Test Blu-ray / L’Etrangleur de Rillington Place, réalisé par Richard Fleischer

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L’ETRANGLEUR DE RILLINGTON PLACE (10 Rillington Place) réalisé par Richard Fleischer, disponible en Blu-ray et DVD le 9 novembre 2016 chez Carlotta Films

Acteurs : Richard Attenborough, Judy Geeson, John Hurt, Pat Heywood, Isobel Black, Miss Riley

Scénario : Clive Exton, d’après le livre de Ludovic Kennedy 10 Rillington Place

Photographie : Denys N. Coop

Musique : John Dankworth

Durée : 1h51

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

A la fin des années 1940, Timothy et Beryl Evans emménagent avec leur petite fille au 10 Rillington Place, à Londres. Ils sympathisent rapidement avec leurs voisins du rez-de-chaussée, les Christie. Mais derrière ses airs courtois et respectables, John Reginald Christie est en réalité un meurtrier qui assassine et viole des femmes en se faisant passer pour un ancien médecin.

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Dès ses premiers films réalisés dans les années 1940, Bodyguard, Assassin sans visage, Le Pigeon d’argile, le cinéaste Richard Fleischer, sous contrat avec la RKO, s’intéressait au mal et aux recoins les plus sombres de l’âme humaine. En 1959, il signe Le Génie du mal, également connu sous son titre original Compulsion, qui allait devenir le premier volet d’une trilogie criminelle. Ayant un temps envisagé des études pour devenir psychiatre, Richard Fleischer s’est toujours penché sur les obsessions de ses personnages, d’un côté ou de l’autre de la justice. Dans Le Génie du mal, adapté du roman Crime (1956) de l’écrivain et journaliste Meyer Levin (1905-1981), le cinéaste s’inspire de l’affaire Leopold et Loeb, que Levin avait par ailleurs couvert pour le compte du Daily News en 1924 alors qu’il fréquentait la même Université que les deux criminels. Nathan Leopold (1904-1971) et Richard Loeb (1905-1936) étaient deux riches et brillants étudiants en droit de l’Université de Chicago, fascinés par la théorie du surhumain de Friedrich Nietzsche. Se sentant intellectuellement au-dessus du commun des mortels et donc des lois, les deux étudiants ont décidé de tuer un adolescent de 14 ans pour le seul plaisir de réaliser un crime parfait et d’éliminer un être inférieur, donc « inutile ». Les cinéphiles auront noté quelques ressemblances avec La Corde d’Alfred Hitchcock, réalisé dix années auparavant, adapté de la pièce de Patrick Hamilton inspirée par le même fait divers. Mais ici, contrairement au film d’Hitchcock qui s’ouvre sur le crime, celui du Génie du mal reste hors-champ, car ce qui intéresse Fleischer est ailleurs.

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Dans la première partie du Génie du mal, Richard Fleischer observe ses personnages avec une patience et l’oeil aiguisé d’un entomologiste. Bien avant De sang-froid de Truman Capote (publié en 1966) et adapté au cinéma par Richard Brooks l’année suivante, Fleischer réalise une étude sociologique, une analyse clinique du comportement criminel, un de ses sujets de prédilection (L’Etrangleur de Boston, nous y reviendrons) et se penche sur le rapport dominant-dominé à travers le portrait de ses deux personnages principaux. Judd Steiner (Dean Stockwell, qui avait créé ce rôle sur scène) est en état de dépendance affective et vraisemblablement amoureux de l’autre, Arthur A. Straus (Bradford Dillman) qui se sert de cette faiblesse pour l’entraîner vers l’irréparable. Un élément que nous retrouverons dans L’Etrangleur de Rillington Place. Malgré la « perfection » de ce crime, les deux étudiants sont trahis par un détail et se retrouvent sur le banc des accusés. Leur défense est confiée à un ténor du barreau, Jonathan Wilk, farouchement opposé à la peine de mort (thème que l’on retrouvera également dans L’Etrangleur de Rillinton Place, nous y reviendrons aussi) et payé à prix d’or par la famille des accusés. Dans Le Génie du mal il est interprété par Orson Welles.

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Sa plaidoirie reprenant mot pour mot – ou du moins une partie puisqu’elle aurait duré près de douze heures – celle véritablement proclamée lors du procès de Leopold et Loeb, est une des plus magistrales de toute l’histoire du cinéma. Véritablement transporté par son personnage et son texte, le comédien – que Richard Fleischer était souvent obligé de freiner dans son enthousiasme – laisse pantois d’admiration durant son monologue quand il s’adresse au juge et jurés. Le comédien, ainsi que Dean Stockwell et Bradford Dillman (parfaits de cynisme et d’orgueil démesuré) se partageront le Prix d’interprétation au Festival de Cannes en 1959.

Sur un rythme vif, avec un sens inouï du cadre, un montage au cordeau, une photo N&B magnifique signée William C. Mellor (Géant), et la partition jazzy de Lionel Newman, Le Génie du mal marque une étape dans la carrière de Richard Fleischer.

Richard Attenborough in the witness box in a scene from the film '10 Rillington Place', 1971. (Photo by Filmways Pictures/Getty Images)

En 1968, le cinéaste met en scène L’Etrangleur de BostonThe Boston Strangler, avec Tony Curtis dans un de ses plus grands rôles. Cette fois, Fleischer s’inspire des meurtres en série d’Albert de Salvo, un ouvrier plombier qui assassina une douzaine de femmes entre 1962 et 1964. Afin de refléter les troubles de la personnalité de son personnage, Richard Fleischer a recours à la technique du split screen, popularisée en 1966 par John Frankenheimer pour Grand Prix, puis réutilisée par le réalisateur Norman Jewison pour L’Affaire Thomas Crown.

Jamais gratuit, ce nouveau langage cinématographique permet à Richard Fleischer de recentrer l’attention du spectateur sur certains éléments synchrones tout en gardant le fil de son récit. Les spectateurs sont donc littéralement happés du début à la fin par ces actions multiples, qui plus est relevées par l’usage de la caméra portée Arriflex qui donne à L’Etrangleur de Boston un aspect réaliste et documentaire, surtout quand le cinéaste se penche sur le rôle et les responsabilités des politiques et des médias qui s’emparent de cette actualité.

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Sans concessions, Richard Fleischer plonge son audience autant dans les méandres d’un esprit malade que dans les coins plutôt oubliés du cinéma hollywoodien comme les bars gay, en montrant à l’écran des individus pervers et obsédés sexuels, sans tabous, sans détours, avec une rare audace formelle. Rétrospectivement, L’Etrangleur de Boston apparaît comme l’un des films matrice du grand cinéma américain des années 70, mais également comme la référence ultime du genre. Cependant, le maître du thriller et du film-noir hollywoodien abordera une fois de plus le thème du serial killer peu de temps après.

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Nous arrivons en 1971. Après le film de guerre Tora ! Tora ! Tora !, Richard Fleischer revient aux affaires criminelles avec L’Etrangleur de la Place Rillington, également connu sous le titre L’Etrangleur de Rillington Place, ou par son titre original 10 Rillington Place. Le cinéaste relate ici les événements liés à l’affaire John Christie, tueur en série qui sévit à Londres durant les années 1940 et 1950. Ce qui intéresse plus particulièrement Richard Fleischer ici, c’est le rapport qui s’instaure entre John Christie et Timothy Evans, qui vient s’installer avec sa femme Beryl et sa petite fille Geraldine au premier étage du 10 Rillington Place, au-dessus de l’appartement où vit John Christie et sa femme. Dès la première séquence où retentit une sirène, Fleischer instaure le lieu et la date de l’histoire qu’il va nous raconter. Nous sommes en 1944 dans un quartier pauvre de Londres. Un homme au crâne dégarni, pour ne pas dire bulbeux, lunettes rondes sur le nez et vêtu d’un uniforme de la police est suivi par une femme qu’il fait entrer chez lui. Très vite, il prépare une solution de son invention destinée à être inhalée par la personne qui attend fébrilement et qui est supposée l’aider à guérir d’une bronchite, puisque les médicaments sont rares et chers en cette période troublée. Alors qu’elle inhale le gaz, la femme commence à se débattre, mais l’homme la force en lui maintenant le dispositif, jusqu’à ce qu’elle s’évanouisse. C’est alors qu’il l’étrangle. Son corps sera enterré dans l’arrière-cour de l’immeuble. Cinq ans plus tard, John Christie accueille la famille Evans. Ses pulsions criminelles vont alors reprendre.

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John Christie est interprété par Richard Attenborough, alors une des plus grandes stars du cinéma britannique et un des acteurs les plus populaires. Il livre ici une immense prestation, méconnaissable avec un faux crâne très réussi qui donne à sa tête un aspect inquiétant, renforcé par des lunettes aux verres ronds légèrement déformants.

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John Christie apparaît dès le premier plan comme un être répugnant, un prédateur qui assassine froidement les jeunes femmes en les étranglant, puis qui les viole après qu’elles aient rendu leur dernier souffle. Sa rencontre avec Timothy Evans, remarquablement interprété par John Hurt, bouleversant dans un de ses premiers films, va lui donner l’occasion de se laisser aller à ses penchants criminels, tout en manipulant et en faisant porter le chapeau à cet homme, peu éduqué, analphabète, habitué à écouter les « conseils » de ceux qui lui sont supérieurement intelligents. Christie va réduire en cendres la vie d’Evans en tuant son épouse Beryl (Judy Geeson) et sa petite fille. Rongé par la culpabilité puisque Christie lui a bien fait comprendre qu’il était le principal responsable de la mort de celles qu’il aimait – Christie avait réussi à convaincre Evans de ses connaissances en médecine pour pouvoir faire avorter sa femme – Evans se dénonce à la police. Mais Christie avait envisagé cette décision.

