Test 4K-UHD / La Rose écorchée, réalisé par Claude Mulot

LA ROSE ÉCORCHÉE réalisé par Claude Mulot, disponible en combo Blu-ray/DVD/4K-UHD chez Le Chat qui fume

Acteurs : Philippe Lemaire, Anny Duperey, Elizabeth Teissier, Olivia Robin, Michèle Perello, Valérie Boisgel, Jean-Pierre Honoré, Gérard-Antoine Huart, Jacques Seiler, Michel Charrel, Howard Vernon…

Scénario : Claude Mulot, Edgar Oppenheimer, Jean Larriaga

Photographie : Roger Fellous

Musique : Jean-Pierre Dorsay

Durée : 1h34

Année de sortie : 1970

LE FILM

Le peintre Frédéric Lansac vit un amour idyllique auprès d’Anne dans leur château isolé au centre de la France lorsqu’un drame vient briser brutalement cette passion. Grièvement brûlée, l’épouse de Lansac est défigurée, sans espoir de guérison. Jusqu’au jour où un chirurgien accepte de lui redonner un visage. Mais pour que l’opération réussisse, la donneuse doit être sacrifiée… 

Nourri au cinéma de genre, cinéphage, le réalisateur Claude Mulot (1942-1986) aura réussi à marquer les spectateurs passionnés par les films Bis en une poignée de longs métrages d’exploitation. Egalement connu sous le pseudonyme Frédéric Lansac (nom repris du personnage principal de La Rose écorchée) par les plus polissons d’entre nous avec ses œuvres intitulées Les Charnelles (1974), Le Sexe qui parle (1975) ou bien encore La Femme-objet (1981) avec la sublimissime Marilyn Jess, Claude Mulot démarre sa carrière en 1968 avec la comédie coquine Sexyrella. Mais c’est en 1970 qu’il signe ce qui restera son chef d’oeuvre, La Rose écorchée. Sous ce titre, le cinéaste livre un film d’épouvante imprégné de l’oeuvre de Georges Franju, Les Yeux sans visage, mais aussi du cinéma gothique transalpin et même des opus de la Hammer. Sans oublier une petite touche de Psychose d’Alfred Hitchcock avec ce qui concerne le personnage de la soeur. Merveille visuelle et animée par un amour incommensurable pour le septième art, La Rose écorchée est aujourd’hui considérée comme une pierre angulaire du cinéma de genre hexagonal, qui a aussi révélé une magnifique comédienne, Annie Duperey.

Après avoir mené une vie dissolue, le peintre Frédéric Lansac, adulé du Tout-Paris, épouse la jeune Anne dont il est tombé éperdument amoureux. Quelques mois de bonheur, puis le drame : Anne, est atrocement défigurée dans un accident provoqué par une ancienne maîtresse de Lansac. Anne vit dès lors recluse dans son château. Jalouse de la beauté d’Agnès, son infirmière, elle la tue. Aveuglé par son amour, Lansac enterre le corps. Il découvre que le mystérieux Romer, embauché par son associé, est un chirurgien rayé de l’ordre qui refait les visages des criminels recherchés. Par le chantage, il le convainc d’opérer son épouse : tenter la greffe d’un visage entier sur une… écorchée vive ! La victime désignée sera Barbara, la sœur d’Agnès, venue enquêter sur sa disparition.

Le cinéma de Claude Mulot ne cesse d’alterner scènes kitsch et séquences virtuoses. La balance penche d’ailleurs largement plus vers le second côté. Le scénariste et complice de Max Pécas sur le très beau Je suis une nymphomane (1971), puis sur les films estampillés « Dimanche soir sur M6 » Embraye bidasse… ça fume (1978), On est venu là pour s’éclater (1979), Mieux vaut être riche et bien portant que fauché et mal foutu (1980) et On se calme et on boit frais à Saint-Tropez (1987) ne cesse de flatter les sens du spectateur en quête d’émotions fortes et de frissons.

La Rose écorchée est avant tout divinement photographié par le chef opérateur Roger Fellous (1919-2006), complice de Claude Mulot, tout autant inspiré que le réalisateur par les éclairages d’Arthur Grant et Jack Asher qui ont contribué à la postérité des films de Terence Fisher et de Freddie Francis. A l’écran, les décors, en particulier la demeure de Lansac, flottant dans une brume quasi-surréaliste, prennent une dimension unique, tout comme les intérieurs, inquiétants et stylisés. La Rose écorchée est également l’une des premières apparitions au cinéma d’Anny Duperey, qui n’avait alors participé qu’à Deux ou trois choses que je sais d’elle (1967) de Jean-Luc Godard, Sous le signe de Monte-Cristo (1968) d’André Hunnebelle et dans le sketch de Roger Vadim Metzengerstein du film-collectif Histoires extraordinaires, co-réalisé avec Federico Fellini et Louis Malle en 1968. Claude Mulot et Roger Fellous impriment la beauté juvénile de la comédienne âgée de 22 ans. Elle crève ainsi l’écran dans la première partie de La Rose écorchée, avant que son personnage soit défiguré par les flammes au cours d’un accident. Le film qui prenait alors la forme d’une histoire d’amour passionnée teintée d’érotisme (quelques plans dénudés ravissent les yeux), dévie alors vers le cinéma d’horreur où les protagonistes, reclus sur eux-mêmes, peinent à calmer les ardeurs de leurs deux serviteurs de petite taille, jusqu’à la rencontre inespérée avec un chirurgien singulier, spécialiste de la reconstruction du visage, auquel Howard Vernon prête ses traits particuliers.

Outre le jeu inspiré de Philippe Lemaire (1927-2004), ancien jeune premier des années 1950, notamment vu dans deux Angélique, la grande réussite des partis pris (la vue subjective brouillée d’Anne), La Rose écorchée bénéficie également d’un atout de taille, la composition de Jean-Pierre Dorsay qui nimbe chaque scène d’une aura sensuelle et mystérieuse.

Chef d’oeuvre poétique, baroque et macabre, pour ainsi dire avant-gardiste et porté par une immense passion contagieuse pour le cinéma, La Rose écorchée marque les esprits de façon indélébile. L’année suivante, Claude Mulot s’attaquera au thriller avec autant d’inspiration que de réussite. Ce sera La Saignée.

LE COMBO

A l’heure où nous écrivons cette chronique, l’édition limitée à 1500 exemplaires de La Rose écorchée comprenant le disque UHD, le Blu-ray et le DVD est épuisée. Franchement, on reste pantois devant la beauté de cet objet, magnifié une fois de plus par le travail de Frédéric Domont. Tel un écrin, le Digipack à 3 volets, est délicatement glissé dans un surétui cartonné du plus bel effet. Comme l’indique Le Chat qui fume, l’édition Blu-ray et 4K est une première mondiale. Le menu principal est animé et musical sur le Blu-ray et le DVD. Pas de menu pour l’édition 4K.

Cette magnifique édition qui s’impose comme l’une des plus dingues de l’année 2019, s’accompagne d’entretiens absolument passionnants, très bien menés, qui rendent hommage à quelques hommes de l’ombre qui ont participé à l’immense réussite du film de Claude Mulot.

Tour à tour, le producteur et scénariste Edgar Oppenheimer (25’30), le caméraman Jacques Assuérus (35’), Hubert Baumann (régisseur) et son frère Georges (11’30) alors assistant-réalisateur, sans oublier la légendaire Brigitte Lahaie (9’30) non-mentionnée sur la jaquette, reviennent avant tout sur Claude Mulot et sur sa passion pour le cinéma.

Le premier intervenant se souvient de son coup de foudre pour Claude Mulot, de leur grande amitié, de son professionnalisme. Puis, Edgar Oppenheimer évoque les démêlés avec la censure puisque le film avait été considéré comme « une atteinte aux bonnes mœurs » et à un « appel à la débauche » ! S’ensuit le coup de chance survenu lors d’une projection de La Rose écorchée, qui n’avait pas trouvé de distributeur, qui a attiré la curiosité d’un passant, en réalité le président de la Allied Artists ! Après avoir découvert le film, ce dernier décide de l’acheter pour le distribuer dans le monde entier. La genèse du film, le casting, les conditions de tournage, la musique sont également passés en revue.

Jacques Assuérus, très ému en évoquant son grand ami Claude Mulot, parle de leur rencontre via Roger Fellous, avant d’évoquer son travail sur La Rose écorchée, La Saignée et leurs autres collaborations. Les souvenirs de tournage s’enchaînent avec émotion. Ensuite, l’entretien bifurque sur l’amitié qui unissait Claude Mulot et Johnny Hallyday, deux immenses passionnés par le cinéma, qui visionnaient une quantité phénoménale de films ensemble. Claude Mulot réalisera d’ailleurs Le Survivant, court-métrage inspiré de Mad Max qui ouvrait les concerts de Johnny Hallyday en 1982.

Hubert et Georges Baumann, qui se renvoient constamment la balle avec une belle énergie, parlent de leurs débuts respectifs au cinéma, milieu dans lequel ils sont tombés par hasard, puis évoquent leurs souvenirs liés au tournage de La Rose écorchée. Le casting, le travail du directeur de la photographie Roger Fellous et bien sûr de Claude Mulot lui-même sont abordés au cours de ce module.

Avec Claude Mulot, Brigitte Lahaie aura tourné Suprêmes jouissances ou Belles d’un soir (1977), Les Petites écolières (1980) et Le Couteau sous la gorge (1986), dernier film du cinéaste. Comme pour les précédents intervenants, la comédienne dresse le portrait de Claude Mulot, un cinéaste qui avait « le sens du comédien », qui installait une « ambiance très professionnelle sur le plateau », mais « qui n’a probablement pas pu transmettre ce qu’il souhaitait en raison de contraintes financières ». Brigitte Lahaie compare également les méthodes de tournage de Claude Mulot de Jean Rollin.

Enfin, last but not least, le Chat qui fume a mis la main sur un reportage réalisé sur le plateau de La Rose écorchée (3’40). Les images de tournage sont présentes, tout comme les propos des deux comédiens principaux et du réalisateur Claude Mulot.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces, ainsi que la possibilité de visionner La Rose écorchée en mode VHS, option que l’on apprécie particulièrement !

N’oublions pas citer la parution du livre Claude Mulot : cinéaste écorché (Nitrate), écrit par Philippe Chouvel, que nous saluons au passage, prolongement indispensable aux sorties Blu-ray/DVD du Chat qui fume !

L’Image et le son

La rose s’épanouit et encore plus en 4K !!! Oui mesdames et messieurs, le film de Claude Mulot est proposé dans ce format inattendu et qui signe l’entrée du Chat qui fume dans l’ère de l’Ultra-Haute Définition. Cette restauration 4K réalisée par l’éditeur lui-même à partir du négatif original est en tout point splendide. La propreté est mirifique, la stabilité jamais prise en défaut, la patine argentique omniprésente et surtout gérée de main de maître, la profondeur de champ éloquente, les superbes partis pris de Roger Fellous sont respectés et resplendissent en UHD, tout en conservant également les couacs techniques caractéristiques du cinéma Bis. Suprêmement élégant, ce master participe à la (re)découverte de La Rose écorchée (un titre aussi beau que les couleurs du film), œuvre rare qui méritait d’être ainsi choyé. Bravo au Chat qui fume qui livre donc l’une des sorties majeures de l’année 2019.

La piste DTS-HD Master Audio 2.0 délivre ses dialogues avec ardeur et fermeté, jamais parasités par un souffle chronique ou quelques craquements intempestifs. C’est nickel, dynamique, suffisamment riche et le confort appréciable. Les sous-titres anglais sont également disponibles.

Crédits images : © Le Chat qui fume / Family Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Happy Birthday To Me, réalisé par J. Lee Thompson

HAPPY BIRTHDAY TO ME réalisé par J. Lee Thompson, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret le 9 mai 2019 chez Rimini Editions

Acteurs : Melissa Sue Anderson, Glenn Ford, Lawrence Dane, Sharon Acker, Frances Hyland, Tracey E. Bregman, Jack Blum, Matt Craven, Lenore Zann, Lisa Langlois…

Scénario : John C.W. Saxton, Peter Jobin, Timothy Bond

Photographie : Miklós Lente

Musique : Bo Harwood, Lance Rubin

Durée : 1h50

Année de sortie : 1981

LE FILM

Virginia a été victime d’un grave accident dans lequel a péri sa mère; Après une opération du cerveau, elle retourne au lycée. Très bonne, élève, elle souffre cependant de troubles de la mémoire. Elle intègre rapidement une confrérie réunissant les meilleurs élèves. Mais les membres de ce petit groupe sont assassinés les uns après les autres dans des circonstances aussi sanglantes que surprenantes.

