Test Blu-ray / Le Diable et les 10 commandements, réalisé par Julien Duvivier

LE DIABLE ET LES 10 COMMANDEMENTS réalisé par Julien Duvivier, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 4 septembre 2020 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Françoise Arnoul, Charles Aznavour, Maurice Biraud, Jean-Claude Brialy, Jean Carmet, Mireille Darc, Danielle Darrieux, Claude Dauphin, Alain Delon, Fernandel, Mel Ferrer, Louis de Funes, Micheline Presle, Madeleine Robinson, Dany Saval, Michel Simon, Henri Tisot, Lino Ventura, Georges Wilson…

Scénario : Julien Duvivier, Maurice Bessy, René Barjavel, Henri Jeanson, Michel Audiard, Pascal Jardin

Photographie : Roger Fellous

Musique : Michel Magne, Georges Garvarentz, Guy Magenta

Durée : 2h20 (version intégrale)

Date de sortie initiale : 1962

LE FILM

Si le diable n’existait pas, les Dix commandements n’auraient aucune raison d’être… Puisque la tentation n’existerait pas… Mais le mensonge et les vices se glissent partout dans les âmes humaines, surtout là où il ne faudrait pas, ce qui amuse beaucoup le Diable, grand meneur de jeu au sein de ces huit tranches de vie…

Imaginez un peu cette affiche : Louis de Funès, Jean-Claude Brialy, Noël Roquevert, Michel Simon, Micheline Presle, Françoise Arnoul, Mel Ferrer, Marcel Dalio, Charles Aznavour, Maurice Biraud, Lino Ventura, Fernandel, Alain Delon, Danielle Darrieux, Georges Wilson, Jean Carmet, et même Claude Rich, qui n’apparaît pas à l’écran et qui n’est d’ailleurs pas crédité, mais qui prête sa voix magnifique au diable, représenté par un serpent qui fait le lien entre tous les segments du film, Le Diable et les 10 commandements. En 1937, Julien Duvivier (1896-1967) devient comme qui dirait le créateur du film à sketches français avec Un carnet de bal, qui réunissait déjà toute la crème du cinéma hexagonal avec Françoise Rosay, Louis Jouvet, Raimu, Harry Baur et Fernandel. Durant sa période américaine, Julien Duvivier signera également deux films à sketches, Six destinsTales of Manhattan (1942) avec Charles Boyer, Rita Hayworth, Gingers Rogers, Henry Fonda, Charles Laughton, Edward G. Robinson, Cesar Romero, puis ObsessionsFlesh and Fantasy (1943), reprenant une partie du casting précédent avec en plus la grande Barbara Stanwyck. Vingt-cinq après Un carnet de bal, le cinéaste revient au genre et réunit un ébouriffant panel de stars pour un succulent film constitué de vignettes qui une fois n’est pas coutume sont quasiment toutes réussies, aussi bien dans le registre de la comédie que du drame. S’il est le metteur en scène de tous les sketches, Julien Duvivier s’est vu épauler au(x) scénario(s) par les illustres Henri Jeanson, René Barjavel, Michel Audiard et Pascal Jardin. Du beau monde aussi bien devant que derrière la caméra !

1er épisode : Tu ne jureras point.

Jérôme Chambard (Michel Simon), un retraité que les religieuses de Saint-Vincent de Paul ont recueilli et qui assure la maintenance du couvent, jure comme un charretier à leur grand effroi. N’obtenant aucune amélioration de sa part, elles s’apprêtent à s’en séparer. Mais lorsque l’évêque (Lucien Baroux) leur rend visite, Jérôme reconnaît en lui son ami d’enfance. Ce dernier lui donne l’absolution à condition qu’en pénitence, Jérôme apprenne les dix commandements.

On les retrouve dans le 7e épisode, épilogue du film.

2e épisode : L’œuvre de chair ne désireras qu’en mariage seulement.

