Test Blu-ray / La Saignée, réalisé par Claude Mulot

LA SAIGNÉE réalisé par Claude Mulot, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume

Acteurs : Bruno Pradal, Charles Southwood, Gabriele Tinti, Ewa Swann, Patti D’Arbanville, Claude Cerval, Sydney Chaplin, Jean Eskenazi, Pierre Vassiliu, Francis Lemonnier, Françoise Prévost, Gérard Croce…

Scénario : Albert Kantof, Claude Mulot, Edgar Oppenheimer

Photographie : Roger Fellous

Musique : Eddie Vartan

Durée : 1h25

Année de sortie : 1971

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Test Blu-ray / Haine, réalisé par Dominique Goult

HAINE réalisé par Dominique Goult, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume

Acteurs : Klaus Kinski, Maria Schneider, Patrice Melennec, Evelyne Bouix, Katia Tchenko, Paulette Frantz, Gérard Boucaron…

Scénario : Dominique Goult

Photographie : Roland Dantigny

Musique : Alain Jomy

Durée : 1h27

Année de sortie : 1980

LE FILM

On ne sait qui il est, ni d’où il vient. Vêtu d’une combinaison blanche, il sillonne les routes de campagne sur sa moto. Le destin le conduit dans un village de la France profonde fraîchement marqué par la mort d’une enfant, fauchée par un deux-roues. Très vite, l’étranger ressent l’indifférence, puis le mépris et bientôt la haine de ces villageois confinés dans leurs préjugés. Seule Madeleine, mère célibataire, accepte de lui venir en aide. Mais tous les hommes du village, jusqu’au maire, ont trouvé en l’étranger leur bouc émissaire.

Imaginez un peu. Klaus Kinski dans le rôle de Jésus-Christ, lancé sur son chemin de croix et bénéficiant de Maria Schneider dans la peau – ou presque – de Marie-Madeleine comme seul soutien. C’est ce que nous propose Haine, également connu sous le titre Le Crédo de la violence, sorti au cinéma le 9 janvier 1980 avec une interdiction aux moins de 18 ans ! Parabole christique, mais avant tout cinéma d’exploitation à la française dopé aux références fantastiques, Haine est une proposition singulière, unique et très attachante de cinéma de genre, au casting euphorisant et fourmillant d’idées.

Une très grosse moto noire roule sous une pluie torrentielle. La silhouette de l’homme qui la conduit est encore jeune mais ses yeux sont ceux d’un vieil homme. Traversant un village, il arrête sa moto devant un café. Celui-ci est sinistre et sale, le téléphone ne fonctionne plus et seule une vieille femme accepte de lui adresser la parole. En fait elle veut lui tirer les cartes : la Mort sort. La tempête calmée, le motocycliste reprend la route. Il n’ira pas loin : il heurte un camion en voulant éviter une automobile. Revenu au village pour y faire réparer sa machine, il doit affronter le patron du café-hôtel qui ne veut pas l’héberger et se fait à moitié assommer pour avoir pris la défense d’une jeune femme. Celle-ci, Madeleine, l’emmène chez elle et le soigne. Le lendemain, il retrouve sa moto sabotée, échappe de peu à un camion, voit sa route coupée par des tracteurs. Devant le refus des autorités d’enregistrer sa plainte, il s’enfuit dans la forêt où des paysans armés le poursuivent.

Klaus Kinski chez les bouseux ! Entre Woyzeck et Fitzcarraldo de Werner Herzog, le comédien allemand se téléporte dans un trou paumé bien de chez nous, sous la direction de Dominique Goult. Venu du film pornographique, ce dernier réalise son seul et unique long métrage traditionnel. Comme j’essaye d’être exhaustif dans mes articles, nous pouvons citer Les Monteuses, Les Queutardes, Partouzes perverses et Lèvres gloutonnes, mis en scène sous le pseudo de Richard Stephen. Quatre films réalisés en deux ans, c’est dire si Dominique Goult en a sous le capot(e). Pour Haine, dont il a écrit le scénario, le réalisateur nappe son récit d’une aura fantastique, tout en ancrant ses personnages dans un environnement réaliste et donc troublant.

Minéral, Klaus Kinski, déambulant dans sa combi sportive qu’il porte comme un suaire du début à la fin, fait peu de choses, mais le décalage qui se crée entre sa personne et son environnement font principalement le sel de ce Crédo de la violence. Autour de lui, tout et tous s’agitent, en particulier un camionneur bourru et vulgaire, auquel Patrice Melennec prête sa trogne mal rasée et sa carrure de bulldozer. Bon d’accord, Haine pâtit d’un rythme lent et de l’absence de rebondissements durant sa première heure. On se demande même où Dominique Goult veut en venir et surtout nous mener.

La citation tirée du Rouge et le noir de Stendhal, « J’ai assez vécu pour voir que différence engendre haine. » ouvre le film. Les éléments se mettent en place, tandis que le cinéaste instaure un malaise palpable et une atmosphère suintante. Le personnage incarné par Klaus Kinski, étranger, se retrouve malgré-lui prisonnier d’un monde placé sous cloche, comme si les habitants étaient livrés à eux-mêmes. Suite au drame ayant entraîné la mort d’une fillette, « quelqu’un » doit payer pour ce crime dont le coupable demeure inconnu. Ce motard tombe à point nommé et deviendra alors rapidement un punching-ball sur lequel tous vont vouloir frapper, tout en évacuant leurs frustrations.

Cette véritable Passion se déroulera en plusieurs étapes, jusqu’à l’ultime et évidente crucifixion. La dernière image du film aurait même pu laisser supposer une suite, une résurrection, dans laquelle Klaus Kinski aurait repris son rôle de motard en devenant ainsi un vengeur de la route, un Ghost Rider. Si cette séquelle reste de l’ordre du fantasme, cela fait apparaître les qualités de cette Haine farouche, violente et sèche, qui en dépit de ses scories diverses et variées, n’en demeure pas moins un sacré bon moment de cinéma Bis, en particulier durant son dernier tiers où les poursuites et règlements de comptes s’enchaînent. Pour résumer, Haine est une œuvre intrigante, ambitieuse, dont l’amour pour le cinoche parcourt chaque nervure.

LE COMBO BLU-RAY/DVD

Edition limitée à 1000 exemplaires pour ce très beau combo de Haine, tout droit sorti des usines du Chat qui fume ! Les deux disques sont bien calés dans un luxueux et élégant Digipack 3 volets avec étui cartonné. Nous trouvons également un petit encart de quatre pages signé Christophe Lemaire, qui partage ses souvenirs liés à la sortie de Haine au cinéma. Le menu principal est animé et musical.

Patrice Melennec c’est une gueule, une vraie. Celle que l’on a vu ou aperçue dans moult films au cinéma, chez Robert Enrico, Pierre Granier-Deferre, Claude Zidi, Gérard Oury, Jean Becker, Francis Veber, Roman Polanski, Claude Berri et dernièrement chez Hugo Gélin. Cela tombe bien, car Stéphane Bouyer, le grand manitou du Chat qui fume, est allé à sa rencontre (32’). Le comédien, une nature débordante, passe d’un souvenir à l’autre pour notre plus grand plaisir. De ses débuts au cinéma, ses rencontres diverses jusqu’au tournage de Haine, on pourrait écouter Patrice Mellenec pendant des heures. Sans langue de bois, il évoque tour à tour Philippe Noiret, Coluche, Prince pour lequel il a tourné Under the Cherry Moon, ainsi que Roman Polanski qui l’a dirigé dans Frantic aux côtés de Harrison Ford. Ne manquez pas ce rendez-vous !

Petite surprise, nous trouvons un minuscule reportage réalisé sur le plateau de Haine, avec quelques propos de Klaus Kinski et de Dominique Goult sur le film et les personnages (4’).

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce, mais n’oublions pas la piste musicale isolée !

L’Image et le son

C’est une première mondiale en DVD et Blu-ray ! Haine a été restauré en 2K à partir du négatif original. Un lifting de premier ordre qui sied à merveille aux couleurs fanées et à l’atmosphère trouble du film de Dominique Goult. La propreté est exemplaire, la copie stable et ferme, la gestion des contrastes est solide et les détails ne manquent pas. A cela, ajoutez le grain original qui ne cesse de flatter les mirettes, tout comme le piqué étonnant sur quelques séquences en extérieur.

Quant à la piste DTS-HD Master Audio 2.0, elle plonge élégamment la spectateur dans l’ambiance poisseuse de Haine, en délivrant la musique Alain Jomy (La meilleure façon de marcher, L’Effrontée, La Petite voleuse) et ses choeurs angoissants avec dynamisme. Les dialogues sont clairs, distincts, jamais parasités par quelques craquements ou scories diverses. La langue allemande est également disponible, ainsi que les sous-titres anglais, allemands et français.

Crédits images : © Le Chat qui fume / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Un dollar entre les dents, réalisé par Luigi Vanzi

UN DOLLAR ENTRE LES DENTS (Un dollaro tra i denti) réalisé par Luigi Vanzi, disponible le 4 juin 2019 en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre chez Artus Films

Acteurs : Tony Anthony, Jolanda Modio, Raf Baldassarre, Aldo Berti, Lars Bloch, Enrico Capoleoni, Arturo Corso, Antonio Marsina, Salvatore Puntillo, Fortunato Arena…

Scénario : Warren Garfield, Giuseppe Mangione

Photographie : Marcello Masciocchi

Musique : Benedetto Ghiglia

Durée : 1h26

Année de sortie : 1967

LE FILM

Un détachement de la cavalerie américaine convoie un coffret rempli d’or pour le gouvernement mexicain. Le bandit Aguila, prenant la place de l’officier chargé de la réception, le dérobe, avec l’aide d’un homme surgi de nulle part : l’Étranger. Mais lorsque ce dernier demande sa part du butin, les hommes d’Aguilar le frappent et l’abandonnent. Trahi et humilié, il est déterminé à se venger. Il suit pas à pas les hommes d’Aguilar, prêt à tout pour les éliminer un par un et récupérer le trésor.