Complètement méconnu en France, en dehors – bien entendu – des aficionados qui en ont fait depuis un vrai petit classique, Happy Birthday To Me sous-titré Souhaitez ne jamais être invité dans nos contrées, est un slasher tourné en plein âge d’or du (sous-)genre, au début des années 1980. Le plus étonnant, c’est de retrouver derrière la caméra J. Lee Thompson (1914-2002), réalisateur britannique passé à la postérité avec Les Canons de Navarone (1961) et Les Nerfs à vif (1962), tous deux avec Gregory Peck. Excellent technicien et ayant dirigé les plus grands acteurs, on lui doit également Tarass Boulba (avec Tony Curtis et Yul Brynner), La Conquête de la planète des singes (1972) suivi l’année suivante de La Bataille de la planète des singes (1973), ainsi que moult longs métrages avec Charles Bronson, avec lequel il s’associera sur près d’une dizaine de films dont le désormais culte (malgré-lui) Le Justicier braque les dealers (1987). C’est peu dire qu’on ne l’attendait pas à la barre d’un slasher, genre qui remplissait alors les salles depuis Black Christmas (1974) de Bob Clark et surtout Halloween, La Nuit des masques de John Carpenter (1978).

Produit par André Link et John Dunning, à qui l’on doit quelques pépites aux titres fleuris du style Tendre et sensuelle Valérie (1969), Initiation d’une lycéenne (1970), Y’a plus de trou à percer (1971), mais aussi et surtout Frissons (1975) et Rage (1977) de David Cronenberg, Happy Birthday To Me es un très bon slasher qui annonce l’évolution d’un genre et les codes, y compris formels, qui seront repris dans les années 1990 par le scénariste Kevin Williamson, notamment pour Wes Craven avec la tétralogie Scream et Souviens-toi…l’été dernier de Jim Gillespie. Happy Birthday To Me, dont le titre rappelle d’ailleurs le délirant Happy Birthdead (2017) de Christopher Landon, est donc largement à réhabiliter.

Virginia est fière d’appartenir à la confrérie des meilleurs élèves de son école privée. Mais une série de meurtres déciment ce groupe, et tout porte à croire qu’elle serait la coupable idéale…C’est sur ce postulat de départ (mais également sur le titre) que les producteurs du cultissime Meurtres à la St-Valentin de George Mihalka basent leur nouveau bébé. Alors que les seconds opus d’Halloween et de Vendredi 13 débarquent dans les salles, les canadiens profitent de cet engouement avec ce fort sympathique Happy Birthday To Me. Non seulement les producteurs bénéficient d’un réalisateur chevronné aux manettes, mais ils jouissent également de la présence de l’immense Glenn Ford et de la superbe Melissa Sue Anderson au générique. Si le premier entamait alors la dernière partie de son illustre carrière, la seconde, popularisée dans le monde entier avec son rôle de Mary Ingalls dans la série La Petite maison dans la prairie, venait de dire au revoir à la population de Walnut Grove et tentait une reconversion au cinéma. Pour cela, la comédienne âgée de 19 ans avait donc jeté son dévolu sur un rôle contemporain où elle pouvait se lâcher quelque peu en fumant un pétard et en apparaissant en soutien-gorge.

Happy Birthday To Me est une réussite. Si l’on excepte un final nawak (mais bien morbide) et une intrigue qui part un peu dans tous les sens, force est d’admettre que la mise en scène est encore aujourd’hui très solide. J. Lee Thompson soigne chacun de ses plans et semble prendre beaucoup de plaisir à filmer tous ces jeunes, pour ensuite les trucider les uns après les autres. D’ailleurs, la censure devra mettre son grain de sel pour atténuer certaines scènes jugées trop gores et trop violentes (l’écharpe prise dans la roue de moto notamment), ce qui se ressent au nouveau du montage. Malgré des meurtres « édulcorés » pour l’exploitation du film au cinéma, ce slasher demeure particulièrement bien rythmé, réjouissant et s’appuie sur un casting brillant, excellemment dirigé. Les séquences d’exécution de ce thriller horrifique sont sèches et bien amenées, tandis qu’une scène de trépanation – aux effets spéciaux très réussis – n’a absolument rien à envier à celle réalisée 25 ans plus tard par Darren Lynn Bousman pour Saw 3. Le charme félin de Melissa Sue Anderson rappelle parfois celui de Michelle Pfeiffer et l’actrice est ici très à l’aise dans ce rôle ambigu, naïf et impitoyable. Dommage que ses apparitions au cinéma soient ensuite restées très sporadiques.

Ajoutons à cela une élégante photographie signée Miklós Lente et une partition soignée de Bo Harwood (Une femme sous influence et Opening Night de John Cassavetes) et Lance Rubin, et vous obtenez un cocktail bien frappé, qui n’a rien perdu de sa fraîcheur et qui a su préserver son goût métallique de sang. A déguster sans tarder !

LE BLU-RAY

Nous avons entre les mains l’un des plus beaux packagings du mois de mai 2019 et nous le devons une fois de plus à Rimini Editions. Cette édition collector DVD-Blu-ray-Livret d’Happy Birthday To Me se présente sous la forme d’un Digipack à trois volets, glissé dans un surétui cartonné du plus bel effet, reprenant le très célèbre visuel de l’affiche du film. Attention toutefois, le menu principal, animé et musical, révèle le final du film !

Le livre de 20 pages écrit par Marc Toullec est bien illustré et donne moult informations sur la production du film qui nous intéresse, mais également sur l’histoire du slasher.

Ensuite, l’éditeur nous gâte puisque nous pouvons enfin découvrir le documentaire Slice and Dice : The Slasher Film Forever (1h15), réalisé par Calum Waddell en 2012, qui aborde évidemment le sous-genre horrifique du slasher à travers de très nombreux témoignages, le tout agrémenté d’images tirées de bandes-annonces diverses et variées. Participent à ce film : Emily Booth (scream queen), Tom Holland (Vampire, vous avez dit vampire?, Jeu d’enfant), Fred Olen Ray (Hollywood Chainsaw Hookers), Mick Garris (Critters 2), Scott Spiegel (producteur de la franchise Hostel), John Carl Buechler (Vendredi 13, chapitre 7: Un nouveau défi), Patrick Lussier (Dracula 2001, Meurtres à la Saint-Valentin 3D), Christopher Smith (Creep), Jeffrey Reddick (créateur de la franchise Destination Finale), Tobe Hooper (Massacre à la tronçonneuse 1 & 2), Corey Feldman (Vendredi 13: Chapitre final, Vendredi 13, chapitre 5: Une nouvelle terreur), Marysia Kay (scream queen), Felissa Rose (Massacre au camp d’été), Robert Rusler (La Revanche de Freddy), Eduardo Sánchez (Le Projet Blair Witch) et bien d’autres. N’attendez pas une étude poussée du slasher, mais plutôt un retour bon enfant, souvent amusant et informatif sur le genre par quelques noms qui ont participé à certains fleurons du thriller horrifique. La genèse (avec Psychose d’Alfred Hitchcock et La Baie sanglante de Mario Bava), les codes, les figures maléfiques, les ingrédients, les règles de survie, les effets gore, l’importance du son, les remakes divers et le retour en force du genre sont largement abordés dans ce film-documentaire très sympa qui devrait ravir les fans.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Le logo Columbia et le générique d’ouverture sont émaillés de points blancs et les noirs paraissent bien poreux. Heureusement, le master HD trouve son équilibre immédiatement après. Les couleurs sont joliment rafraîchies, la copie est stable, les contrastes denses, le piqué agréable, tout comme la patine argentique bien équilibrée et gérée. Certaines séquences sortent du lot, notamment toutes les scènes sur le campus avec un lot de détails très appréciables, sur les décors, mais également et surtout sur les gros plans et les beaux yeux bleus de Melissa Sue Anderson. Une définition très solide qui participe à la (re)découverte de ce slasher des années 1980.

La version originale est proposée en Dolby Digital 5.1, ainsi qu’en LPCM Stéréo. La première option n’exploite guère l’ensemble des canaux, même si l’accompagnement musical est plaisant. En dehors de cela, les différences avec la LPCM sont minimes et l’on préférera finalement sélectionner cette piste aux dialogues clairs et aux effets percutants, bref la plus dynamique du lot. L’éditeur joint également la version française Mono au rendu plus confiné et moins spectaculaire. Mais les puristes qui auront découvert le film ainsi dans leur jeunesse (il y en a), miseront une fois de plus sur cette adaptation au doublage par ailleurs très chouette.

Crédits images : © Rimini Editions / 1980 The Birthday Film Company Inc. All Rights Reserved / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Le Moulin des supplices, réalisé par Giorgio Ferroni

LE MOULIN DES SUPPLICES (Il Mulino delle donne di pietra) réalisé par Giorgio Ferroni, disponible le 16 avril 2019 en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre chez Artus Films

Acteurs : Pierre Brice, Scilla Gabel, Dany Carrel, Wolfgang Preiss, Robert Boehme, Liana Orfei…

Scénario : Giorgio Ferroni, Remigio Del Grosso, Ugo Liberatore, Giorgio Stegani

Photographie : Pier Ludovico Pavoni

Musique : Carlo Innocenzi

Durée : 1h37

Année de sortie : 1960

LE FILM

Hans arrive dans une petite bourgade près d’Amsterdam dans le but d’y rencontrer le sculpteur Wahl. Ce dernier vit avec sa fille Elfie et le docteur Bolem dans un moulin reconverti en un macabre musée de cire. Un endroit que les gens du village ont surnommé « Le moulin aux femmes de pierre ». Mais alors qu’Elfie s’éprend de Hans, ce dernier découvre que le moulin cache un horrible secret, quelque chose qui pourrait lui faire perdre la raison à tout jamais…

Giorgio Ferroni (1908-1981), qui a aussi parfois signé ses films sous le pseudonyme de Calvin Jackson Padget, est un des plus grands spécialistes du bis italien. Suivant les modes, éclectique, insaisissable, capable de passer d’un genre à l’autre, du documentaire en passant par le film d’aventure, le drame néoréaliste, le péplum (La Guerre de Troie) ou bien encore le film fantastique et d’épouvante (La Nuit des Diables), sans oublier le western (Deux pistolets pour un lâche, Le Dollar troué), le cinéaste était sur tous les fronts. Le Moulin des supplices Il Mulino delle donne di pietra, ou bien encore Mill of the Stone Women pour son exploitation internationale, est une des pierres fondatrices du cinéma de genre transalpin avec Le Masque du démon (La maschera del demonio) de Mario Bava et demeure le film le plus célèbre de son auteur. Près de soixante ans après sa sortie, ce chef d’oeuvre indiscutable reste une immense référence et son final s’inscrit dans toutes les mémoires.

Le jeune Hans Van Harnim est enchanté à l’idée d’étudier le remarquable carillon qu’abrite un vieux et mystérieux moulin situé en plein coeur de la campagne néerlandaise. Il est accueilli par le professeur Wahl, un sculpteur célèbre, sa fille, Elfi, atteinte d’un mal incurable, et le médecin qui la soigne, le docteur Bohlen. Elfi s’éprend immédiatement de Hans et se donne à lui sans attendre. Hans est rongé par le remords. C’est Liselotte, son amie d’enfance, qu’il aime. Lors d’une entrevue orageuse, Elfi meurt subitement. Traumatisé, Hans quitte le moulin. Victime d’un accès de fièvre, il s’alite. A son réveil, il apprend qu’Elfi est vivante…

Macabre et gothique, Le Moulin des supplices agit en deux temps. Le spectateur est tout d’abord transporté, happé par la beauté du cadre et la mise en scène de Giorgio Ferroni. Venu du cinéma néoréaliste, on lui doit également une adaptation du roman Sans famille d’Hector Malot en 1946, le cinéaste sort alors de dix ans de documentaires. Contre toute attente, il démarre les années 1960 par Le Moulin des supplices. Triomphe dans les salles, ce film sera le point de départ de la seconde partie de sa carrière. Durant les quinze années suivantes, Giorgio Ferroni se concentrera uniquement sur le cinéma d’exploitation. Le Moulin des supplices rend compte de son immense savoir-faire. Sa mise en scène exploite chaque recoin de son incroyable décor, tandis que la photographie signée Pier Ludovico Pavoni (Le Monstre aux yeux verts avec Michel Lemoine) réalisée en Eastmancolor, foudroie les yeux du début à la fin. Très inspiré par la peinture flamande, Giorgio Ferroni compose ainsi des tableaux, nappant ses plans d’un brouillard épais et d’un vent glacé. Jusqu’au dénouement où les flammes dévoilent les pires atrocités sur la musique lyrique de Carlo Innocenzi.

