Test Blu-ray / J’ai le droit de vivre, réalisé par Fritz Lang

J’AI LE DROIT DE VIVRE (You Only Live Once) réalisé par Fritz Lang, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 29 mars 2023 chez Studiocanal.

Acteurs : Sylvia Sidney, Henry Fonda, Barton MacLane, Jean Dixon, William Gargan, Jerome Cowan, Charles ‘Chic’ Sale, Margaret Hamilton, Warren Hymer, Guinn ‘Big Boy’ Williams, John Wray, Walter De Palma…

Scénario : Gene Towne & C. Graham Baker

Photographie : Leon Shamroy

Musique : Alfred Newman

Durée : 1h26

Date de sortie initiale : 1937

LE FILM

Après sa sortie de prison, Eddie Taylor ne peut profiter d’un répit. Accusé d’un braquage de banque meurtrier qu’il n’a pas commis, il est emprisonné à tort. Alors que la justice se rend compte de son erreur, Eddie Taylor s’évade. Il devient un véritable meurtrier en abattant accidentellement un aumônier. Il doit partir en cavale avec sa femme Joan et son bébé. Sa fuite éperdue se finit par sa mort, abattu par la police.

Ensemble, nous avons déjà eu l’occasion de revenir à plusieurs reprises sur les débuts et la carrière de Fritz Lang en Allemagne à travers nos chroniques sur Les Trois Lumières, Le Testament du Dr. Mabuse et M Le Maudit, ainsi que sur son passage aux États-Unis après avoir fui le nazisme, pour les sorties en Blu-ray des Pionniers de la Western Union, Espions sur la Tamise et Les Bourreaux meurent aussi. 1936, sort FurieFury, pamphlet sur le lynchage produit par Joseph L. Mankiewicz pour le compte de la MGM. Sur cette lancée, Fritz Lang se lance dans J’ai le droit de vivre You Only Live Once, qui déboule sur les écrans dès l’année suivante, dans lequel le réalisateur dirige à nouveau la magnifique Sylvia Sidney, qui tenait l’affiche de son précédent long-métrage. Considéré comme le second volet d’une trilogie dite judiciaire voulue « réaliste et sociale » à laquelle viendra se greffer Casier judiciaireYou and Me, toujours avec la même comédienne, J’ai le droit de vivre est une tragédie centrée sur un couple pourchassé par la police, qui serait inspirée par l’histoire de Bonnie et Clyde. Pas étonnant que Fritz Lang donne cette impression d’inventer « le Nouvel Hollywood » trente ans avant, surtout durant la dernière partie et la violence inédite de son dénouement. Ce serait un cliché de dire que « tout Fritz Lang se trouve » dans J’ai le droit de vivre, mais puisque c’est le cas…le thème du faux coupable ou plutôt de la culpabilité est le noyau central de You Only Live Once, merveilleux film porté par un casting exceptionnel mené par le couple Henry Fonda-Sylvia Sidney, le tout sublimement photographié par Leon Shamroy, chef opérateur de Bravados d’Henry King et de La Planète des singes de Franklin J. Schaffner. Un monument intemporel.

À sa sortie de prison, Eddie Taylor épouse l’élue de son cœur, Joan. Mais le bonheur du jeune couple est de courte durée. Le premier soir de leur lune de miel, ils doivent quitter la maison qu’ils avaient louée, le propriétaire ayant appris qu’Eddie sortait de prison. Chauffeur de camion, Eddie perd bientôt son emploi. Le sentiment d’être exclu de la société parce qu’il est un « ex-convict » le rend amer et furieux. Après le hold-up d’une banque, le chapeau d’Eddie est retrouvé sur les lieux. Il est accusé, mais à tort, de meurtre, et condamné à mort par un jury intransigeant. Transféré dans le quartier des condamnés à mort, Eddie feint d’être malade et s’échappe de l’infirmerie, prenant le docteur comme otage. Entre-temps, la police a retrouvé le camion blindé et fait la preuve de l’innocence d’Eddie. Mais celui-ci croit à un piège lorsqu’on lui apprend qu’il a été gracié. Retrouvant sa femme, Joan, ils prennent la fuite et sont bientôt recherchés. Traqués comme des bêtes nuisibles, ils se dirigent vers la frontière canadienne.