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Si Richard Attenborough et Richard Fleischer se sont engagés sur L’Etrangleur de Rillington Place, c’est pour livrer un combat direct contre la peine de mort. En effet, l’affaire John Christie / Timothy Evans, racontée dans le livre de Ludovic Kennedy, a mis en relief les erreurs judiciaires et les failles du recours à la peine de mort, qui sera finalement suspendue au milieu des années 1960, puisque Evans, jugé responsable de la mort de sa famille, a été condamné à mort par pendaison. Parallèlement, L’Etrangleur de Rillington Place demeure un des films les plus glaçants, réalistes et saisissants sur le thème du serial killer. Maître des espaces exigus, Richard Fleischer enferme littéralement le spectateur dans la bâtisse située au 10 Rillington Place. Avec ses appartements miteux aux murs suintants de crasse, son escalier étroit et son arrière-cour glauque, le décor est planté et participe au sentiment de claustrophobie distillé à travers la mise en scène stylisée et quasi-documentaire de Fleischer. Connu pour le soin apporté aux détails les plus infimes, le cinéaste livre une approche radicalement différente pour dresser le portrait de l’étrangleur de Rillington Place que pour celui de Boston, même si le film est tout autant prodigieux et oppressant avec une caméra souvent portée qui appuie le malaise des séquences de meurtres, dans un lieu isolé qui reflète l’extrême pauvreté de ses habitants. Par ailleurs, le réalisateur a mis un point d’honneur à tourner les séquences en extérieur sur les lieux-mêmes où se sont déroulés les faits et à faire écrire les dialogues à partir des témoignages d’époque et des transcriptions tirées des procès.

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Si le rythme est lent, il n’en demeure pas moins maîtrisé, créant même parfois une sensation hypnotique. 45 ans après sa réalisation, L’Etrangleur de Rillington Place n’a pas pris une seule ride et l’on reste toujours estomaqué par cette peinture de l’horreur montrée sous sa forme la plus banale, qui a ensuite largement inspiré Alfred Hitchcock pour Frenzy ou même Anthony Hopkins pour son incarnation d’Hannibal Lecter.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de L’Etrangleur de Rillington Place, disponible chez Carlotta Films, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et musical.

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A l’instar des Blu-ray de Terreur aveugle et des Flics ne dorment pas la nuit, Terreur aveugle s’accompagne d’une préface (7′30) réalisée par le brillant réalisateur Nicolas Saada (Espion(s), Taj Mahal). Même si l’éditeur appelle ce segment une préface, ne la visionnez surtout pas avant L’Etrangleur de Rillington Place puisque les propos de Nicolas Saada sont collés sur des images tirées du film qui révèlent beaucoup d’éléments. Le cinéaste, passionné par le cinéma de Richard Fleischer, aborde cette fois le traitement et l’approche du sujet par le réalisateur du Génie du mal, l’exploitation des lieux exigus (une spécialité de Fleischer). Nicolas Saada indique également qu’Alfred Hitchcock a vraisemblablement vu L’Etrangleur de Rillington Place et s’en est inspiré pour Frenzy réalisé un an après. Si la forme est abordée, le fond n’est pas oublié puisque Saada évoque également le fait divers à l’origine de cette histoire, ainsi que l’engagement de Richard Fleischer et de Richard Attenborough contre la peine de mort. Le casting est évidemment passé au peigne fin. De rares photos de tournage illustrent également cette présentation.

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S’ensuit une rencontre tout aussi indispensable avec le réalisateur Christophe Gans, intitulé Richard Fleischer, un auteur discret (24′). Cette formidable approche sur L’Etrangleur de Rillington Place évoque tour à tour la notion du cinéma d’auteur, la grande part de la carrière de Richard Fleischer consacrée au mal, ainsi qu’aux recoins et événements les plus sordides de la société. Visiblement fasciné par le cinéaste, Christophe Gans dissèque le fond et la forme de L’Etrangleur de Rillington Place en abordant notamment le caractère social du film et son contexte réaliste. Dans une seconde partie, Gans parle du casting, du fait divers et de l’affaire Christie, ainsi que du livre qui relate ces événements et qui allait jouer un rôle prépondérant dans l’abolition de la peine de mort en Angleterre. Gans clôt cet entretien en évoquant la modestie du réalisateur Fleischer, qui ne s’est jamais engagé de manière frontale dans ses films de commande, mais qui a pourtant toujours distillé des indices qui ne trompent pas sur ses engagements.

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Ne manquez pas la rencontre avec la comédienne Judy Geeson, qui interprète Beryl dans L‘Etrangleur de Rillington Place (22′). Révélée dans Les Anges aux poings fermés (1967) et aperçue dans Au service secret de Sa Majesté (1969) dans lequel elle jouait une patiente allergique recueillie au Piz Gloria, Judy Geeson est visiblement ravie de partager ses souvenirs liés au tournage de L’Etrangleur de Rillington Place. Elle revient sur son premier rôle de composition, sur son personnage, la collaboration avec Richard Fleischer, les partis pris et les intentions du film, les conditions de tournage sur les lieux mêmes du fait divers. Judy Geeson aborde ensuite l’affaire Christie, le livre de Ludovic Kennedy et son retentissement en Angleterre jusqu’à l’abolition de la peine de mort. La comédienne parle de l’écrivain, qui l’a beaucoup aidé pour préparer son personnage et qui était d’ailleurs consultant de Richard Fleischer sur le plateau. Enfin, Judy Geeson n’oublie pas de mentionner ses partenaires John Hurt et Richard Attenborough (avec quelques photos de la séance de maquillage de ce dernier), sans oublier la direction d’acteurs de Richard Fleischer, notamment lors de la scène du meurtre.

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L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

L’Etrangleur de Rillington Place de Richard Fleischer renaît de ses cendres avec ce superbe master HD restauré à 4K ! Ce Blu-ray tient toutes ses promesses avec une superbe colorimétrie froide souvent désaturée, aux teintes brunes, des contrastes denses, des détails ciselés sur le cadre 1.66 respecté et un relief parfois étonnant. Si la définition fléchit légèrement – certaines séquences sombres en intérieur paraissent plus douces – le piqué est étonnant même s’il dépend des volontés artistiques originales et s’avère plus acéré sur les scènes tournées en extérieur. Le grain original se trouve heureusement respecté et conservé. Une élévation HD (1080p) élégante qui amplifie les partis pris esthétiques de la photographie signée Denys N. Coop. N’oublions pas de mentionner l’irréprochable propreté de la copie.

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Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 1.0 instaurent un excellent confort acoustique. Les dialogues sont solidement délivrés, la propreté est de mise, les effets convaincants, sans aucun souffle sur les séquences sans musique. Les effets sonores, riches et très recherchés, jouissent également d’un écrin phonique somptueux. Au jeu des différences, la version originale l’emporte sur son homologue car plus aérée, naturelle et franche dans son rendu. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.

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L’ÉTRANGLEUR DE RILLINGTON PLACE © 1970, RENOUVELÉ 1998 COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES, INC. Tous droits réservés. / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Le Voyage de Fanny, réalisé par Lola Doillon

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LE VOYAGE DE FANNY réalisé par Lola Doillon, disponible en DVD et Blu-ray le 12 octobre 2016 chez Métropolitan Vidéo

Acteurs : Léonie Souchaud, Cécile De France, Stéphane De Groodt, Fantine Harduin, Juliane Lepoureau, Ryan Brodie, Anaïs Meiringer, Lou Lambrecht, Igor van Dessel

Scénario : Lola Doillon, Anne Peyregne, d’après le roman de Fanny Ben-Ami

Photographie : Pierre Cottereau

Musique : Sylvain Favre,, Gisèle Gérard-Tolini

Durée : 1h36

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Du haut de ses 12 ans, Fanny a la tête dure ! Mais c’est surtout une jeune fille courageuse qui, cachée dans un foyer loin de ses parents, s’occupe de ses deux petites sœurs.
Devant fuir précipitamment, Fanny prend alors la tête d’un groupe de huit enfants, et s’engage dans un dangereux périple à travers la France occupée pour rejoindre la frontière suisse.
Entre les peurs, les fous rires partagés et les rencontres inattendues, le petit groupe fait l’apprentissage de l’indépendance et découvre la solidarité et l’amitié…

Les Visiteurs

Le Voyage de Fanny est le troisième long métrage de Lola Doillon, fille du réalisateur Jacques Doillon et de la monteuse Noëlle Boisson, après la chronique adolescente Et toi, t’es sur qui ? (2007) et le huis clos Contre toi (2011). La réalisatrice signe son film le plus ambitieux avec cette libre adaptation du livre autobiographique Le Journal de Fanny, écrit par la romancière Fanny Ben Ami. Née en 1930, Fanny Ben Ami a 12 ans lorsqu’elle se retrouve à la tête d’un groupe d’enfants de confession juive (y compris ses deux sœurs), livrés à eux-mêmes pendant la Seconde Guerre mondiale. Le conflit n’apparaît pas à l’écran, mais Lola Doillon a voulu le faire ressentir en adoptant le point de vue de ses petits héros qui tentent d’échapper aux allemands et de rejoindre la Suisse. Si la cinéaste a voulu respecter le parcours de Fanny et de ses compagnons, Lola Doillon a évidemment eu recours à la fiction pour livrer un véritable road movie tourné entre la France et la Belgique. Le Voyage de Fanny s’adresse en priorité aux enfants, pour les sensibiliser sur le sujet et pourquoi pas les aider à poser des questions.

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Les événements sont vécus à travers les yeux de ce groupe de jeunes, abandonnés malgré eux après avoir fui le pensionnat de campagne où leurs parents les avaient cachés, après que le curé du village les ait dénoncé. S’ils ne se sont pas retrouvés sous les bombes, ils ont quand même vécu cette angoisse quotidienne et permanente, la violence du conflit et la peur de se retrouver orphelins, tout en faisant preuve d’un immense courage en continuant d’avancer jusqu’à la frontière. A ce titre, Lola Doillon s’en sort vraiment très bien en misant sur une belle reconstitution des années 1940, avec un soin particulier apporté aux décors et aux costumes. Malgré son sujet sombre, Le Voyage de Fanny demeure un film chaleureux avec des couleurs pétillantes et estivales. En revanche, le casting des enfants (près de 1000 ont été auditionnés) demeure inégal, surtout en ce qui concerne la jeune actrice Léonie Souchaud, qui interprète le rôle-titre, peu convaincante et attachante, et dont le jeu manque singulièrement de nuances. Malgré une courte apparition, Cécile de France marque les esprits par sa très belle interprétation de Mme Forman, personnage inspiré de véritables figures héroïques de la Résistance, en l’occurrence Nicole Salon-Weil et Lotte Schwartz, qui avaient aidé et caché des enfants pendant la Seconde Guerre mondiale. Même chose pour l’excellent Stéphane De Groodt, qui campe un fermier bourru sans histoire, qui recueille les gamins pour une nuit malgré le risque de se faire arrêter par les allemands postés dans la région.