Sergio Leone et sa trilogie de L’Homme sans nom ont donné naissance à moult ersatz en Italie et en Espagne, créant ainsi la vague de westerns européens qui a ensuite déferlé dans les salles de cinéma du monde entier. Parmi les cas les plus insolites se démarque la saga dite de L’Etranger, portée par le comédien américain Roger Pettito, alias Tony Anthony. Né en 1937, tentant de percer dans le milieu du 7e art, il décide d’aller tenter sa chance en Italie alors en pleine effervescence. Il parvient alors à faire son trou grâce à Un dollar entre les dentsUn dollaro tra i denti, réalisé par Luigi Vanzi (1924-1992) et sorti en 1967. Etonnamment, le film est un succès aux Etats-Unis, mais son score reste très modeste en Europe. Devant cet engouement U.S., Tony Anthony reprendra son personnage de L’Etranger dans Un homme, un cheval et un pistolet Un uomo, un cavallo, una pistola (1967) et Le cavalier et le samouraïLo straniero di silenzio (1968) également mis en scène par Luigi Vanzi, mais aussi dans le « hors-série » Pendez-le par les piedsGet Mean (1975) de Ferdinando Baldi.

Un dollaro tra i denti est l’exemple type du western opportuniste réalisé avec les moyens du bord et un casting pas folichon, qui reste malgré tout amusant et divertissant dans ses très nombreuses imperfections et l’absence de charisme de son anti-héros qui fait la moue tout en ayant constamment l’air de se demander ce qu’il fout là. Sans oublier le fait que l’intrigue reprend peu ou prou la même qu’Une poignée de dollars avec – tant qu’à faire – une pincée de Et pour quelques dollars de plus.

Un dollar entre les dents, c’est comme si un jeune trentenaire rêvant de devenir une star de cinéma, décidait de mettre la vieille couverture péruvienne de sa grand-mère sur ses épaules, un vieux galurin élimé sur la tête, tout en plissant les yeux comme Clint Eastwood, pour ensuite aller jouer au cowboy dans la carrière de calcaire à côté de chez lui. Avec son regard à la Chat Potté, son visage figé et sa petite carrure, Tony Anthony fait rire. Si ce dernier a toujours déclaré que c’était le but recherché, le premier degré avec lequel le déroule le récit laisse perplexe. Toujours est-il qu’avec ses cheveux peroxydés dissimulés sous son chapeau poussiéreux, sa démarche hésitante, son petit jean et son chemisier rose délavé, l’acteur ne convainc jamais et surtout pas sur un cheval sur lequel il a du mal à monter. Du coup, tout ce qui se passe à côté retient finalement l’attention, comme la mauvaise synchronisation de l’action et des effets spéciaux directs. Il n’est pas rare de voir un figurant à l’écran, le front percé d’une balle, avant qu’on ne lui tire dessus le plan suivant. Même chose avec l’apparition d’un des personnages principaux, bien en vie, pourtant décédé quelques séquences auparavant !

Un dollar entre les dents essaye de se donner un genre pour amasser le maximum de lires, ou plutôt de billets verts chers à l’Oncle Sam. Tony Anthony et Luigi Vanzi ont bien fait de prendre le train en marche, puisque malgré ses innombrables défauts, son manque de rythme (euphémisme), son protagoniste falot, la musique irritante et redondante de Benedetto Ghiglia, son montage amateur, Un dollaro tra i denti a su trouver son public alors très demandeur de westerns spaghetti.

LE MEDIABOOK

Troisième western européen de la dernière vague éditée par Artus Films, Un dollar entre les dents est tout autant soigné que Le Retour de Ringo et Les Tueurs de l’Ouest ! Résultat, nous nous trouvons devant un superbe Mediabook, un objet de collection comprenant un livre, un Blu-ray et un DVD. Mention spéciale au livre de 64 pages concocté par Alain Petit, qui revient sur la saga de l’Etranger, le tout largement illustré par des affiches et photographies. Le menu principal est fixe et musical.

Nouveau rendez-vous avec Curd Ridel (9’) qui se montre évidemment plus critique sur Un dollar entre les dents que sur les deux précédents titres. L’invité d’Artus Films s’amuse à mettre en avant les défauts du film (le changement d’un bébé d’un plan à l’autre entre autres), dont le jeu de Tony Anthony avec lequel il a « un peu de mal ». Curd Ridel passe également le casting au peigne fin tout en précisant que l’amateur de westerns italiens y trouvera facilement son compte.

Nous trouvons également un petit débat organisé avec les spectateurs après la projection de Pendez-le par les pieds dans un cinéma américain, en présence du comédien Tony Anhony et du producteur Ronald Schneider (2015-24’). Les souvenirs s’enchaînent, l’acteur n’ayant jamais rechigné à parler de son succès et de son implication dans la production de ses films.

Enfin, l’éditeur propose les génériques d’exploitation française d’Un dollar entre les dents (3’), ainsi qu’un diaporama et la bande-annonce.

L’Image et le son

Rien à redire sur ce très beau master HD restauré 2K ! C’est propre, clair, souvent lumineux, le piqué est plaisant et le cadre stable. Les aficionados apprécieront la qualité de la copie et le soin particulier apporté à ce petit titre, tout aussi choyé que les films plus reconnus et porteurs.

Présenté dans sa version intégrale, Un dollar entre les dents est disponible en version française forcément incomplète puisque certaines séquences n’ont jamais été doublées dans la langue de Molière. Ces scène passent donc directement en italien. Les deux pistes instaurent un confort acoustique équivalent, même si l’option italienne s’avère toujours plus riche.

Crédits images : © Artus Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Les Tueurs de l’Ouest, réalisé par Eugenio Martín

LES TUEURS DE L’OUEST (El precio de un hombre) réalisé par Eugenio Martín, disponible le 4 juin 2019 en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre chez Artus Films

Acteurs : Richard Wyler, Tomás Milián, Halina Zalewska, Hugo Blanco, Mario Brega, Enzo Fiermonte, Luis Barboo, Lola Gaos, Ricardo Canales…

Scénario : James Donald Prindle, José Gutiérrez Maesso, Eugenio Martín d’après le roman de Marvin H. Albert « The Bounty Killer »

Photographie : Enzo Barboni

Musique : Stelvio Cipriani

Durée : 1h33

Année de sortie : 1966

LE FILM

Un dangereux criminel, José Gomez, est arrêté pour le pillage d’une banque. Sur le chemin de la prison, José et ses gardes font une halte dans une auberge, dont les patrons ont bien connu le bandit enfant. Ils l’aident alors à s’évader. Mais Luke Chilson, officier de la police fédérale, recherche José, sa tête étant mise à prix pour 3 000 dollars…

Né à La Havane en 1933, Tomas Quintin Rodriguez alias Tomas Milian, démarre sa carrière de comédien en Italie sous la direction de Mauro Bolognini dans Les GarçonsLa Notte brava (1959), sur un scénario de Pier Paolo Pasolini, d’après son propre roman Les Ragazzi. Très vite, les propositions se multiplient et le jeune acteur de 26 ans enchaîne avec Le Bel Antonio, chef d’oeuvre réalisé une fois de plus par Bolognini, puis L’Imprévu d’Alberto Lattuada (1961), le sketch Le Travail, mis en scène par Luchino Visconti pour le film collectif Boccace 70 (1962). 1966 est un tournant dans la carrière de Tomas Milian. Celui-ci enchaînera une demi-douzaine de westerns, dont ColoradoLa Resa dei conti et Le Dernier face à faceFaccia a faccia de Sergio Sollima, l’exceptionnel Tire encore si tu peuxSe sei vivo spara de Giulio Questi, et le plus méconnu Les Tueurs de l’OuestEl precio de un hombre. Ce dernier, par ailleurs très rare, est plus ibérique que transalpin.

Le film est réalisé par l’espagnol Eugenio Martín, connu des amateurs de cinéma Bis pour un Pancho Vila avec Telly Savalas (1972), Les 4 Mercenaires d’El Paso avec Lee Van Cleef, James Mason, Gina Lollobrigida et Gianni Garko (1971) et Terreur dans le Shangaï Express (1972) avec les mythiques Christopher Lee et Peter Cushing. Un habitué de la série B de luxe. Pour Les Tueurs de l’Ouest, adapté d’un roman du spécialiste et prolifique Marvin H. Albert, Eugenio Martín fait le boulot en se concentrant surtout sur les tronches de ses comédiens, et signe un western standard, pas inoubliable, mais aucunement déplaisant et surtout toujours aussi divertissant.

Chilsom le chasseur de primes traque deux hommes appartenant à la bande de Gomez. La traque va le mener dans le village où est emprisonné Gomez, qui ne tardera pas à s’évader, grâce aux villageois le croyant innocent. Quand ce dernier va régler ses comptes avec l’aide de sa bande de tueurs, le village va se transformer en champ de bataille.

Ou comment le bad-guy vole la vedette au héros ! Avec son charisme suintant et vénéneux, Tomas Milian emporte facilement la mise face à son partenaire, le britannique Richard Wyler, vedette et rôle-titre de Coplan FX 18 casse tout de Riccardo Freda (1965). Avant de bifurquer vers les poliziotteschi, Tomas Milian marque le western de sa griffe. Dans Les Tueurs de l’Ouest, il se délecte dans la peau de son personnage bien pourri, surtout quand l’homme qui voulait le mettre derrière les barreaux se retrouve en fâcheuse posture et s’en prend plein la gueule. Rétrospectivement, c’est à ce moment-là que Tomas Milian devient un acteur culte.

Le film démarre sur les chapeaux de roues et si le rythme tend à se ralentir quelque peu après l’évasion de Gomez, Les Tueurs de l’Ouest contient son lot de séquences d’action et les décors naturels d’Almería où l’herbe grasse côtoie les montagnes aux sommets enneigés font toujours leur effet, tout comme la composition de Stelvio Cipriani, sa première réalisée pour le cinéma. Une petite réussite d’un genre qui déferlait alors dans tous les cinémas européens.

