téchiné a encore des choses à dire sur la société d’aujourd’hui.
LA PRISONNIÈRE DE BORDEAUX réalisé par Patricia Mazuy, disponible en DVD le 21 janvier 2025 chez Blaq Out.
Acteurs : Isabelle Huppert, Hafsia Herzi, Noor Elasri, Jean Guerre Souye, William Edimo, Magne-Håvard Brekke, Lionel Dray, Jana Bittnerová…
Scénario : François Bégaudeau, Pierre Courrège, Patricia Mazuy & Emilie Deleuze
Photographie : Simon Beaufils
Musique : Amine Bouhafa
Durée : 1h43
Année de sortie : 2024
LE FILM
Alma, seule dans sa grande maison en ville, et Mina, jeune mère dans une lointaine banlieue, ont organisé leur vie autour de l’absence de leurs deux maris détenus au même endroit. À l’occasion d’un parloir, les deux femmes se rencontrent et s’engagent dans une amitié aussi improbable que tumultueuse.
En 2024, le cinéma français a été marqué par deux longs-métrages interprétés par les deux mêmes têtes d’affiche, Isabelle Huppert et Hafsia Herzi, Les Gens d’à côté d’André Téchiné, sorti au mois de juillet, et La Prisonnière de Bordeaux de Patricia Mazuy (née en 1960) qui débarquait dans les salles un mois plus tard. Depuis 1989, la cinéaste promène sa singularité dans le cinéma hexagonal, qu’elle a su imposer dès son premier long-métrage, Peaux de vaches. Le succès, le seul et unique de la réalisatrice d’ailleurs, viendra dès son second film, Saint-Cyr, Prix Jean Vigo, interprété par Isabelle Huppert, qui attire près d’un demi-million de spectateurs en 1999. Il aura donc fallu attendre un quart de siècle pour que la comédienne et Patricia Mazuy collaborent à nouveau. Voici La Prisonnière de Bordeaux, drame somme toute classique, qui étonne par son manque d’imagination, comme si son auteure avait mis de l’eau de son vin en espérant séduire les foules et renouer avec l’engouement du public qui lui échappent depuis 25 ans. Peu de choses demeurent marquantes et ce n’est pas la mise en scène, paresseuse, pour ne pas dire digne d’un téléfilm France Télévisions, qui aide à insuffler un intérêt à cette histoire banale, si ce n’est d’admirer le charisme, le talent et la personnalité de deux actrices qui méritent assurément mieux.