C’est toujours spectaculaire de voir, de constater, d’admirer, comment Fritz Lang s’est immédiatement coulé dans le moule du cinéma hollywoodien, en prolongeant ce qu’il avait déjà établi en Allemagne depuis plus de quinze ans et donc en revenant à ses thèmes de prédilection. Cette adaptation est plus de nature géographique, puisque formellement l’expressionnisme est présent, tandis que ses obsessions, le vrai-faux coupable notamment (car chez Lang, personne n’est véritablement innocent), irriguent chaque veine du scénario de C. Graham Baker (Le Bagarreur du Tennessee d’Alan Dwan, Femme de feu d’André De Toth). L’un des nombreux coups de génie de You Only Live Once est d’avoir confié le rôle principal à un comédien quasi-débutant âgé de 32 ans, Henry Fonda, qui jusqu’à présent était apparu dans une demi-douzaine de films, chez Victor Fleming (La Jolie Batelière), Henry King (À travers l’orage), John Cromwell (Griseries), Henry Hathaway (La Fille du bois maudit) et Raoul Walsh (Spendthrift). Alors que sa carrière décollera très rapidement dès l’année suivante avec L’Insoumise de William Wyler et le légendaire Vers sa destinée de John Ford, Henry Fonda crève l’écran dans la peau d’Eddie Taylor, jeune délinquant qui a purgé sa peine d’emprisonnement (la troisième et donc le dernier avertissement), qui tente de se réinsérer dans la société, mais sur lequel la fatalité s’acharnera. Dix ans avant Le Faux coupable The Wrong Man d’Alfred Hitchcock, avec lequel il possède quelques similitudes, l’acteur apporte à son personnage une étonnante ambiguïté, une complexité, rendant Eddie non pas antipathique, mais tout simplement humain, dans ses contradictions, dans ses doutes, dans ses agissements aussi bien sûr, surtout lors de l’événement qui ouvre la dernière partie du film.

Henry Fonda retrouve sa partenaire de La Fille du bois mauditThe Trail of the Lonesome Pine de Henry Hathaway, au passage l’un des premiers films tournés en Technicolor, Sylvia Sidney donc, l’un des visages les plus fascinants du cinéma américain. Après avoir illuminé Les Carrefours de la ville City Streets de Rouben Mamoulian et Agent secret Sabotage d’Alfred Hitchcock, l’actrice foudroie par son regard éternellement mélancolique et donne à Joan Graham une force insoupçonnée, surtout lorsqu’elle prend la fuite avec Eddie, comme Bonnie Parker et Clyde Barrow. Parallèlement, on ne peut qu’admirer le magistral travail sur le N&B, la virtuosité du montage de Daniel Mandell (Embrasse-moi idiot, Un, deux, trois, La Garçonnière, Témoin à charge) cette opposition constante entre l’ombre et la lumière, la géométrie implacable des plans de Fritz Lang, la récurrence des barreaux…le cinéphile se souviendra longtemps de ce plan où le clair-obscur semble étirer la cellule d’Eddie, comme si elle se répandait sur le sol, renforçant ainsi cette impression qu’il ne pourra jamais être libre, et surtout pas du jugement des êtres humains. Pas d’échappatoire, nul droit à la rédemption. Une fois le doigt mis dans l’engrenage de la criminalité, impossible d’en sortir par la suite et la foule sera la première pour vous le rappeler.

Après quelques démêlés avec la censure, qui imposera à Fritz Lang de couper un bon quart d’heure de scènes jugées violentes car trop réalistes (d’où la durée très courte du film, 1h20 au compteur), J’ai le droit de vivre, considéré aujourd’hui comme l’un des premiers films noirs (et qui plus est romantique), sera un nouveau succès pour le réalisateur, qui enchaînera directement sur Casier judiciaire, qui sera sa dernière collaboration avec Sylvia Sidney.

LE COMBO BLU-RAY + DVD

J’ai le droit de vivre est le 57è numéro de la collection Make My Day ! Vous retrouverez une bonne partie de cette anthologie exceptionnelle créée par Jean-Baptiste Thoret, chroniquée à travers nos colonnes et ce depuis le numéro 1. Les deux disques reposent dans un Digipack à deux volets, glissé dans un fourreau cartonné. Le menu principal est très légèrement animé et musical.

L’historien du cinéma et critique présente tout naturellement le film qui nous intéresse au cours d’une préface en avant-programme (6’). Comme il en a l’habitude, Jean-Baptiste Thoret replace de manière passionnante J’ai le droit de vivre dans la filmographie de Fritz Lang. Mais ce qui nous intéresse avant tout, c’est d’en savoir plus sur la genèse, les thèmes, le casting, la mise en scène (« précise, sèche ») et la sortie de ce film. Jean-Baptiste Thoret aborde évidemment tous ces sujets, et bien plus.

Le directeur de la collection Make My Day ! est ensuite allé à la rencontre de Jean-Loup Bourget. Pendant un peu plus d’une heure (63 minutes pour être exact), le spécialiste du mélodrame hollywoodien, professeur de littérature américaine, auteur de nombreux ouvrages sur Robert Altman, Douglas Sirk, Ernst Lubitsch, John Ford et bien sûr Fritz Lang, dissèque à la fois le fond et la forme de J’ai le droit de vivre. Dans une petite première partie, l’invité de Jean-Baptiste Thoret replace You Only Live Once dans la filmographie du cinéaste, avant d’en venir rapidement au long-métrage qui nous intéresse aujourd’hui, le deuxième mis en scène par Fritz Lang sur le sol américain. Les conditions de tournage, la psychologie des personnages, les thèmes (la justice et ses errements possibles, le faux coupable), l’ambiguïté du cinéaste (« qui proteste contre la peine de mort ou qui est pour dans la mesure où pour lui personne n’est innocent ? »), le travail sur le son, la photographie, les différences avec Le Faux coupable d’Alfred Hitchcock (réalisé dix ans après, avec Henry Fonda) sont autant de sujets abordés au cours de ce module. Certaines scènes spécifiques car représentatives de J’ai le droit de vivre sont plus particulièrement étudiées et commentées.

L’Image et le son

Le film de Fritz Lang avait bénéficié de plusieurs éditions en DVD chez Studiocanal. Le nouveau master restauré HD (codec AVC) au format respecté 1.33 de J’ai le droit de vivre livré par le même éditeur se révèle convaincant à plus d’un titre, à l’exception d’un piqué très (trop ?) doux. On apprécie grandement la gestion des contrastes (noirs denses, blancs lumineux), la clarté (celle dans les yeux de Sylvia Sidney…) et le relief sur une poignée de plans. La propreté de la copie est souvent éloquente, la nouvelle profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans de Fritz Lang, la photo entre ombre et lumière signée par le grand Leon Shamroy trouve un nouvel écrin et le grain d’origine a heureusement été conservé, même si parfois très grumeleux. Des petits points noirs et blancs ici et là, mais rien de bien méchant, tout comme de légers tremblements.

Comme pour l’image, le son a également été restauré de fond en comble. Résultat : aucun souci acoustique constaté sur ce mixage anglais DTS-HD Master Audio Mono. Le confort phonique de cette piste unique est total, les dialogues sont clairs et nets, très rarement étouffés ou grinçants, les effets annexes probants et les plages de silence très impressionnantes. Les sous-titres français sont en revanche imposés.

Crédits images : © Studiocanal / United Artists Corporation / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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