Au-delà de sa beauté graphique qui rappelle le travail du chef opérateur Jack Asher pour la Hammer, Le Moulin des supplices est encore un divertissement haut de gamme, mixant le film à enquête, la romance, le film fantastique avec l’ombre de Dracula qui plane une bonne partie du film, mais aussi le film d’épouvante. A ce titre, certaines séquences rappellent l’extraordinaire film de Georges Franju, Les Yeux sans visage, sorti la même année que Le Moulin des supplices. De là à dire que Giorgio Ferroni a dû découvrir vu ce chef d’oeuvre au moment où il tournait le sien il n’y a qu’un pas. Toutefois, Il Mulino delle donne di pietra, même si inspiré du mythique Masques de cire de Michael Curtiz (1933) et de son remake L’Homme au masque de cire (House of Wax) réalisé en 1953 et en relief stéréoscopique par André De Toth avec Vincent Price, Le Moulin des supplices trouve un ton qui lui est propre et crée alors un genre à part entière.

Co-production franco-italienne, le casting est composé de comédiens hexagonaux, Pierre Brice (l’inoubliable Apache Winnetou) et la mythique-sexy Dany Carrel, et d’acteurs italiens dont la sculpturale Scilla Gabel (Sodome et Gomorrhe de Robert Aldrich) et la rousse incendiaire Liana Orfei. Les allemands Herbert A.E. Böhme et Wolfgang Preiss (futur Dr. Mabuse) campent quant à eux le sculpteur Gregorius Wahl et le Dr Loren Bohlem. Un casting solide, des couleurs somptueuses, un rythme languissant et maîtrisé, des effets horrifiques percutants, Le Moulin des supplices est un carrousel sensoriel étourdissant.

LE BLU-RAY

Autant le dire d’emblée, oubliez l’édition DVD Neo Publishing et si vous êtes fans du Moulin des supplices, l’acquisition de cette édition collector, DVD + Blu-ray + Livre estampillée « Les chefs d’oeuvre du gothique » est évidemment indispensable. La beauté du Mediabook est évidente, en plus d’être douce au toucher, et l’objet trônera dans votre DVDthèque. Le menu principal est fixe et musical. Pas de chapitrage. Le film est présenté dans sa version intégrale non censurée.

Dans sa présentation de 43 minutes, l’historien du cinéma Alain Petit ne propose pas une analyse du Moulin des supplices, mais replace le film de Giorgio Ferroni dans l’histoire du cinéma d’exploitation italien. Du moins dans un premier temps. Moult titres de films sont donnés, le tout agrémenté d’affiches qui donnent sérieusement envie. Ensuite, l’invité d’Artus Films aborde la sortie du film avec ses différents montages selon les pays avec même deux versions italiennes qui diffèrent au niveau du son. Les scénaristes, les références, mais aussi le casting avec cette fois encore de nombreux titres évoqués, sans oublier la carrière du réalisateur, les décors, la musique, la photographie sont passés au crible durant cette présentation qui fait l’effet d’une petite masterclass privée.

Profitons-en pour dire que tous les propos d’Alain Petit sont tous repris dans le livret de 64 pages, signé par l’historien du cinéma lui-même, intitulé Le Moulin des femmes de pierre. Un superbe Mediabook constitué de photos et d’affiches, d’un retour sur la genèse du film, sur sa production, sur l’écriture du scénario, sur les différents montages, une bio/filmo consacrée à Giorgio Ferroni et bien d’autres éléments dont un retour complet sur les films d’horreur prenant pour décor un musée de cire.

Retournez ensuite aux bonus vidéo et sélectionnez l’interview de la comédienne Liana Orfei (25’30). Enfin avant d’être actrice, Lianna Orfei est avant tout artiste de cirque comme elle le rappelle au cours de cet entretien très sympathique dans lequel elle explique comment elle a été repérée par un agent (Federico Fellini était d’ailleurs de la partie) pour faire du cinéma. Après avoir parlé des conditions de tournage dans les studios de Cinecittà, du théâtre et de ses 56 films, Liana Orfei en vient plus précisément au Moulin des supplices, dont elle garde un beau souvenir, comme le tournage d’une scène (finalement coupée au montage) avec le très jeune Mario Girotti, qui allait devenir très célèbre sous le pseudo de Terence Hill. Parallèlement, l’historien du cinéma Fabio Melelli donne quelques indications sur le film de Giorgio Ferroni.

Pour illustrer certains propos d’Alain Petit, l’éditeur propose de découvrir quelques éléments alternatifs présents dans les montages italiens et américains, comme certains inserts réalisés dans la langue correspondante.

L’interactivité se clôt sur un diaporama et la bande-annonce (en anglais).

L’Image et le son

Voici la version intégrale du Moulin des supplices, proposée dans un master HD au format 1080p. Présenté dans son format respecté 1.66, le film de Giorgio Ferroni a été « reconstitué » à partir de sources diverses. Si les coutures de ce patchwork sont souvent visibles avec des sautes chromatiques, un piqué aléatoire et une gestion des contrastes parfois brinquebalante, le grain cinéma est doux, les scories limitées et la stabilité de mise. Reste maintenant la question que beaucoup de cinéphiles risquent de se poser, à savoir pourquoi Artus Films n’a pas décidé de proposer les trois différents montages existants du Moulin du supplice, plutôt que de nous imposer cette version qui rappellera à certains le seamless branching.

Trois versions sont proposées en LPCM mono ! Privilégiez forcément la langue italienne, la plus riche et dynamique du lot, même si la scène où Liselotte raconte sa rencontre avec Hans, uniquement disponible dans le montage français (pourtant amputé d’autres séquences), passe directement dans la langue de Molière, avec la véritable voix de Dany Carrel donc. Une séquence coupée en Italie probablement en raison de la présence d’automobiles visibles en arrière-plan dans les rues d’Amsterdam ! Signalons d’ailleurs que cette scène est probablement la plus mal définie du lot. Le doublage français est honnête, mais peu aidé par des craquements et un souffle parasite. Quant à la piste anglaise, elle est absolument à éviter.

Crédits images : © Armor Films / Artus Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Une hache pour la lune de miel, réalisé par Mario Bava

UNE HACHE POUR LA LUNE DE MIEL (Il Rosso segno della follia) réalisé par Mario Bava disponible en édition DVD+Blu-ray+Livret le 9 avril 2019 chez ESC Editions

Acteurs : Stephen Forsyth, Dagman Lassander, Laura Betti, Femi Benussi, Jesús Puente, Luciano Pigozzi, Antonia Mas, Gérard Tichy, Verónica Llimerá…

Scénario : Santiago Moncada, Mario Musy, Mario Bava

Photographie : Mario Bava

Musique : Sante Maria Romitelli

Durée : 1h28

Date de sortie initiale : 1968

LE FILM

En reprenant une maison de couture au bord de la faillite laissée par sa mère, John Harrington est à nouveau hanté par son pire cauchemar. Suite à un traumatisme lié à son enfance dont il n’a plus du tout le souvenir, il est désormais incapable de contrôler les pulsions qui le poussent à vouloir tuer des jeunes femmes vêtues de robes de mariée…

Une femme ne devrait vivre que jusqu’à sa nuit de noces…

Une hache pour la lune de mielIl Rosso segno della follia, également connu sous le titre français opportuniste et ridicule de La Baie sanglante 2 (alors que le premier sera tourné après) ou bien encore Meurtres à la hache pour son exploitation en VHS dans les années 1980, n’est pas l’oeuvre la plus célèbre ou la plus représentative du cinéma de Mario Bava. Pourtant, ce film apparaît comme un condensé de ses précédents longs métrages, tout en annonçant ceux qui suivront, puisqu’il est question ici de meurtres, de psychologie dérangée et de traumatisme. Le cinéaste s’auto-cite en diffusant un extrait de son segment des Trois visages de la peur, mais on pense également à Six femmes pour l’assassin pour le milieu que Mario Bava dépeint (celui de la couture), tout en s’inspirant du cinéma d’Alfred Hitchcock avec évidemment Psychose en ligne de mire. Le spectre de Norman Bates est bel et bien présent dans Une hache pour la lune de miel. Le maestro adopte le point de vue de son personnage principal, ce qui place le spectateur en tant que premier témoin de ses agissements. Véritable tour de force, Il Rosso segno della follia déroule son récit à travers les yeux du meurtrier, tout en plongeant l’audience dans une psyché perturbée où les repères se brouillent et s’effondrent jusqu’à l’implosion.

« Mon nom est John, j’ai 35 ans… Je suis paranoïaque. Non, en fait je suis complètement fou. J’ai tué 5 belles jeunes femmes, dont 3 sont enterrées dans la serre, et personne ne me suspecte d’être un dangereux meurtrier. Cela m’amuse… », annonce nonchalamment le jeune, beau et riche John Harrington. Ce dernier est le directeur d’une maison de couture spécialisée dans les robes de mariée. Schizophrène, hanté par le spectre de sa mère castratrice morte de sa nuit de noces, et ses pulsions meurtrières le poussent à tuer les jeunes mariées avec un hachoir. Marié à une femme qu’il exècre, Mildred (Laura Betti, qui reviendra dans La Baie sanglante), il tombe amoureux d’un nouveau mannequin, Helen, fraîchement arrivé dans son entreprise matrimoniale. Alors qu’il continue à assassiner, la police se rapproche doucement de lui.

A la fin des années 1960, Mario Bava est comme qui dirait à un tournant de sa carrière. Agé de 54 ans au moment où le producteur espagnol Manuel Caño lui propose le scénario de Une hache pour la lune de miel, le réalisateur qui sort alors du coûteux Danger : Diabolik ! souhaite retrouver un film au budget modeste et certains de ses thèmes de prédilection. Cependant, le film déjoue les attentes dans le sens où le sang et autres effets gore sont ici absents. Une hache pour la lune de miel privilégie l’angoisse et la violence, la plupart du temps hors-champ. Quand le personnage use de son hachoir, nul plan sur la lame pénétrant la chair, où de membres sectionnés. Mario Bava laisse l’imagination du spectateur faire son travail et le résultat est aussi efficace.

Une hache pour la lune de miel est une autopsie des pulsions qui poussent un homme bien sous tous rapports à commettre les actes les plus abominables. On pense alors au célèbre Patrick Bateman inventé par Bret Easton Ellis, personnage principal et le narrateur du roman American Psycho. A ce titre, l’acteur Stephen Forsyth, dont c’est ici la dernière apparition au cinéma avant de se consacrer à la musique, est un choix idéal. Son visage figé qui renvoie aux mannequins de plastique qui environnent John Harrington dans son antre secrète, dissimule en réalité un être complètement fou et instable.

Tourné entre Barcelone, Paris et Rome, Il Rosso segno della follia agit comme une ronde étourdissante qui fait perdre pied et qui donne le vertige. Mario Bava, également directeur de la, photographie, joue également sur les distorsions de l’image – entre anamorphoses et zooms – et les sons – excellente bande originale de Sante Maria Romitelli – qui s’imbriquent. Le cinéaste démontre qu’il pouvait donc créer l’effroi et l’épouvante (avec un humour noir à froid) sans avoir recours à l’hémoglobine, uniquement par le biais de sa mise en scène, toujours stylisée, en tout point saisissante.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray d’Une hache pour la lune de miel, disponible chez ESC Editions, a été réalisé à partir d’un check disc. Le menu principal est animé et musical. Le film de Mario Bava avait disposé d’une édition en DVD (aujourd’hui épuisée) chez One Plus One en 2002. Edition collector limitée à 2 500 exemplaires. Nous trouvons également un livret de 16 pages écrit par Marc Toullec.

Sur Homepopcorn.fr, nous sommes fans de monsieur Jean-François Rauger. C’est avec un immense plaisir que nous le retrouvons ici pour une présentation d’Une hache pour la lune de miel (25’). Le directeur de la programmation à la Cinémathèque Française replace le film qui nous intéresse dans la carrière de Mario Bava. Puis, Jean-François Rauger aborde tous les aspects de cette production méconnue du maître italien, en parlant du scénario, du casting, des influences, des thèmes du film, des motifs récurrents, des partis pris et des intentions du réalisateur. Une analyse complète et pertinente.

Du coup, l’intervention de Jean-Pierre Bouyxou apparaît bien redondante, même si très sympathique (8’). Le journaliste cinéma, critique et réalisateur français encense plutôt la splendeur visuelle d’Une hache pour la lune de miel et aborde les aspects formels de ce « film singulier, anti-gore et tout en retenue ».

L’Image et le son

La première et la dernière bobine sont les plus abîmées de ce nouveau master HD. Les points, griffures, poussières, fils en bord de cadre et tâches diverses sont légion et parsèment l’écran. Heureusement, cela s’apaise durant la quasi-intégralité du long métrage, même si certaines scories demeurent. Les couleurs – si importantes chez Mario Bava – retrouvent une certaine fraîcheur, tout comme les contrastes, étonnamment denses à plusieurs reprises. Le piqué est agréable, le relief des matières est palpable et les décors baroques ne manquent pas de détails, y compris sur les séquences sombres. La texture argentique est idéalement préservée et surtout excellemment gérée.

Trois mixages au choix ! Optez pour la version anglaise, langue officielle du tournage (même si tout a été repris en post-synchronisation), dont le confort acoustique est le plus équilibré du lot, en dépit d’un léger chuintement et de craquements parasites. La piste française est la plus faible avec des dialogues lointains, tandis que la version italienne paraît artificielle avec son rendu trop élevé des dialogues.

Crédits images : © ESC Editions / ESC Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / La Revanche des mortes-vivantes, réalisé par Pierre B. Reinhard

LA REVANCHE DES MORTES-VIVANTES réalisé par Pierre B. Reinhard, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume

Acteurs : Cornélia Wilms, Kathryn Charly, Anthea Wyler, Véronik Catanzaro, Sylvie Novak, Laurence Mercier, Patrick Guillemin, Georges Lucas, Michel Tugot-Doris…

Scénario : Jean-Claude Roy

Photographie : Henry Frogers

Musique : Christopher Ried

Durée : 1h22

Année de sortie : 1987

LE FILM

Sur une route de campagne, en France, un motard suit un camion-citerne transportant du lait et profite de l’arrêt du véhicule pour introduire un produit toxique dans la cuve. Plus tard, dans un village avoisinant, une future mariée s’effondre après avoir bu un verre de lait. Une mort violente que suivent de près celles de deux autres jeunes femmes dans un bar. Point commun reliant les victimes : toutes trois travaillaient dans une usine d’engrais agricoles. Tandis que les soupçons se portent vers son directeur, les trois victimes sortent de leur tombe à la nuit tombée !

« Alors mon beau chimiste ? Qu’est-ce que tu dirais d’une petite expérience ? On pourrait essayer des trucs plus physiques ? »

« Hein ? Qu’est-ce que tu veux ? »

« Ce n’est pas très poli Christian ! N’oublie pas que je suis sa secrétaire ! Et que toi tu n’es rien ! Sinon l’amant de sa femme ! »

« Continue ! Parle plus fort ! Tout le monde entendra ! C’est ce que tu veux ? »

« Je ne veux plaire qu’à toi Casanova ! »

« Elle est folle ! Qu’est-ce que tu fous à moitié à poil ? Y’a beaucoup de gens qui t’ont vu faire prendre l’air à tes nibards ? Ou on t’a embauché pour faire des heures sup’ chez Playtex !? »

Voilà un petit extrait des dialogues épicés de La Revanche des mortes-vivantes réalisé par Pierre B. Reinhard, crédité ici sous le pseudonyme de Peter B. Harsone. Spécialisé dans le porno (également sous le nom de Mike Strong), on lui doit quelques œuvres aux titres romantiques du genre Pénétrations multiples, Le nain assoiffé de perversité, James Bande contre O.S.Sex 69, Outrages transsexuels des petites filles violées et sodomisées ou bien encore Petits Trous déchirés, salopes par-derrière, Pierre B. Reinhard propose un divertissement gratiné entre film d’épouvante et érotisme soft, le tout souligné par des répliques qui semblent tout droit tirées d’un gros boulard des années 1970. Cette récréation éminemment sympathique, très drôle, foncièrement absurde n’en demeure pas moins animée par une véritable envie de cinéma, de faire plaisir aux spectateurs, alors peu dupes quant à la qualité relative du produit qu’on lui propose. La Revanche des mortes-vivantes joue avec les codes du film de zombies, passés à la sauce franchouillarde où le réalisateur ne peut s’empêcher de rajouter quelques boobs et pubis qui se confondent avec les motifs fleuris du papier peint et les partis pris quelque peu douteux de la photographie. En résulte un film fourre-tout, très drôle, gentiment gore (la fausse couche avec bébé apparent fait son effet) et au final nawak, le tout martelé par une bande originale très soignée signée Christopher Reid.

Un conducteur de camion-citerne contenant du lait prend en stop Sonia, une jeune fille peu farouche. Il s’arrête avec elle dans un moulin abandonné et un complice de cette dernière (qui en fait est une prostituée en mission) en profite pour verser dans la citerne un produit toxique. Très vite, trois jeunes femmes qui ont consommé ce lait contaminé meurent instantanément. On apprend que cette manœuvre est orchestrée par Brigitte, la secrétaire d’Alphan, le patron de l’usine de lait O.K.F., afin de le faire chanter. De mèche avec une autre prostituée, elle filme les ébats d’Alphan préalablement drogué. Parallèlement, Alphan confie l’évacuation de ses déchets toxiques à Nimier, un aventurier sans scrupules. Celui-ci déverse le produit dans le cimetière local, le liquide se répand dans le sol et atteint les tombes des trois jeunes victimes qui se transforment en mortes-vivantes. Celles-ci vont s’efforcer d’éliminer les uns après les autres tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à leur mort.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le scénariste et producteur Jean-Claude Roy, lui-même metteur en scène de films érotiques et pornographiques (La grande enfilade, À pleine bouche, Couple cherche esclave sexuel) se fait plaisir en imaginant les meurtres qui ponctuent cette Revanche des mortes-vivantes. Une femme est énucléée, une autre transpercée par une lame enfoncée dans le vagin, un homme est émasculé avec les dents, un autre est noyé dans sa piscine. Futur réalisateur du mythique Diable rose avec Roger Carel, Pierre Doris et surtout Brigitte Lahaie, Pierre B. Reinhard emballe son film avec les moyens mis à sa disposition (les autocollants sont mal ajustés sur les portières, les noms inscrits sur les tombes sont de travers, le générique contient quelques fautes d’orthographe comme « dialouges » et « concetpion musicale »), dans quelques coins paumés de la Sarthe (à La Ferté Bernard plus exactement), la machine à brouillard turbinant à fond pour instaurer quelques ambiances à la nuit tombée. Les acteurs, tous très mauvais (un certain Georges Lucas est crédité au générique dans le rôle du gardien du cimetière), récitent leurs dialogues (en post-synchronisation souvent décalée avec le mouvement des lèvres des comédiens) sans y croire une seconde et pour la plus grande satisfaction des spectateurs avides de série Z.

Car bien sûr, La Revanche des mortes-vivantes ne cherche pas à se donner des airs de film plus ambitieux, même si le carton final ne peut s’empêcher de citer Les Diaboliques d’Henri-Georges Clouzot, quant au rebondissement final à ne pas dévoiler. Toutefois, le film n’est pas dénué de qualités, comme notamment les maquillages réalisés par un débutant du nom de Benoît Lestang (1964-2008), qui allait devenir l’un des plus grands spécialistes français en la matière en contribuant à des œuvres aussi variées que La Cité des enfants perdus, Martyrs, en passant par Le Pacte des loups et Arsène Lupin. Une chose est sûre, c’est qu’aujourd’hui La Revanche des mortes-vivantes conserve un charme rétro évident, que le film est devenu culte auprès de nombreux spectateurs et que son capital sympathie est total.

LE BLU-RAY

La Revanche des mortes-vivantes proposé en Haute-Définition ! EN BLU-RAY !!! Vous vous rendez compte ? A cette occasion, Le Chat qui fume a déroulé le tapis-rouge au film de Pierre B. Reinhard avec un superbe Digipack 3 volets, le tout glissé dans un étui cartonné liseré rouge. Cette édition comprend le DVD, le Blu-ray, ainsi que le CD de la bande originale de Christopher Reid (42’), éditée par Omega Productions Records. Egalement glissé dans le Digipack, nous trouvons un encart de deux pages écrit par Christophe Lemaire. Edition limitée à 1000 exemplaires.

On commence cette interactivité avec une interview de Pierre B. Reinhard (26’). Le réalisateur de La Revanche des mortes-vivantes revient sur ses études aux Beaux-Arts, puis sur ses débuts au cinéma comme stagiaire auprès de cinéastes tels que René Clair et Henri Verneuil. C’est alors qu’il souhaite apprendre le montage et qu’il rencontre Léon Kikoïne, qui lui présente à son tour son fils Gérard, qui allait lui apprendre les ficelles du métier sur des films pornographiques. Pierre B. Reinhard évoque également sa rencontre avec Claude Mulot, ses premières mises en scène et explique qu’il n’a jamais été friand des films d’horreur. Il revient sur les conditions de tournage du film qui nous intéresse (-18 degrés dans un patelin de la Sarthe), sur les effets spéciaux réalisés par Benoît Lestang, sur la sortie de La Revanche des mortes-vivantes, sur la fin alternative et la transformation des circuits de distribution à la fin des années 1980.

Dans un document d’archives datant de 2005, le scénariste et producteur Jean-Claude Roy et le responsable des effets spéciaux Benoît Lestang partagent leurs souvenirs et anecdotes sur La Revanche des mortes-vivantes (16’30), tout en se remémorant leur rencontre par l’intermédiaire de Jean Rollin. Visiblement très complices, les deux hommes, aujourd’hui décédés, s’attardent sur le casting des comédiennes, la censure, le succès du film avec 50.000 entrées à Paris, 200.000 entrées sur 20 copies distribuées sur toute la France.

Nous retrouvons Benoît Lestang dans un entretien réalisé en 2008 à l’occasion de la sortie dans les bacs du DVD de Martyrs de Pascal Laugier (15’). Recevant deux journalistes dans son atelier, le magicien des effets spéciaux présente quelques-unes de ses réalisations et parle de son travail, de ses débuts, de sa rencontre avec Jean Rollin. Véritable artisan et passionné par son métier, Benoît Lestang évoque également The Thing de John Carpenter, sa visite de l’atelier de Rick Baker à Los Angeles, les effets de Men In Black et clôt cette interview en parlant du rouleau compresseur des images numériques. Il précise avoir été estomaqué par le rendu du personnage de Davy Jones, interprété par Bill Nighy dans Pirates des Caraïbes : Le Secret du coffre maudit. Un très beau document.

Il est encore question de Benoît Lestang à travers une rencontre très émouvante et pudique de Christophe Lemaire (33’). Ce dernier dresse un formidable portrait de celui avec lequel il a visiblement fait les 400 coups. « J’ai été le premier à le connaître dans le métier et le dernier à le voir » dit-il en se rappelant leur rencontre au début des années 1980 dans le quartier des Gobelins à Paris. Les anecdotes personnelles et très touchantes s’enchaînent. Christophe Lemaire parle des rencontres déterminantes de Benoît Lestang (Jean Rollin notamment), bourreau de travail qui travaillait sept jours sur sept dans la cave étriquée de ses parents. De sa proximité avec Mylène Farmer (il avait créé la célèbre poupée du clip de Sans contrefaçon) à l’aboutissement de sa carrière sur Martyrs de Pascal Laugier, en passant par son souhait de devenir réalisateur, jusqu’à son suicide, Christophe Lemaire rend un formidable hommage à son ami.

Dernier segment disponible, nous trouvons une petite séquence bêtisier durant laquelle Jean-Claude Roy et Benoît Lestang présentent (ou tentent de présenter plutôt) La Revanche des mortes-vivantes pour sa diffusion sur Ciné FX (2005-4’).

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Hormis quelques pompages (on parle ici d’image hein petits coquins), de légers fourmillements et une perte de détails sur les scènes sombres, ce master HD de La Revanche des mortes-vivantes tient ses promesses. Les partis pris sont respectés, à savoir les couleurs fanées et grisâtres, quelques plans luminescents, une texture argentique souvent grumeleuse, tout en profitant réellement d’une élévation en Haute-Définition. La propreté n’est jamais prise en défaut, les noirs sont denses, même le réalisateur n’aurait jamais pu penser un jour voir son film aussi net et aussi beau ! C’est kitsch, ça se voit et pourtant cela ravit les yeux. Allez comprendre…

Film français peut-être, mais il semble que les dialogues aient été repris en post-synchronisation dans leur quasi-globalité. Il n’est donc pas rare que le volume change au cours d’un échange entre les voix enregistrées sur le plateau et les répliques reprises dans un second temps. Mention spéciale à la nullité des acteurs encore une fois, avec une nette préférence pour le scientifique et pour le saboteur qui ne peut s’empêcher de s’exprimer en jouant avec les mains. Les voix sont souvent étouffées. L’éditeur joint également les sous-titres anglais, ainsi qu’une piste sonore dans la langue de Shakespeare. N’hésitez pas à visionner quelques scènes (ou tout le film soyons fous) dans cette langue pour comparer les intonations avec celles de la version française.

Crédits images : © OB FILMS / Le Chat qui fume / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Massacre à la tronçonneuse 2, réalisé par Tobe Hooper

MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE 2 (The Texas Chainsaw Massacre 2) réalisé par Tobe Hooper, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume

Acteurs : Dennis Hopper, Caroline Williams, Jim Siedow, Bill Moseley, Bill Johnson, Ken Evert, Harlan Jordan, Kirk Sisco…

Scénario : L.M. Kit Carson

Photographie : Richard Kooris

Musique : Tobe Hooper, Jerry Lambert

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1986

LE FILM

Douze ans après le massacre d’un groupe de jeunes au Texas, la tronçonneuse vrombit à nouveau dans les mains de Bubba, le tueur masqué, la famille Sawyer ayant désormais trouvé refuge dans un parc d’attractions abandonné. Mais l’arrivée du shérif Lefty Enright, oncle de deux des victimes de Leatherface, va changer la donne, d’autant que l’homme de loi est aussi un maniaque de la scie à moteur.

Est-ce un nanar ? C’est ce que l’auteur de ces mots pensait jusqu’alors, mais non, finalement, Massacre à la tronçonneuse 2The Texas Chainsaw Massacre 2 est juste une incroyable comédie d’horreur. Douze ans après le film qui l’a fait connaître, Tobe Hooper décide de revenir à sa scie mécanique, surtout suite aux échecs commerciaux consécutifs de Lifeforce (1985) et de L’Invasion vient de Mars (1986). Troisième long métrage produit par la Cannon et les trublions Menahem Golan et Yoram Globus, Massacre à la tronçonneuse 2 va emmener les spectateurs là où ils s’y attendaient le moins, sur le territoire de la comédie noire. Aujourd’hui encore, les fans hardcore du premier volet ne savent pas quoi faire cet épisode quasi-indépendant de la franchise Texas Chainsaw. C’est là toute l’ambition d’un cinéaste conscient que l’époque avait changé et qui ne voulait surtout pas se répéter. Massacre à la tronçonneuse 2 est une oeuvre totalement barrée, insolite, inclassable, extrêmement généreuse. Et s’il s’agissait là d’une des meilleures suites de l’histoire du cinéma ?

Depuis plus de 10 ans, le Texas Ranger Lefty Enright, l’oncle de Sally et Franklin, cherche sans relâche à venger le meurtre brutal des enfants de son frère par Leatherface et sa famille de cannibales. Aujourd’hui c’est son jour de chance : une présentatrice de radio vient d’enregistrer la bande son du meurtre par Leatherface de deux jeunes hommes qui étaient en communication téléphonique avec la radio au moment du crime.

Sur un scénario signé L.M. Kit Carson, qui avait participé à celui du sublime Paris, Texas de Wim Wenders, Tobe Hooper confronte sa famille de fous furieux cannibales aux yuppies de l’Amérique de Ronald Reagan. Alors que les hippies subissaient les assauts de Leatherface dans le premier épisode, le réalisateur s’en prend aux jeunes cadres ambitieux et sans scrupules dans Massacre à la tronçonneuse 2, tout en jouant avec l’empathie des spectateurs. Ici, en dehors du personnage joué par la bad-ass et sexy Caroline Williams, Vanita Brock aka Stretch, on en vient à préférer cette bande de frappadingues merveilleusement interprétés à l’écran par Jim Siedow (seul rescapé du premier film) devenu un businessman et à qui le libéralisme a également profité, l’incroyable Bill Moseley (Chop-Top) et Bill Johnson, qui remplace Gunnar Hansen derrière le masque en peau de Leatherface. A tout ce beau monde se joint évidemment Dennis Hopper, qui se fond totalement dans l’esprit tordu du film. Arborant un Stetson démesuré et deux tronçonneuses en guise de colts, le comédien traverse ce récit en assumant le ridicule de son personnage, qui ne fait quasiment rien du film, à part couper les poutres du repaire de ses adversaires.

Conçu et mis en scène comme un délire ultime, cette séquelle longtemps mal aimée est pourtant un incroyable tour de force. Tobe Hooper ne craint pas de détourner les attentes de son audience, pour mieux les surprendre, du moins ceux qui sauront accepter ces partis-pris. Si quelques séquences apparaissent trop étirées, à l’instar de l’apparition de Leatherface et de Chop-Top dans la station de radio, le film parvient à trouver son rythme de croisière. Massacre à la tronçonneuse 2 se divise en trois parties distinctes. Le meurtre des deux yuppies partis en virée laisse place à l’attaque de la station de radio, puis à un huis clos hallucinant où notre héroïne se retrouve enfermée dans l’antre – superbe décor forain – de la famille dégénérée.

Progressivement, les personnages principaux pètent les plombs, comme Dennis Hopper tout droit sorti de Blue Velvet et qui semble encore avoir un pied sur le plateau du chef d’oeuvre de David Lynch. Il faut attendre l’apparition de Chop-Top, revenu du Viet Nam avec une plaque en fer greffée sur le crâne pour que le film dévie et ne fasse plus machine arrière. Ajoutez à cela un Leatherface “romantique” qui use de sa tronçonneuse comme d’un sexe turgescent, qui tombe amoureux de Stretch et qui s’amuse à lui caresser l’entrecuisse avec son outil, tout en lui confectionnant un masque de sa composition pour qu’ils puissent jouer ensemble. Ça crie, ça gesticule et parle fort, c’est complètement dingue et grand guignolesque, c’est aussi vulgaire et outrancier. Tobe Hooper repousse les limites de l’hystérie, jusqu’au dîner final repris directement du premier film avec même la présence du Grandpa, toujours en (sur)vie, prêt à donner des coups de marteau sur les demoiselles.

Malgré une semaine de tournage annulée, un million de dollars amputé sur le budget initialement prévu et des réécritures quotidiennes du scénario, Massacre à la tronçonneuse 2, farce malsaine, témoigne de la virtuosité d’un cinéaste (également compositeur ici) en pleine possession de ses moyens (ici avec plus de sang et des maquillages très réussis signés Tom Savini) et au sommet de son art créatif. Pour sa sortie, craignant de voir leur film classé X, les Go-Go Boys décident de se passer de la commission en faisant interdire Massacre à la tronçonneuse 2 aux moins de 17 ans. Le film remporte tout de même deux fois sa mise sur le sol américain, mais se voit priver d’une sortie en Angleterre, en Australie et en Allemagne. Le montage diffère selon les pays et même si ce second épisode ne connaît pas le triomphe inattendu du film original, Massacre à la tronçonneuse 2 n’est pas un échec commercial. Aujourd’hui, il est peut-être même devenu encore plus culte que le film original.

LE BLU-RAY

Voilà une belle et grosse édition concoctée une fois de plus par Le Chat qui fume ! Massacre à la tronçonneuse 2 fait son retour dans les bacs, douze ans après le DVD MGM sorti en juin 2007. Cette édition limitée à 2000 exemplaires se compose du Blu-ray et de deux DVD, placés dans un sublime Digipack 3 volets (Frédéric Domont, tu es le meilleur !) avec étui cartonné du plus bel effet. Le menu principal est animé et musical. Nous trouvons également un petit encart de quatre pages signé Christophe Lemaire, qui évoque la découverte de Massacre à la tronçonneuse 2 au cinéma la première semaine d’octobre 1986, au festival de Sitges.

Il vous faudra réserver près de six heures pour aller au bout de tous les suppléments disponibles sur cette édition de Massacre à la tronçonneuse 2 !

On commence par un commentaire audio (vostf) du cinéaste Tobe Hooper, mené par David Gregory, réalisateur de Texas Chaisaw Massacre: The Shocking (2000). Ce commentaire, réalisé en juillet 2006 est plutôt agréable, dans le sens où Tobe Hooper se livre progressivement au fil de l’exercice. La genèse, le contexte politique et social des années 1980, les partis pris, les intentions, les conditions de tournage, le casting, les décors, les effets visuels, la réception du film à sa sortie, le metteur en scène revient sur tous ces aspects. Notons quelques silences et le fait que Tobe Hooper désirait revenir « à ce genre de film scandaleux » et qu’il travaillait alors sur « quelque chose de dément ».

Le second commentaire audio, également sous-titré en français, donne cette fois la parole au maquilleur Tom Savini, accompagné des comédiens Caroline Williams et Bill Moseley. Si les informations sont moins nombreuses ici, la bonne humeur des trois intervenants est réellement contagieuse. Sans aucun temps mort, les invités se lâchent derrière le micro, refont des dialogues du film, avec quelques cris de circonstance et surtout beaucoup de rires.

Cinq scènes inédites sont disponibles (13’ au total). Présentées séparément avec un carton en introduction qui permet de remettre ladite séquence dans son contexte, ces scènes coupées au montage (pour des questions de rythme) prolongent surtout les virées nocturnes de la famille Sawyer, à la recherche de viande fraîche pour leur chili con carne ! Cela nous vaut un carnage dans un parking avec des membres arrachés. La qualité fait mal aux yeux, mais ces suppléments restent une belle curiosité. Egalement présent, un générique alternatif.

Réalisé en 2006, le documentaire C’est de famille (87’) est ici divisé en six parties distinctes, Le scénario du massacre du Texas (13’), L’art du grabuge (17’), Une série de personnages (26’), Viande de premier choix sur le plateau avec Tom Savini (14’), Père de la tronçonneuse (8’) et Requiem pour une suite (9’). On y retrouve donc les mêmes intervenants, à savoir le scénariste M. Kit Carson, le directeur de la photo Richard Kooris, le chef décorateur Cary White, les acteurs Bill Johnson (Leatherface), Lou Perryman (LG), Bill Moseley (Chop Top) et Caroline Williams (Stretch), l’accessoiriste Michael Sullivan et le maquilleur Tom Savini.

Tout ce beau petit monde, enregistré séparément, revient sur la genèse et surtout sur le tournage de Massacre à la tronçonneuse 2. Remplit d’anecdotes (surtout sur Tobe Hooper, toujours la canette de Dr Pepper et le cigare Montecristo à portée de main) et d’images de plateau, ce passionnant making of aborde tous les aspects de la production du film qui nous intéresse, la création des décors, le casting, les maquillages, etc.

Place à l’excellent Julien Sévéon, dont nous avons parlé à plusieurs reprises sur Homepopcorn.fr, à l’occasion de ses présentations sur les galettes d’Incidents de parcours de George A. Romero, de Gungala, la vierge de la jungle de Romano Ferrara et de Maximum Overdrive de Stephen King. Une fois de plus, il nous propose une brillante et passionnante analyse de Massacre à la tronçonneuse 2 (33’), en croisant le fond avec la forme. Certes, les propos font parfois écho avec ce qui a déjà été entendu au fil des suppléments précédents, mais l’ensemble reste dynamique, toujours intéressant et bourré d’informations, notamment en ce qui concerne les problèmes de continuité d’un film à l’autre. Julien Sévéon en profite également pour indiquer ses trois opus préférés de la franchise, à savoir les deux films réalisés par Tobe Hooper, ainsi que le Leatherface de Julien Maury et Alexandre Bustillo.

Le dernier documentaire de cette incroyable édition, La Maison de la douleur (42’30) compile cette fois les interventions des associés de Tom Savini, à savoir John Vulich (responsable du maquillage de Grandpa), Gino Crognale (responsable du maquillage de Lou Perryman), Barx Mixon (assistant de l’équipe) et Gabe Bartalos (responsable des matières). Chaque invité se remémore les conditions de tournage, tout en dévoilant les trucs de l’époque pour donner vie à la famille Sawyer et à leur univers. Tom Savini intervient à la fin du générique pour une petite blague.

L’interactivité se clôt sur les bandes-annonces de Massacre à la tronçonneuse 2, La Saignée et La Rose écorchée.

L’Image et le son

L’apport HD est flagrant sur la luminosité de la copie, sur le nouvel éclat des couleurs (dans l’antre des Sawyer surtout) et le renforcement des contrastes. Des points blancs restent notables du début à la fin, discrets certes, mais bel et bien présents. Le piqué est somme toute inédit, les détails éloquents et la profondeur de champ indéniable, ce qui nous permet d’apprécier le soin apporté aux décors et surtout aux maquillages de Tom Savini qui n’ont pour ainsi dire pas vieilli, comme l’écorché ou bien encore le crâne de Chop-Top. Signalons également quelques plans plus flous, qui nous semblent d’origine. N’oublions pas la texture argentique, évidemment et heureusement préservée.

La version française (géniale) est à la fois proposée en Stéréo et en Mono. La première option offre un rendu plus aéré, mais les différences sont minimes et l’écoute reste plutôt confinée. En revanche, la version originale DTS HD Master Audio 2.0 est plus riche et dynamique, équilibrée entre la b.o. démentielle et les dialogues (ou les cris, c’est selon). Point de remixage artificiel 5.1 et c’est pas plus mal.

Crédits images : © Le Chat qui fume / Metro-Goldwyn – Mayer Studios / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / La Baie sanglante, réalisé par Mario Bava


LA BAIE SANGLANTE (Reazione a catena – Ecologia del delitto) réalisé par Mario Bava disponible en édition DVD+Blu-ray+Livret le 5 mars 2019 chez ESC Editions

Acteurs : Claudine Auger, Luigi Pistilli, Claudio Volonté, Laura Betti, Leopoldo Trieste, Franco Ventura, Anna Maria Rossati, Isa Miranda, Brigitte Skay, Paola Montenero, Roberto Bonanni, Guido Boccaccini, Nicoletta Elmi, Renato Cestiè…

Scénario : Filippo Ottoni, Mario Bava, Giuseppe Zaccariello d’après une histoire originale de Dardano Sacchetti et Franco Barberi

Photographie : Mario Bava

Musique : Stelvio Cipriani

Durée : 1h24

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

La vieille comtesse Frederica est brusquement arrachée à son fauteuil d’invalide et pendue par son mari qui à son tour meurt sous les coups de poignard d’un mystérieux assassin. Quatre jeunes gens venus se divertir pénètrent par effraction dans la villa. Pendant que l’une des filles se baigne nue dans la baie et se retrouve la gorge tranchée, un garçon et une fille désirant faire l’amour se retrouvent épinglés au lit par une lance…

La Baie sanglante est une œuvre tardive dans l’oeuvre de Mario Bava. Le cinéaste a 57 ans quand il entreprend ce film, considéré aujourd’hui comme l’une de ses plus grandes réussites, qui apparaît également comme une réponse au giallo, ce genre italien du film d’exploitation, cocktail de cinéma d’horreur, de film policier et d’érotisme soft. Un tueur ganté, masqué, qui assassine sauvagement (souvent en caméra subjective) à l’aide d’une arme blanche ou de ses propres mains en étranglant la plupart du temps une pauvre femme qui trépasse en hurlant, et qui rend son dernier souffle, figée dans un ultime appel au secours. Telles sont les composantes du giallo. Chantage, sexe, héros suspectés, meurtres sadiques, Mario Bava (1914-1980) ne sait pas encore qu’il vient de changer le cinéma de genre, italien, européen puis mondial avec Six femmes pour l’assassinSei Donne per l’assassino, ou bien encore Blood and Black Lace pour son titre international, qui sort sur les écrans en 1964. De cette œuvre matricielle, acte fondateur de tout un pan du septième art, Dario Argento s’en inspirera pour son propre cinéma. En février 1970, L’Oiseau au plumage de cristal connaît un succès mondial. Après le désistement du producteur Dino De Laurentiis qui voulait surfer sur la vague du giallo, Mario Bava décide d’aller plus loin et de remettre les pendules à l’heure quant au genre qu’il a lui-même créé.

Six scénaristes se refilent l’histoire de La Baie sanglante, qui déboule sur les écrans italiens en 1971. Et c’est du jamais vu. Les spectateurs se retrouvent face à une succession ou plutôt à une réaction en chaînes (traduction littérale du titre original) de meurtres (13 au total) très violents, crus, sanglants, comme s’ils étaient embarqués dans une spirale, dans une boucle constituée d’assassinats en perpétuel recommencement. Non seulement, Mario Bava a inventé le giallo, mais il crée ici un autre genre qui découle du premier, le slasher, et sera notamment la première grande influence du Vendredi 13 de Sean S. Cunningham (1981).

La Baie est un magnifique domaine, convoité par tous. La propriétaire, Federica Donati, une vieille comtesse paralytique, refuse de vendre la propriété à un architecte sans scrupule, car elle ne veut pas la voir se transformer en station balnéaire et lieu touristique. Un soir la comtesse est attaquée par son mari le comte Filippo Donati. Dans la foulée le comte est tué et son corps dissimulé dans la baie. Un mot désespéré étant retrouvé près du cadavre, la police conclut au suicide.

C’est une expérience inoubliable à laquelle nous convie Mario Bava. Presque un demi-siècle après sa sortie, La Baie sanglante, Reazione a catena (Ecologia del delitto) demeure l’un des plus grands films d’horreur, ou de terreur plutôt, de l’histoire du cinéma, probablement l’un des plus violents. Radical, mais également réflexion sur la représentation de la violence à l’écran et du rapport des spectateurs avec les films de genre, La Baie sanglante peut se targuer de flatter autant l’intellect du spectateur, que ses sens en le divertissant du début à la fin, en lui offrant ce qu’ils est venu chercher, au-delà même de ses espérances. Déçu par son Île de l’épouvante (1970), le maestro en reprend quelques motifs ici dans La Baie sanglante. Voulant retrouver une certaine forme de liberté créatrice et d’expression, Mario Bava a pour ainsi dire carte blanche. S’il a également participé au scénario sur cet opus, il y est également chef opérateur.

Bienvenue dans un monde où l’horreur peut vous surprendre n’importe où, dans le plus simple appareil, de jour comme de nuit. Véritable leçon de cinéma, du zoom au montage, en passant par la sécheresse des meurtres macabres, la beauté de la photographie, les effets spéciaux et les maquillages saisissants du grand Carlo Rambaldi (récompensés au Festival du film fantastique d’Avoriaz), La Baie sanglanteReazione a catena est un chef d’oeuvre absolu et intemporel, morbide, mais lyrique et surtout furieusement poétique.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de La Baie sanglante, disponible chez ESC Editions, a été réalisé à partir d’un check disc. Le menu principal est animé et musical. Après plusieurs éditions chez TF1 Vidéo (2000), Evidis (2006) et Carlotta Films (2009), le che d’oeuvre de Mario Bava revient dans les bacs, plus beau que jamais !

Le journaliste Mathieu Macheret a décidément le vent en poupe puisque nous ne cessons de le retrouver sur les éditions de Rimini Editions et bien évidemment chez ESC Editions. Il propose ici une analyse de quelques séquences spécifiques de La Baie sanglante (20’). Une présentation assez pointue et pertinente, qui croise à la fois le fond et la forme.

Critique cinématographique et écrivain, Gérard Lenne a répondu présent pour présenter à son tour La Baie sanglante de Mario Bava (25’). Cette passionnante intervention donne moult informations sur la genèse et la production du film qui nous intéresse. Ecologia del delitto est replacé dans l’oeuvre du maître italien, les partis pris sont analysés (la violence des meurtres et la représentation de la violence), le casting passé au peigne fin, ainsi que les lieux de tournage, la sortie du film sur les écrans, les quelques récompenses à Sitges (une mention spéciale) et à Avoriaz (prix des effets spéciaux pour Carlo Rambaldi), ainsi que son influence sur le genre américain puisque La Baie sanglante allait donner naissance au slasher. Moult anecdotes sont également racontées au fil de ce rendez-vous vraiment très agréable.

Chez Homepopcorn.fr, on adore Nicolas Stanzick ! Alors, quel plaisir de retrouver l’auteur du livre Dans les griffes de la Hammer: la France livrée au cinéma d’épouvante ! Toujours débordant d’énergie et passionné, Nicolas Stanzick indique tout ce que le cinéphile souhaiterait savoir sur la production de La Baie sanglante (25’). S’il y a évidemment quelques échos avec ce qui a déjà été entendu précédemment, cette analyse complète parfaitement les modules passés en revue.

Nous trouvons également le montage alternatif italien de La Baie sanglante, d’une durée d’1h24’’54 contre 1h24’’24 pour le montage anglais. Selon Bruno Terrier, éminent expert de Mario Bava, les différences apparaissent au niveau de quelques dialogues et de contrechamps sensiblement plus étendus. Le film ayant été tourné en anglais, privilégiez évidemment l’autre montage, et surtout la version française très réussie.

L’Image et le son

Force est d’admettre que nous nous trouvons devant l’un des plus beaux Blu-ray disponibles chez ESC Editions. Le cadre, superbe, regorge de détails aux quatre coins et ce dès la première séquence. Si le générique est évidemment plus doux, la définition reste solide comme un roc, la stabilité est de mise et le grain original flatte constamment la rétine. La propreté de la copie (anglaise, comme l’indiquent les credits) est irréprochable, à part peut-être quelques pétouilles, mais ce serait vraiment chipoter. La palette chromatique profite de cet upgrade avec des teintes revigorées. Les séquences diurnes en extérieur bénéficient d’un piqué pointu et d’une luminosité inédite. Ajoutez à cela des noirs denses, une magnifique patine seventies, quelques éclairages luminescents et vous obtenez l’une des éditions indispensables de mars 2019.

Propre et dynamique, le mixage français DTS HD Master Audio Stéréo (à privilégier) ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues, laissant une belle place à la très belle partition Stelvio Cipriani. A titre de comparaison, elle demeure la plus dynamique et la plus riche du lot, puisque la version anglaise DTS-HD Master Audio Mono 2.0 paraît bien confinée, oubliant quelques ambiances naturelles pour se concentrer sur les voix. Notons également la présence d’une piste française 5.1 anecdotique, mais qui contient son lot d’effets, en dépit d’un léger souffle chronique.

Crédits images : © ESC Editions / ESC Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Candyman, réalisé par Bernard Rose

CANDYMAN réalisé par Bernard Rose disponible en édition DVD+Blu-ray+Livret le 19 février 2019 chez ESC Editions

Acteurs : Virginia Madsen, Tony Todd, Xander Berkeley, Kasi Lemmons, Vanessa Williams, DeJuan Guy, Marianna Elliott, Ted Raimi, Michael Culkin…

Scénario : Bernard Rose d’après la nouvelle de Clive Barker, The Forbidden

Photographie : Anthony B. Richmond

Musique : Philip Glass

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1992

LE FILM

Helen Lyne, une étudiante, décide d’écrire sa thèse sur les mythes et légendes locales. C’est en visitant une partie de la ville inconnue qu’elle découvre la légende de Candyman, un homme effrayant qui apparaît lorsqu’on prononce cinq fois son nom en face d’un miroir. Helen, pragmatique, choisit de ne pas croire à l’existence de Candyman. Mais son univers bascule dans l’horreur quand une série de meurtres horribles commence…

Ecrivain, plasticien, dramaturge, sculpteur, scénariste, producteur, comédien et réalisateur, Clive Barker, né à Liverpool en 1952, est un touche-à-tout. 1984 est un tournant dans sa carrière puisque la même année sortent les trois premiers volumes de la série Livres de sang, recueils de nouvelles qui comprendront six tomes. C’est un triomphe immédiat. Les trois autres volets sortent l’année suivante, ainsi que le roman Le Jeu de la damnation. Echaudé par le traitement accordé à ses scénarios sur Transmutations et Rawhead Rex, le monstre de la lande, tous les deux mis en scène par George Pavlou en 1985 et 1986, Clive Barker décide de passer derrière la caméra afin d’adapter lui-même son roman (non publié) Hellraiser. Le reste appartient à la légende et le personnage de Pinhead devient une icône du film d’épouvante. Si Clive Barker a depuis continué sa carrière littéraire, le cinéaste est devenu rare. Son second long métrage Cabal (1990) s’est entre autres soldé par un échec commercial, d’autant plus que le film est remonté par la 20th Century Fox. Alors que la franchise Hellraiser en est déjà au troisième opus, un réalisateur du nom de Bernard Rose (né en 1960) décide d’adapter sa nouvelle intitulée Lieux InterditsThe Forbidden tirée du tome 5 des Livres de sang. Il lui cède les droits gratuitement en échange d’une participation à la production du film. Remarqué avec son magnifique Paperhouse (1988) et metteur en scène de trois autres longs métrages plus anecdotiques (Smart Money, Body Contact, Chicago Joe et la showgirl), Bernard Rose va alors s’approprier le récit original et créer l’un des plus célèbres boogeymen de l’histoire du cinéma avec Candyman, film d’épouvante, mais dans un contexte dramatique social.

Helen Lyle est étudiante à l’université d’Illinois à Chicago, mariée à Trevor, un professeur. Avec son amie Bernadette, elles rédigent une thèse sur les légendes urbaines et les croyances populaires. Au cours de ses investigations, elle est interpellée par une histoire récurrente, celle du mythique Candyman qui terrorise les habitants du quartier défavorisé de Cabrini Green depuis des décennies. Helen sentant qu’elle tient là l’occasion rêvée de pimenter son travail, convainc Bernadette d’aller enquêter sur les lieux mêmes des crimes, dans la cité sordide de Cabrini Green (le film a réellement été tournée sur place), un ghetto noir livré aux gangs et à la misère. Elles se rendent à l’appartement de la dernière victime en date, persuadées qu’en fait le fantôme, est un meurtrier qui s’introduit dans les appartements grâce à un défaut de conception permettant la communication entre les salles de bains par un passage situé derrière les miroirs. Sur place, Helen découvre un appartement laissé à l’abandon et recouvert de graffitis étranges et inquiétants. Plus tard, au cours d’un dîner en compagnie d’un éminent collègue de son mari qui travaille sur les mêmes sujets, elle apprend la véritable histoire de ce Candyman. Daniel Robitaille était un fils d’esclave dont le géniteur avait réussi à faire fortune grâce à une invention. Daniel fréquenta les meilleures écoles et reçut une très bonne éducation. Artiste, il commence à gagner sa vie en réalisant le portrait de riches commanditaires. En 1890 il est mandaté par un riche propriétaire terrien, qui lui commande une peinture de sa fille. Daniel et cette dernière tombent amoureux et la jeune héritière tombe enceinte. Le père furieux de cet affront (qui plus est commis par un noir) engage des brutes épaisses et avinées pour lyncher Daniel. Roué de coups, la main tranchée, Robitaille est ensuite recouvert de miel et livrer en pâture aux abeilles. Tué par les multiples piqûres, Robitaille est ensuite incinéré et ses cendres jetées sur les champs qui deviendront des années plus tard le ghetto de Cabrini Green. Depuis, toute personne qui récitera son nom à 5 reprises face à un miroir le verra réapparaître. C’est alors qu’Helen est confrontée au véritable Candyman, furieux du scepticisme dont elle fait preuve, et contraint selon lui à se montrer à nouveau pour relancer le mythe, afin que les gens croient en lui de nouveau.

Voilà la légende de Candyman. Ou comment perpétuer un mythe depuis un siècle. Tandis que résonne le magnifique thème principal composé par l’immense Philip Glass, la ville de Chicago (l’action de la nouvelle originale se déroule à Liverpool) et ses autoroutes sont montrées du ciel avec ses véhicules en mouvement, qui s’entremêlent, qui s’échappent et disparaissent. C’est comme qui dirait une métaphore d’une histoire qui se transmet par le bouche-à-oreille, qui mute et se transforme en passant d’une personne à l’autre. La légende urbaine de Candyman n’est pas que le fruit de l’imagination et si un individu peine à y croire, attention, le croque-mitaine pourrait bien lui apparaître pour chambouler son esprit cartésien.

Candyman, c’est la manifestation surnaturelle de la violence d’une nation, du racisme, de la haine des hommes. Mesurant près de 2 mètres, Tony Todd est l’incarnation parfaite de ce monstre ambigu, puisque conscient de sa dimension tragique. Digne héritier de Dracula, Candyman est un personnage romantique, victime de la xénophobie, dont l’âme brisée qui n’a jamais pu s’éteindre demeure dans la conscience collective au point de s’incarner quand on l’invoque. Gare à celle ou celui qui se trouvera à portée de son énorme crochet de boucher acéré et planté dans son moignon droit !

La “Mina Harker” de Candyman, Helen (It was always you Helen), est interprétée par la sublime et envoûtante Virginia Madsen. Révélée par David Lynch dans Dune (1984) dans lequel elle jouait la Princesse Irulan, la comédienne est également l’une des têtes d’affiche du bouillant Hot Spot de Dennis Hopper aux côtés de Jennifer Connelly. Après un détour par le fantastique (du moins dans son genre) Highlander, le retour (1991), elle trouve dans Candyman l’un de ses plus grands rôles. Magnétique, troublante, bouleversante, l’actrice, que le cinéaste hypnotisait afin d’obtenir un regard « perdu dans les limbes », foudroie le coeur et l’âme des spectateurs du début à la fin.

De son côté, Bernard Rose enchaîne les séquences cultes, merveilleusement photographiées par Anthony B. Richmond (Ne vous retournez pas et L’homme qui venait d’ailleurs de Nicolas Roeg), tandis que la musique de Philip Glass se grave dans nos mémoires à jamais. Parallèlement à la sortie du film sur les écrans, Virginia Madsen est récompensée par le Saturn Award, ainsi que par le Prix du public de la meilleure actrice au Festival international du film fantastique d’Avoriaz en 1993, où Philip Glass est également primé. Après le succès colossal de Candyman au cinéma avec 26 millions de dollars de recette (pour un budget de 8 millions) rien que sur le sol américain, une suite est envisagée. Bernard Rose écrit un premier scénario, finalement rejeté par les studios. Ce qui n’empêchera pas de voir débarquer un Candyman 2 dans les salles en 1995, produit par Clive Barker et réalisé par Bill Condon. En 1999, Candyman 3 sortira directement dans les bacs. Mais ceci est une autre légende urbaine. Il semblerait qu’un remake soit prévu par Jordan Peel, metteur en scène de Get Out. Sortie programmée en 2020. Candyman ne mourra jamais.

LE BLU-RAY

Candyman. Candyman. Candyman. Candyman. Can…non mais oh ça va pas non ? L’oeuvre de Bernard Rose réapparaît dans les bacs dans une magnifique édition Blu-ray + DVD + livret de 24 pages sous les couleurs d’ESC Editions. Vous pouvez donc oublier l’édition Blu-ray sortie chez Universal en 2012 car Candyman (zut une cinquième fois !) revient dans un nouveau master Haute-Définition avec plus de quatre heures de suppléments ! Le menu principal est animé sur la mythique partition de Philip Glass. Pas de chapitrage.

Si le menu indique seulement Bernard Rose au micro du commentaire audio (VOSTF), ses propos sont pourtant croisés avec ceux du producteur Alan Poul, de l’écrivain Clive Barker ainsi que des comédiens Virginia Madsen, Tony Todd et Kasi Lemmons ! La plupart du temps, l’intervenant indique lui-même son nom avant de s’exprimer sur Candyman. Certes, tous ces propos ont visiblement été enregistrés durant des interviews, mixés par la suite, mais ne passez surtout pas à côté de ce commentaire passionnant, qui revient sur la genèse du film, l’adaptation de la nouvelle originale, le casting (Sandra Bullock, encore inconnue, avait été pressentie pour le rôle d’Helen), la psychologie des personnages, les conditions et lieux de tournage (Virginia Madsen hypnotisée, le quartier défavorisé de Cabrini Green), les thèmes (les légendes urbaines notamment, la dimension sociale de Candyman), sans oublier la musique de Philip Glass.

Après le film, dirigez-vous vers l’intervention (34’) d’Alexandre Poncet (réalisateur du Complexe de Frankenstein) et de Laurent Duroche (journaliste chez Mad Movies). Les propos croisés et passionnés de ces messieurs se complètent sur un rythme soutenu. Chacun replace Candyman dans son contexte cinématographique au début des années 1990, avant d’en venir au personnage à sa mythologie, tout en abordant la genèse du film, les conditions de tournage et certaines scènes clés.

Place maintenant à Olivier Desbrosses, rédacteur en chef d’UnderScores (17’) qui nous propose de son côté une présentation très intéressante du compositeur Philip Glass. L’oeuvre du pionnier de la musique minimaliste est longuement abordée, à l’instar de ses travaux pour le cinéma, y compris bien sûr pour Candyman. Avec son timbre de voix qui rappelle celui de François Guérif, Olivier Desbrosses signe un module très intéressant, qui donne envie d’écouter les thèmes méconnus de Philip Glass.

Nous les avons déjà entendus dans le commentaire audio, mais c’est également très plaisant de les voir, Virginia Madsen (13’) et Tony Todd (10’) s’expriment sur Candyman. Certes, leurs propos renvoient directement à ceux déjà entendus dans le premier supplément (la création du personnage, son costume, le travail avec les abeilles, la préparation « physique » de Virginia Madsen que Bernard Rose voulait plus en chair, le recours à l’hypnose pour donner à l’actrice un regard envoûté), mais ne boudons pas notre plaisir, d’autant plus que les comédiens sont visiblement très heureux de reparler de ce film très important dans leurs carrières respectives.

Un module de huit minutes se concentre sur les effets spéciaux et maquillages du film, en compagnie des artistes Bob Keen, Mark Coulier et Gary J. Tunnicliffe, qui interviennent sur la création du crochet de Candyman, ainsi que la prothèse spéciale créée afin que Tony Todd puisse placer une poignée de véritables abeilles dans sa bouche.

Les intervenants du commentaire audio sont de retour dans un making of de 2004 (24’). Si vous êtes arrivés jusqu’ici en visionnant et en écoutant tous les bonus précédents, alors les propos tenus ici vous apparaîtront redondants puisqu’il s’agit des mêmes anecdotes glanées ici et là ! Quelques photos de tournage viennent illustrer ces anecdotes croisées.

N’oublions pas Clive Barker, qui bénéficie d’un module centré sur sa carrière, avec la participation de l’écrivain lui-même en 2004 (11’). Ce dernier remonte le fil de sa carrière et se souvient avec le sourire que son désir a toujours été de « foutre une trouille bleue aux gens en créant des trucs bizarres, un mec dont la profession est l’imagination ». L’auteur revient sur ses premières œuvres (films, peintures, écrits), ses références (Jean Cocteau notamment), sur ce qui a nourri son inspiration et sur tous ses longs métrages.

Les aficionados de Bernard Rose vont être aux anges puisque l’éditeur nous gratifie de trois de ses courts-métrages restaurés en HD ! A Bomb With No Name on It (3’, 1976), The Wreckers (5’) et Looking at Alice (30’, 1978). Expérimentaux, œuvres de jeunesse, émergence d’une sensibilité, d’un style, d’une voix, ces trois films sont animés par une fureur de (sur)vivre dans une Angleterre engluée dans d’anciennes traditions qui ne laissent aucune place à la jeunesse. Où la communication est impossible entre les générations et où le futur est non seulement incertain, mais aussi et surtout très pessimiste.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce originale, ainsi que sur quelques planches de storyboards mises en parallèle avec les scènes correspondantes (6’).

L’Image et le son

Ce nouveau master restauré 2K provient du nouveau scan 4K effectué à partir du négatif original, le tout supervisé et approuvé par Bernard Rose et le directeur de la photographie Anthony B. Richmond. La patine argentique est donc sacrément bien respecté avec un grain présent et surtout excellemment géré. Les couleurs sont très agréables, fraîches (voir les teintes rouges), les noirs denses, les contrastes solides comme un roc et les séquences diurnes lumineuses à souhait. Les détails sont également très appréciables, au niveau des décors (les graffitis dans l’antre de Candyman) et des gros plans sur les comédiens. Un Blu-ray au format 1080p (AVC) et une formidable ressortie enfin digne de ce nom que les fans de Candyman attendaient depuis des années. Voici la plus belle copie du film à ce jour.

La version française, puisque de nombreux spectateurs ont découvert puis revu le film ainsi, est proposée en DTS-HD Master Audio 2.0. La piste est très propre, avec des dialogues très clairs et bien équilibrés, même si parfois poussés trop en avant. La version originale bénéficie d’un remixage DTS-HD Master Audio 5.1. Cela profite essentiellement à la composition de Philip Glass, bien présente sur l’ensemble des canaux (attention les frissons dès l’ouverture !), ainsi qu’à la voix caverneuse de Tony Todd. Plus homogène, cette version est également plus dynamique avec quelques effets de basses et latéraux très sympathiques. La Stéréo anglaise est également de fort bon acabit.

Crédits images : © ESC Editions / ESC Distribution / Universal pictures video / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / The Cloverfield Paradox, réalisé par Julius Onah

THE CLOVERFIELD PARADOX réalisé par Julius Onah disponible en DVD et Blu-ray le 6 février 2019 chez Paramount Pictures

Acteurs : Gugu Mbatha-Raw, David Oyelowo, Daniel Brühl, John Ortiz, Chris O’Dowd, Aksel Hennie, Ziyi Zhang, Elizabeth Debicki, Roger Davies, Clover Nee…

Scénario : Oren Uziel

Photographie : Dan Mindel

Musique : Bear McCreary

Durée : 1h42

Date de sortie initiale : 2018

LE FILM

Après un accident avec un accélérateur à particules, une station spatiale américaine découvre que la Terre a disparu. Les résidents de la station vont alors être confrontés à l’étrange présence d’une autre station spatiale tout près de leur position.

Projet développé et tourné dans le plus grand secret, révélé seulement deux mois avant sa sortie dans les salles, 10 Cloverfield Lane (2016) n’était pas vraiment une suite à Cloverfield, mais plutôt un spin-off, une histoire qui se déroule – même si cela n’est pas prouvé – en parallèle des événements de New York dans le film de Matt Reeves. Evidemment produit par J.J. Abrams via sa société Bad Robot, dans le cadre du « Clover-verse » (l’Univers de Cloverfield), 10 Cloverfield Lane possédait « un lien de sang » avec Cloverfield, tout en imposant un univers qui lui était propre, sans jamais marcher sur les plates-bandes ou faire référence au found footage (pas de filmage au caméscope parkinsonien) à succès sorti en 2008. Réalisé par l’inconnu Dan Trachtenberg, 10 Cloverfield Lane était un vrai huis clos haletant, souvent virtuose, angoissant et anxiogène, porté par un fabuleux trio d’acteurs enfermés dans un bunker. A la fin de cet opus j’indiquais « L’épilogue annonce clairement un troisième épisode. Si ce dernier suit les traces de 10 Cloverfield Lane nous l’accueillerons à bras ouverts ». Parfois, il vaudrait mieux ne rien dire. Voici donc The Cloverfield Paradox, préquelle de la franchise, qui tente de donner quelques explications sur les évènements narrés dans l’opus de Matt Reeves. Amputé d’une sortie dans les salles en raison de son achat par Netflix, The Cloverfield Paradox est un navet teinté de nanar au budget de 45 millions de dollars, un « narvet », une série B-Z (devant laquelle on peut s’endormir donc), un véritable accident industriel.

2028. La Terre souffre en raison d’une crise d’énergie majeure. Tous les regards et espoirs sont tournés vers une mission à bord d’une station spatiale internationale nommée Cloverfield. À son bord, l’accélérateur de particules Shepard est testé. Après une tentative de lancement de la machine, une surcharge se produit. Suite à cet incident, les scientifiques de la mission découvrent que la Terre a disparu. D’autres événements étranges vont alors se produire au sein de la station, mettant en danger l’ensemble de l’équipage.

Est-ce que Paramount a eu du flair en confiant la diffusion exclusive de The Cloverfield Paradox à Netflix (qui de son côté a déboursé 5 millions de dollars pour annoncer le film lors du Super Bowl), évitant ainsi un bide commercial ? On peut le croire en voyant le résultat à l’écran. Réalisé par un certain Julius Onah, ce « téléfilm » aux décors et aux effets spéciaux clinquants qui tentent de donner le change, ne parvient jamais à trouver son rythme ou à éveiller l’intérêt du spectateur. Le récit fait du surplace, l’absence de rebondissement reflète une écriture paresseuse, qui se contente de piller ici et là (Prometheus, Alien, Life, Sunshine, The Thing) et les éléments pour raccrocher les wagons avec le premier Cloverfield sont bien trop artificiels, gratuits et maladroits pour convaincre.

The Cloverfield Paradox est bien loin du thriller malin 10 Cloverfield Lane (qui bénéficiait du soutien de Damien Chazelle au scénario) qui déjouait constamment les attentes. Ce troisième épisode suite-reboot-préquel se contente de jouer sur les conséquences liées à la confrontation de deux réalités distinctes au sein d’un multivers, qui se battent pour occuper le même espace. The Cloverfield Paradox, c’est comme qui dirait la science-fiction pour les nuls. Dommage, car les acteurs sont quand même solides, Daniel Brühl, Gugu Mbatha-Raw, David Oyelowo et Zhang Ziyi (rien que ça!) en tête, mais n’ont rien à défendre et se contentent de prendre l’air soucieux, tout en tapant sur des écrans digitaux et en parlant mandarin.

En réalité, le projet alors intitulé God Particle remonte à 2012. A croire que la Paramount, se retrouvant avec un sujet à boucler et ne sachant pas comment, a préféré y revenir en incluant quelques éléments pour le vendre ensuite sous l’enseigne « Cloverfield ». De là à dire que cette franchise est devenue une déchetterie, seul le prochain épisode nous le dira.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de The Cloverfield Paradox, disponible chez Paramount Pictures, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et muet…

Deux featurettes promotionnelles au programme. Deux fois 15 minutes, avec les mêmes intervenants et les mêmes propos dithyrambiques de toute l’équipe. On aurait presque envie d’y croire tant les comédiens, le directeur de la photographie, le scénariste, le décorateur et le réalisateur semblent persuadés de réaliser un des meilleurs films SF de ces dernières années ! Les images de tournage foisonnent, les personnages sont abordés, tout comme les décors, les effets spéciaux et l’univers Cloverfield, même si le réalisateur avoue que le scénario circulait depuis 2008 ou 2009. Ces modules, qui n’en forment en réalité qu’un seul, remplissent le cahier des charges.

L’Image et le son

The Cloverfield Paradox est un film sombre et la Haute définition restitue habilement la photo du chef opérateur Dan Mindel (Ennemi d’État, Mission impossible 3, Star Trek Into Darkness, Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force). Ce master HD est impressionnant de beauté, tant au niveau des détails que du piqué, avec un léger grain inhérent au tournage en 35 mm. Le cadre large n’est pas avare en détails, les contrastes affichent une densité remarquable (du vrai goudron en ce qui concerne les noirs) et la colorimétrie froide est optimale. Un disque de démonstration.

Dès le générique, l’ensemble des enceintes de la piste anglaise Dolby Atmos (testée en 5.1) est mis à contribution aux quatre coins cardinaux. Les ambiances sont efficaces et bénéficient d’un traitement de faveur avec une large ouverture, plongeant constamment le spectateur dans l’atmosphère, avec parfois des silences angoissants dynamités ensuite par une ribambelle d’effets excellemment balancés de gauche à droite et des enceintes avant vers les arrières. Les dialogues ne manquent pas d’ardeur sur la centrale. N’oublions pas le caisson de basses, qui se mêle ardemment à ce spectacle acoustique aux effets souvent étonnants sur les séquences opportunes, à l’instar de l’acte final. Est-il utile d’évoquer la petite Dolby Digital 5.1 ? Elle assure mais n’arrive pas à la cheville de la version originale.

Crédits images : © Paramount Pictures / Netflix / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / L’Internat, réalisé par Boaz Yakin

L’INTERNAT (Boarding School) réalisé par Boaz Yakin, disponible en DVD et Blu-ray le 18 février 2019 chez Metropolitan Vidéo

Acteurs : Luke Prael, Samantha Mathis, Will Patton, Nadia Alexander, Tammy Blanchard, Sterling Jerins, David Aaron Baker, Barbara Kingsley, Robert John Burke…

Scénario : Boaz Yakin

Photographie : Mike Simpson

Musique : Lesley Barber

Durée : 1h52

Date de sortie initiale : 2018

LE FILM

Il était une fois un garçon de 12 ans, Jacob, hanté par le souvenir d’une grand-mère qu’il n’a pas connue. Sa mère et son beau-père l’envoient se faire soigner dans une école spécialisée. L’établissement se révèle être un lieu maléfique et le terrifiant directeur leur  promet une purification prochaine.

Né en 1966, Boaz Yakin possède un C.V. atypique. Né à New York de parents israéliens, il fait des études de cinéma à Los Angeles et travaille ensuite pour le compte des studios Warner Bros et United Artists. A la fin des années 1980, il signe le scénario de Punisher de Mark Goldblatt avec Dolph Lundgren dans le rôle-titre, puis celui de La Relève (quelle bombe ce film) de Clint Eastwood. Parallèlement, il passe lui-même derrière la caméra avec son premier long métrage, Fresh (1994), récompensé à Sundance, suivi en 1998 de Sonia Horowitz, l’insoumise avec Renée Zellweger. Il accepte des œuvres de commande et écrit Une nuit en enfer 2 : Le Prix du sang (1999), Dirty Dancing 2 (2004), Prince of Persia : Les Sables du temps (2010) et Insaisissables (2013), tout en continuant de réaliser ses propres films et de produire ceux de son ami Eli Roth (les deux Hostel). Le Plus Beau des combats (2000) avec Denzel Washington est son plus gros succès au box-office. Après Safe (2012) avec Jason Statham et Max (2015), Boaz Yakin revient avec un long métrage beaucoup plus personnel et intimiste, annoncé comme un film d’épouvante. L’Internat Boarding School contient certes son lot de séquences effrayantes, mais reste avant tout un film psychologique, mystérieux, quelque peu opaque, merveilleusement photographié et interprété par des jeunes comédiens très impressionnants.

Jacob, 12 ans , souffre de cauchemars et de troubles du comportement. Suite au décès de sa grand-mère qu’il n’a jamais connue, il devient fasciné par sa présence et son passé tragique. Après l’avoir aperçu en train de danser dans une robe de la défunte, sa mère et son beau-père l’envoient donc dans un mystérieux internat perdu au milieu de la forêt, dirigé par le docteur Sherman. Le jeune homme y rencontre ses camarades marqués par des symptômes ou des pathologies diverses : l’autiste Elwood, le brûlé vif Phil, la sociopathe Christine, les jumeaux Lenny et Calvin ou encore Frederic, souffrant de maladie de Gilles de La Tourette. Leur éducation est basée sur l’étude de la Bible mais, rapidement, Jacob découvre que l’internat cache de lourds secrets lorsque Frederic est découvert mort dans son lit. Alors qu’il tente une évasion, il est aussitôt ramené dans le bâtiment où le docteur Sherman, secondé par sa femme, est chargé de faire disparaître des enfants pour le compte de leurs propres parents…

L’Internat n’est pas un film d’horreur au sens gore, mais joue avec les nerfs des spectateurs en distillant son venin, progressivement, lentement, jusqu’au malaise. La première partie étonne par ses partis pris avec des couleurs baroques signées Mike Simpson inspirées du cinéma de Mario Bava (cité d’ailleurs dans le film avec un extrait des Trois Visages de la peur), des contrastes tranchés, des noirs très sombres. Boaz Yakin ne perd pas son temps en expliquant les faits et gestes de son personnage principal, Jacob, formidablement interprété par Luke Prael, magnétique, puissant, sensible. Le spectateur adopte son point de vue, tout en acceptant que le jeune homme enfile les habits de sa grand-mère décédée. Boaz Yakin fait confiance au ressenti des spectateurs. Le spectre de la Shoah est bel et bien présent, planant sur la vie de Jacob, jeune des années 1990, comme un héritage à porter, un devoir de mémoire qu’il devra assimiler pour devenir un être entier, avant de le transmettre à son tour. Puisqu’il n’a pas connu sa grand-mère, ses vêtements, imprégnés des horreurs de la guerre dans chaque fibre, prendront « possession » de Jacob, un passé à dévoiler comme un relais à communiquer.

La violence dans l’internat est finalement rare, mais insoutenable quand elle explose. C’est le cas du suintant et génial Will Patton, terrifiant docteur Sherman, dont la véritable mission se dévoile dans la dernière partie du film. Entre-temps, Boaz Yakin et son directeur de la photographie transforme cet internat en camp mortel, sans issue pour ses pauvres pensionnaires abandonnés par leurs parents. On s’attache très rapidement à ces victimes rejetées en raison de leur maladie, de leurs défauts physiques, de leur comportement. Ces « freaks » sont bel et bien les plus humains de cet internat et les monstres ceux que nous ne soupçonnions pas.

L’internat est une véritable expérience cinématographique, un mélange des genres, en aucun cas un film d’horreur traditionnel, mais narré comme un conte macabre, une vraie fable pour adultes comme pouvaient l’être Le Labyrinthe de Pan de Guillermo Del Toro, Quelques minutes après minuit de J.A. Bayona et La Neuvième Vie de Louis Drax d’Alexandre Aja.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de L’Internat, disponible chez Metropolitan Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est légèrement animé et musical.

Pas un seul supplément vidéo concernant L’Internat ! Juste une bonne dizaine de bandes-annonces de titres édités chez Metropolitan. En revanche, très bon point pour la présence d’un livret de 28 pages, richement illustré et comprenant une brillante analyse du film par Nicolas Rioult, ainsi qu’un entretien avec Boaz Yakin et un bref retour sur la carrière de ce dernier.

L’Image et le son

L’Internat doit se voir ou se revoir en Haute définition. Le piqué est affûté comme la lame d’un scalpel, les couleurs impressionnantes, les contrastes léchés, les noirs denses. Les détails sont légion à l’avant comme à l’arrière-plan, de jour comme de nuit, le relief ne cesse d’étonner et le rendu des textures est subjuguant. Le nec plus ultra pour apprécier toute la richesse de la photographie du chef opérateur Mike Simpson. Un superbe disque de démonstration.

Les versions française et anglaise sont proposées en DTS-HD Master Audio 5.1. Dans les deux cas, les dialogues y sont remarquablement exsudés par la centrale, les frontales sont saisissantes sur quelques séquences, les effets et ambiances intelligemment délivrés, les enceintes arrière instaurent constamment un environnement musical, tout comme le caisson de basses qui se mêle habilement à l’ensemble dans le dernier acte.


Crédits images : © Momentum Pictures / Metropolitan Vidéo / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr