Test Blu-ray / Les Pionniers de la Western Union, réalisé par Fritz Lang

LES PIONNIERS DE LA WESTERN UNION (Western Union) réalisé par Fritz Lang, disponible en combo Blu-ray+DVD le 15 septembre 2020 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Randolph Scott, Robert Young, Virginia Gilmore, Dean Jagger, John Carradine, Slim Summerville, Chill Wills, Barton MacLane…

Scénario : Robert Carson d’après le roman de Zane Grey

Photographie : Edward Cronjager, Allen M. Davey

Musique : David Buttolph

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1941

LE FILM

Vance Shaw, un hors-la-loi, sauve Edward Creighton, pied-tendre en charge de la construction de la ligne télégraphique. Sensible à la sœur de Creighton, il abandonne la vie de brigand et se joint comme éclaireur à l’équipe. Mais les ouvriers de la ligne sont les victimes régulières et des Indiens, et des attaques de bandits menés par le propre frère de Vance. Chacun dans un camp opposé, les deux frères vont dès lors s’affronter.

Grand amateur du travail de Sigmund Freud, Friedrich Christian Anton Lang alias Fritz Lang (1890-1976) n’aura de cesse au cours de sa longue et prolifique carrière, de se pencher sur la question du meurtre, des assassins, de la culpabilité et de la vengeance. En 1933, Joseph Goebbels propose au cinéaste le poste de directeur du département cinématographique de son ministère, celui de la propagande. Fritz Lang refuse. La légende dit que le réalisateur aurait déclaré à Goebbels que sa mère était juive. Il s’enfuit en France avant de s’installer aux Etats-Unis. Furie, son premier film américain et réquisitoire contre le lynchage, montre l’engagement du réalisateur. Suivront J’ai le droit de vivre (1937), Casier judiciaire (1938) et Le Retour de Frank James (1940), son premier western. Devant le succès rencontré par cette suite de Jesse James (Henry King, 1939) aka Le Brigand bien-aimé dans nos contrées, Fritz Lang se voit proposer un nouveau western par la Fox et Darryl Francis Zanuck, ainsi qu’un budget conséquent doublé d’une lourde équipe. Ce sera Les Pionniers de la Western Union (1941) ou tout simplement Western Union en version originale. Juste avant d’entamer sa tétralogie antinazie constituée de Chasse à l’hommeMan Hunt (1941), Les Bourreaux meurent aussiHangmen Also Die! (1943), Espion sur la Tamise Ministry of Fear (1944) et Cape et Poignard Cloak and Dagger (1946), Fritz Lang continue de se faire la main au sein des studios hollywoodiens en acceptant ce western assez lambda, qui vaut essentiellement aujourd’hui pour son casting de luxe et la séquence très impressionnante de l’incendie.

Edward Creighton, ingénieur de la compagnie télégraphique « Western Union », est chargé de diriger les travaux d’installation d’une ligne à travers les territoires de l’Ouest, vers la Californie. Aidé de sa soeur, Sue, il recrute du personnel dans une bourgade du Far-West. Mais la région est dangereuse et infestée d’indiens sioux; c’est pourquoi la compagnie propose des salaires très élevés afin d’attirer des candidats. C’est ainsi qu’un certain Vance Shaw se trouve engagé et chargé de veiller sur le troupeau qui suivra tes poseurs de ligne dans leurs déplacements. Au tout dernier moment, un jeune homme élégant se présente à Creighton pour être embauché. C’est Richard Blake, le fils de l’administrateur général de la compagnie. Malgré des allures de dandy, il est excellent cavalier. Lui et Vance n’ont vraiment rien de commun, ce dernier étant un aventurier qui veut refaire sa vie dans le droit chemin. Bientôt Shaw et Blake se découvrent rivaux auprès de la belle Sue Creighton. Le groupe est pris à partie par la bande de Jack Stade à laquelle Shaw appartint naguère. Mais celui-ci assure que cette attaque est le fait des indiens.

Ce qui a surtout interessé Fritz Lang dans cette histoire, c’est la recherche de rédemption du personnage de Vance Shaw, impeccablement campé par Randolph Scott, qui n’était pas encore la star du genre qu’il sera dans quelques années, mais qui en impose à l’écran et qui vole la vedette à tous ses camarades de jeu. Plus habitué au registre de la comédie, Robert Young s’en sort pas trop mal, mais son charisme lisse fait pâle figure face à son partenaire. Au milieu des deux comédiens, la belle Virginia Gilmore est l’atout charme des Pionniers de la Western Union, même si son personnage sera sacrifié dans la deuxième partie du film. Outre Randolph Scott, personnage rattrapé par son passé, celui qui se démarque aussi est Dean Jagger dans le rôle d’Edward Creighton. Une tronche reconnaissable qui intègre souvent la rubrique « On ne sait jamais comment il s’appelle » et que l’on a pourtant vu dans moult classiques comme La Vallée de la peur de Raoul Walsh, La Main qui venge de William Dieterle, L’Attaque de la malle-poste d’Henry Hathaway ou Elmer Gantry le charlatan de Richard Brooks.