LE MEDIABOOK

Et hop, un nouveau Mediabook dans l’escarcelle d’Artus Films ! Inédit en DVD, Les Tueurs de l’Ouest rejoint ainsi la collection Western Européen et devient un titre privilégié de l’éditeur, puisque disponible en Edition Collector Livre+Blu-ray+DVD. Un superbe objet de collection composé des deux disques et d’un livre de 64 pages consacré aux Westerns de Marvin H. Albert au cinéma, réalisé sous la direction de Lionel Grenier, avec la participation d’Emmanuel Le Gagne et Jérôme Pottier. Des textes soignés, passionnants, érudits et qui se lisent avec un très grand plaisir, le tout agrémenté de photographies et d’affiches d’exploitation.

Comme sur l’édition du Retour de Ringo, le brillant Curd Ridel est de nouveau en piste, toujours devant son feu de cheminée, pour nous parler des Tueurs de l’Ouest (10’). L’invité d’Artus nous parle du réalisateur Eugenio Martín, qui signe ici son meilleur western, mais surtout de l’ensemble du casting avec sa « galerie de sales gueules ». Curd Ridel réalise une introduction toujours très sympathique de ce film très rare et difficile à dénicher.

L’interactivité se clôt sur un diaporama de photos et sur la bande-annonce (allemande) du film.

L’Image et le son

Attention, voici un petit trésor longtemps espéré par les fans de westerns spaghetti et de cinéma Bis ! Les Tueurs de l’Ouest débarque en France grâce aux bons soins d’Artus Films. Une copie HD restaurée qui devrait ravir les aficionados. Dès la première séquence, la luminosité est grande et la profondeur de champ éloquente. Certes, le générique s’accompagne de poussières, de fourmillements et de rayures verticales, mais ces défauts sont limités. Le master trouve rapidement son équilibre avec un grain original équilibré, des couleurs à foison (photo d’Enzo Barboni), des détails impressionnants sur les visages des comédiens, avec la sueur qui perle les fronts et les rides emplies de crasse. Certaines scènes semblent plus jaunâtres et les yeux bleus d’Halina Zalewska paraissent verts, mais (re)découvrir Les Tueurs de l’Ouest en Blu-ray tient du miracle et cette édition ne déçoit pas.

Les Tueurs de l’Ouest est proposé dans sa version intégrale. Certaines séquences n’ont jamais été doublées en français et passent donc directement en espagnol. Au jeu des comparaisons, la version française s’accompagne d’un souffle chronique, tandis que la piste espagnole est parfois un brin criarde. Les deux versions sont proposées au format LPCM Audio 2.0.


Crédits images : © Artus Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Kansas eu feu, réalisé par Ray Enright

KANSAS EN FEU (Kansas Raiders) réalisé par Ray Enright, disponible en DVD et Edition limitée Blu-ray + DVD le 23 mai 2019 chez Sidonis Calysta

Acteurs : Audie Murphy, Brian Donlevy, Marguerite Chapman, Scott Brady, Tony Curtis, Richard Arlen, Richard Long, James Best, John Kellogg, Richard Egan…

Scénario : Robert L. Richards

Photographie : Irving Glassberg

Musique : Milton Rosen

Durée : 1h20

Date de sortie initiale : 1950

LE FILM

Jesse James, son frère Frank et trois de leurs camarades, tous très jeunes, s’enrôlent dans la bande de Quantrill, sinistre aventurier, bandit de grand chemin, qui prétend défendre la cause sudiste en tuant, pillant et violant les paisibles habitants…

Nous avons déjà parlé du comédien Audie Murphy à travers quelques-unes de nos chroniques. Si vous désirez en savoir plus sur sa carrière atypique et même sur sa vie, nous vous invitons à (re)découvrir notre article sur 40 fusils manquent à l’appel de William Witney https://homepopcorn.fr/test-dvd-40-fusils-manquent-a-lappel-realise-par-william-witney/ qui aborde largement le sujet. Kansas en feu ou bien encore Kansas Raiders en version originale, est l’un des premiers films en vedette de l’ancien soldat et nouvel acteur, alors âgé de 25 ans. Juste après les deux longs métrages de Kurt Neuman, Garçons en cage et Le Kid du Texas, Audie Murphy enchaîne avec ce nouveau western dans lequel il tient ni plus ni moins le rôle du hors-la-loi Jesse James. Après Tyrone Power dans Le Brigand bien-aimé de Henry King (1939), voici un personnage mythique qui lui permettra de prendre son envol et qui lui assurera un de ses premiers grands succès chez Universal. Rétrospectivement, si le film apparaît aujourd’hui bien désuet, il n’en conserve pas moins un charme évident et vaut également pour l’apparition au générique d’un comédien également né en 1925 et qui deviendra une star internationale, Tony Curtis.

Alors que la guerre de sécession vient d’éclater, le jeune Jesse James, qui souhaite venger la mort de ses parents et le pillage de leur ferme, prend la route avec son frère Frank, les deux frères Younger et Kit Dalton, afin de rejoindre la bande de Quantrill , un confédéré irrégulier qui oeuvre sous le drapeau sudiste. Très rapidement, ils s’aperçoivent que Quantrill ne fait que piller, incendier et massacrer, bien souvent des civils innocents, à travers tout le Kansas sous couvert de la cause sudiste. Jesse qui s’est engagé uniquement pour combattre l’armée nordiste, commence par refuser de prendre part à ces raids meurtriers. Mais il finit par se laisser gagner par l’atmosphère hystérique qui règne au sein de la bande et il devient bientôt l’un des principaux appuis de Quantrill. Il fait alors la connaissance de Kate, la fiancée de Quantrill, dont il tombe sous le charme.

Quand Hollywood joue avec les figures historiques. En effet, il ne faut pas s’attendre à ce que Kansas en feu respecte les faits réels, ainsi que les actes et la psychologie des vrais personnages. Kansas Raiders c’est un peu comme si un grand enfant s’amusait avec des Playmobils western, en leur faisant dire des répliques bad-ass, en faisant « pan-pan » tout en tenant les deux adversaires dans ses mains. Audie Murphy apprend le métier d’acteur. S’il parvient à convaincre sur les scènes d’action et le revolver à la main, ce n’est pas tout à fait la même chose pour les séquences intimistes. De ce point de vue-là, il se fait même voler la vedette par son partenaire Tony Curtis, qui était déjà apparu dans Pour toi, j’ai tué de Robert Siodmak et Winchester ‘73 d’Anthony Mann, et surtout par Brian Donlevy (Les Bourreaux meurent aussi de Fritz Lang) dans le rôle de William Quantrill. Une question de charisme sans doute, puisque Audie Murphy, juvénile, a l’air de se demander constamment comment il a atterri là.

Pour des raisons de budget, Universal fait de la récup’ et réutilise toute une séquence du Sang de la terre de George Marshall (1948) pour l’introduction de Kansas en feu, autrement dit toutes les scènes de guerre. Le film de Ray Enright déroule ensuite tranquillement son récit, un peu trop sans doute. Non pas que Kansas en feu soit déplaisant, mais il ne se passe rien de vraiment palpitant. Les retournements de situation et surtout les revirements des personnages sont peu crédibles, la morale de certains laisse même dubitatif. Ray Enright (1896-1965), vieux briscard éclectique et prolifique, est beaucoup plus à l’aise dans les scènes de batailles, aussi bien dans un violent duel au couteau (avec un foulard tendu entre les deux rivaux) que lors de l’incendie d’une ville, avec même l’utilisation d’effets visuels et d’un beau Technicolor.

A force de faire la girouette, on finit par se désintéresser des protagonistes, pour finalement se rapprocher de celui campé par Brian Donlevy, bien que Quantrill soit constamment montré comme un monstre, un profiteur et criminel de guerre. Le repli dans la petite maison bientôt assiégée, point culminant du film, est en revanche très réussi et clôt Kansas en feu sur une bonne note. A défaut d’être inoubliable, Kansas Raiders est un divertissement honnête, rétro, qui contient suffisamment de bonnes idées pour relancer la machine quand elle tend à se gripper. Bilan positif donc pour l’un des derniers films de Ray Enright.

LE BLU-RAY

La collection Audie Murphy s’agrandit toujours plus chez Sidonis Calysta ! Kansas en feu rejoint ainsi 40 fusils manquent à l’appel, El Texican, La Parole est au Colt et bien d’autres ! Le test du Blu-ray a été effectué à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et musical.

Seul Patrick Brion a répondu présent pour présenter Kansas en feu (11’). D’entrée de jeu, c’est d’ailleurs devenu assez redondant, l’historien énumère quelques-uns des westerns sortis la même année que le film qui nous intéresse. Pour Patrick Brion, Kansas Raiders est l’un des très bons westerns d’Audie Murphy, même si le film laisse perplexe quant au traitement des personnages ayant réellement existé. Il évoque également la carrière de Ray Enright, avant de passer en revue les points – selon lui – positifs de ce western, qu’il a revu avec plaisir et dont il défend le rythme, ainsi que la mise en scène.

La vie de soldat et la carrière d’Audie Murphy sont également au centre d’un petit module réalisé en 2010, avec Patrick Brion face caméra (5’30).

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Belle édition HD que voilà, même si on pourra reprocher un grain argentique un poil trop lissé. Mais les couleurs sont éclatantes, la stabilité du master est irréprochable et l’ensemble est lumineux. Un couac constaté au niveau du technicolor à la 57e minute, quand Quantrill et ses hommes laissent derrière eux une ville en feu, où les bandes chromatiques se retrouvent décalées comme pour un film en 3D ! Un défaut de quelques secondes, donc rien de rédhibitoire. La restauration est fort satisfaisante (même si diverses poussières subsistent) et la définition ne déçoit pas, même si les contrastes semblent parfois trop poussés.

