Test Blu-ray / Les Nuits de Mashhad, réalisé par Ali Abbasi

LES NUITS DE MASHHAD (Holy Spider) réalisé par Ali Abbasi, disponible en DVD et Blu-ray le 9 décembre 2022 chez Metropolitan Films.

Acteurs : Zar Amir-Ebrahimi, Mehdi Bajestani, Arash Ashtiani, Forouzan Jamshidnejad, Sina Parvaneh, Nima Akbarpour, Mesbah Taleb, Firouz Ageli, Sara Fazilat, Alice Rahimi…

Scénario : Sol Bondy & Jacob Jarek

Photographie : Nadim Carlsen

Musique : Martin Dirkov

Durée : 1h57

Date de sortie initiale : 2022

LE FILM

Iran 2001, une journaliste de Téhéran plonge dans les faubourgs les plus mal famés de la ville sainte de Mashhad pour enquêter sur une série de féminicides. Elle va s’apercevoir rapidement que les autorités locales ne sont pas pressées de voir l’affaire résolue. Ces crimes seraient l’œuvre d’un seul homme, qui prétend purifier la ville de ses péchés, en s’attaquant la nuit aux prostituées.

Attention, film choc ! Les Nuits de Mashhad est le troisième long-métrage réalisé par Ali Abbasi (né en 1981), né à Téhéran, remarqué avec Shelley, présenté à la Berlinale en 2016, mais réellement découvert en 2018 avec Border, récompensé dans le monde entier, y compris par le Prix Un certain regard au Festival de Cannes. L’ancien étudiant de l’Université Polytechnique de Téhéran, installé depuis en Suède, aborde un nouveau registre avec Les Nuits de Mashhad, inspiré d’un fait divers réel survenu au début des années 2000 dans sa ville natale, marquée par l’assassinat d’une quinzaine de prostituées par un tueur en série. Une œuvre à ne pas mettre devant tous les yeux, qui mixe à la fois le cinéma d’Asghar Farhadi, de Richard Fleischer et de David Fincher, mais qui trouve une identité propre, personnelle, unique. Le résultat est percutant, froid comme la glace, tranchant comme la lame d’un scalpel, profondément pessimiste et même nihiliste. On en ressort lessivés, frappés par cette violence brute et sèche, ainsi que par le propos forcément politique qui s’en dégage en évoquant la place des femmes en Iran. Prix d’interprétation féminines à Cannes largement mérité pour la comédienne Zar Amir Ebrahimi.

Tout homme finit par rencontrer ce qu’il cherche à fuir.

Il y a des films comme ça, dont nous n’attendons pas forcément grand-chose, dont on ne doute pas de la qualité certes en raison des échos entendus ici et là et en ayant connaissance de la qualité des travaux précédents d’un auteur, mais tout de même rien ne nous avait préparés au coup de poing dans la tronche ressenti au visionnage des Nuits de Mashhad. Récompensé par le Cheval de Bronze (pour le meilleur film) au Festival international du film de Stockholm, ce thriller-polar quasi-horrifique foudroie de la première à la dernière scène et se plante directement dans votre mémoire pour s’y ancrer définitivement. Ali Abbasi était sur le point de quitter l’Iran pour faire ses études en Europe lorsque Saeed Hanaei, marié et père de trois enfants fut arrêté pour le meurtre de seize prostituées, essentiellement toxicomanes, qu’il attirait chez lui, avant de les étrangler, dans le but de « nettoyer la ville, de cette corruption morale », en affirmant que Dieu approuvait son œuvre. Dans Les Nuits de Mashhad, Ali Abbasi montre certains extrémistes religieux excuser les actes de Saeed Hanaei, en louant même cette « quête ». D’emblée, le cinéaste crée un climat oppressant, glauque, anxiogène, en se focalisant sur une femme, jeune mère de famille, qui se prépare pour aller arpenter quelques trottoirs d’un quartier mal famé de Mashhad, pour y vendre son corps, avant d’aller retrouver sa progéniture le lendemain matin avant son réveil. Mais c’était sans compter sur le « tueur-araignée » qui rôde, l’embarque comme un client lambda, avant de l’étrangler avec son propre foulard.