Le cadre de Fritz Lang est reconnaissable, surtout quand le cinéaste filme ses personnages en plan poitrine, partis pris qui renvoient à ses œuvres allemandes et qui détonnent alors dans le cinéma américain des années 1940. Devant respecter un cahier des charges bien précis, le réalisateur suit le scénario balisé de Robert Carson (Une étoile est née de William A. Wellman) d’après le roman Western Union de Zane Grey. S’il n’y a rien à redire du point de vue technique, surtout quand Fritz Lang compose des mouvements de foule et remplit son cadre 1.33, l’histoire peine à éveiller l’intérêt des spectateurs et les personnages manquent dans l’ensemble d’empathie. Peu dupe quant aux banales motivations de ses protagonistes, hormis celui de Vance, le cinéaste n’en reste pas moins un des plus brillants metteurs en scène du début du vingtième siècle et de nombreux plans demeurent marquants dans Les Pionniers de la Western Union, à l’instar de ce technicien mort perché sur son poteau télégraphique après l’attaque des indiens, qui arrive sans qu’on s’y attende et qui clôt la séquence, juste avant un fondu enchaîné. Percutant.

Pensé comme un hommage aux constructeurs du télégraphe, Les Pionniers de la Western Union n’atteint jamais la virtuosité de Pacific ExpressUnion Pacific, réalisé deux ans auparavant par Cecil B. DeMille, surtout du point de vue dramatique, comme si Fritz Lang, naturalisé américain en 1935, se retenait pour embrasser pleinement la culture du pays qui l’a adopté il y a encore peu de temps. Mais en l’état et en dépit d’un manque de souffle épique évident, son film conserve un charme indéniable et reste une savoureuse curiosité pour les cinéphiles qui s’amuseront notamment à retrouver le talent, l’âme et la griffe de ce grand réalisateur.

LE BLU-RAY

Après un passage en DVD chez Films sans Frontières en 2006, puis chez Sidonis Calysta en Edition Spéciale en 2011 et toujours en DVD, ce dernier propose à nouveau le film de Fritz Lang dans les bacs, cette fois en Haute-Définition dans sa collection Silver – Western de légende. Le menu principal est animé et musical.

L’éditeur reprend la présentation de Patrick Brion, présente sur l’édition DVD de 2011. L’historien du cinéma, critique et journaliste réalise une petite introduction (9’30) sur Les Pionniers de la Western Union, en replaçant celui-ci dans la carrière de Fritz Lang et en évoquant aussi les trois westerns mis en scène par le cinéaste lors de sa période hollywoodienne, Le Retour de Frank JamesThe Return of Frank James (1940), Les Pionniers de la Western UnionWestern Union (1941) et L’Ange des maudits Rancho Notorious (1951). Patrick Brion aborde le casting, la méthode de travail de Fritz Lang, ainsi que les conditions de tournage.

Mais la grande nouveauté de cette édition HD est la présence d’un entretien entre Fritz Lang et William Friedkin (47’30), réalisé en 1975, quelques mois avant la mort du premier. Les cinéphiles ne manqueront pas d’écouter ce document riche en anecdotes diverses liées aux tournages de Fritz Lang, mais aussi sur son histoire personnelle, sur son parcours, sur ses débuts au cinéma, sur Peter Lorre, sur la notion d’éthique et ce qui l’a conduit à fuir l’Allemagne nazie. William Friedkin laisse parler son interlocuteur, qui s’exprime posément sur son art en indiquant « j’ai fait ce qui me semblait bien » et que si le travail d’un cinéaste est justement bien fait, celui-ci ne devrait jamais avoir à revenir sur ses films, qui devraient parler pour lui.

L’Image et le son

Si on compare ce master HD avec la copie Standard éditée en 2011, il n’y a évidemment pas photo. Les couleurs sont rafraîchies et permettent de découvrir enfin les partis pris de Fritz Lang et de ses deux chefs opérateurs Edward Cronjager et Allen M. Davey, notamment au niveau des décors et des costumes quelque peu invraisemblables avec leurs teintes et leurs motifs. Le format 1.33 est heureusement respecté, les contrastes sont à l’avenant, la texture argentique élégante et le piqué suffisamment aiguisé. Quelques poussières résiduelles à déplorer, mais dans l’ensemble ce master est propre.

La version française DTS-HD Master Audio 2.0. manque de relief au niveau de la restitution des dialogues, malgré une bonne présence de la musique et des effets annexes. En revanche, la piste anglaise DTS-HD Master Audio 2.0. instaure un plus grand confort acoustique, riche, dynamique et propre. Aucun souffle à déplorer sur la version originale et très peu en français. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Sidonis Calysta / 20 th Century Fox / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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