Un épisode uniquement exploité dans les salles allemandes et japonaises, présenté pour la première fois en France dans l’édition DVD+Blu-ray chez Coin de Mire Cinéma. Il s’agit d’un segment où l’on croise Dany Saval et même Mireille Darc, au cours duquel un homme parvient à obtenir l’adresse personnelle d’une danseuse coquine, puis décide de se rendre à son domicile pour lui avouer son amour. Mais c’était sans compter le retour à la réalité, puisque Tania s’appelle en réalité Mauricette et est mariée à Paulo (Roger Nicolas), qui jusqu’à présent préférait ne pas se concentrer sur l’activité nocturne de son épouse.

3e épisode : Tu ne tueras point.

La sœur du séminariste Denis Mayeux (Charles Aznavour) s’est suicidée par désespoir à cause d’un criminel, Garigny (Lino Ventura), qui l’a forcée à se prostituer. Denis renonce à ses vœux pour pouvoir venger sa sœur en faisant arrêter le criminel. Craignant que Garigny ne soit condamné qu’à quelques mois de prison, Denis le provoque de façon que celui-ci soit surpris par le commissaire chargé de l’enquête (Maurice Biraud) au moment où il le menace d’un fusil.

4e épisode : Tu ne convoiteras point, Luxurieux point ne seras.

Françoise Beaufort (Françoise Arnoul) trompe son mari Georges (Claude Dauphin), dramaturge en mal de succès, avec le riche et volage Philip Allan (Mel Ferrer), époux de son amie Micheline (Micheline Presle) pour pouvoir obtenir un superbe collier de prix. Elle dissimule ensuite son collier parmi des bijoux de fantaisie et les met dans une valise qu’elle dépose à la consigne d’une gare.

5e épisode : Un seul Dieu tu adoreras.

Dieu (Fernandel) arrive dans une ferme isolée de la montagne auvergnate, accomplit un faux miracle (le grand-père qui simulait la paralysie), adoucit l’agonie de la grand-mère et s’en va après lui avoir fermé les yeux. Une voiture apparaît…

6e épisode : Tes père et mère honoreras et Tu ne mentiras point.

Pierre (Alain Delon), étudiant de « 20 ans ½ », fils unique des Messager, un couple d’hôteliers de la côte normande, fait part à son père Marcel (Georges Wilson) de son désir de quitter au plus tôt le foyer familial à cause du caractère perpétuellement ronchon de sa mère Germaine (Madeleine Robinson) et de la passivité paternelle. Marcel lui révèle alors que Germaine, qui l’a élevé, n’est pas sa mère biologique, mais qu’il est le fils de Clarisse Ardant (Danielle Darrieux), une célèbre comédienne. Poussé par la curiosité, Pierre part en cachette à Paris et rend visite à Clarisse au théâtre où elle répète la Mégère apprivoisée. Ignorant qui il est, Clarisse le prend d’abord pour un admirateur et joue les enjôleuses, mais après que Pierre lui ait dévoilé son identité, Clarisse lui avoue que Marcel Messager n’est pas son véritable père.

7e épisode : Tu ne déroberas point.

Didier Marin (Jean-Claude Brialy), caissier de banque désinvolte et arrogant, est renvoyé par son patron. Juste avant qu’il ne quitte son guichet survient un braqueur (Louis de Funès) auquel Didier laisse complaisamment dévaliser sa caisse. Il découvre ensuite l’identité du voleur et, en son absence, pénètre par effraction dans son appartement et récupère la valise contenant le magot. Mais les deux voleurs se retrouvent lors d’une confrontation, se disputent le butin et finissent par se mettre d’accord pour se le partager. Quand ils ouvrent la valise, ils n’y trouvent qu’un saucisson et un litre de rouge. La valise a été échangée par mégarde avec celle d’un clochard (Jean Carmet) au bistrot où Didier avait donné rendez-vous à sa fiancée Janine.

8e épisode : Les dimanches tu garderas.

