Test Blu-ray / Chanson douce, réalisé par Lucie Borleteau

CHANSON DOUCE réalisé par Lucie Borleteau, disponible en DVD et Blu-ray le 1er avril 2020 chez Studiocanal.

Acteurs : Karin Viard, Leïla Bekhti, Antoine Reinartz, Assya Da Silva, Noëlle Renaude, Rehab Mehal…

Scénario : Lucie Borleteau et Jérémie Elkaïm, d’après le roman Chanson douce de Leïla Slimani

Photographie : Alexis Kavyrchine

Musique : Pierre Desprats

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 2019

LE FILM

Paul et Myriam ont deux enfants en bas âge. Ils engagent Louise, une nounou expérimentée, pour que Myriam puisse reprendre le travail. Louise se montre dévouée, consciencieuse, volontaire, au point que sa présence occupe une place centrale dans la famille. Mais très vite les réactions de Louise deviennent inquiétantes.

Avec son premier long métrage en tant que réalisatrice, Fidelio, l’odyssée d’Alice (2014), la comédienne Lucie Borleteau, vue dans La Fille du 14 juillet d’Antonin Peretjatko, offrait un rôle en or à la divine Ariane Labed. Après quelques formidables courts-métrages, Lucie Borleteau imposait d’emblée une immense sensibilité qui transparaissait déjà dans Les Voeux en 2008, le premier moyen-métrage de la cinéaste, fable magique et sensuelle, librement adaptée du Nom sur le bout de la langue de Pascal Quignard. Après la série Cannabis, création pour Arte, Lucie Borleteau signe son deuxième long-métrage et passe la vitesse supérieure avec Chanson douce, adaptée du roman éponyme et best-seller de Leïla Slimani, Prix Goncourt en 2016. Un véritable défi relevé haut la main, que la réalisatrice a écrit avec Jérémie Elkaïm (qui fait une apparition dans le film) et qui offre à Karin Viard l’un de ses rôles les plus difficiles, celui d’un croquemitaine en apparence bien sous tous rapports. La comédienne n’est sûrement pas passée loin de son quatrième César (elle détient celui de la meilleure actrice pour Haut les coeurs ! de Sólveig Anspach et ceux du meilleur second rôle pour Embrassez qui vous voudrez de Michel Blanc et Les Chatouilles d’Andréa Bescond et Éric Métayer) avec ce personnage pervers et dangereux, qui empoisonne progressivement l’existence d’une famille, en s’en prenant à leurs deux enfants. Le regard à la fois perdu et où semblent brûler les flammes de l’enfer de l’actrice est de ceux que le spectateur n’est pas prêt d’oublier.

Paul et Myriam, comme beaucoup de couples, sont épuisés par leurs deux enfants en bas âge. La jeune mère notamment : pendant que son mari travaille, elle s’exténue à la tâche entre les cris, les couches et les biberons du nourrisson, surveillant d’un œil son aînée, une adorable fillette de six ans. N’en pouvant plus, Myriam décide de reprendre sa liberté et une activité professionnelle. En concertation avec son conjoint, elle embauche une nounou. Après l’audition de quelques personnes, Louise est choisie à la satisfaction générale. Elle séduit d’emblée pour son zèle ménager, sa rigueur et sa complicité avec les enfants. Néanmoins, l’attitude de Louise se révèle progressivement envahissante jusqu’à en devenir très préoccupante…

Le pari était risqué et Lucie Borleteau l’a relevé haut la main. Née en 1980, la réalisatrice signe un drame psychologique teinté de thriller tendu et pervers, qui déstabilise les spectateurs du début à la fin. Si les lecteurs qui ont adoré le roman original trouveront certainement à redire sur certains partis pris concernant l’adaptation, en même temps il est difficile de contenter tout le monde, Chanson douce le film est avant tout un superbe objet de cinéma, magistralement interprété et mis en scène. La photo signée Alexis Kavyrchine, talentueux chef opérateur ayant officié sur Vincent n’a pas d’écailles (2014) de Thomas Salvador, Je ne suis pas un salaud (2015) d’Emmanuel Finkiel, Une vie ailleurs (2017) d’Olivier Peyon est à la fois vive et bigarrée, mais aussi tranchante comme la lame d’un scalpel, un contraste qui participe à l’atmosphère anxiogène distillée au compte-gouttes. Evidemment, celles et ceux qui ont le livre en tête connaissent son issue finale, révélée dès les premières pages. La réalisatrice a choisi de ne rien dévoiler, même si cela avait été envisagé dans un premier temps pour mieux coller au roman original, afin de mieux se focaliser sur le cheminement mental de Louise, jusqu’à l’inéluctable.

Comme très souvent, Karin Viard crève l’écran. Désormais âgée de 53 ans, l’une de nos plus grandes comédiennes n’a de cesse de se lancer de nouveaux challenges. Longtemps habituée aux rôles attachants, truculents et drôles, même si elle a également prouvé à maintes reprises son aisance dans le registre dramatique, Karin Viard s’est ensuite tournée vers des personnages plus nuancés, complexes, inquiétants et ambigus. C’était le cas dernièrement dans Jalouse de David et Stéphane Foenkinos, ainsi que dans Les Chatouilles dont nous parlions un peu plus haut. A croire que ces rôles suivaient une progression jusqu’à celui qu’elle interprète dans Chanson douce, qui cristallise pour ainsi dire quelques-uns de ses personnages incarnés dans les années 2010. Une rupture brutale se fait dans la tête du spectateur, comme si une bonne copine était soudain devenu un monstre. Moult questions demeurent sans réponse dans Chanson douce sur le personnage de Louise. Même si on ne peut évidemment lui trouver de circonstances atténuantes, on ne peut s’empêcher de se demander ce qui a pu la conduire au point de non-retour.

A ce titre, les parents interprétés par la sublime Leïla Bekhti et Antoine Reinartz (découvert dans 120 battements par minute de Robin Campillo) sont également présentés avec leurs défauts, autrement dit de vrais bobos parisiens qui finissent par se reposer sur leur nourrice, afin de mieux et plus se concentrer sur leurs réussites professionnelles. Myriam et Paul retrouvent aussi une intimité qui avait pu leur échapper. Ils décident d’ailleurs sur un coup de tête d’emmener Louise avec eux sur l’île paradisiaque de Formentera. Si on a tout d’abord un peu de mal à croire à l’attitude des parents, il faut en fait voir cela comme une facilité pour eux, pour profiter de cette parenthèse longtemps convoitée, tout en laissant Louise s’occuper des deux enfants. C’est à partir de cet événement que tout va s’accélérer et précipiter Louise dans la névrose.

Chanson douce peut se voir indépendamment du livre. Alice Borleteau ne s’est pas contentée de suivre ou de transposer littéralement le roman, mais se l’est littéralement approprié avec les risques que cela comporte, autrement dit déplaire aux lecteurs, et livre sa propre interprétation avec une immense réussite, sans jamais condamner tel ou tel personnage, en laissant au spectateur la liberté de se faire son propre avis, sans aucune morale toute faite.

LE BLU-RAY

Chanson douce est disponible en DVD et en Blu-ray chez Studiocanal, depuis le 1er avril 2020. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche originale. Le menu principal possède une légère animation dès son apparition, avant de devenir fixe et musical.

L’éditeur joint tout d’abord un module consacré au travail de la réalisatrice avec les enfants (21’). La plus grande partie de ce bonus est consacré à la jeune Assya Da Silva, qui interprète Mila dans Chanson douce, la fille de Myriam et Paul. Des images dévoilent ses premiers essais devant la caméra lors du casting, puis quelques rushes de tournage, le tout commenté par Lucie Borleteau elle-même. On apprend également que Calypso Peretjatko, le fils de la cinéaste, interprète Adam à l’âge de 9 mois, avant d’être remplacé plus tard dans le film par deux jumeaux pour jouer le personnage à 15 mois.

L’interactivité se clôt sur trois scènes coupées (7’30), introduites par un carton explicatif de Lucie Borleteau. On notera notamment une scène d’ouverture alternative qui montrait un enfant devenu grand, autrefois gardé par Louise, qui raconte ses souvenirs, tandis que le générique dévoilait déjà la scène du meurtre comme dans le roman original. Cela aurait immédiatement donné un ton différent à la version cinématographique.

L’Image et le son

Le Blu-ray est au format 1080p-AVC. Studiocanal soigne le master HD de Chanson douce, qui se révèle exemplaire. Les contrastes sont d’une densité rarement démentie, à part peut-être durant les séquences tamisées où l’image paraît plus douce et moins affûtée, mais cela demeure franchement anecdotique. La clarté est frappante, le piqué est affûté, les gros plans détaillés, les contrastes denses et la colorimétrie reste chatoyante, riche et bigarrée.

La piste unique DTS-HD Master Audio 5.1 instaure un confort acoustique très plaisant, une spatialisation musicale convaincante et des effets latéraux probants. Les ambiances naturelles sont présentes, la balance frontale est toujours dynamique et équilibrée, et le report des voix solide. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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