Ali Abbasi saisit la mort en gros plan, les dents gâtées par le crack de la victime, qui fait alors des ravages auprès des professionnelles du bitume. La ville sainte (et deuxième du pays en terme de population) est déjà marquée par le meurtre de dix femmes, présentant le même profil. C’est là que débarque Rahimi, journaliste, bien décidée à enquêter sur cette affaire qui a l’air d’arranger certains radicaux. De l’aveu-même du metteur en scène, le phénomène des tueurs en série n’est pas rare en Iran, mais l’affaire a commencé à l’interpeller quand Saeed Hanaei a été élevé au rang de héros, accomplissant dignement son devoir religieux, devant servir d’exemple. Les Nuits de Mashhad lui aura demandé près de quinze années de gestation, revoyant sans cesse sa copie, s’éloignant des faits au fur et à mesure, pour se concentrer un peu plus longuement sur le personnage féminin, excellemment interprété par Zar Amir Ebrahimi (vue depuis dans Les Survivants de Guillaume Renusson) et du portrait de la société que Rahimi souhaite dresser en révélant les actes de Saeed Hanaei. Ce dernier est interprété par Mehdi Bajestani, puissamment charismatique, dont la prestation ambiguë et complexe rappelle celle de Richard Attenborough dans L’Etrangleur de la place Rillington (1971). Autant d’atouts de taille, qui font des Nuits de Mashhad l’un des films les plus indispensables de l’année 2022.

LE BLU-RAY

Après avoir attiré près de 100.000 spectateurs dans les salles françaises, Les Nuits de Mashhad débarque dans les bacs en DVD et Blu-ray, grâce aux bons soins de Metropolitan Video. Dans les deux cas, le visuel de la jaquette reprend celui de la très belle affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical. Le boîtier contient un livret (non reçu), donnant une analyse de la représentation de la femme dans le cinéma iranien par Assal Bagheri, spécialiste du cinéma iranien (16 pages).

Installée en France, Zar Amir Ebrahimi revient longuement sur toutes les questions que vous pourriez vous poser sur Les Nuits de Mashhad (19’). Tout d’abord directrice de casting sur le film, elle doit alors remplacer au pied levé l’actrice choisie au préalable, qui se désiste au dernier moment. La comédienne aborde sa collaboration avec le réalisateur Ali Abbasi, le mélange des genres des Nuits de Mashhad, le développement du scénario, les intentions du metteur en scène et ses partis-pris.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Ce master HD des Nuits de Mashhad, tourné avec la caméra Arri Alexa Mini LF, est issu d’un transfert en tous points sublime et s’inscrit directement comme un Blu-ray de démonstration. Les premiers plans donnent le ton : les noirs sont d’une densité inégalée, le piqué est tranchant, les teintes chaudes et froides peuvent compter sur un encodage AVC de haute volée et les détails s’impriment sur les rétines. Les contrastes sont pénétrants, la texture de la photo signée Nadim Carlsen, déjà l’oeuvre sur Border, est constamment palpable et bénéficie d’un relief extraordinaire, sur les lumineuses scènes en extérieur comme sur les intérieurs tamisés. N’oublions pas la colorimétrie, riche, dense.

Les Nuits de Mashhad nous est proposé en version originale et française DTS-HD Master Audio 5.1. Du point de vue dynamique et vivacité des dialogues, la piste française l’emporte haut la main mais manque indubitablement de naturel et d’homogénéité. Les voix prennent malheureusement le pas sur les ambiances annexes. La version perse respecte l’ambiance du film et même si les dialogues apparaissent plus feutrés, ce mixage se révèle plus fluide et plus proche des volontés artistiques originales.

Crédits images : © Metropolitan FilmExport / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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