Pas de version française sur ce titre. La piste anglaise DTS-HD Master Audio 2.0 aux sous-titres imposés est sensiblement étriquée, mais l’écoute reste fluide et dynamique, surtout sur les scènes d’action.


Crédits images : © Universal Pictures / Sidonis Calysta / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Missouri Breaks, réalisé par Arthur Penn

MISSOURI BREAKS (The Missouri Breaks) réalisé par Arthur Penn, disponible en DVD et Blu-ray le 23 mai 2019 chez Rimini Editions

Acteurs : Marlon Brando, Jack Nicholson, Randy Quaid, Kathleen Lloyd, Frederic Forrest, Harry Dean Stanton, John McLiam, John P. Ryan, Richard Bradford, Luana Anders…

Scénario : Thomas McGuane

Photographie : Michael C. Butler

Musique : John Williams

Durée : 2h06

Date de sortie initiale : 1976

LE FILM

A la fin du XIXe siècle, dans le Montana… Une bande s’installe dans une ferme voisine et Logan, sous le couvert d’un honnête fermier, prépare sa vengeance. Il entretient même une liaison avec la fille de Braxton. Soucieux de démasquer les voleurs de chevaux, le riche propriétaire engage un tueur professionnel, Lee Clayton, pour nettoyer le territoire. Averti de ce danger, Tom Logan et sa bande poursuivent néanmoins leurs fructueuses activités. Mais pour donner le change, ils achètent un ranch à côté de celui de Braxton.

Quel film étrange ! Mais en même temps quelle claque ! En 1976, Arthur Penn a déjà à son actif, Miracle en Alabama (1962), La Poursuite impitoyable (1966), et surtout Bonnie and Clyde (1967), Alice’s Restaurant (1969) et Little Big Man (1970) ! Excusez du peu ! Un an après La FugueNight Moves, dans lequel il venait de diriger Gene Hackman, James Woods et la jeune Melanie Griffith, Arthur Penn décide de revenir au western et de sceller ses retrouvailles avec Marlon Brando, dix ans après leur association sur The Chase. Sur un scénario de l’écrivain Thomas McGuane, la légende d’Un tramway nommé désir donne la réplique à Jack Nicholson. Seulement le scénario est loin d’être terminé et Arthur Penn est dans l’obligation de tourner en raison de l’emploi du temps chargé de ses deux têtes d’affiche. Qu’à cela ne tienne, Marlon Brando, dont le rôle existe à peine sur le papier, obtient carte blanche pour créer son personnage de toutes pièces. Le résultat est époustouflant. Non seulement Missouri Breaks est un film quasi-inclassable, mais le personnage de « régulateur », Robert Lee Clayton, incarné par Brando s’imprime dans la mémoire des cinéphiles. La confrontation Nicholson/Brando a bel et bien lieu et offre aux spectateurs de grands moments de cinéma.

1880, dans les terres accidentées (Missouri Breaks) du centre du Montana. Le jeune Tom Logan et ses quatre acolytes sont des rustlers (voleurs de bétail). Pour faciliter leurs déplacements et stocker discrètement les animaux qu’ils volent, ils décident d’acquérir un ranch. Ils s’autofinancent grâce au hold-up d’un train et achètent un petit ranch à côté de l’immense propriété d’un grand éleveur. Ce voisin est David Braxton, riche éleveur arrivé dans la région trente ans auparavant, qui perpétue les traditions du jugement expéditif des voleurs de bétail et de chevaux. Un jeu du chat et de la souris commence alors entre Braxton et Logan : le jeune homme, tout en se faisant passer pour un paisible fermier, vole les bêtes du notable, pend son contremaître (car il a pendu un des voleurs, le jeune Sandy) et couche avec sa fille unique. Aussi Braxton engage-t-il un regulator réputé, Robert Lee Clayton, personnage atypique et traqueur impitoyable de voleurs de bétail, afin d’éliminer tous les gêneurs, Tom y compris. Quand Clayton, qui a compris qui est le chef des voleurs, commence à éliminer un par un les amis de Tom avec une grande perversité, celui-ci se défend.

Un duel au sommet ! Quand il entreprend Missouri Breaks, Marlon Brando n’a pas tourné depuis quatre ans, ce qui ne l’empêche pas d’être au top puisque ses derniers films étaient ni plus ni moins Le Parrain de Francis Ford Coppola (Oscar du meilleur acteur, qu’il a d’ailleurs décliné) et Le Dernier Tango à Paris de Bernardo Bertolucci. Quant à Jack Nicholson, les années 1970 ont déjà été prolifiques puisqu’il aura enchaîné Cinq pièces faciles de Bob Rafelson, La Dernière corvée de Hal Ashby, Chinatown de Roman Polanski, Profession : Reporter de Michelangelo Antonioni et Vol au-dessus d’un nid de coucou de Milos Forman, qui lui vaut d’être récompensé par l’Oscar du meilleur acteur. Si Marlon Brando met près de 40 minutes pour apparaître à l’écran, et quelle introduction, le comédien bouffe évidemment chacune de ses scènes. En totale improvisation, ou presque, selon les indications d’Arthur Penn, Robert Lee Clayton change de peau, de costume (allant même parfois s’habiller en femme), de démarche et même d’accent pour mieux perdre le spectateur, rendant ainsi son personnage totalement imprévisible. Même chose pour ceux qui se retrouvent face à lui, ne sachant plus sur quel pied danser. Excentrique, les cheveux en bataille, ou arborant la même capote en rubans que Caroline Ingalls, en robe-tablier ou bien dans un costume immaculé à franges (empestant le lilas et l’armoise), jouant du ukulele en riant, puis capable l’instant d’après d’abattre un homme froidement avec un rare sadisme, le pervers Robert Lee Clayton est comme qui dirait l’ancêtre d’Anton Chigurh, le tueur monstrueux merveilleusement incarné par Javier Bardem dans No Country for Old Men des frères Coen. A voir pour le croire.

Quant à Jack Nicholson, loin de se laisser tirer la couverture, même si c’est pourtant difficile, son personnage trouble et ambigu recherche visiblement la tranquillité. Voleur de bétails certes, mais très sensible, donnant tout ce qu’il peut pour un petit lopin de terre. Touché par la mort d’un de sa bande (dont fait partie Harry Dean Stanton), la première séquence du film est d’ailleurs incroyable et inattendue, Tom Logan finit même par tomber amoureux de Jane Braxton (magnifique Kathleen Lloyd), la fille d’un riche propriétaire terrien. Le comédien fait preuve d’une rare délicatesse, comme lors de la scène où Tom déshabille lentement Jane, qui contraste avec la haine et la violence de son adversaire, supposé incarner « le bon » côté de la loi.

Arthur Penn reste sur la frontière tendue entre le western et le thriller, avec une noirceur et un nihilisme, opposés à une vraie mélancolie distillée du début à la fin (renforcée par la splendide composition de John Williams) et même beaucoup d’humour (l’attaque du train), dans un monde qui se meurt. Le bien et le mal sont ainsi brouillés, interchangeables, qui se confrontent dans de gigantesques paysages (photo de Michael Butler) où ils n’ont plus aucun repère et où les chevaux, tout comme le reste de la nature, reprennent enfin leurs droits. Arthur Penn s’empare de tous les ingrédients du genre, les malaxe, les triture, dans le but de refléter la décadence de l’âme humaine. Et c’est un chef d’oeuvre.

LE BLU-RAY

Il y a quinze ans, Missouri Breaks avait bénéficié d’une sortie en DVD chez MGM, aujourd’hui épuisée. Merci à Rimini Editions de faire resurgir le film d’Arthur Penn dans les bacs ! Le disque, à la très belle sérigraphie (qu’on ne mentionne jamais assez), repose dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un surétui cartonné. La jaquette est très élégante, tout comme le menu principal, animé sur la musique de John Williams.

Tout d’abord, on doit au spéléologue Jérôme Wybon la joie de pouvoir écouter la Masterclass d’Arthur Penn donnée en août 1981 au National Film Theatre de Londres. 55 minutes (en vostf) à passer en compagnie du réalisateur cela ne se refuse évidemment pas. Les propos sont passionnants, notamment quand Arthur Penn revient sur la production et le tournage de Missouri Breaks. Le cinéaste aborde son enfance, ses débuts à la télévision au début des années 1950, son travail dans le monde du théâtre, quelques rencontres (François Truffaut, Jean-Luc Godard), l’influence du cinéma européen, tout en passant en revue l’ensemble de sa filmographie et ses thèmes de prédilection. En fin de programme, Arthur Penn répond à quelques questions des spectateurs.

Fidèle à Rimini Editions, l’excellent Frédéric Mercier est de retour pour présenter Missouri Breaks, qu’il affectionne tout particulièrement (33’). Le critique et journaliste replace tout d’abord le film dans la carrière d’Arthur Penn. Puis, il en vient plus précisément à Missouri Breaks en évoquant tour à tour les lieux de tournage, la préparation du film (seulement six semaines en raison de l’emploi du temps chargé des deux stars), l’improvisation sur le plateau et bien évidemment le travail de Marlon Brando qui a complètement créé son personnage au quotidien. Frédéric Mercier rentre plus en détails et l’analyse thématique, tout en abordant les partis pris et les intentions d’Arthur Penn. Une intervention passionnante.

L’éditeur est allé ensuite à la rencontre d’Hélène Valmary, maître de conférences à l’Université de Caen (27’30). C’est devenu une spécialité de Rimini Editions et surtout un rendez-vous que l’on apprécie tout particulièrement, plaçant l’éditeur parmi les leaders des suppléments de qualité. Ici, l’intervention d’Hélène Valmary est consacrée à Marlon Brando. Son enfance, ses débuts au théâtre, ses rencontres déterminantes (Stella Adler, Elia Kazan), ses premiers pas au cinéma, puis sa consécration. Dans un second temps, le jeu unique du comédien est analysé (recherche de l’authenticité, de la vérité à travers la méthode Strasberg), ainsi que son travail sur Missouri Breaks. Regorgeant d’anecdotes de tournage et d’informations, cette brillante présentation est immanquable pour tous les fans du monstre sacré et pour les autres cinéphiles. Ce bonus est uniquement disponible sur le Blu-ray.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Le générique fait un peu peur avec des fourmillements et des plans flous. Puis, tout s’arrange après avec une jolie clarté et surtout des plans rapprochés plaisants avec des détails sur les visages, comme les taches de rousseur du jeune Sandy. La texture argentique est conservée, bien gérée et certaines séquences, comme toutes celles dans le repaire de la bande de Tom sont vraiment très belles avec des contrastes fermes. Si certains plans s’avèrent plus vaporeux ou plus abîmés (en raison des partis pris), ce master HD de Missouri Breaks est flatteur pour les mirettes, à l’instar des scènes chez Braxton, baignant dans des éclairages jaunes du plus bel effet.

Evitez à tout prix la version française qui dénature le jeu de Marlon Brando. D’autant plus que cette piste s’accompagne d’un souffle chronique, avec des dialogues chuintants. De son côté, la version originale est plus claire, plus aérée, et la composition de maestro John Williams est dynamique à souhait, comme lors des envolées soulignant le caractère burlesque de l’attaque du train. Les sous-titres français ne sont pas imposés.


Crédits images : © MGM / Rimini Editions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / La Pampa sauvage, réalisé par Hugo Fregonese

LA PAMPA SAUVAGE (Savage Pampas) réalisé par Hugo Fregonese, disponible en DVD et Édition Limitée Blu-ray + DVD le 23 mai 2019 chez Sidonis Calysta

Acteurs : Robert Taylor, Ron Randell, Marc Lawrence, Ángel del Pozo, Enrique Ávila, Milo Quesada, Lucía Prado…

Scénario : Hugo Fregonese, John Melson d’après une histoire originale et le roman de Ulises Petit de Murat et Homero Manzi

Photographie : Manuel Berenguer

Musique : Waldo de los Ríos

Durée : 1h34 (version longue : 1h50)

Date de sortie initiale : 1966

LE FILM

Fin du XIX° siècle, un ancien capitaine de l’armée argentine entend pacifier la vaste plaine argentine parcourue par des Indiens et des bandits. Afin de faciliter l’adaptation, il entraîne une clique de prostituées pour satisfaire ses soldats. Mais la caravane qui les amène est attaquée.

Réalisateur argentin, Hugo Fregonese (1908-1987) est bien connu des amateurs de westerns, avec des titres aussi réputés que Le Signe des renégats (1951), Quand les tambours s’arrêteront (1951), Passage interdit (1952), Le Raid (1954) ou Les Cavaliers rouges (1964). La Pampa sauvageSavage Pampas (1966) est particulier pour plusieurs raisons. D’une part, parce qu’il s’agit du dernier western du cinéaste, qui arrêtera sa carrière en 1975, ensuite parce qu’il s’agit du remake de son tout premier long métrage, Pampa bárbara (1945), qu’il avait co-réalisé avec Lucas Demare. Enfin, parce que La Pampa sauvage est l’un des derniers rôles au cinéma de Robert Taylor (Quo vadis, Traquenard), qui devait s’éteindre prématurément trois ans plus tard à l’âge de 57 ans des suites d’un cancer des poumons. Mais au-delà de ça, ce western singulier, quelque peu malmené à sa sortie en raison de coupes franches, reste très original par son sujet et en même temps franchement plaisant à regarder grâce à la magnifique photographie de Manuel Berenguer (Quand la terre s’entrouvrira, La Nuit des diables).

Devant la désertion de ses hommes, par manque de femmes, le capitaine Martin fait venir des prostituées. Sur la route, le convoi est attaqué, les filles et les soldats se réfugient dans une église mais l’endroit est vite assiégé par les Indiens. Le capitaine, en compagnie de Carreras, retourne au fort pour chercher du secours…

Il existe une version longue de La Pampa sauvage, laissant une plus large place au fameux convoi des prostituées et donc aux personnages féminins, dont on apprend le quotidien, leurs liens et qui ne font pas seulement office de silhouettes ravissantes. Le montage quelque peu charcuté fait la part belle aux scènes d’action et de ce point de vue-là, Hugo Fregonese s’avère en pleine forme. Certains affrontements sont particulièrement violents, secs, à l’instar de celui de l’indien contre le déserteur, qui se disputent les faveurs d’une femme. Même chose, le metteur en scène soigne chacun de ses plans, en privilégiant les ciels immaculés ou au contraire chargés, qui renvoient autant aux états d’âme de ses protagonistes qu’à la menace qui s’annonce. Les angles sont atypiques, souvent hérités du western espagnol et transalpin.

Le Capitaine Martin, interprété par Robert Taylor, est un homme usé par ses fonctions, la peau tannée par le soleil. Rongé par la maladie, le comédien donne pourtant tout ce qu’il a encore dans le ventre pour insuffler à son personnage toute la tristesse d’un deuil impossible (il a alors perdu la femme qu’il aimait), mais ses traits tirés ne laissent aucun doute sur son désarroi et sa fatigue. Avec ses hommes, il erre tel un spectre sur son cheval dans le désert argentin, mué uniquement par ses réflexes de soldat émérite et professionnel. Malmené durant 1h40, Robert Taylor est roué de coups, jeté au sol, traîné par un cheval, mais son personnage se relève tant qu’il lui reste de l’énergie.

Hugo Fregonese convie le spectateur au coeur de la Pampa et aborde le sujet aussi délicat que rare de la frustration sexuelle des soldats paumés au coeur du désert. De ce fait, Robert Taylor fait le lien avec le film Convoi de femmesWestward the Women de William A. Wellman (1951), qui évoquait déjà ce thème puisqu’un éleveur de bétail, propriétaire d’un ranch en Californie, décidait d’aller à Chicago « recruter » les femmes qui manquent à son domaine, pour ses hommes. Son contremaître Buck Wyatt (Robert Taylor donc) l’accompagnait pour convoyer ces demoiselles sur une route semée d’embûches.

Hugo Fregonese fait souvent preuve de virtuosité, maniant le cadre large avec dextérité, en composant des plans comme de véritables peintures. Si certaines coupes franches dans le récit peuvent faire tiquer, on se laisse facilement embarquer et séduire par ce récit généreux d’action et d’émotions, toujours teinté d’humour. Sans aucun doute l’une des plus grandes réussites du réalisateur.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de La Pampa sauvage, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’u check-disc. Le menu principal est animé et musical.

L’éditeur joint tout d’abord la version longue de La Pampa sauvage. Un quart d’heure supplémentaire, pour une durée de 110 minutes. Ce montage a été reconstitué à partir de sources diverses et variées (dont une copie 1.85) et prolonge le convoi des prostituées à travers plus d’échanges entre elles et avec le personnage interprété par Ty Hardin. Les imperfections techniques sont certes au rendez-vous, mais n’hésitez pas à privilégier cette version nettement plus complète et qui comble certains trous scénaristiques de l’autre montage.

Ensuite, Bertrand Tavernier (29’) présente et analyse le film d’Hugo Fregonese. Il se souvient tout d’abord de sa rencontre avec le réalisateur, qui était venu présenter La Pampa sauvage au marché du film au Festival de Cannes. Il passe en revue les points faibles du long métrage (grandiloquent, qui souffre de redites et de trous dans le récit, deuxième intrigue plus conventionnelle) et ses points forts (l’interprétation, le sujet peu traité au cinéma), tout en évoquant le film original Pampa bárbara, qu’il n’a d’ailleurs pas vu. Toutefois, Bertrand Tavernier indique avoir revu La Pampa sauvage à la hausse, malgré ses défauts évidents.

Plus concis, Patrick Brion (6’30) se penche plus sur Pampa bárbara que sur La Pampa sauvage. Cette présentation a ses limites, puisque l’historien du cinéma se contente – pour gagner du temps – d’énumérer quelques westerns de l’année 1966, tout en indiquant que « si Hugo Fregonese a décidé de revenir à cette histoire, il a sans doute eu raison de le faire ».

L’Image et le son

Visiblement, Sidonis Calysta a repris le même master HD édité en Allemagne chez Alive, qui bénéficiait d’ailleurs d’une sortie en 4K-UHD ! Les couleurs sont bien pétantes, un peu trop sans doute, avec des bleus électriques, des rouges sanglants et des jaunes vifs. On évite la saturation, mais le réalisateur aimant capturer les ciels étincelants, c’est parfois limite. Ajoutons à cela un grain argentique souvent trop lissé à notre goût. Diverses poussières et rayures verticales (dont une persistante à la 19e minute) subsistent, tout comme des point blancs. A ce titre, le générique fait peur avec son piqué émoussé, ses flous et ses scories. Le master HD trouve ensuite un équilibre, plutôt plaisant il faut bien le dire et qui participe à la (re)découverte de La Pampa sauvage. Le cadre large est choyé avec une superbe profondeur de champ.

Pas de version française sur ce titre. La version originale est proposée en DTS-HD Master Audio 2.0, particulièrement dynamique et propre. Aucun souffle constaté, le confort acoustique est grand, les bruitages carabinés (c’est le cas de le dire), les dialogues vifs. Les sous-titres français sont imposés.