Les Visiteurs

En dépit de son aspect un peu sage et scolaire, Le Voyage de Fanny est une plaisante aventure humaine, bien réalisée, belle à regarder, non dénuée d’humour, avec beaucoup d’émotions et ce qu’il faut de suspense pour instruire les enfants et finalement divertir toute la famille.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray du Voyage de Fanny, disponible chez Metropolitan Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

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C’est ce qu’on appelle une galette bien fournie !

On commence par le commentaire audio de Lola Doillon, qui attaque bille en tête ses anecdotes, sans se présenter. Ensuite, de sa très belle voix, la réalisatrice enchaîne avec ses intentions, dévoile la genèse du projet, le casting et le travail avec ses jeunes comédiens, les partis pris esthétiques, le travail sur les décors et la reconstitution, les conditions de tournage. Un excellent commentaire audio, dense, divertissant, largement conseillé.

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Le making of (20’) illustre les propos tenus par Lola Doillon dans son commentaire puisqu’on y trouve essentiellement des images issues du plateau, montrant les gamins à l’oeuvre devant la caméra. Lola Doillon, les comédiens et Fanny Ben-Ami interviennent également sur les thèmes du film, son origine, la reconstitution des années 1940.

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Nous retrouvons une fois de plus l’auteure Fanny Ben-Ami, à l’occasion d’une exposition regroupant ses dessins, ses croquis et ses peintures (23’). Visiblement très émue, Fanny Ben-Ami nous présente ses œuvres qui retracent cette fameuse épopée, quand du haut de ses douze ans elle est venue en aide à un groupe d’enfants juifs à gagner la Suisse en traversant la France occupée. Les propos ont été recueillis par Lola Doillon elle-même, qui a fait exprès le déplacement en Israël.

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Ne manquez pas la section consacrée au casting des jeunes comédiens (12’) qui ne cessent d’étonner par leur spontanéité et leur talent naturel.

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La séquence d’ouverture originale (3’) était très belle, même si un peu trop appuyée dans les coïncidences. Marina Vlady interprète Fanny âgée, qui arrive en France d’Israël pour retrouver ses anciens compagnons. En arrivant à l’institut, elle croise une petite fille qui s’appelle Fanny et qui joue au football avec ses amis. Elle est également interprétée par Léonie Souchaud.

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Nous trouvons aussi une seule scène coupée (1’), visiblement laissée en raison du manque de conviction des jeunes comédiens.

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L’Image et le son

La définition est optimale et fait la part belle à une magnifique colorimétrie. Ce transfert HD du Voyage de Fanny ne cesse de flatter les mirettes avec une luminosité omniprésente et un piqué incisif. Les séquences extérieures, particulièrement celles se déroulant en forêt, sont les mieux loties et le soleil qui perce à travers les arbres possède un relief fort étonnant. La palette est vive, chaude et bigarrée, les contrastes denses y compris en intérieur, les détails foisonnent sur le cadre large. Le film de Lola Doillon profite entièrement des apports de la Haute Définition.

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La piste DTS-HD Master audio 5.1 met en avant la composition de Sylvain Favre et Gisèle Gérard-Tolini, spatialisée sur l’ensemble des enceintes. Les dialogues sont solidement positionnés sur la centrale, la balance frontale riche et dynamique. De nombreuses ambiances naturelles pointent évidemment sur les séquences en extérieur. L’éditeur joint également les sous-titres destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste audiodescription.

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Copyright Metropolitan FilmExport / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Folles de joie, réalisé par Paolo Virzì

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FOLLES DE JOIE (La Pazza goia) réalisé par Paolo Virzì, disponible en Blu-ray et DVD le 2 novembre 2016 chez Bac Films

Acteurs : Micaela Ramazzotti, Valeria Bruni Tedeschi, Valentina Carnelutti, Marco Messeri, Bob Messini, Roberto Rondelli, Anna Galiena

Scénario : Paolo Virzì, Francesca Archibugi

Photographie : Vladan Radovic

Musique : Carlo Virzì

Durée : 1h56

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Beatrice est une mythomane bavarde au comportement excessif. Donatella est une jeune femme tatouée, fragile et introvertie. Ces deux patientes de la Villa Biondi, une institution thérapeutique pour femmes sujettes à des troubles mentaux, se lient d’amitié. Une après-midi, elles décident de s’enfuir bien décidées à trouver un peu de bonheur dans cet asile de fous à ciel ouvert qu’est le monde des gens « sains».

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Le réalisateur Paolo Virzì ne s’est pas reposé sur ses lauriers après le triomphe mérité à la fois de la critique et du public de son excellent précédent film Les Opportunistes, une des plus grandes réussites du cinéma transalpin de ces dernières années qui s’est vu récompensé par 7 David di Donatello Awards en 2014 et plus d’une quarantaine de prix à l’international ! Il revient avec Folles de joieLa Pazza goia et délaisse le côté thriller, saga familiale et chronique de mœurs teintée d’humour noir des Opportunistes pour livrer une œuvre ensoleillée, drôle et très émouvante, qui rappelle les grandes heures du cinéma italien de Dino Risi, Mario Monicelli et Luigi Comencini.

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Si les liens familiaux ont souvent tenu une part importante dans son cinéma, Paolo Virzì s’attache ici à deux femmes, inadaptées, solitaires, deux marginales. Beatrice la bonde pulpeuse, exubérante, bourgeoise déchue d’une quarantaine d’année, radieuse, qui ne s’arrête jamais de parler et de s’inventer une vie. Elle rencontre Donatella, la trentaine, brune, dépressive, maigre, tatouée, fragile, mutique, visiblement chargée de médicaments qui l’empêchent de s’automutiler et de s’autodétruire comme l’attestent diverses cicatrices. Elles se retrouvent toutes les deux à la Villa Biondi, institut psychiatrique pour femmes mentalement instables et sujettes à des troubles mentaux, qui tentent de retrouver le goût à la vie, entourées d’arbres séculaires et de pépinières. Tout semble les opposer et pourtant Beatrice et Donatella vont rapidement devenir complices, au point de réussir à se faire la malle pour profiter du soleil radieux qui inonde la Toscane.

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Dans son cinéma, Paolo Virzì a souvent privilégié les valeurs simples et essentielles et livre cette fois encore un film extrêmement chaleureux, formidablement interprétée par Valeria Bruni Tedeschi, qui retrouve le réalisateur après Les Opportunistes, et Micaela Ramazzotti, compagne de Paolo Virzì, qui tenait déjà l’affiche de Tutta la vita davanti (2008) et La Prima cosa bella (2010), pour lequel elle avait obtenu le David di Donatello de la meilleure actrice. Les deux comédiennes sont exceptionnelles et l’alchimie est évidente.

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Oeuvre furieusement attachante, pleine de pudeur, qui repose sur la folle énergie, le charme, le naturel confondant et l’immense sensibilité de ses comédiennes, Folles de joie est un road movie d’une justesse confondante, qui s’attache à deux désaxées lancées à fond la caisse pour oublier leur mal-être et la difficulté d’un monde qui ne les laisse pas s’exprimer ou tout simplement vivre dans le leur. Celui qu’elles se sont construits pour se protéger d’une douleur insupportable liée à un passé trouble. Mais les psychiatres, psychotérapeutes et même la police sont lancées à leurs trousses.

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Animé d’une énergie contagieuse, sans pathos, mais avec une émotion, une délicatesse, un humour et une mélancolie qui vont droit au coeur des spectateurs, Folles de joie, sélectionné en Compétition officielle dans la section la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 2016, chaînon manquant entre Une journée de fous de Howard Zieff et Thelma et Louise de Ridley Scott, est assurément un des plus beaux films de l’année.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Folles de joie, disponible chez Bac Films, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

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Grande déception, nous ne trouvons qu’un lot de bandes-annonces en guise de bonus.

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Le Blu-ray de Folles de joie est au format 1080i.. Malgré cette déconvenue, les détails sont aiguisés et bien définis sur le cadre large. Que l’on soit en plan serré ou en plan large, la définition demeure quasi-optimale et le piqué acéré. Si les séquences en intérieur se révèlent plus douces, l’ensemble est consolidé par une compression AVC de haute volée restituant le soleil plombant de la Toscane, la végétation environnante et le bleu azur du ciel comme si on y était. La colorimétrie vive et saturée réalisée par le chef opérateur Vladan Radovic est superbement restituée, les contrastes concis même s’ils auraient pu l’être davantage, les noirs sont d’une densité exemplaire.

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Les mixages italien et français DTS-HD Master Audio 5.1 se révèlent particulièrement sobres, mais instaurent un confort acoustique suffisant. En version originale, les dialogues sont solidement plantés sur l’enceinte centrale et nous vous conseillons d’éviter le doublage français. Dans les deux cas, la spatialisation musicale demeure évidente, les latérales soutiennent l’ensemble comme il se doit, les ambiances naturelles ne manquent pas. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version italienne.

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Crédits images : © Bac Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / On ne joue pas avec le crime, réalisé par Phil Karlson

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ON NE JOUE PAS AVEC LE CRIME (5 Against the House) réalisé par Phil Karlson, disponible en DVD le 19 octobre 2016 chez Sidonis Calysta

Acteurs : Kim Novak, Guy Madison, Brian Keith, Alvy Moore, Kerwin Mathews, William Conrad

Scénario : Stirling Silliphant, William Bowers, John Barnwell, d’après le roman de Jack Finney

Photographie : Lester White

Musique : George Duning

Durée : 1h20

Date de sortie initiale : 1955

LE FILM

Alors qu’ils prennent du bon temps dans un casino, quatre étudiants américains entendent un policier affirmer que dérober l’argent contenu dans les coffres est ici totalement impossible. Il n’en faut pas moins pour piquer l’orgueil du plus riche des garçons. Il entraîne alors ses trois camarades à cambrioler l’établissement. Il réussit en effet à les convaincre que seul le défi l’intéresse : l’argent sera rendu à l’issue du vol. Mais rien ne se passe comme prévu…

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Réalisé par Phil Karlson (1908-1985) en 1955, On ne joue pas avec le crime5 Against the House est un drame aux allures de film noir adapté du roman éponyme de Jack Finney (L’Invasion des profanateurs), sorti en France sous le titre Néant à roulettes dans la collection Série noire. Produit par la Columbia Pictures, 5 Against the House montre le savoir-faire du metteur en scène, spécialiste des séries B, à qui l’on doit Le Quatrième homme (1952), L’Affaire de la 99ème rue (1953) ou bien encore Coincée (1955), et reste la principale source d’inspiration du Casino de Martin Scorsese. Le film démarre bien en montrant une bande de quatre étudiants venus à Reno (« la plus grande petite ville du monde ») dans le but de prendre du bon temps en jouant au casino. Il y a Al (Guy Madison), le meneur du groupe, Brick (Brian Keith), le colosse, Roy (Alvy Moore), le rigolo et Ronnie (Kerwin Mathews) l’intellectuel. Ils assistent à une tentative de braquage, rapidement mise en échec par la sécurité de l’établissement. Le groupe reprend la route et roule toute la nuit pour rejoindre la faculté de droit. C’est alors que Ronnie se met en tête de réaliser le crime parfait, en l’occurrence le braquage du casino de Reno que l’on dit impossible à dévaliser. Il commence à en parler à ses potes. Al retrouve sa petite amie Kay (Kim Novak), devenue chanteuse dans un nightclub. On apprend alors que Brick et Al ont fait la guerre de Corée et ont été rendus à la vie civile. Un lien les unit puisque Brick a sauvé la vie de son ami. Mais Brick est aussi revenu traumatisé et sujet à d’incontrôlables explosions de colère. Ayant passé un long séjour en hôpital psychiatrique, Brick s’est juré de ne jamais y retourner. Le casse prévu par Ronnie pourrait lui apporter une nouvelle protection. Seulement Ronnie ne souhaite réaliser ce coup que pour la beauté du geste. Brick entreprend alors de menacer sa bande d’amis à l’aide d’un revolver et les oblige à braquer ce casino en gardant le butin.

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S’il ne manque pas d’intérêt, On ne joue pas avec le crime est une œuvre qui manque d’enjeux dramatiques durant une bonne partie du film (en gros tout ce qui se passe à l’université) et qui s’avère souvent plombée par des dialogues trop abondants et explicatifs. De plus, Guy Madison manque vraiment de charisme et passe son temps à lever un sourcil, puis l’autre, avant d’emballer la sublime Kim Novak (tout juste révélée par le superbe Du plomb pour l’inspecteur de Richard Quine), dont le rôle de jolie minette qui pousse la chansonnette (en playback) est bien trop limité pour finalement retenir l’attention. Ajoutez à cela un humour maladroit qui pousse parfois le film dans une autre direction, ainsi que le choix maladroit d’un quatuor d’acteurs trop âgés pour jouer des étudiants. En revanche, l’interprétation de Brian Keith (Cher oncle Bill, Reflets dans un œil d’or, Nevada Smith) vaut vraiment le détour. Bâti comme une armoire à glace, le comédien apporte néanmoins une grande fragilité à son personnage de Brick, revenu cassé de la guerre de Corée, prêt à exploser à n’importe quel moment. Si Al parvient à le canaliser, les démons de Brick finiront par prendre le dessus par peur de retourner à l’asile où il a subi de nombreux chocs électriques.

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Finalement, On ne joue pas avec le crime est plus un drame qu’un film de casse, même si celui-ci est bien organisé et même passionnant dans les dernières vingt minutes, avec une apparition de William Conrad. Nous retiendrons aussi le dernier affrontement Al/Brick qui se déroule dans le décor singulier d’un parking mobile, impeccablement utilisé par Phil Karlson à travers des angles très recherchés. Cette séquence rappelle dans une moindre mesure, la scène finale du formidable Mission : Impossible – Protocole fantôme de Brad Bird.

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LE DVD

Disponible chez Sidonis Calysta, On ne joue pas avec le crime intègre la collection Film Noir. Le visuel de la jaquette est très attractif et soigné, tout comme la sérigraphie du DVD. Le boîtier est glissé dans un surétui cartonné. Le menu principal est quant à lui animé et musical.

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Comme bien souvent, Bertrand Tavernier commence sa présentation d’On ne joue pas avec le crime (16′) en se remémorant la première fois qu’il a vu le film en compagnie de ses amis étudiants du ciné-club Nickelodéon qu’ils avaient alors créé. Si le réalisateur et historien du cinéma a pu parfois changer d’avis sur un film au cours de sa vie, il déclare ici que le film de Phil Karlson l’a toujours déçu et laissé sceptique. Dans un premier temps, Bertrand Tavernier évoque comment Kim Novak divisait à la fois les critiques et les cinéphiles. Ensuite, il en vient à Phil Karlson, cinéaste qu’il aime tout particulièrement pour ses excellentes séries B, tout en passant en revue quelques-uns de ses films les plus marquants. Même s’il n’aime pas vraiment On ne joue pas avec le crime, Bertrand Tavernier en tire néanmoins quelques points positifs, notamment le final dans le casino, ainsi que l’interprétation de Brian Keith, un grand acteur, toujours parfait selon lui, et malheureusement trop souvent oublié aujourd’hui. Comme à son habitude, Guy Madison en prend plein son grade, chaque fois qu’un de ses films est passé au peigne fin par Tavernier. Le scénario est également observé à la loupe, tout comme la construction du film.

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Cette présentation est suivie de celle de François Guérif (13′). Le critique de cinéma, éditeur et directeur de la collection Rivages/Noir n’est guère plus enthousiaste que son confrère sur On ne joue pas avec le crime. Spécialiste du roman noir, François Guérif rappelle que le film de Phil Karlson est adapté du roman 5 Against the House, sorti en France dans la collection Série noire sous le titre Néant à roulettes. Il loue ensuite la réussite du décor du parking mobile et de l’interprétation de Brian Keith, tout en critiquant le jeu de Guy Madison, l’abondance des dialogues et le fait que les acteurs soient bien trop âgés pour incarner des étudiants.

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L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et une galerie de photos.

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L’Image et le son

La restauration du film est indéniable, toutes les scories, tâches, poussières et rayures verticales ont été purement et simplement éradiquées. Si le piqué manque parfois de mordant, la gestion du grain original demeure solide et bien gérée. Le N&B est de très belle tenue avec des noirs suffisamment denses, des blancs lumineux et des contrastes solides. Mention spéciale à certains gros plans, nets et précis, bien détaillés. La copie 1.66 (16/9 compatible 4/3) affiche une remarquable stabilité.

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Seule la version originale sous-titrée en français est disponible sur cette édition. Ce mixage s’avère particulièrement riche, dynamique, sans aucun souffle et étonne par sa précision, surtout sur les scènes de casino avec des effets foisonnants. Un confort acoustique largement assuré. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale.

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Crédits images : © Sidonis Calysta / Captures DVD : Franck Brissard

Test DVD / Nos souvenirs, réalisé par Gus Van Sant

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NOS SOUVENIRS (The Sea of Trees) réalisé par Gus Van Sant, disponible en DVD le 31 août 2016 chez M6 Vidéo

Acteurs : Matthew McConaughey, Naomi Watts, Jordan Gavaris, Katie Aselton, Ken Watanabe, James Saito

Scénario : Chris Sparling

Photographie : Kasper Tuxen

Musique : Mason Bates

Durée : 1h45

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Alors qu’il semble décidé à mettre fin à ses jours dans la forêt d’Aokigahara, au pied du Mont Fuji, Arthur Brennan se remémore les moments les plus marquants de sa vie de couple : sa rencontre avec sa femme Joan, leur amour, mais aussi l’usure de leur couple et leur éloignement progressif. Paradoxalement, une épreuve dramatique va leur ouvrir les yeux, renforcer leurs sentiments et les réunir à nouveau.
Alors qu’il revit ses souvenirs de couple, Arthur réalise comme cette passion a marqué sa vie…

THE SEA OF TREES

Avec Nos souvenirs, Gus Van Sant signe son neuvième long métrage en quinze ans. Palme d’or et Prix de la mise en scène au 56e Festival de Cannes pour Elephant, Prix du 60e anniversaire au Festival de Cannes 2007 pour Paranoid Park et Mention spéciale du jury au 63e Festival de Berlin pour Promised Land, la carrière du cinéaste américain était alors au beau fixe et ses films portés par une critique élogieuse. Personne n’est parfait et il fallait bien qu’un jour GVS fasse un faux pas et de ce point de vue-là Nos souvenirs, présenté en compétition officielle au Festival de Cannes en 2015 sous le titre français La Forêt des songes, est disons-le un vrai et grand navet.

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S’il s’était déjà intéressé aux derniers jours d’un homme dans Last Days, dont le personnage principal interprété par Michael Pitt était inspiré de Kurt Cobain, Gus Van Sant se focalise ici sur un quadra américain qui vient de perdre sa femme et qui a décidé de mettre fin à ses jours au Japon, dans la forêt labyrinthique et luxuriante d’Aokigahara, visiblement prisée par les personnes désirant mourir. Située au pied du Mont Fuji, cet océan constitué d’arbres – le titre original est d’ailleurs The Sea of Trees – considéré comme un des plus beaux endroits du monde, engloutit les âmes désespérées au point que les corps des suicidés ne sont jamais retrouvés ou presque. C’est l’occasion pour Arthur (Matthew McConaughey) de dresser le bilan de sa vie. Les flashbacks commencent à s’enchaîner, le montrant avec sa femme Joan (Naomi Watts). Un couple plutôt aisé, mais que la vie a rendu morne et triste. Joan dissimule son penchant pour l’alcool comme elle le peut et les relations entre le mari et la femme sont de plus en violentes. C’est alors que Joan se fait diagnostiquer une tumeur au cerveau. Arthur accompagne sa femme dans cette épreuve, d’autant plus que l’opération envisagée lui laisse une chance sur deux.

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Nos souvenirs apparaît comme un film-somme entre Restless, Gerry et Last Days, avec un homme perdu dans une Vallée de la Mort (même si la contrée n’est pas hostile ici) dont la femme est atteinte d’un mal quasi-incurable. Mais Nos souvenirs se rapproche plus d’un roman de Marc Lévy avec une écriture étonnamment maladroite. Sur un scénario original de Chris Sparling, scénariste du très réussi Burried de Rodrigo Cortés et réalisateur du mauvais Projet Atticus, les effets risibles s’enchaînent, rendant le film involontairement comique. La Palme revient à Matthew McConaughey, devenu une autocaricature de lui-même en quelques films. Son personnage, irritant et jamais attachant, se met à reconsidérer et à se réconcilier avec sa vie, réfléchit (en plissant les yeux derrière ses lunettes cassées) pour retrouver son chemin, sauf que la forêt a visiblement décidé de ne pas le laisser repartir aussi facilement. D’autant plus qu’il y fait la rencontre d’un homme japonais (Ken Watanabe) qui lui aussi avait décidé de passer l’arme à gauche, mais s’est finalement raccroché à la vie tout en perdant également le chemin vers la sortie. Mais cet homme est-il réel ou le fruit de son imagination à la dérive après avoir absorbé quelques cachets ? De son côté, Naomi Watts devient également experte dans l’art de pleurer que d’un œil et la bouche ouverte.

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Accueilli froidement par les critiques et sous les huées des spectateurs à Cannes, Nos souvenirs, tout d’abord envisagé comme un film d’horreur (véridique) est un véritable accident de parcours pour Gus Van Sant qui signe un mélodrame bourré de poncifs, mièvre et pathétique, grossier, interminable, indigne de lui, maladroitement mis en scène (et pourtant sublimement photographié), surtout lorsque l’histoire flirte légèrement avec le fantastique-mystique et que les violons ne s’arrêtent plus en fond sonore. A l’origine prévue en automne 2015, la sortie du film en France a été repoussée au printemps 2016 et le film présenté dans un montage et un titre différents. Cela n’a pas empêché Nos souvenirs de se solder par un échec grave et cinglant au box-office international.

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LE DVD

Le test du DVD de Nos souvenirs, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le visuel diffère par rapport à celui de l’affiche française. Exit Ken Watanabe, la jaquette se focalise sur Matthew McConaughey et Naomi Watts. Si son visage apparaissait de profil sur l’affiche, la comédienne est ici de face afin qu’on puisse bien la reconnaître. Mention spéciale au sous-titre « Dites aux gens que vous les aimez tant qu’il est encore temps ». C’est beau comme une chanson de Sexion d’Assaut.

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En plus de la bande-annonce, l’éditeur livre un condensé d’interviews (16’) diverses et variées des comédiens Naomi Watts et Matthew McConaughey, du scénariste et producteur Chris Sparling, du producteur Ken Kao, du costumier Danny Glicker, du coordinateur Joe Rotando et du directeur de production Kevin Halloran. Chacun se présente face à la caméra, à l’exception de Matthew McConaughey qui suppose que tout le monde doit le connaître. Ces entretiens promotionnels enchaînent les propos sans intérêt du style «le scénario était formidable » « un tel est amazing », les thèmes du film sont à peine abordés. Les intervenants couvrent Gus Van Sant de lauriers. D’ailleurs, on aurait bien aimé quelques propos de ce dernier à se mettre sous la dent pour savoir s’il est bien le responsable de ce film !

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L’Image et le son

En vue de l’échec dans les salles (euphémisme), Nos souvenirs ne dispose pas d’une édition HD. Heureusement le DVD est de fort bonne qualité et permet d’admirer la photo du chef opérateur danois Kasper Tuxen, la seule chose à sauver du film d’ailleurs, avec sa belle luminosité et ses contrastes duveteux toujours plaisants pour les mirettes sur les scènes en forêt. Si les séquences sombres dénotent par rapport au reste avec un léger fléchissement de la définition, des noirs tirant sur le bleu et un piqué plus émoussé, les scènes diurnes sont agréables avec des détails plus ciselés, une profondeur de champ appréciable, un léger grain et des visages plus précis.

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Nos souvenirs n’est pas un film à effets et les mixages français et anglais Dolby Digital 5.1 ne font pas d’esbroufe inutile. L’essentiel de l’action est canalisé sur les enceintes avant, même si chacune des séquences en forêt s’accompagne inévitablement d’ambiances naturelles sur les latérales avec notamment le bruissement du vent dans les feuilles. Il en est de même pour la composition de Mason Bates, systématiquement mise en valeur par l’ensemble des enceintes. Les voix demeurent solidement délivrées par la centrale, bien que la version française demeure moins ardente que son homologue. Les deux pistes Stéréo sauront contenter ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière.

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Crédits images : © M6 Vidéo

Test Blu-ray / Café Society, réalisé par Woody Allen

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CAFE SOCIETY réalisé par Woody Allen, disponible en Blu-ray et DVD le 13 septembre 2016 chez Studiocanal

Acteurs : Jesse Eisenberg, Kristen Stewart,Steve Carell, Blake Lively, Parker Posey, Corey Stoll, Ken Stott, Anna Camp

Scénario : Woody Allen

Photographie : Vittorio Storaro

Durée : 1h36

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

New York, dans les années 30. Coincé entre des parents conflictuels, un frère gangster et la bijouterie familiale, Bobby Dorfman a le sentiment d’étouffer ! Il décide donc de tenter sa chance à Hollywood où son oncle Phil, puissant agent de stars, accepte de l’engager comme coursier. À Hollywood, Bobby ne tarde pas à tomber amoureux. Malheureusement, la belle n’est pas libre et il doit se contenter de son amitié.
Jusqu’au jour où elle débarque chez lui pour lui annoncer que son petit ami vient de rompre. Soudain, l’horizon s’éclaire pour Bobby et l’amour semble à portée de main…

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La vie est une comédie écrite par un auteur sadique 

Oublions l’escapade italienne de To Rome With Love, car Woody Allen a prouvé qu’il en avait encore sérieusement sous le capot avec Blue Jasmine, tourné durant l’été 2012, qui s’est avéré être un nouveau chef d’oeuvre à accrocher à son palmarès, en plus de valoir à Cate Blanchett l’Oscar de la meilleure actrice. Les deux comédies suivantes avec la lumineuse Emma Stone, la première légère Magic in the Moonlight et la seconde plutôt noire et grinçante L’Homme irrationnel, ont également été d’excellents crus, confirmant la bonne santé et l’inspiration toujours galopante de Woody Allen. A l’instar de Blue Jasmine, son dernier-né Café Society, expression qui renvoie au milieu des mondains, artistes et personnalités qui fréquentaient les cafés et les restaurants à la mode à New York, Paris et Londres, entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, fait la navette entre la Californie et New York, mais en emmenant les spectateurs dans les années 1930, plus précisément dans le monde du cinéma.

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Après L’Homme irrationnel, Parker Posey est de retour devant la caméra du cinéaste mais dans un rôle secondaire, au contraire de Jesse Eisenberg qui apparaissait dans un segment de To Rome With Love et qui devient ici la tête d’affiche. Blake Lively et Kristen Stewart font leur première apparition devant la caméra de Woody Allen. De son côté, l’excellent Steve Carell remplace finalement Bruce Willis qui a « officiellement » lâché l’équipe quatre jours après le début du tournage pour aller créer à Boradway la pièce Misery adaptée du roman de Stephen King. En réalité, le comédien a purement et simplement été viré par Woody Allen en raison d’un comportement inapproprié et de son incapacité à se souvenir de ses répliques. Présenté au Festival de Cannes 2016 hors-compétition, Café Society n’est pas un mauvais film du plus célèbre réalisateur new-yorkais, mais le casting féminin est un des plus faibles de toute sa filmographie. Gros mauvais point pour Kristen Stewart, qui n’a pas l’aura d’une jeune femme des années 1930, qui semble constamment embarrassée de ses bras et dont le jeu bourré de tics agace profondément. Si leurs collaborations fonctionnaient dans Adventureland : Un job d’été à éviter (2012) et American Ultra (2015), les retrouvailles Stewart/Eisenberg ne fonctionnent pas ici. Là où la première est constamment empruntée et pour ainsi dire anachronique, Jesse Eisenberg lui se fond parfaitement dans son rôle avec un jeu très inspiré du cinéaste lui-même. Par conséquent, les scènes où Stewart/Eisenberg se donnent la réplique paraissent déséquilibrées et sonnent faux tout du long.

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Histoire divisée en deux parties, entre Hollywood et New York, Café Society marque la première association entre Woody Allen et le chef opérateur Vittorio Storaro, oscarisé pour Apocalypse Now, Reds et Le Dernier Empereur, mais c’est aussi le premier film du cinéaste tourné au format 2.00:1 et surtout le premier réalisé en numérique ! A 80 ans, Woody Allen parvient encore à se renouveler. Heureusement, Café Society ne se résume pas à cette dimension technique et à sa beauté plastique, puisque même si Kristen Stewart s’avère un choix hasardeux et que Blake Lively manque également de crédibilité, beaucoup d’éléments sont très réussis comme les dialogues irrésistibles et le portrait de Bobby. Jeune homme timide de confession juive, il quitte le Bronx pour la Californie, plein de bonnes volontés afin de trouver un job auprès de Phil (Steve Carell), son oncle, puissant imprésario. Bobby tombe rapidement amoureux de Vonnie, la secrétaire de Phil. Mais il ne sait pas que Vonnie est en réalité la maîtresse de son oncle. Bobby ira d’espoirs en désillusions, sur le monde du spectacle mais également sur les relations amoureuses et décide de rentrer sur la côte Est pour ouvrir un club à la mode avec son frère en plein centre de Manhattan. Jesse Eisenberg porte le film d’un bout à l’autre grâce à son immense talent, son charisme, son énergie, sa sensibilité qui emportent tout. Retenons également la formidable séquence, sans doute la meilleure du film, où Bobby se retrouve face à Candy, interprétée par l’excellente Anna Camp, une des révélations des deux Pitch Perfect. Candy est une jeune prostituée, en réalité une aspirante actrice obligée de se lancer dans cette activité pour payer son loyer, étant également mise face aux réalités quant au mythe Hollywoodien. Désarçonné, Bobby décide de l’aider, puis les deux entament une conversation désopilante, véritable court-métrage à part entière au milieu de l’intrigue.

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Le dernier tiers new-yorkais est également le plus marquant avec un final bouleversant, mélancolique, inattendu, qui rattrape les quelques points faibles mentionnés précédemment. Café Society est une œuvre élégante mais cynique sur le monde du cinéma – d’ailleurs Woody Allen en assure lui-même la narration en voix-off – et sur ses mirages qui entament les sentiments les plus purs.

LE DISQUE

Le test de l’édition HD de Café Society a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

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Pas même une bande-annonce n’est disponible en guise de supplément.

L’Image et le Son

Studiocanal se devait d’offrir un service après-vente remarquable pour la sortie dans les bacs du premier film de Woody Allen réalisé en numérique avec la caméra Sony CineAlta. L’éditeur prend soin de Café Society et livre un master HD (1080p) quasi-irréprochable au transfert immaculé. Respectueuse des volontés artistiques originales concoctées par l’immense directeur de la photographie Vittorio Storaro (L’oiseau au plumage de cristal, 1900, Ladyhawke, la femme de la nuit), la copie de Café Society se révèle un petit bijou technique avec des teintes chaudes, ambrées et dorées, une palette chromatique spécifique, le tout soutenu par un encodage de haute volée. Le piqué, tout comme les contrastes, sont riches et tranchants, les arrière-plans sont détaillés, le relief omniprésent et les détails foisonnants. Hormis quelques légers fléchissements sur les scènes sombres, cette édition Blu-ray en met souvent plein la vue.

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Deux mixages DTS-HD Master Audio 5.1 français et anglais. L’apport des latérales demeure complètement anecdotique. Si les dialogues de la version française sont dynamiques, ils tendent à prendre le pas sur les ambiances annexes et l’ensemble manque de naturel. La piste anglaise est évidemment celle à privilégier, d’autant plus que la musique, les voix, les ambiances et effets s’accordent avec une réelle homogénéité, mais essentiellement sur la scène frontale. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale.

L’éditeur joint également une piste Audiodescription ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

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Crédits images : © Studiocanal

Test Blu-ray / Under Pressure, réalisé par Anna Boden et Ryan Fleck

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UNDER PRESSURE (Mississippi Grind) réalisé par Anna Boden et Ryan Fleck, disponible en Blu-ray et DVD le 12 octobre 2016 chez Condor Entertainment

Acteurs : Ryan Reynolds, Ben Mendelsohn, Sienna Miller, Analeigh Tipton, Yvonne Landry, James Toback

Scénario : Anna Boden, Ryan Fleck

Photographie : Andrij Parekh

Musique : Scott Bomar

Durée : 1h45

Date de sortie initiale : 2015

LE FILM

Malchanceux et fauché, Gerry s’associe avec un joueur charismatique de poker plus jeune, Curtis, afin de retrouver enfin la chance. Les deux hommes se lancent alors dans un voyage vers les routes du Sud des États-Unis avec des visions de lointaines victoires passées.

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Anna Boden et Ryan Fleck sont respectivement la scénariste et le réalisateur de l’acclamé Half Nelson, qui a connu un grand succès en 2006. Couvert de récompenses dont le Prix spécial du jury à Deauville et à Locarno, le film a également été nommé dans les festivals du monde entier, en offrant même à Ryan Gosling sa première nomination aux Oscars du meilleur acteur. Désormais associés à la mise en scène, Anna Boden et Ryan Fleck réalisent Sugar en 2008, inédit en France et Une drôle d’histoire en 2010 avec Zach Galifianakis, sorti directement en DVD dans nos contrées. Même chose pour leur dernier film, Mississippi Grind, qui arrive dans les bacs sans passer par la case cinéma. Rebaptisé Under Pressure, ce très beau drame mélancolique (jusque dans sa bande-son blues et folk) est étrangement vendu comme un film d’action avec Ryan Reynolds, dont le visage tuméfié qui semble prêt à en découdre, remplit tout le visuel de la jaquette. De même, le résumé du film mentionne à peine le personnage incarné par Ben Mendelsohn alors que ce dernier a bel et bien le premier rôle. Mais il faut bien vendre un film…Toujours est-il qu’Under pressure raconte l’histoire de Gerry (Ben Mendelsohn), quadra au bout du rouleau, accro aux jeux d’argent, endetté, divorcé et père d’une fille qu’il ne voit jamais. Un soir, autour d’une table de poker, il rencontre Curtis (Ryan Reynolds donc), séduisant trentenaire, également expert aux cartes. Roublard, charismatique, enfiévré, il s’attache rapidement à Gerry et souhaite lui venir en aide. Visiblement solitaire et ayant pas mal bourlingué, Curtis propose à Gerry de prendre la route et de tenter ailleurs de remporter le gros lot.

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Né en Australie en 1969, Ben Mendelsohn a su s’imposer au fil des années comme un des comédiens les plus fascinants en activité. S’il demeure essentiellement connu dans son pays natal, le grand public a pu l’apercevoir dans Vertical Limit de Martin Campbell, Le Nouveau monde de Terrence Malick, Australia de Baz Luhrmann, mais c’est son rôle d’oncle psychopathe dans Animal Kingdom de David Michôd qui lui ouvre encore plus grand les portes du cinéma hollywoodien. Depuis Ben Mendelsohn a collaboré avec Joel Schumacher, Andrew Dominik, Christopher Nolan, Derek Cianfrance, Anne Fontaine et Ridley Scott et Danny Rayburn dans la série Bloodline. Avant de décrocher un des rôles principaux dans le très attendu Rogue One: A Star Wars Story de Gareth Edwards, Ben Mendelsohn tourne ce petit Mississippi Grind. Magnétique, bouleversant, dingue de charisme, l’acteur a peu à faire pour créer l’empathie avec les spectateurs.

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A ses côtés, Ryan Reynolds trouve un de ses plus beaux rôles à ce jour. Il est d’ailleurs étonnant de voir comment le jeu du comédien canadien a su s’affirmer depuis quelques années. Il est ici d’une étonnante et belle sobriété, très élégant. L’excellente Sienna Miller apparaît également au casting, encore une fois métamorphosée et qui a toujours le don de rendre ses personnages marquants même avec peu de temps à l’écran. Dans un tout petit rôle, Analeigh Tipton, révélation de Crazy, Stupid, Love. de John Requa et Glenn Ficarra en 2011, change ici de registre et s’avère remarquable dans le genre dramatique.

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Under Pressure est un film lent, plein de spleen, mais dans lequel on se sent bien et qui donne envie de se battre contre tout ce qui peut nous tomber sur la tête. L’histoire est simple, tout comme la manière dont sont abordés les sentiments, mais Under Pressure nous transporte avec les personnages (qui se dévoilent petit à petit), lancés sur les routes de la Nouvelle Orleans, en Alabama, en Iowa et dans le Massachusetts, comme si le temps était suspendu voire s’était arrêté il y a plusieurs décennies. C’est là toute la grande réussite de ce petit film qui avec sa sincérité, sa douceur et sa sensibilité, sans oublier l’alchimie entre les deux comédiens, mérite la plus large audience possible.

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LE BLU-RAY

Bien que Ben Mendelsohn soit l’acteur principal du film, il n’apparaît pas sur le visuel principal de la jaquette et son nom n’est même pas mentionné ! La part belle est faite à Ryan Reynolds, plus vendeur, surtout depuis le carton de Deadpool. De plus, avec son titre « français » Under Pressure et la trogne cassée de Ryan Reynolds qui occupe les 2/3 du visuel, cette jaquette induit en erreur puisque le film est bel et bien un drame et surtout pas un film d’action ou un thriller. Le menu principal est animé et musical.

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Seul supplément de cette édition, un excellent making of (17′). Composé de nombreuses images de tournage et de propos de l’équipe (les réalisateurs, les acteurs, les producteurs), ce documentaire s’avère dans le ton du film et expose posément les thèmes, les enjeux, les personnages, ainsi que les conditions de tournage.

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L’Image et le son

Le Blu-ray d’Under Pressure est proposé au format 1080i. Tourné en 35mm avec un petit budget, ce Blu-ray rend compte des conditions modestes d’un film indépendant, qui peine à trouver un équilibre en Haute-Définition. Si l’on est d’abord séduit par le rendu de la colorimétrie, force est de constater que la définition chancelle à plusieurs reprises. Le piqué manque singulièrement de mordant, tout comme les détails, notamment au niveau des visages des comédiens. Le codec tente de consolider certains plans avec difficulté, surtout sur les quelques séquences sombres. De plus, la profondeur de champ est décevante, quelques fourmillements sensibles s’invitent à la partie, la gestion des contrastes étant au final aléatoire. Toutefois, certains plans sortent aisément du lot avec un relief indéniable et une clarté plaisante sur les séquences diurnes.

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Ne vous attendez pas à des explosions ou des effets surround fulminants, mais les mixages DTS-HD Master Audio 5.1 permettent de spatialiser la musique du film. Cependant, les dialogues auraient peut-être gagné à être un poil plus alerte sur la centrale et l’ensemble demeure essentiellement frontal en dehors des quelques plages musicales. Les ambiances naturelles se font parfois ressentir et la balance des enceintes avant et arrière est plutôt bien équilibrée, surtout sur les scènes de casino et de courses. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue verrouillé à la volée.

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Crédits images : © Condor Entertainment / Captures Blu-ray : Franck Brissard

 

Test Blu-ray / Julieta, réalisé par Pedro Almodóvar

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JULIETA réalisé par Pedro Almodóvar, disponible en Blu-ray et DVD le 23 septembre 2016 chez Pathé

Acteurs : Emma Suárez, Adriana Ugarte, Daniel Grao, Inma Cuesta, Rossy de Palma, Darío Grandinetti, Michelle Jenner…

Scénario : Pedro Almodóvar d’après trois nouvelles du recueil Fugitives d’Alice Munro

Photographie : Jean-Claude Larrieu

Musique : Alberto Iglesias, Chavela Vargas

Durée : 1h37

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Julieta s’apprête à quitter Madrid définitivement lorsqu’une rencontre fortuite avec Bea, l’amie d’enfance de sa fille Antía la pousse à changer ses projets. Bea lui apprend qu’elle a croisé Antía une semaine plus tôt. Julieta se met alors à nourrir l’espoir de retrouvailles avec sa fille qu’elle n’a pas vue depuis des années. Elle décide de lui écrire tout ce qu’elle a gardé secret depuis toujours.
Julieta parle du destin, de la culpabilité, de la lutte d’une mère pour survivre à l’incertitude, et de ce mystère insondable qui nous pousse à abandonner les êtres que nous aimons en les effaçant de notre vie comme s’ils n’avaient jamais existé.

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En 2011, Pedro Almodóvar signait un de ses chefs d’oeuvre, La Piel que habito, plus complexe, minimaliste, épuré et austère que ses précédents longs métrages, une véritable rupture avec ses superbes mélodrames qui ont fait son immense succès à travers le monde. Thriller organique traumatisant, croisement entre Franju et Hitchcock, porté par un Antonio Banderas glacial et glaçant et l’interprétation hallucinante d’Elena Anaya, La Piel que habito était un sommet dans la carrière du réalisateur espagnol. Ayant néanmoins déçu une partie de son public de base, Pedro Almodóvar revenait deux ans plus tard avec Les Amants passagers, pour lequel il renouait avec son genre de prédilection, la comédie chorale loufoque et bordélique période Movida. Ce 19e long métrage se révélait être le pire de sa filmographie. Rien ou presque ne fonctionnait dans ce retour à la fantaisie, véritable naufrage artistique. Heureusement, Les Amants passagers s’apparentait à une récréation. C’est peu dire qu’on attendait des nouvelles du vingtième film de Pedro Almodóvar après son indigeste cocktail rose-bonbon de sexe, de drogue, d’anxiolytiques, de champagne-vodka-mescaline-jus d’orange et de musique pop des années 1980 ! Et disons-le immédiatement, Julieta est un nouveau chef d’oeuvre à inscrire à son palmarès !

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Le cinéaste adapte trois nouvelles du recueil Fugitives (2004) d’Alice Munro, Hasard, Bientôt et Silence, toutes ayant comme point commun le personnage de Juliette. Pedro Almodóvar a donc imaginé comment rattacher ces trois histoires distinctes, pour qu’elles puissent en former une seule, afin que naisse le destin de Juliette, rebaptisée ici Julieta. L’histoire originale se situait à Vancouver. Ayant envisagé un temps de tourner son film en anglais et à New York, le metteur en scène a finalement préféré revenir à sa langue et à sa culture natales avec des prises de vues réalisées en Espagne. Pedro Almodóvar s’approprie l’histoire originale pour livrer un des plus beaux portraits de femmes de sa filmographie, et pourtant Dieu sait que de merveilleux personnages féminins ont déjà jalonné sa carrière. Julieta est un drame sensible, fragile comme du cristal, sur lequel plane un parfum de mystère. Pourquoi une jeune fille, Antía, a-t-elle disparu du jour au lendemain et n’a plus donné signes de vie à sa mère Julieta, ni même expliqué les raisons de son départ ? La belle cinquantaine, Julieta (Emma Suárez) ne s’est jamais remise de cette disparition et a dû apprendre à continuer à vivre avec l’incompréhensible, la douleur et l’inacceptable. Jusqu’au jour où la rencontre avec une amie d’enfance de sa fille, qui affirme l’avoir vue en Italie, remet en question son départ pour le Portugal avec son compagnon. Julieta entreprend alors d’écrire à sa fille et de se livrer comme elle ne l’a jamais fait, sur sa jeunesse jusqu’à sa rencontre avec l’homme de sa vie, le père d’Antía. Par flashbacks, nous découvrons alors la jeune Julieta, incarnée cette fois par Adrianna Ugarte. Deux actrices pour le même personnage à un âge différent, le cinéaste ayant peu confiance dans les maquillages supposés vieillir.

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Et Pedro Almodóvar de nous hypnotiser avec ses couleurs, les visages de ses sublimes comédiennes, son récit à tiroirs dans lequel s’enchevêtrent les époques – magnifique passage de relais – et les destins, la délicatesse de chaque geste esquissé ou avorté, ses scènes d’amour passionnées pour faire face à la mort et la fatalité, la beauté insondable des dialogues, tandis que le cinéaste instaure un suspense palpable et une réflexion universelle et bouleversante sur le deuil impossible. Forcément tragique, mais également constamment chaleureux et ensoleillé puisque les astres demeurent mais ne meurent jamais, Julieta est un des récits les plus poignants, gracieux et courageux du réalisateur ibérique qui ne cède jamais au pathos et nous donne furieusement envie de prendre dans nos bras son héroïne intensément romanesque.

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LE BLU-RAY

La jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur bleue, reprend le visuel de l’affiche française d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.

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Pathé va droit à l’essentiel, mais les fans du cinéaste risquent de déchanter. En premier lieu nous trouvons deux entretiens croisés de Pedro Almodóvar et de la comédienne, l’autre avec Adrianna Ugarte. Cinq petites minutes durant lesquelles les intervenants s’expriment sur les intentions et les partis pris, les personnages, les thèmes et l’esthétique du film.

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En guise de making of vous trouverez un clip de 11 minutes compilant de nombreuses images du tournage montrant les coulisses, les répétitions, Pedro Almodóvar avec ses comédiens. Surtout, ne visionnez pas ces images avant d’avoir vu le film puisque de nombreuses scènes clés y sont dévoilées !

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L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Pathé nous livre un remarquable master HD de Julieta. Pour la seconde fois de sa carrière, Pedro Almodóvar réalise un film avec des caméras numériques et cela se ressent à l’image. Les contrastes sont tranchants, le piqué saisissant, les détails abondent sur tous les plans, le relief est palpable, la colorimétrie est étincelante et chatoyante. A part quelques petites saccades sur les mouvements rapides et divers plans trop surexposés, la compression AVC n’est jamais prise en défaut, la définition demeure spectaculaire aussi bien dans les scènes en intérieur que dans les séquences en extérieur, bref nous nous trouvons devant un très beau Blu-ray.

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En espagnol comme en français, les pistes DTS-HD Master Audio 5.1 sont en parfaite adéquation avec le sujet, à la fois intimiste dans les dialogues, mais également saisissantes et immersives. Les enceintes sont intelligemment mises à contribution même si le cadre confiné restreint les effets latéraux, les voix sont saisissantes sur la centrale et le caisson de basses se mêle efficacement à la partie. Evidemment, la version originale se révèle plus fluide et limpide que son homologue française et demeure la piste à privilégier, mais était-ce bien nécessaire de le préciser ? Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue est verrouillé à la volée.

L’éditeur joint également une piste Audiovision ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

julieta9Copyright El Deseo – Manolo Pavón / Captures du Blu-ray : Franck Brissard

Chronique du Blu-ray / La Vengeance de l’Homme invisible, réalisé par Ford Beebe

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LA VENGEANCE DE L’HOMME INVISIBLE (The Invisible Man’s Revenge) réalisé par Ford Beebe, disponible en combo Blu-ray/DVD le 21 septembre 2016 chez Elephant Films.

Acteurs : Jon Hall, Leon Errol, John Carradine, Alan Curtis, Evelyn Ankers, Gale Sondergaard

Scénario : Bertram Millhauser

Photographie : Milton R. Krasner

Musique : Hans J. Salter

Durée : 1h17

Date de sortie initiale : 1944

LE FILM

Robert Griffin a été dupé et laissé pour mort en Afrique par certains collègues il y a plusieurs années. Ayant survécu, le revanchard Griffin retourne en Angleterre où il rencontre un génial scientifique espérant tester une nouvelle formule spéciale. Sa vengeance est bientôt à portée de main. La folle injection du Docteur rend Robert invisible, lui permettant ainsi d’approcher discrètement ceux qui jadis l’avaient trahis. Griffin détruit systématiquement ses ennemis grâce à cette nouvelle faculté d’invisibilité, mais découvre que ses nouveaux pouvoirs ne peuvent pas être utilisés aussi facilement. Les effets secondaires commencent à se faire ressentir…

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Nous avions laissé notre Homme invisible s’échapper de Berlin dans L’Agent invisible contre la gestapo. Qu’allait-il lui arriver dans ses prochaines aventures ? Il faudra attendre deux ans pour que La Vengeance de l’Homme invisible The Invisible Man’s Revenge débarque sur les écrans américains en août 1944. Nous avons affaire à un nouvel Homme invisible, mais quelle est donc cette vengeance qui l’anime et qui donne son titre à ce cinquième opus de la franchise ? Dans ce formidable film noir fantastique, le protagoniste principal, devenu invisible grâce à un sérum révolutionnaire, va utiliser ce pouvoir pour se venger de quelques individus qui l’ont laissé pour mort au Tanganyika en le détroussant d’une fortune en diamants qui lui revenait de droit. Frappé à la tête et ayant souffert d’amnésie, désormais guéri et de retour d’Afrique dans son pays après avoir voyagé comme passager clandestin, rien ni personne n’arrêtera désormais Griffin dans sa quête de vengeance.

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Réalisé par un certain Ford Beebe (1888-1978), La Vengeance de l’Homme invisible poursuit la saga Universal Monsters – Invisible Man, tout en l’emmenant sur une nouvelle voie. Après la comédie, le film d’espionnage, le film de guerre, l’Homme invisible devient un véritable Edmond Dantès. Cet épisode emprunte au Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas et s’avère passionnant dans son mélange des genres. Curt Siodmak laisse cette fois sa place au scénariste Bertram Millhauser, auteur d’un Sherlock Holmes à Washington en 1943 ou du Caïd avec Humphrey Bogart en 1942. Le ton revient à celui des deux premiers films. En dehors de la scène très réussie des fléchettes, dans lequel l’Homme invisible aide un complice bien imbibé à remporter un tournoi, l’humour y est beaucoup moins présent que dans les précédents volets. Après L’Agent invisible contre la gestapo, Jon Hall est de retour dans le rôle principal, même si le personnage est totalement différent. Plus froid dans son interprétation, le comédien campe un Robert Griffin – référence au protagoniste original même si sans aucun lien – inquiétant, manipulateur et déterminé à se venger de ceux qui l’ont doublé. C’est alors qu’il croise la route du Docteur Drury, incarné par l’immense John Carradine, qui l’utilise alors comme cobaye dans ses expériences visant l’invisibilité. Après avoir rendu un perroquet et deux chiens invisibles, il est temps pour lui de tenter de rendre un être humain invisible.

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Les effets spéciaux n’ont eu de cesse de s’améliorer de film en film, ce qui est encore le cas pour cet opus. La « présence » suggérée de l’Homme invisible reste réellement bluffante pour l’époque – à l’instar de la main dans l’aquarium ou le visage recouvert de farine – et ravit toujours les yeux aujourd’hui. L’intrigue est rondement menée, souvent passionnante. Mais il s’agit du dernier baroud d’honneur de cet Homme invisible chez Universal et il faudra attendre le début des années 1950 pour « revoir » cet être dématérialisé sur le grand écran aux côtés…d’Abbott et Costello dans Deux nigauds contre l’homme invisible.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de La Vengeance de l’Homme invisible, disponible chez Elephant Films dans la désormais impressionnante et indispensable collection Cinéma Monster Club, a été réalisé à partir d’un check-disc. L’édition HD est accompagnée du DVD dans un combo élégamment présenté. Le menu principal est animé et musical.

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Dans la section des suppléments, nous trouvons tout d’abord une présentation du film (6’) par le journaliste Jean-Pierre Dionnet. Comme à son habitude, ce dernier revient particulièrement sur le réalisateur, les scénaristes et le casting, ainsi que sur l’orientation originale de ce nouvel opus.

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On retrouve également un module où Dionnet expose le thème de l’Homme Invisible (13′), décliné à travers les arts, de la littérature (H.G. Wells bien sûr) et au cinéma, du film de James Whale en 1933, ses suites qui suivront dans les années 1940, tout en passant rapidement sur les films de John Carpenter et de Paul Verhoeven. Jean-Pierre Dionnet évoque également les effets spéciaux miraculeux de John P. Fulton.

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L’interactivité se clôt sur une galerie de photos, les credits du disque ainsi que les nombreuses bandes-annonces des films disponibles dans la même collection. Toutefois, ne figure pas celle de La Vengeance de l’Homme invisible !

L’Image et le son

Si l’on excepte quelques griffures, décrochages sur les fondus enchaînés et divers fourmillements sur les images composites des séquences comprenant des effets spéciaux, alors il n’y a rien à redire sur le master HD de La Vengeance de l’Homme invisible. Le N&B est riche, les noirs denses et les blancs lumineux, la copie affiche une stabilité enthousiasmante et les contrastes sont à l’avenant. Ce Blu-ray au format 1080p ravit les yeux et participe à la redécouverte de cette excellente franchise. Merci Elephant Films !

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La bande-son a également été restaurée en version originale, seule piste disponible sur cette édition, en DTS HD Dual Mono Mono 2.0. Les dialogues, tout comme la musique, demeurent propres et distincts. Le confort acoustique est très appréciable, sans souffle parasite ni craquements intempestifs.

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Crédits images : © Elephant Films

Chronique du DVD / Les Ogres, réalisé par Léa Fehner

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LES OGRES réalisé par Léa Fehner, disponible en DVD le 23 août 2016 chez Pyramide Vidéo

Acteurs : Adèle Haenel, Marc Barbé, François Fehner, Marion Bouvarel, Inès Fehner, Lola Dueñas, Philippe Cataix, Christelle Lehallier

Scénario : Léa Fehner, Catherine Paillé, Brigitte Sy

Photographie : Julien Poupard

Musique : Philippe Cataix

Durée : 2h16

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Ils vont de ville en ville, un chapiteau sur le dos, leur spectacle en bandoulière.
Dans nos vies ils apportent le rêve et le désordre.
Ce sont des ogres, des géants, ils en ont mangé du théâtre et des kilomètres.
Mais l’arrivée imminente d’un bébé et le retour d’une ancienne amante vont raviver des blessures que l’on croyait oubliées.
Alors que la fête commence !

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« Les comédiens ont installé leur tréteaux
Ils ont dressé leur estrade
Et tendu leur calicot
Les comédiens ont parcouru les faubourgs
Ils ont donné la parade
A grand renfort de tambour »

Charles Aznavour, Les Comédiens

Avec son premier long métrage Qu’un seul tienne et les autres suivront, primé au Festival de Deauville et Prix Louis Delluc, Léa Fehner, venue de la Fémis, s’élevait instantanément au rang des auteurs les plus prometteurs de sa génération. Film choral salué par la critique en décembre 2009, cette première œuvre avait été sélectionné aux César l’année suivante. Ambitieux et prometteur, remarquablement écrit, réalisé et interprété par des jeunes comédiens français talentueux (Vincent Rottiers, Pauline Etienne, Reda Kateb), mature et difficile par la dureté des thèmes abordés notamment sur le monde du parloir dans le milieu carcéral, Qu’un seul tienne et les autres suivront était un choc dans le cinéma français. Depuis, nous étions sans nouvelles de Léa Fehner, 28 ans à l’époque de son premier film. Les Ogres marque enfin son retour derrière la caméra.

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C’est un essai transformé, une explosion. Dans un autre genre, nous retrouvons la tension qui animait les protagonistes de son précédent long métrage. La force et l’énergie de ses acteurs est ici le sujet des Ogres, Swann d’or du meilleur film au Festival du film de Cabourg en 2016, et que l’on devrait normalement retrouver aux César en 2017. La caméra de Léa Fehner prend place au sein d’un théâtre itinérant. La réalisatrice connaît bien le sujet, ayant elle-même grandi dans ce milieu particulier dans les années 1990. Par ailleurs, ses parents comédiens sillonnent encore les routes de France comme Léa Fehner nous le montre dans son film, dans un véritable convoi de caravanes, plantant le chapiteau au gré de leur voyage. De l’aveu même de la cinéaste, c’est par peur de ces conditions de travail très précaires et difficiles qu’elle s’est ensuite tournée vers le cinéma. Jusqu’à ce que son enfance, ses gênes, lui inspirent ce deuxième film, que l’on peut aisément qualifier de chef d’oeuvre de l’année 2016. C’est un film qui bouscule, qui hurle, qui émeut, qui met mal à l’aise, qui rend heureux, qui agit comme un véritable uppercut. Ça se bat, ça baise, ça se rentre dans le lard, ça vit. Si Léa Fehner loue le courage et la passion qui anime les artisans du monde du théâtre itinérant, la tension est également omniprésente. Elle se fait sentir du début à la fin, comme une montée d’adrénaline avant d’entrer en scène, qui ne vous lâche plus. La vie et le théâtre s’entremêlent, pour les comédiens le théâtre est leur vie, les sentiments s’exacerbent. C’est beau, c’est même magnifique, on est même aux larmes à la fin sans que l’on puisse expliquer pourquoi.

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Les Ogres est un film étourdissant porté des acteurs magnifiques, Marc Barbé et Adèle Haenel en tête. Le titre renvoie évidemment à l’appétit de vivre des gens du théâtre itinérant, mais aussi à ces mêmes personnes, hommes et femmes, qui en voulant avaler le monde se font évidemment autant de mal que de bien à vivre ensemble. Les dialogues sont parfois vraiment difficiles, tout comme certaines situations inconfortables, à l’instar de cette « mise aux enchères » de Marion, la femme du metteur en scène, dont l’infidélité de son mari avec une femme plus jeune, lui a ôté la flamme, la passion et même l’envie de vivre. Léa Fehner indique « Ces ogres de vie sont aussi capables de bouffer les autres et de prendre toute la place ! Mais c’est aussi ça qui peut devenir passionnant : donner à voir des êtres puissants et drôles, indignes et inconséquents, foutraques et amoureux. Traquer l’ambivalence. D’une certaine manière, parler des ogres c’est aussi se rendre compte que cette question de la démesure a autant à voir avec le théâtre itinérant qu’avec l’intimité des familles : comment certains y occupent toute la place, comment l’amour peut être dévorant… ».

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Avec ses talentueuses et précieuses coscénaristes Catherine Paillé (Tonnerre, Une vie meilleure) et Brigitte Sy (Les Mains libres, L’Astragale), Léa Fehner s’intéresse à la place de l’individu dans une troupe, tout en cherchant à comprendre ce qui fait d’un groupe de théâtre une vraie communauté, unie dans les bons comme dans les mauvais moments, dans la tendresse et dans la violence. Il y a quelque chose de foncièrement épique et de romanesque dans Les Ogres, y compris dans sa durée de 2h18. Afin d’appuyer le réalisme, Léa Fehner a pu faire participer une dizaine de comédiens issus de la troupe de ses parents, y compris François, Marion et Inès Fehner, son père, sa mère et sa sœur, chacun dans un rôle délicat et très difficile. Le fils de la réalisatrice, ainsi que ses neveux et nièces sont également de la partie.

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La mise en scène épouse cette effervescence quotidienne. En caméra portée, Léa Fehner colle aux visages, aux allées et venues entre les coulisses et la scène, tandis que la vie réelle et la représentation s’imbriquent avec une fièvre étourdissante et contagieuse. On glisse d’un personnage à l’autre, les acteurs sont ensuite réunis, sur le plateau comme en dehors où les joies et vicissitudes se fondent. C’est le deuil d’un fils, la naissance d’un autre, une ancienne infidélité qui parasite le quotidien d’un couple vieillissant, la réapparition de la femme à l’origine de cette crise, la peur de ne pas être à sa place, celle de ne pas être soutenu, de ne pas d’en sortir, mais aussi la joie de tailler la route de pouvoir donner un peu de bonheur à quelques spectateurs qui auront la curiosité de venir les voir jouer sur ce bateau ivre. Et qu’importe si la situation est explosive dans les coulisses, the show must go on, peu importe le nombre de places occupées dans les tribunes devant lesquelles on joue Anton Tchekhov.

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Les Ogres est un film virtuose, libre, puissant, bouillonnant, foisonnant, comme une valse menée par les saltimbanques. Et c’est surtout magnifique.

LE DVD

Le test du DVD des Ogres, disponible chez Pyramide Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est très beau, animé sur la musique de Philippe Cataix. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche du film.

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En plus d’un petit livret reprenant le dossier de presse, cette édition contient également trois scènes commentées du film. La première (La parade) est commentée par la réalisatrice Léa Fehner et le chef opérateur Julien Poupard, la seconde (Le départ d’Inès) par Léa Fehner et sa coscénariste Catherine Paillé, la dernière par Julien Poupard et Pascale Consigny, chef décoratrice. Ces dix petites minutes ne donnent que de minuscules bribes d’informations sur les conditions de tournage, le casting, la photo. On aurait vraiment préféré un commentaire audio sur l’intégralité des Ogres. Mais c’est déjà ça de pris.

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L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

A l’aide de sa caméra à l’épaule, la réalisatrice a tenu à coller au plus près des personnages, de leurs émotions et de la hargne qui les anime. Ce genre de prises de vue donne toujours du fil à retordre lors du transfert d’un film en DVD mais le pressage numérique des Ogres s’en sort avec tous les honneurs. En dépit d’une compression pas toujours optimum et de légers flous intempestifs, la palette colorimétrique est chatoyante tout du long et les gros plans ne manquent pas de précision. Les contrastes sont beaux et denses, la luminosité plaisante, les noirs concis et le master immaculé. Le chef opérateur Julien Poupard (Party Girl, Voie rapide) a privilégié les éléments naturels pour éclairer son décor principal, le chapiteau, à l’instar de guirlandes d’ampoules et les projecteurs de théâtre. Un résultat brut mais néanmoins très élégant. Le piqué est aussi acéré. Un très beau master. Dommage que les 100.000 entrées dans les salles n’aient pas incité Pyramide Vidéo à offrir Les Ogres en Haute-Définition.

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Le mixage Dolby Digital 5.1 est immédiatement immersif et permet au spectateur de plonger dans le monde agité de ce théâtre itinérant avec une musique omniprésente sur les enceintes latérales. Les voix sont d’une précision sans failles sur la centrale, la balance frontale est constamment soutenue, la composition spatialisée de bout en bout. La piste Stéréo devrait satisfaire ceux qui ne seraient pas équipés sur les enceintes arrière. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.

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Crédits images : © Pyramide Vidéo