On retrouve les protagonistes du 1er sketch. Jérôme est invité chez son ami l’évêque pour le déjeuner dominical. À force de trinquer avec Jérôme, l’évêque, complètement ivre, ne se souvient plus des dix commandements.

Le Diable et les 10 commandements est comme qui dirait une œuvre testamentaire, car antépénultième film réalisé par Julien Duvivier, un an avant Chair de poule et cinq ans avant Diaboliquement vôtre. Le cinéaste s’éteindra en octobre 1967, à l’âge de 71 ans, victime d’une crise cardiaque alors qu’il était au volant de son véhicule. A travers ces segments divers et variés, tout le cinéma de Julien Duvivier y est et brille de mille feux. A la fois drôle avec Louis de Funès et Jean-Claude Brialy, grave et sombre avec Lino Ventura et Charles Aznavour, ironique et à la limite du fantastique avec Fernandel, sarcastique avec Micheline Presle, tendre et mélancolique avec Alain Delon et teinté de nostalgie avec Michel Simon, toute la personnalité du réalisateur de La Belle équipe (1936), de Pépé le Moko (1937), de La Fin du jour (1939), du Petit monde de Don Camillo (1952), de Voici le temps des assassins (1956) et de Marie-Octobre (1959) transparaît à travers ces petites histoires, par ailleurs merveilleusement écrites et dialoguées. Comme s’il s’agissait de l’épilogue d’une carrière prestigieuse, Le Diable et les 10 commandements pourrait être accompagné de la motion « C’était Julien Duvivier… ».

LE DIGIBOOK

Nous avons été parmi les premiers à parler de Coin de Mire Cinéma il y a de cela près de deux ans. Depuis, nous avons chroniqué les 25 titres sortis sous la bannière de l’éditeur, dont le travail et la passion ont immédiatement séduit les cinéphiles et les adeptes du support physique que nous sommes. Nous voici donc rendu à la cinquième vague de Coin de Mire Cinéma, qui a d’ores et déjà annoncé une trentaine de titres à venir, avec pêle-mêle La Chartreuse de Parme de Christian-Jaque, La Table aux crevés, Le Grand chef et Le Mouton à 5 pattes de Henri Verneuil, Chiens perdus sans collier de Jean Delannoy, Les Liaisons dangereuses de Roger Vadim, Classe tous risques de Claude Sautet, Le Jardinier d’Argenteuil de Jean-Paul le Chanois, Le Rapace et Dernier domicile connu de José Giovanni, Ho ! de Robert Enrico, La Veuve Couderc et Le Chat de Pierre Granier-Deferre, La Poudre d’escampette et Chère Louise de Philippe De Broca ou bien encore Les Granges brûlées de Jean Chapot…Pour l’heure, cette nouvelle vague comprend Maigret tend un piège (Jean Delannoy, 1958), Maigret et l’Affaire Saint-Fiacre (Jean Delannoy, 1959), Maigret voit rouge (Gilles Grangier, 1963), Les Evadés (Jean-Paul Le Chanois, 1955), Maxime (Henri Verneuil, 1958) et Le Diable et les 10 commandements (Julien Duvivier, 1962). Ce dernier était jusqu’à présent disponible en DVD chez TF1 Studio, dans sa version cinéma, amputée du sketch L’œuvre de chair ne désireras qu’en mariage seulement, présenté ici pour la première fois. Pour connaître toutes les spécificités de ces éditions dites de « La Séance », nous vous renvoyons à notre premier article consacré à Coin de Mire Cinéma https://homepopcorn.fr/test-blu-ray-archimede-le-clochard-realise-par-gilles-grangier/ . Tous les titres de cette collection sont édités à 3000 exemplaires.

L’édition prend la forme d’un Digibook (14,5cm x 19,5cm) suprêmement élégant. Le visuel est très recherché et indique à la fois le nom de l’éditeur, le titre du film en lettres d’or, le nom des acteurs principaux, celui du réalisateur, la restauration (HD ou 4K selon les titres), ainsi que l’intitulé de la collection. L’intérieur du Digibook est constitué de deux disques, le DVD et Blu-ray, glissés dans un emplacement inrayable. Une marque est indiquée afin que l’acheteur puisse y coller son numéro d’exemplaire disposé sur le flyer volant du combo, par ailleurs reproduit dans le livret. Deux pochettes solides contiennent des reproductions de dix photos d’exploitation d’époque (sur papier glacé) et de l’affiche du film au format A4. Le livret de 24 pages de cette édition contient également la filmographie de Julien Duvivier avec le film qui nous intéresse mis en surbrillance afin de le distinguer des autres titres, quelques reproductions en fac similé des matériels publicitaires et promotionnels, l’ensemble étant merveilleusement illustré. Le menu principal est fixe et musical.

Si vous décidez d’enclencher le film directement. L’éditeur propose de reconstituer une séance d’époque. Une fois cette option sélectionnée, les actualités Pathé du moment démarrent alors, suivies de la bande-annonce d’un film, puis des publicités d’avant-programme, réunies grâce au travail de titan d’un autre grand collectionneur et organisateur de l’événement La Nuit des Publivores. Le film démarre une fois que le salut du petit Jean Mineur (Balzac 00.01).

Le Diable et les 10 commandements est sorti le 14 septembre 1962 au cinéma. Et que se passait-il dans le monde en cette 37è semaine de cette année justement ? Heureusement, le journal des actualités (9’) est là pour vous tenir au courant. Vous saurez donc tout sur le classement d’une compétition d’aviron, sur la situation à Alger, sur la visite aux lycéens de Jean Berthoin, Ministre de l’Éducation nationale, ainsi que sur la présentation de l’autogire Wallis WA-116 Agile, création de la Royal Air Force, qui sera immortalisée au cinéma sous le nom de Little Nelly dans une scène phare de On ne vit que deux foisYou Only Live Twice (1967) de Lewis Gilbert ! Enfin, gros plan sur les relations franco-allemandes.

Les réclames publicitaires (6’30) indiquent que le film ne va pas tarder à démarrer, alors c’est le moment de faire le plein de caramels Dupont d’Isigny, de glaces Kim, de Mintips et de biscuits Petit Brun ! Puis en sortant de la salle, allez donc prendre une bière Spéciale Meuse (« la bière la plus vendue en France ») !

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Le Diable et les 10 commandements a été restauré en 4K à partir du négatif original. Les travaux numériques et photochimiques ont été réalisés et supervisés par le laboratoire Vectracom en 2019. Un panneau en introduction indique que lors de la restauration du film, ont été retrouvés les éléments techniques d’un huitième sketch inédit en France, dont nous parlons dans la critique plus haut, celui avec la délicieuse Dany Saval. Ayant reconstitué le montage d’origine en se basant sur les informations disponibles, TF1 Studio et Coin de Mire Cinéma présentent le film de Julien Duvivier dans une version intégrale inédite dans nos contrées. Une fois de plus, le lifting est très impressionnant et s’avère quasi-immaculé de toutes imperfections, en dehors de très sensibles poussières et griffures aperçues ici et là avec notre œil de lynx. Mais c’est vraiment histoire de chipoter, car ce master HD en met souvent plein les yeux avec un N&B très élégant, aux noirs denses et aux blancs clairs sans trop en faire. Le piqué offre un lot confondant de détails, la texture argentique est douce et palpable, les contrastes harmonieux. Du bien bel ouvrage !

La piste mono bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio. L’écoute se révèle fluide, limpide et surtout saisissante. Aucun craquement ou souffle intempestifs ne viennent perturber l’oreille des spectateurs, la musique de Michel Magne, Georges Garvarentz et Guy Magenta est admirablement restituée et les échanges sont clairs. Les sous-titres destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.

Crédits images : © TF1 Droits Audiovisuels / Coin de Mire Cinéma / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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