Crédits images : © Sidonis Calysta / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / La Grosse Caisse, réalisé par Alex Joffé

LA GROSSE CAISSE réalisé par Alex Joffé, disponible en Édition Digibook Blu-ray + DVD + Livret le 22 mai 2019 chez Coin de mire Cinéma et L’Atelier d’images

Acteurs : Bourvil, Paul Meurisse, Françoise Deldick, Daniel Ceccaldi, Bernard Fresson, Aimé de March, Tsilla Chelton, Roger Carel, Pierre Vernier, Jacques Legras, Dominique Zardi…

Scénario : Alex Joffé, Renée Asséo, Geno Gil, Luc Charpentier, Pierre Levy Cort

Photographie : Louis Page

Musique : Jean Marion

Durée : 1h46

Date de sortie initiale : 1965

LE FILM

Louis Bourdin est employé à la RATP le jour, romancier la nuit, avec une forte prédilection pour le genre policier. Un jour, il rédige un polar situé dans l’univers de la RATP, boudé par les éditeurs. Le livre parvient alors aux yeux d’une bande de criminels…

« Je fais des trous, des petits trous, encore des petits trous
Des petits trous, des petits trous, toujours des petits trous
Des trous de seconde classe
Des trous de première classe… »

1965 est une grande année pour Bourvil qui aura enchaîné Le Corniaud de Gérard Oury, Guerre secrète de Christian-Jaque, Les Grandes Gueules de Robert Enrico et La Grosse Caisse d’Alex Joffé. Près de vingt millions d’entrées sur quatre films, dont plus de la moitié pour Le Corniaud. La Grosse Caisse n’est certes pas sa comédie la plus célèbre, mais n’en demeure pas moins intéressante et surtout drôle, pour plusieurs raisons. Premièrement, Alex Joffé trouve le parfait équilibre entre l’humour, décalé voire même parfois onirique (le cauchemar du procès), et l’intrigue policière. Deuxièmement, l’histoire nous permet de jeter un œil sur le Paris d’époque, et plus particulièrement sur son métro. Enfin, La Grosse Caisse est aussi et surtout l’occasion d’admirer le face à face entre deux monstres du cinéma français, Bourvil et Paul Meurisse.

Louis Bourdin est poinçonneur au métro parisien. Piqué de romans policiers (son petit appartement de célibataire croule d’ailleurs sous les livres de Ian Fleming et les séries noires) et secrètement amoureux d’Angélique, poinçonneuse du quai d’en face, l’idée lui vient de conquérir la gloire et la fortune en écrivant un roman dont la trame est simple, efficace et bourrée de détails : profitant du lundi, jour où la recette collectée par la rame à finances de la R.A.T.P. est considérable, des gangsters particulièrement audacieux s’empareront de cette  » grosse caisse ». Mais hélas personne ne daigne publier sa prose, la jugeant « trop invraisemblable ». Il décide alors de prouver tout le contraire, d’autant plus qu’il subit de plus en plus les railleries de ses collègues. Il prend le pseudonyme de Lenormand, et intitule son roman « Rapt à la RATP ». Il décide d’en faire bénéficier, bien imprudemment, un malfaiteur notoire, Paul Filippi. Ce dernier, entouré de ses sbires, décide de suivre à la lettre l’écrit de Bourdin. Ce dernier n’imaginait pas qu’il serait aussi mis à contribution…

La carrière du réalisateur Alex Joffé tourne essentiellement autour de Bourvil, avec lequel il collaborera à six reprises : Les Hussards (1955), Fortunat (1960), Le Tracassin ou Les Plaisirs de la ville (1961), Les Culottes rouges (1962), La Grosse Caisse (1965) et Les Cracks (1968). Tous de grands succès populaires, tout comme d’ailleurs le reste de la filmographie du metteur en scène, à qui l’on doit également Les Fanatiques (1957) avec Pierre Fresnay et Du rififi chez les femmes (1959) avec Robert Hossein et Roger Hanin. Dans La Grosse Caisse, Bourvil prend visiblement beaucoup de plaisir à interpréter cet humble employé de la RATP, vantard, mais peureux, qui affronte son quotidien monotone à la station Quai de la Rapée, en pensant au roman policier qu’il est en train de terminer. Il y a tout d’abord l’humanité toujours débordante de Bourvil qui fait son effet. Même s’il se sent pousser des ailes, à tel point que ses pieds ne touchent plus le sol (au sens propre comme au figuré) en rêvant de son futur succès et de sa célébrité à venir, Louis Bourdin est un homme timide, mal dans sa peau, seul, gentil, honnête, qui se fait constamment engueuler par son chef de station (l’immense Roger Carel) et qui en pince pour la charmante Angélique (délicieuse Françoise Deldick) qui poinçonne les billets en face de son guichet en direction de la Place d’Italie.

Immense comédien, Bourvil parvient également à montrer également le feu qui anime son personnage, son désir de s’extraire de son quotidien morose et sans avenir. Le destin le rattrape finalement en le mettant face à un bandit. Tout droit sorti du Monocle rit jaune de Georges Lautner, Paul Meurisse apparaît avec son élégance coutumière et son rictus cynique, véritable aristocrate du crime. Comme son partenaire, son interprétation est constamment sur le fil entre le rire et la gravité, capable de passer d’un bon mot à un regard perçant et menaçant qui refroidit immédiatement son interlocuteur. Comme si le Michel Delassale des Diaboliques refaisait surface entre deux répliques à l’humour so british. La rencontre entre les deux acteurs fait des étincelles.

Ce petit bijou de scénario rappelle les merveilleux romans de Donald Westlake et notamment les aventures de Dortmunder. Si l’on pourra déplorer quelques longueurs, notamment durant le périple de Bourdin pour trouver le truand susceptible d’être intéressé par son affaire, La Grosse Caisse séduit à plus d’un titre. Outre le jeu phénoménal des comédiens, le décor reste original avec celui de la belle station de Quai de la Rapée (formidablement reconstituée dans les studios d’Epinay-sur-Seine) et de ses environs, dont la station Arsenal, fermée aux usagers, servant de vitrine publicitaire pour des voitures Simca (!), investie ici par les gangsters.

Témoignage d’une époque révolue et de métiers aujourd’hui disparus, le film d’Alex Joffé reste bourré de charme (très belle photo de Louis Page) et toute la séquence du fameux rapt est un grand moment d’humour et de suspense. Car même si l’on rit, on souhaite également que les bandits s’en sortent et réussissent leur larcin, tout en espérant que le livre de Bourdin soit reconnu. La Grosse Caisse est une comédie policière savoureuse, qui toutes proportions gardées, annonce Le Cerveau de Gérard Oury. D’ailleurs, le vol du train postal est même évoqué au détour d’une réplique. Etrange coïncidence…

LE DIGIBOOK

Nous terminons cette deuxième vague Coin de Mire Cinéma, par La Grosse Caisse. Comme les précédents titres de la collection « La Séance », cette édition prend la forme d’un coffret Digibook prestige numéroté et limité à 3.000 exemplaires. L’objet mesure 142 x 194 mm et comprend le Blu-ray, le DVD, ainsi qu’un superbe livret de 24 pages cousu au boîtier, reproduisant des archives sur le film, mais aussi celles de la R.A.T.P. dans les années 1960, sans oublier la reproduction de 10 photos d’exploitations cinéma sur papier glacé format 120 x 150 mm rangées dans 2 étuis cartonnés, ainsi que la reproduction de l’affiche originale en format 215 x 290 mm pliée en 4. Rappelons que chaque titre est annoncé au tarif de 32€, disponible à la vente sur internet (sur le site de l’éditeur notamment) et dans certains magasins spécialisés à l’instar de Metaluna Store tenu par le fringuant Bruno Terrier, rue Dante à Paris. Merci à Laure et Thierry Blondeau pour leur confiance ! Le menu principal du Blu-ray est fixe et musical.

On attaque cette « dernière » séance, en attendant la troisième vague Coin de Mire Cinéma avec une grande impatience, par les actualités de la 27e semaine de l’année 1965 (9’). Au programme, des images impressionnantes d’un militant viet-cong fusillé devant des spectateurs, suivi d’un attentat dans les rues de Saïgon, un record de vitesse effectué à bord d’une 404 diesel rapide, une large place accordée au résumé d’un Grand Prix remporté par Jim Clark, ainsi qu’une nouvelle collection portée par des mannequins mis dans des situations quelque peu atypiques…

Place aux réclames publicitaires (8’30) avec cette fois les nougats Coupo Santo, les esquimaux Gervais, les caramels Isicrem (avec le comédien Paul Mercey), sans oublier la nouvelle gamme de chez Frigidaire, la brosse à dents Gibbs aux poils doux, Jean Nohain qui passe faire un coucou pour vanter les chauffages Arthur Martin, tandis que Régilait propose un granulé de lait soluble instantané.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

D’emblée, la copie nous apparaît étincelante, des noirs denses côtoient des blancs immaculés et la palette de gris est largement étendue. La restauration HD (à partir du négatif original) est exceptionnelle, aucune scorie n’a survécu au nettoyage numérique et le piqué est bluffant. Seules quelques séquences nocturnes témoignent d’une sensible perte de la définition, comme lors des fondus en noir où le N&B paraît alors étrangement bleuté avec un rendu plus lisse, mais ce serait vraiment chercher la petite bête. A 1h19, les limites de la restauration sont également notables à droite de l’écran. Vous pouvez donc remiser votre ancienne édition DVD LCJ.

L’éditeur est toujours aux petits soins avec ses films. La Grosse Caisse bénéficie d’une piste DTS HD Master Audio mono. Si quelques saturations demeurent inévitables surtout sur les quelques dialogues aigus, l’écoute se révèle fluide, limpide et surtout saisissante. Aucun craquement ou souffle intempestifs ne viennent perturber l’oreille des spectateurs, l’excellente musique de Jean Marion (La Cuisine au beurre, Le Capitan) est admirablement restituée et les échanges sont clairs. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.


Crédits images : © TF1 Droits Audiovisuels / Coin de Mire Cinéma / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Le Train, réalisé par John Frankenheimer

LE TRAIN (The Train) réalisé par John Frankenheimer, disponible en Édition Digibook Blu-ray + DVD + Livret le 22 mai 2019 chez Coin de mire Cinéma et L’Atelier d’images

Acteurs : Burt Lancaster, Paul Scofield, Jeanne Moreau, Michel Simon, Suzanne Flon, Wolfgang Preiss, Albert Rémy, Jacques Marin…

Scénario : Franklin Coen, Frank Davis, Albert Husson d’après une histoire originale et le roman de Rose Valland « Le Front de l’art »

Photographie : Jean Tournier, Walter Wottitz

Musique : Maurice Jarre

Durée : 2h13

Date de sortie initiale : 1964

LE FILM

En 1944, le Colonel von Waldheim fait évacuer des tableaux de maîtres du Jeu de Paume pour les envoyer en Allemagne. Labiche, un cheminot résistant, est chargé de conduire le train transportant ces objets d’art.

« J’ai connu une fille qui avait posé pour Renoir…elle sentait encore la peinture… »

Le TrainThe Train est la quatrième collaboration entre le cinéaste John Frankenheimer et le comédien Burt Lancaster. Sorti en 1964, ce film fait suite au Temps du châtiment The Young Savages (1961), Le Prisonnier d’AlcatrazBirdman of Alcatraz (1962) et Sept jours en maiSeven Days in May (1964). Le Train est une superproduction au budget très confortable, intégralement tourné en France, avec un casting essentiellement européen et surtout hexagonal. Remarquable film de guerre, solidement mis en scène et porté par un casting éblouissant, Le Train aborde également un sujet fort, qui pose constamment la question « Une œuvre d’art vaut-elle le sacrifice d’une vie humaine ? ».

Août 1944, à quelques jours de la Libération de Paris. Les troupes alliées approchent de la capitale. Le colonel von Waldheim est chargé de faire main basse sur les tableaux exposés au musée du Jeu de Paume et de les acheminer vers l’Allemagne le plus rapidement possible. Mademoiselle Villard, la conservatrice du musée, contacte la Résistance et tente de persuader Paul Labiche, le responsable du réseau Est, d’arrêter le train transportant les toiles. Labiche ne cache pas ses réticences. Il n’a guère envie de risquer des vies pour quelques peintures, même célèbres. Finalement, après que le conducteur du train a été fusillé pour l’avoir saboté, la Résistance décide d’organiser rien moins que la disparition du convoi…

L’histoire du Train, qui a également inspiré celle du regrettable The Monuments Men de George Clooney, s’inspire d’un épisode réel de la Seconde Guerre mondiale, celui du déraillement du train d’Aulnay, survenu en août 1944, qui contenait des œuvres d’art de grande valeur. Suite au signalement de la célèbre Rose Valland (dont le livre Le Front de l’art : défense des collections françaises, 1939-1945 a servi de base), conservatrice au Musée de Jeu de Paume, cet acte de résistance avait interrompu le convoi de ce précieux train vers l’Allemagne. Plus de 60 000 œuvres d’art et objets divers spoliés par les nazis aux institutions publiques et aux familles juives pendant l’Occupation ont pu être récupérées et sauvées. Sur ce passionnant postulat de départ, le réalisateur John Frankenheimer, qui a remplacé au pied levé son confrère Arthur Penn suite à son renvoi par le producteur Burt Lancaster pour « divergences artistiques », signe un drame de guerre, qui concilie à la fois les scènes d’action ultra-spectaculaires avec quelques séquences de bombardements et de déraillements sensationnels, psychologie des personnages avec notamment celui campé par Burt Lancaster lui-même, parfait dans le rôle du français Labiche. Le britannique et shakespearien Paul Scofield campe un von Waldheim trouble et ambigu, un homme de goût, sans jamais tomber dans le cliché du soldats allemand machiavélique, qui parvient même à tromper ses supérieurs qui jugent le chargement du train peu essentiel en cette période de déroute.

Très attaché à ces œuvres, jugées dégénérées par le IIIe Reich, von Waldheim décide d’agir essentiellement pour lui et espère revenir au bercail avec les œuvres de Gauguin, Renoir, Picasso, Degas, Cézanne, Matisse, Braque, Utrillo, Manet, Miro…C’était sans compter sur le dénommé Labiche, qui, avec l’aide de ses camarades cheminots résistants, vont tenter de le stopper avant qu’il ne parvienne à la frontière.

A l’instar de Buster Keaton avec Le Mécano de la Générale, John Frankenheimer décide de jouer au petit train, mais grandeur nature, en sublimant les locomotives. Disposant de moyens considérables, certaines séquences sont filmées avec près de dix caméras, surtout sur celles de déraillements ou de raids aériens (celui du bombardement de la gare de triage de Vaires-sur-Marne n’a rien à envier à un film contemporain), Le Train souffre peut-être aujourd’hui d’un rythme assez lent, mais n’ennuie jamais. Le récit demeure excellemment conduit, on jubile de voir Burt Lancaster donner la réplique à Michel Simon (pour qui il avait une vraie fascination), Albert Rémy, Jacques Marin, Suzanne Flon, Jeanne Moreau, et la beauté plastique du film (photographie de Jean Tournier) subjugue à chaque plan.

Alors que le tournage devait s’étendre sur trois mois, John Frankenheimer restera finalement un an en France pour les prises de vue du Train. Cascades, aventures (toute la partie du train dérouté grâce au maquillage des plaques de gare est particulièrement jubilatoire), suspense (avec une économie de dialogues et de musique, pourtant composée par Maurice Jarre), émotions, action, tout y est et Le Train reste une valeur sûre, un divertissement haut de gamme, immersif, moderne et souvent virtuose, doublé d’un superbe hommage – comme un carton d’introduction l’indique – aux cheminots français d’hier et d’aujourd’hui.

LE DIGIBOOK

Le Train est le premier film américain édité par Coin de Mire Cinéma en partenariat avec L’Atelier d’images. Coffret Digibook prestige numéroté et limité à 3.000 exemplaires, au format 142 x 194 mm, comprenant un Blu-ray et un DVD, un livret 24 pages cousu au boîtier, reproduisant des archives sur le film (dont un extrait de la revue Historail), la reproduction de 10 photos d’exploitations cinéma sur papier glacé au format 120 x 150 mm rangées dans 2 étuis cartonnés. Sans oublier la reproduction de l’affiche originale en format 215 x 290 mm pliée en 4. Le menu principal est fixe et musical.

En cette 39e semaine de l’année 1964, voici notre bulletin d’informations (9’) : Une bombe datant de la dernière guerre, étonne les passants dans les rues de Varsovie, le comédien Guy Grosso participe au Prix de l’Arc de Triomphe, Françoise Giroud présente la nouvelle formule de L’Express, le général de Gaulle démarre son marathon présidentiel en Amérique du sud, le roi Constantin II de Grèce épouse la princesse Anne-Marie de Danemark en la cathédrale d’Athènes, tandis que l’on rend hommage à Pierre de Coubertin.

Caramels d’Isigny ! Nougats Coupo Santo ! Cigarettes « Française » ! Faites-vous plaisir avant la séance ! Les réclames de l’année 1964 (5’) s’enchaînent, comme également celle pour le nouveau frigo mural de chez Frigéco (125 litres) !

Attention, nous trouvons également un making of du film ! Ces images exceptionnelles réalisées par le service cinéma de la SNCF, montrent Michel Simon (dont les propos servent de fil conducteur au reportage) monter dans un train affrété pour la presse, afin de se rendre sur les lieux du tournage. Les images sont en couleur et dévoilent l’envers du décor avec Burt Lancaster sur le plateau, les techniciens qui préparent les collisions et surtout l’explosion de la gare de triage qui aura nécessité quatre mois pour installer deux tonnes de dynamite. Un document exceptionnel (10’).

Last but not least, le commentaire audio (VOSTF) de John Frankenheimer est également au programme, même s’il n’est pas indiqué sur la jaquette. Les propos sont certes souvent espacés par de très longs silences, mais les quelques anecdotes glanées ici et là valent le coup. Le cinéaste explique d’ailleurs être tombé amoureux de la France, il s’est d’ailleurs marié le premier jour du tournage, et cette aventure qui aura duré une année lui aura finalement donné l’envie de s’installer dans nos contrées où il restera sept ans. Il donne également quelques éléments sur la photographie et ses intentions, les partis pris (éclairer les tableaux comme des acteurs en début de film, le choix du N&B), les comédiens (« le visage de Michel Simon attirait ma caméra »), les conditions de tournage (en plein hiver alors que le film est supposé se dérouler au mois d’août) et sa quatrième collaboration avec Burt Lancaster dont il n’a de cesse de louer le talent et son investissement dans les scènes d’action.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Le Train a bénéficié d’une restauration HD à partir du négatif original. Ce n’est pas parfait. Subsistent quelques pétouilles, points noirs et blancs, tâches et même des rayures verticales à l’instar de la séquence où Burt Lancaster s’enfuit par la fenêtre de sa chambre. La texture argentique est préservée, mais la gestion du grain est curieusement aléatoire, plus appuyé ici, lissé par là, parfois même sur un champ-contrechamp. Notons également de sensibles fourmillements et des scènes plus émaillées de scories. Hormis cela, les détails impressionnent sur les gros plans avec les visages en sueur et noirs de suie des comédiens (voire la tronche de Michel Simon), tandis que la composition de chaque cadre permet enfin d’apprécier les partis pris de John Frankenheimer et du chef opérateur Jean Tournier (futur directeur de la photographie de Moonraker, Chacal), qui ne pourra terminer le film et qui sera remplacé par Walter Wottitz, qui lui-même calquera son travail sur celui de prédécesseur. Les contrastes savent rester fermes, les noirs sont très beaux et la palette de gris suffisamment riche.

La version originale fait parler tous les protagonistes en langue anglaise, alors qu’en français, les allemands parlent entre eux dans la langue de Goethe. La première option délivre des dialogues plus pincés, mais prend le dessus sur son homologue au niveau des scènes d’action et des bombardements. Dans les deux cas, les pistes DTS-HD Master Audio Mono font ce qu’elles peuvent et parviennent à instaurer un certain confort acoustique, même si encore une fois, du point de vue homogénéité des effets (à l’instar des sifflets de train) et des voix, la piste anglaise prend l’avantage. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © MGM / Coin de Mire Cinéma / L’Atelier d’images / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / L’Affaire Dominici, réalisé par Claude Bernard-Aubert

L’AFFAIRE DOMINICI réalisé par Claude Bernard-Aubert, disponible en Édition Digibook Blu-ray + DVD + Livret le 22 mai 2019 chez Coin de mire Cinéma

Acteurs : Jean Gabin, Victor Lanoux, Gérard Depardieu, Paul Crauchet, Geneviéve Fontanel, Henri Vilbert, Jacques Rispal, Jacques Richard, Gérard Darrieu, Daniel Ivernel, Jean-Paul Moulinot…

Scénario : Claude Bernard-Aubert, Daniel Boulanger, Louis-Emile Galey

Photographie : Ricardo Aronovitch

Musique : Alain Goraguer

Durée : 1h44

Date de sortie initiale : 1973

LE FILM

4 aout 1952, une chaude nuit en Haute Provence. Un triple meurtre  : le père, la mère, la petite fille sont sauvagement assassinés. Ces 3 anglais sont tués en pleine campagne… À 500 mètres d’une ferme qui, du jour au lendemain, devient célèbre dans le monde entier : la grand’Terre. C’est le fief de Gaston Dominici, ancien berger, qui règne tel un seigneur sur ses terres, sur ses neuf enfants et dix neuf petits enfants. Au matin qui suit la tragédie, l’enquête commence…

Alors qu’il avait déclaré penser à arrêter le cinéma, Jean Gabin, à l’aube de ses 70 ans, endosse le costume de Gaston Dominici. Accusé d’un triple meurtre, condamné à mort par la cour de justice, le vieil homme avait ensuite été gracié six ans après par le général de Gaulle et avait pu rentrer chez lui, en homme libre. L’Affaire Dominici s’évertue à reprendre les faits et prône l’évidente innocence du protagoniste. Dans le rôle-titre, Jean Gabin livre une remarquable prestation. Peut-être même l’une de ses plus grandes. Son jeu reste d’une fraîcheur rare et le comédien, qui s’est alors grandement documenté pour entrer dans les bottes de son personnage, subjugue du début à la fin. Un grand film réalisé par Claude Bernard-Aubert.

Une petite fille anglaise, accompagnée de ses parents, rencontre un vieux paysan, occupé à faire paître ses chèvres. Ces personnes sont venues en pèlerinage à cet endroit d’où leur fils parachuté lors de la dernière guerre, n’est pas revenu. Et un geste du père à sa fille en direction du ciel, n’échappe pas au vieux Dominici. Les Anglais décident de passer, au bord de la route, une nuit qui s’annonce des plus inconfortables. Des personnages motorisés arrivent à la ferme tard dans la soirée. Une fusillade éclate en pleine nuit. On retrouve, le lendemain matin, les cadavres des trois touristes. Suivent les péripéties nombreuses et embrouillées de l’enquête, puis du procès. Les fils Dominici, soupçonnés, accusent leur père du triple assassinat. Celui-ci avoue, puis se rétracte. Le cadet se rétracte à son tour. Le vieux Dominici sera finalement condamné sans qu’apparaissent les preuves formelles de sa propre culpabilité.

Etrange carrière que celle de Claude Ogrel, aka Claude Bernard-Aubert (1930-2018), qui a commencé tout d’abord comme reporter de guerre en Indochine de 1949 à 1954, avant de revenir en France et de couvrir sa première affaire, celle de Gustave Dominici. En 1957, il écrit et met scène son premier long métrage, Patrouille de choc, film sur le conflit en Indochine, qui lui vaut quelques démêlés avec la censure, en raison de son réalisme cru. S’ensuivent huit films jusqu’à L’Affaire Dominici, des œuvres engagées et animées par un besoin de comprendre, d’engager le débat et de mettre l’être humain face à son incompréhension, ou plutôt à désir de ne pas comprendre. Après le film qui nous intéresse, Claude Bernard-Aubert prendra le pseudonyme de Burd Tranbaree et réalisera moult films pornographiques, aux titres aussi fleuris que La Fessée ou les Mémoires de monsieur Léon maître-fesseur, Sarabande porno, La Grande Mouille, La Grande lèche et autres réjouissances.

Pour L’Affaire Dominici, le cinéaste déclare à la sortie du film s’être armé de tous les éléments de l’enquête et des informations de l’époque. Contrairement à la masse populaire, Claude Bernard-Aubert n’est pas arrivé à la même conclusion. Pour lui, il est évident que Gaston Dominici a été la victime d’une enquête mal faite, d’un procès mal conduit, qui ont précipité la culpabilité de l’accusé. Le réalisateur, soutenu par Jean Gabin, entend bien démontrer que le jugement a été basé sur une « conviction profonde » plutôt que sur de véritables preuves.

Cinématographiquement parlant, L’Affaire Dominici est l’exemple type, la référence du film inspiré d’une histoire vrai, du film de procès et policier. Une mise en scène sèche et implacable, parfois à la frontière du documentaire (certaines scènes ont été tournées sur les lieux du triple meurtre), une direction d’acteurs au cordeau, des dialogues ciselés de Daniel Boulanger, une maîtrise du rythme, un casting quatre étoiles. C’est peu dire que L’Affaire Dominici est une très grande réussite. Si Jean Gabin laisse pantois dans la peau de Gaston Dominici, les comédiens qui l’entourent ne sont pas en reste avec notamment Victor Lanoux, qui prouve quel immense acteur il était dans les années 1970, mais aussi Paul Crauchet, impérial dans le rôle du commissaire Sébeille, ainsi que le jeune Gérard Depardieu, 24 ans, qui venait de débuter dans le cinéma. Sans oublier les tronches de Gérard Darrieu, Jacques Rispal, Daniel Ivernel et d’autres seconds couteaux incontournables du cinéma français d’alors qui participent à cette plongée poisseuse dans une famille qui fait froid dans le dos.

L’épilogue reste troublant avec l’apparition et la plaidoirie d’Émile Pollak. L’avocat de Gaston Dominici et l’une des grandes figures du barreau français du XXᵉ siècle, s’adresse aux spectateurs face caméra en leur expliquant clairement que le film et ses auteurs prennent la défense du patriarche, après avoir mis en relief les incohérences de toute cette incroyable histoire.

A sa sortie en 1973, le film divise les français et l’accueil reste tiède avec seulement 1,3 million d’entrées. Quant à Gabin, après le puissant Deux hommes dans la ville de José Giovanni, Verdict d’André Cayatte et L’Année sainte de Jean Girault, son coeur s’arrêtera de battre en 1976, tandis qu’il laissera derrière lui l’une des plus grandes filmographies de l’histoire du cinéma français.

LE DIGIPACK

Et de quatre pour la deuxième vague « La Séance » de Coin de Mire Cinéma ! Et troisième titre avec l’immense Jean Gabin. Après une « carrière » dans les bacs chez René Chateau, puis chez TF1 Studio depuis 2017, le film de L’Affaire Dominici commence désormais une nouvelle vie en Haute-Définition et rejoint la collection créée par Thierry Blondeau en 2018. A l’instar de ses autres titres édités et chroniqués par nos soins, le coffret Digibook prestige (format 142 x 194 mm) est numéroté et limité à 3.000 exemplaires. Il comprend le Blu-ray et le DVD, ainsi qu’un 1 livret de 24 pages cousu au boîtier, comprenant la filmographie du réalisateur avec quelques propos tirés d’une interview donnée à la sortie du film, mais aussi des reproductions des archives sur le film (fac-similé des matériels publicitaires et promotionnels, de la couverture et de l’article parus dans Le Journal de la France et dans Paris-Match), la reproduction de 10 photos d’exploitations cinéma sur papier glacé format 120 x 150 mm rangées dans 2 étuis cartonnés, la reproduction de l’affiche originale en format 215 x 290 mm pliée en 4. Le menu principal est fixe et musical.

En cette dixième semaine de l’année 1973, voici un bulletin d’informations (9’) : Faites un tour sur le circuit mythique du Mans, en compagnie du Club 90 qui vous formera à la conduite. Ensuite, nous donnons la parole à un certain Michel Sardou, 26 ans, qui nous reçoit à la campagne pour évoquer ses précédents démêlés suite à ses chansons « à scandale ». Après, place au défilé Dior et à un message adressé aux spectateurs de Danièle Delorme, marraine d’une association pour les enfants handicapés.

C’est pas tout ça, mais que diriez-vous d’un esquimau Gervais ? Cela tombe bien, quelques réclames (7’) de l’année 1973 nous rappellent que les glaces sont en vente « ici dans cette salle ». La mère Denis vient faire un petit tour dans une publicité pour Vedette. A ne pas manquer également, un spot formidable pour La Samaritaine qui détourne le film King Kong, avec effets spéciaux de rigueur et frayeur des parisiens ! Un vrai petit chef d’oeuvre.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

L’affaire Dominici a été restauré à partir du négatif original. Il s’agit du premier film en couleur édité par Coin de Mire Cinéma. L’élévation HD proprement dire offre à L’Affaire Dominici une nouvelle cure de jouvence, aucune scorie n’est à déplorer, le grain cinéma est restitué et les contrastes trouvent une nouvelle densité. L’encodage AVC consolide l’ensemble, les textures sont flatteuses, le piqué est renforcé et rend hommage aux nombreux gros plans sur les tronches de Gabin (ses yeux bleus brillent de mille feux) et de ses partenaires. Signalons tout de même une colorimétrie parfois fanée, certains plans sensiblement plus altérés ainsi qu’une profondeur de champ limitée. Format 1.66 respecté.

Le mixage DTS-HD Master Audio Mono instaure un confort acoustique total. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. L’éditeur joint les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.


Crédits images : © TF1 Droits Audiovisuels / Coin de Mire Cinéma / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr