Test Blu-ray / Le Crocodile de la mort, réalisé par Tobe Hooper

LE CROCODILE DE LA MORT (Eaten Alive) réalisé par Tobe Hooper, disponible en DVD et Blu-ray le 25 mars 2020 chez Carlotta Films.

Acteurs : Neville Brand, Mel Ferrer, Carolyn Jones, Marilyn Burns, William Finley, Stuart Whitman, Robert Englund, Roberta Collinsi…

Scénario : Alvin L. Fast, Mardi Rustam, Kim Henkel

Photographie : Robert Caramico

Musique : Wayne Bell, Tobe Hooper

Durée : 1h31

Date de sortie initiale : 1976

LE FILM

Au cœur de la Louisiane, une jeune prostituée qui cherche un endroit pour la nuit, échoue à l’hôtel Starlight. Le gérant du motel est un maniaque qui, dans ses accès de folie, offre ses clients aux redoutables mâchoires de son crocodile.

Le Crocodile de la mortEaten Alive est probablement le long métrage de Tobe Hooper (1943-2017) qui divise le plus ses aficionados. Sorti trois ans après le triomphe international de Massacre à la tronçonneuseThe Texas Chain Saw Massacre, ce film d’épouvante quasi-inclassable a immédiatement eu ses détracteurs et continue d’ailleurs d’être rejeté par une grande majorité des spectateurs et des critiques. Film douloureux pour son auteur, qui a jeté l’éponge en cours de tournage – pour cause de divergences artistiques – pour laisser le producteur Mardi Rustam, qui souhaitait avant tout un film de monstre aquatique à la Jaws, terminer les prises de vue et faire au montage ce qu’il désirait, Le Crocodile de la mort témoigne bel et bien de l’univers de Tobe Hooper avec ses personnages complètement dégénérés, mais souffre de grands problèmes de rythme et surtout d’intérêt. C’est ce qu’on appelle un film malade, qui se place entre le navet et le nanar, parcouru de réelles fulgurances, mais qui demeure néanmoins un film raté.

Dans le Sud profond des États-Unis, une jeune prostituée trouve refuge à l’hôtel Starlight, une vieille bâtisse miteuse à la lisière des marais. Son propriétaire, Judd, est un excentrique un peu simplet qui a pour animal de compagnie un crocodile originaire d’Afrique. La jeune femme ignore que Judd est en réalité un dangereux psychopathe qui assassine tous les clients de l’hôtel pour nourrir son crocodile…

Le film démarre dans un bordel miteux, avec la confrontation entre un client (Robert Englund, jusqu’alors apparu au cinéma dans La Cité des dangers Hustle de Robert Aldrich) et une prostituée, Faye, qui refuse d’être sodomisée. Une mère maquerelle qui s’apparente à une momie (Carolyn Jones) la vire illico puisque « le client a toujours raison ». Faye se retrouve avec ses affaires et pose ses valises dans un hôtel poisseux tenu par Judd, un type visiblement peu recommandable. Quelques minutes plus tard, Faye finira bouffer par le crocodile (venu d’Afrique) de Judd. Le ton est donné et tout cela est bien prometteur. Seulement voilà, Le Crocodile de la mort n’ira jamais vraiment plus loin que ce prologue et surtout que son postulat de départ.

S’ensuit une succession de saynètes disparates et inégales, qui inspirent plus l’ennui qu’autre chose. L’ombre de Psychose plane évidemment sur Le Crocodile de la mort avec ce motel où le sang s’infiltre entre les lattes du parquet. Comme souvent chez Tobe Hooper, l’horreur est théâtralement mise en scène. Massacre à la tronçonneuse posait les bases avec son Leatherface qui dansait quasiment avec sa tronçonneuse comme un ballet de l’épouvante et sa famille déglinguée. Ces partis pris seront d’ailleurs accentués, exacerbés, explosés, multipliés dans Massacre à la tronçonneuse 2The Texas Chainsaw Massacre 2 avec virtuosité et surtout un second degré dévastateur. Eaten Alive enchaîne en fait les scènes sans véritable structure dramatique, si ce n’est que le père de Faye (Mel Ferrer, à bout de souffle) se met à sa recherche et atterrit dans le motel glauque de Judd avec une des amies de sa fille. Dans une autre chambre, un couple étrange (William Finley, juste après Dionysus in ’69, Sœurs de sang et Phantom of the Paradise de Brian De Palma, Marilyn Burns révélée par Massacre à la tronçonneuse) avec leur petite fille s’engueule et la folie qui règne dans l’établissement semble les submerger et les posséder. C’est là que l’on reconnaît évidemment la griffe de Tobe Hooper, tout comme ces éclairages stylisés qui plongent le motel dans une lumière rouge comme le sang et les enfers, renforçant cette fois encore la théâtralité de l’épouvante.

Il y a donc à boire et à manger dans Le Crocodile de la mort. Si l’on est clairement devant un film de Tobe Hooper, le montage est absolument catastrophique et ne parvient jamais à retenir l’attention du spectateur. On attend longuement les séquences sanglantes entre deux looongues scènes de dialogues (très pauvres), tandis que Neville Brand, la véritable attraction du film, bien plus que le pauvre crocodile complètement raté qui renvoie parfois à la pieuvre de La Fiancée du Monstre d’Ed Wood, fait son numéro à plusieurs reprises et redonne quelques coups d’accélérateur à l’entreprise, qui en a rudement besoin. L’ancien Al Capone de la série télévisée Les Incorruptibles signe une véritable performance avec ce personnage malsain et craspec (revenu probablement ainsi du Vietnam), récompensée par le Prix d’interprétation masculine au Festival du film fantastique de Paris en 1978, cousin éloigné de Norman Bates, mais surtout que l’on croirait échappé de la famille Sawyer. Son surjeu volontaire et extrême entraîne l’inquiétude et le film ne vaut alors que pour lui. Les quelques effets gore sont dignes du grand-guignol, tandis que Tobe Hooper (ou le producteur, on ne sait plus) nous gratifie de quelques plans topless bien gratos.

Bancal, totalement imparfait, mais aussi fantaisiste et bouffon, Eaten Alive – sorti également sous les titres titre Death Trap, Horror Hotel, Starlight Slaughter, Murder of the Bayou et The Devil’s Swampne – ne laisse en aucun cas indifférent et peut se targuer d’inspirer autant le mépris que l’estime. C’est le propre des films maudits, mais aussi celui des films cultes.

LE BLU-RAY

Avant d’atterrir dans l’escarcelle de Carlotta Films, Le Crocodile de la mort est tout d’abord passé par la case Wild Side en 2005 dans sa collection Les Introuvables, où il a été réédité à deux reprises jusqu’en 2012. Puis, silence radio jusqu’en 2020 où Eaten Alive fait son grand retour, non seulement en DVD, mais aussi pour la première fois en Haute-Définition chez Carlotta Films donc. Le Blu-ray est disponible en Steelbook, au visuel clinquant. Le menu principal est fixe et musical.

Créateur croquant (20’) : Le réalisateur Tobe Hooper revient sur l’origine et l’aventure du Crocodile de la mort, un « film unique, avec une profusion de dingueries » à l’esthétique proche du conte de fées. Le réalisateur avoue d’emblée qu’il n’avait pas aimé le scénario quand on lui avait proposé. Puis, Tobe Hooper aborde le tournage (en studio), ses partis pris et intentions (quelques références au Magicien d’Oz), le casting. Le cinéaste enchaîne quelques souvenirs liés aux prises de vue, n’aborde pas vraiment les différends avec les producteurs et estime aujourd’hui être heureux d’avoir fait Le Crocodile de la mort, que le film existe, et qui est au final aussi dingue que la façon dont il a été mis en scène.

Place à Robert Englund, qui durant un petit quart d’heure revient également sur Le Crocodile de la mort. Le comédien se souvient de son audition, sur le travail avec Tobe Hooper et ses partenaires à l’écran, sur les décors et estime que Eaten Alive est « du bon nanar marrant et glauque, comme un film de drive-in » qui mérite d’être redécouvert. Interview réalisée en 2006.

Beaucoup plus anecdotique malheureusement, Marilyn Burns (5’), Scream Queen de Massacre à la tronçonneuse décédée en 2014, évoque sa seconde collaboration avec Tobe Hooper sur Le Crocodile de la mort. Dommage que la comédienne ait visiblement peu de choses à dire. Entretien réalisé en 2007.

Le Boucher d’Elmendorf (23’) – Bonus exclusivement présent sur le Blu-ray : Le Crocodile de la mort est très librement inspiré de l’affaire Joe Ball, dit « Le Boucher d’Elmendorf », qui sévit au Texas dans les années 1930. Ce documentaire de 2006, quelque peu plan-plan, propose un retour sur la véritable histoire derrière la légende, racontée par le neveu du dit Boucher.

L’interactivité se clôt sur une galerie de photos et deux bandes-annonces.

L’Image et le son

Carlotta Films annonce une nouvelle restauration 2K, vraisemblablement identique à celle éditée par Arrow. Le Crocodile de la mort revient dans les bacs français dans une superbe édition HD (1080p). Le travail est impressionnant et l’image est très propre, débarrassée de la majeure partie des poussières, griffures et autres résidus qui ont dû être minutieusement enlevés image par image. Les images endommagées ont été réparées et les problèmes de densité et de stabilité ont été considérablement améliorés. Tout au long du processus de restauration, un soin particulier a été apporté afin que la texture originale du film, les détails, la structure du grain ne soient pas affectés par le traitement numérique. Ce nouveau transfert Haute Définition permet de redécouvrir Le Crocodile de la mort sous toutes ses coutures avec une magnifique patine argentique. Cette élévation HD offre à la colorimétrie un nouveau lifting et retrouve pour l’occasion une nouvelle vivacité. La gestion du grain et des contrastes demeure solide, y compris sur les très nombreuses séquences sombres, sans réduction de bruit. Les détails et le piqué sont plus qu’honorables. N’oublions pas la stabilité de la copie.

En anglais comme en français, les deux mixages DTS-HD Master Audio 1.0 contenteront les puristes, même si au jeu des différences, la seconde s’avère beaucoup plus sourde et confinée. La piste anglaise est un poil plus dynamique et limpide, avec une restitution des dialogues plus nette et moins de saturation au niveau musical. Mais l’ensemble reste limité. Les sous-titres ne sont pas imposés.

Crédits images : © Carlotta Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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