Test Blu-ray / Un, Deux, trois, réalisé par Billy Wilder

UN, DEUX, TROIS (One, Two, Three) réalisé par Billy Wilder, disponible en DVD et Blu-ray le 4 juin 2019 chez Rimini Editions

Acteurs : James Cagney, Horst Buchholz, Pamela Tiffin, Arlene Francis, Howard St. John, Hanns Lothar, Leon Askin, Liselotte Pulver…

Scénario : Billy Wilder, I.A.L. Diamond d’après la pièce de théâtre de Ferenc Molnár

Photographie : Daniel L. Fapp

Musique : André Previn

Durée : 1h48

Date de sortie initiale : 1961

LE FILM

A Berlin-Ouest, l’ambitieux Mac Namara représente les intérêts de Coca-Cola. Il voudrait bien conquérir le marché de l’Est, ce qui lui vaudrait à coup sûr de l’avancement. Il entreprend donc de convaincre un trio d’attachés commerciaux soviétiques. Sur ces entrefaites débarque miss Coca, fille du grand patron de la firme et séductrice impénitente. Les tracas ne font que commencer…

« Russki, go home ! »

Dissimulé entre deux énormes piliers de son immense carrière, La Garçonnière (1960) avec ses cinq Oscars et Irma la Douce (1963) son plus grand triomphe commercial, Un, Deux, TroisOne, Two, Three (1961) est pourtant aussi monumental que les autres opus de Billy Wilder. Après un projet avorté avec les Marx Brothers à travers lequel il envisageait de tourner l’O.N.U. en dérision, le cinéaste s’associe à nouveau avec son compère I.A.L. Diamond et s’inspire finalement de la pièce en un acte Egy, kettö, három (1929) de Ferenc Molnár. Il entreprend ainsi son dix-huitième long métrage, avec pour objectif de réaliser «  le film le plus rapide du monde ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que Un, Deux, Trois demeure une voire LA référence de la comédie cyclonique, celle qui emporte le spectateur dans un tourbillon de répliques hilarantes et de gags sophistiqués, où James Cagney incarne purement et simplement l’oeil de ce twister cinématographique.

En 1961, pendant la guerre froide, C. R. MacNamara, représentant à Berlin-Ouest de la société Coca-Cola, ambitionne d’en devenir le directeur en Europe, et d’introduire la boisson derrière le rideau de fer. Son patron, Wendell Hazeltine, lui demande de s’occuper de sa fille, Scarlett, qui fait un séjour en Europe. Mais la jeune femme disparaît, puis revient accompagnée d’un militant communiste, Otto Ludwig Piffl, qu’elle présente comme son mari. Ils se rendent également compte qu’elle est enceinte. MacNamara, qui souhaite ardemment sa promotion, transforme alors le jeune homme en quelques heures en un gendre idéal pour Hazeltine.

Un, Deux, Trois agit effectivement en trois temps. 1) Le film de Billy Wilder est un divertissement de haute volée, qui emporte tout sur son passage et qui ne laisse pas un seul moment de répit aux spectateurs. 2) C’est en revoyant le film en adoptant son rythme dramaturgique qu’apparaît tout ce Billy Wilder avait dissimulé dans les courants d’air provoqués par les personnages en passant d’une pièce à l’autre. 3) Billy Wilder signe un immense chef d’oeuvre d’une remarquable intelligence, éminemment interprété, provocateur, politique et engagé. Difficile de capter tous les éléments comiques au premier coup d’oeil, à l’instar du Playtime de Jacques Tati. Au spectateur de « construire » son propre film en attrapant au vol ce qu’il peut, d’autant plus que les dialogues, comme souvent chez le cinéaste, sont à double-sens.

« Yankee, go home ! »

Pour Billy Wilder, James Cagney sort une fois de plus de sa retraite. Ce sera son avant-dernière apparition au cinéma. Le comédien alors âgé de 62 ans signe probablement l’une de ses plus grandes prestations. Un rôle rêvé pour un comédien, même si l’entente entre Wilder et Cagney sera houleuse. Autour de cet épicentre, s’agite le comédien allemand Horst Buchholz (Chico des Sept Mercenaires de John Sturges), explosif dans le rôle du jeune coco rattrapé malgré-lui par le rouleau compresseur capitaliste, qui le fout carrément à poil, pour pouvoir le remodeler, le relooker et lui inculquer les rudiments de la machine à fric. Pamela Tiffin ravit les yeux avec sa jolie frimousse, tandis que la sulfureuse Liselotte Pulver (Le Temps d’aimer et le Temps de mourir de Douglas Sirk) campe fraülein Ingeborg, secrétaire (très) particulier(e) de MacNamara, qui hypnotise ceux qui croisent sa croupe incendiaire. Ajoutez à ces ingrédients principaux, quelques gousses d’ail chères à Billy Wilder, autrement dit des seconds et troisièmes rôles qui relèvent toujours ses plats avec ingéniosité.

Le cinéaste enchaîne les séquences cultes en ancrant son récit dans une Histoire en marche, puisque les deux scénaristes ont été rattrapés par les véritables événements, tandis que le mur de Berlin sera érigé durant le tournage du film ! Billy Wilder sera obligé d’effectuer certaines prises de vue à Munich où la Porte de Brandebourg sera reconstituée en studio, grâce au talent immense du directeur artistique Alexandre Trauner. S’il doit revoir quelque peu sa copie en cours de route, le réalisateur conserve toute la portée politique, satirique et cynique de son histoire. Tout le monde en prend pour son grade dans Un, Deux, Trois, avec les Yankees prêts à écraser le monde, les communistes extrémistes, facilement corruptibles, qui n’aiment personne et qui ont du mal à se comprendre eux-mêmes, sans oublier les anciens nazis qui tentent de se reconvertir (Schlemmeeeeeer!), mais qui se voient rattraper par quelques tics et tocs, à l’instar du claquement de talons donné à la moindre consigne reçue.

A sa sortie, Un, Deux, Trois est un échec commercial. James Cagney disparaît des écrans et ne reviendra que vingt ans plus tard au cinéma dans Ragtime de Miloš Forman, tandis que Billy Wilder prépare déjà son prochain film pour lequel il reformera son couple-star de La Garçonnière, Jack Lemmon et Shirley MacLaine. Ce sera Irma la Douce.

LE BLU-RAY

La collection Billy Wilder s’agrandit chez Rimini Editions, une des plus belles actuellement proposées par un éditeur français et un immense plaisir pour les cinéphiles que nous sommes. Un, Deux, Trois est le sixième titre du cinéaste à bénéficier d’une édition digne de ce nom dans nos contrées, sous l’égide de Rimini. Le Blu-ray repose dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un surétui cartonné liseré bleu marine. Le menu principal est animé sur la première séquence du film en version française. Cette édition comprend également un livret de 28 pages écrit par Marc Toullec.

On ne change pas une équipe qui gagne ! Comme ils l’ont fait précédemment sur les autres titres de Billy Wilder sortis en DVD et Blu-ray chez Rimini Editions, Mathieu Macheret (Le Monde) et Frédéric Mercier (Transfuge) proposent une présentation et une analyse pertinente de Un, Deux, Trois (36’). Face à face, les deux journalistes-critiques cinéma croisent le fond et la forme du film de Billy Wilder, en le replaçant tout d’abord dans la carrière du maître. Puis, les interventions des deux confrères se complètent parfaitement, l’un et l’autre rebondissant sur les arguments avancés, sans aucun temps mort. La genèse du film, l’écriture du scénario, les thèmes explorés, les partis pris, les intentions, le casting, la psychologie des personnages principaux et bien d’autres sujets sont abordés avec une passion contagieuse !

Le spéléologue Jérôme Wybon a mis la main sur un nouveau trésor, un entretien avec Billy Wilder (58’), enregistré le 15 mars 1970 au National Film Theatre ! Ce supplément audio tiré des archives du British Film Institute permet d’écouter le cinéaste, dont le dernier film en date La Vie privée de Sherlock Holmes allait sortir quelques mois plus tard, passer en revue sa carrière. Pêle-mêle, Billy Wilder parle de ses débuts, égratigne quelque peu la Nouvelle vague en précisant que « Godard et Truffaut ont cru faire la leçon à René Clair… », évoque bien sûr sa collaboration avec Ernst Lubitsch, Charles Brackett, I. A. L. Diamond, Marilyn Monroe et Jack Lemmon, avant de répondre aux questions des spectateurs dans la salle.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

La restauration s’avère impressionnante. Le nouveau master HD (codec AVC) au format respecté se révèle extrêmement pointilleux en matière de piqué, de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés, de clarté et de relief. La propreté de la copie est souvent dingue, la nouvelle profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans de Billy Wilder, la photo signée par le grand Daniel L. Fapp (La Grande évasion, West Side Story) retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, et le grain d’origine a heureusement été conservé. Divers points et quelques griffures demeurent constatables en début de film, mais cela reste vraiment anecdotique. On s’incline devant l’élégance de ce Blu-ray.

Les versions anglaise et française sont proposées en DTS-HD Master Audio mono 2.0. Passons rapidement sur la version française au doublage old-school très réussi, mais dont les voix paraissent parfois pincées. Privilégiez forcément la version originale, évidemment plus riche, vive, propre et aérée. Dans les deux cas, pas de souffle constaté et la musique bénéficie d’une jolie restitution. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Rimini Editions / MGM / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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