Test Blu-ray / La Méthode Williams, réalisé par Reinaldo Marcus Green

LA MÉTHODE WILLIAMS (King Richard) réalisé par Reinaldo Marcus Green, disponible en DVD et Blu-ray le 6 avril 2022 chez Warner Bros.

Acteurs : Will Smith, Aunjanue Ellis, Jon Bernthal, Saniyya Sidney, Demi Singleton, Tony Goldwyn, Mikayla Lashae Bartholomew, Daniele Lawson…

Scénario : Zach Baylin

Photographie : Robert Elswit

Musique : Kris Bowers

Durée : 2h25

Date de sortie initiale : 2021

LE FILM

Focus sur la personnalité de l’entraîneur de tennis Richard Williams, père des joueuses mondiales Vénus et Serena. Il n’avait aucune expérience dans le sport mais lorsque ses filles ont eu quatre ans, il a élaboré un plan de 78 pages décrivant l’entraînement des futures championnes. Les soeurs Williams sont devenues deux des plus grandes joueuses de l’histoire du tennis. Serena est sans conteste la meilleure tenniswoman de tous les temps, avec 23 victoires en tournoi du Grand Chelem. Venus Williams a remporté sept titres en Grand Chelem.

Autant le dire tout de suite, nous ne reviendrons pas sur la gifle de Will Smith à Chris Rock et tout le bazar qui a suivi. Pour sa troisième nomination aux Oscars, après Ali (2001) de Michael Mann et À la recherche du bonheur The Pursuit of Happyness (2006) de Gabriele Muccino, le comédien a pu enfin obtenir la statuette dorée tant convoitée pour un nouveau biopic sportif, dans lequel il incarne Richard Williams (né en 1942), entraîneur de tennis américain et surtout le père de Venus Williams et Serena Williams. En toute honnêteté, s’il n’y a rien à redire sur la composition de la star, impliquée tant devant la caméra que derrière où Will Smith assure également le rôle de producteur avec sa femme Jada Pinkett – GI Jane 2 – Smith (rhooo), on ne peut pas dire que La Méthode WilliamsKing Richard brille par son originalité dans un genre ultra-balisé (euphémisme), qui respecte chaque point d’un cahier des charges usé jusqu’à la moelle (humour pour tous les âges, émotion limite tire-larmes) et qui s’avère un véhicule idéal pour mener l’acteur principal jusqu’au Saint Graal. Le film n’est pas déplaisant en soi, c’est juste qu’il est absolument sans surprise, sans véritable « rebondissements » et que le temps peut parfois paraître long sur 2h25. Nul besoin de s’y connaître en tennis, La Méthode Williams saura être apprécié évidemment par les néophytes et amateurs, Will Smith assurant comme d’habitude le show. Ce n’est pas la claque espérée quoi. Ah zut, décidément…

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Test Blu-ray / Julie (en 12 chapitres), réalisé par Joachim Trier

JULIE (EN 12 CHAPITRES) (Verdens verste menneske) réalisé par Joachim Trier, disponible en DVD et Blu-ray le 15 mars 2022 chez Memento Films.

Acteurs : Anders Danielsen Lie, Renate Reinsve, Maria Grazia Di Meo, Mia McGovern Zaini, Herbert Nordrum, Hans Olav Brenner, Helene Bjørneby, Sofia Schandy Bloch, Savannah Marie Schei…

Scénario : Joachim Trier & Eskil Vogt

Photographie : Kasper Tuxen

Musique : Ola Fløttum

Durée : 2h08

Date de sortie initiale : 2021

LE FILM

Oslo, de nos jours. Julie est une jeune femme pleine de ressource, mais à 30 ans, elle cherche encore sa voie. Bien qu’heureuse avec Aksel, un dessinateur à succès, aimant et protecteur, elle refuse l’enfant qu’il désire. Quand Julie le quitte pour Eivind, elle espère, une fois de plus, commencer une nouvelle vie.

Si son premier long-métrage Nouvelle donneReprise date de 2006, le réalisateur Joachim Trier (né en 1974) se fait remarquer par la critique et le public dès son second film, Oslo, 31 août – Oslo, 31. august, qui sort cinq ans plus tard. Inspiré du roman Le Feu Follet, écrit par Pierre Drieu La Rochelle en 1931, qui avait déjà connu une adaptation en 1963 par Louis Malle (avec Maurice Ronet), Oslo, 31 août est une oeuvre aérienne qui s’intéressait entre autres (mais pas seulement) à la réinsertion des anciens drogués. Sujet de société tabou et d’actualité (les trafics illicites se multipliaient alors en Norvège), Oslo, 31 août était un film documenté, d’une extrême sensibilité, illuminé par l’intense interprétation d’Anders Danielsen Lie, que Trier avait déjà dirigé Nouvelle donne. Depuis, le metteur en scène a très largement confirmé son talent, avec Back Home (2015), porté par un casting international (Isabelle Huppert, Jesse Eisenberg, Gabriel Byrne, Amy Ryan, David Strathairn), ainsi que Thelma (2017), qui racontait l’histoire d’une jeune étudiante norvégienne issue d’une famille très religieuse, qui s’installait à Oslo pour ses études, où elle tombait amoureuse d’une de ses camarades et découvrait qu’elle possèdait des pouvoirs surnaturels. Il faudra ajouter à ces réussites, Julie (en 12 chapitres)Verdens verste menneske, coécrit avec le fidèle Eskil Vogt, dont le titre original signifie « le pire être humain au monde ». Ce cinquième opus de Joachim Trier a été vendu comme une comédie romantique, je rajouterai tout de même comédie-dramatique romantique, étant donné que le dernier acte du film nous emmène vers une sous-intrigue insoupçonnée qui détonne avec ce qui a précédé. Mais Julie (en 12 chapitres), à ne pas confondre avec le merveilleux Julie en juillet Im Juli. (2000) de Fatih Akin, c’est avant tout la découverte d’une magnifique comédienne, dont on tombe pour ainsi dire instantanément amoureux, Renate Reinsve, qui apparaissait au générique d’Oslo, 31 août dix ans auparavant, dans la scène de la piscine, où elle faisait d’ailleurs ses premiers pas devant la caméra. Elle accède désormais au haut de l’affiche et s’est vue décerner le Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes 2021 pour sa prestation pour cette chronique irrésistible, qui nous ravit le coeur et nous émeut aux larmes.

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Test Blu-ray / La Baie du silence, réalisé par Paula van der Oest

LA BAIE DU SILENCE (The Bay of Silence) réalisé par Paula van der Oest, disponible en DVD et Blu-ray le 7 avril 2022 chez Metropolitan Video.

Acteurs : Claes Bang, Olga Kurylenko, Brian Cox, Assaad Bouab, Alice Krige, Caroline Goodall, Shalisha James-Davis, Litiana Biutanaseva…

Scénario : Caroline Goodall, d’après le roman de Lisa St Aubin de Terán

Photographie : Guido van Gennep

Musique : John Swihart

Durée : 1h34

Année de sortie : 2020

LE FILM

Will pense que sa femme Rosalind est innocente du meurtre présumé de leur fils, mais découvre que son passé la lie à un autre crime non résolu. Will est convaincu que sa femme, l’artiste Rosalind, n’est pas coupable de la mort de leur bébé. Il fait alors une découverte terrifiante qui dévoile une chaîne d’autres cas non résolus.

Étrange carrière que celle de la comédienne Olga Kurylenko (née en 1979)…Ceux qui comme votre serviteur l’avaient découverte au cinéma en 2005 dans L’Annulaire de Diane Bertrand, formidable transposition du roman de Yōko Ogawa, lui prédisaient un brillant avenir. Effectivement, celle-ci fut très vite remarquée et peu de temps après, l’ukrainienne incarnait une vampire dans le segment Quartier de la Madeleine du film collectif Paris, je t’aime, sous la direction de Vincenzo Natali, puis dans l’excellent thriller d’Éric Barbier, Le Serpent, aux côtés d’Ivan Attal et Pierre Richard. Après deux participations aux adaptations cinématographiques de jeux vidéos, Hitman de Xavier Gens d’un côté, Max Payne de John Moore de l’autre, elle devient carrément James Bond Girl dans (l’horrible) Quantum of Solace. On pouvait alors penser que cette carte de visite prestigieuse allait être le coup de pouce définitif, mais cela ne s’est pas passé comme prévu. L’actrice n’aura de cesse d’alterner les seconds rôles peu mémorables, les productions modestes et interchangeables (qui se souvient de Centurion de Neil Marshall ?), mais ne laissera pas passer sa chance d’être dirigé par un monument du cinéma comme Terrence Malick dans À la merveille To the Wonder (2012) ou de donner la réplique à une star internationale, en l’occurrence Tom Cruise dans Oblivion de Joseph Kosinki (2013). Petit à petit, elle se spécialise dans le cinéma d’action, destiné la plupart du temps au Direct-To-Video, comme The Courier de Zackary Adler, Code Mementum de Stephen S. Campanelli, The November Man de Roger Donaldson et The Expatriate de Philipp Stölzl. Un film se distingue tout de même, La Terre outragée de Michale Boganim (2011), première fiction autorisée à être tournée sur les lieux de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, drame intimiste saisissant qui relatait le lendemain de l’évènement. Si on peut éventuellement sauver Dans la brume (2018) de Daniel Roby et surtout The Room de Christian Volckman, on ne peut pas s’empêcher de penser qu’Olga Kurylenko s’est souvent fourvoyée dans des projets de peu d’envergure. La Baie du silence The Bay of Silence ne relèvera malheureusement pas la moyenne, non pas en raison du jeu de l’actrice, qui s’en sort très bien ici, mais à cause d’une histoire abracadabrante, qui part dans tous les sens, à laquelle on croyait pourtant, mais qui s’avère rapidement très mal racontée par Paula van der Oest. On ne sait pas où la réalisatrice néerlandaise souhaite nous emmener et malgré un départ très intéressant, le spectateur finit par lâcher l’affaire, la faute à un récit qui s’éparpille.

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Test Blu-ray / De son vivant, réalisé par Emmanuelle Bercot

DE SON VIVANT réalisé par Emmanuelle Bercot, disponible en DVD et Blu-ray le 24 mars 2022 chez Studiocanal.

Acteurs : Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Gabriel A. Sara, Cécile de France, Oscar Morgan, Lou Lampros, Melissa George, Clément Ducol…

Scénario : Emmanuelle Bercot & Marcia Romano

Photographie : Yves Cape

Musique : Eric Neveux

Durée : 2h03

Date de sortie initiale : 2021

LE FILM

Un homme condamné trop jeune par la maladie. La souffrance d’une mère face à l’inacceptable. Le dévouement d’un médecin et d’une infirmière pour les accompagner sur l’impossible chemin. Une année, quatre saisons, pour « danser » avec la maladie, l’apprivoiser, et comprendre ce que ça signifie : mourir de son vivant.

Le cinéma adore ce genre d’histoire. La maladie a toujours été LE sujet mélodramatique par excellence et la France n’est pas en reste dans ce domaine. On peut citer en vrac La Guerre est déclarée (2011) de Valérie Donzelli, Cléo de 5 à 7 (1962) d’Agnès Varda, Adieu les cons (2020) d’Albert Dupontel, Les Intranquilles (2021) de Joachim Lafosse, Augustine (2012) d’Alice Winocour, Floride (2015) de Philippe Le Guay, Cortex (2008) de Nicolas Boukhrief, L’Arbre de Noël (1969) de Terence Young, La Gueule ouverte (1974) de Maurice Pialat et bien d’autres. De son vivant d’Emmanuelle Bercot plonge la tête dedans on pourrait dire, mais contrairement à la plupart des films mentionnés, qui n’y vont pas avec le dos de la cuillère, ce drame s’en sort assez bien. Le sixième long-métrage de la réalisatrice est avant tout un film de performance d’acteur, dans le sens où il offre assurément à Benoît Magimel l’un de ses meilleurs rôles, avec lequel il retrouve enfin de sa superbe après quelques errances, même si le comédien aura su rebondir ces dernières années dans Money de Gela Babluani, Carbone d’Olivier Marchal, La Douleur d’Emmanuel Finkiel, Lola vers la mer de Laurent Micheli et Une fille facile de Rebecca Zlotowski. Il est magnifique dans De son vivant, sa troisième collaboration avec Emmanuelle Bercot après La Tête haute (2015) et La Fille de Brest (2016) et si le film pâtit de digressions, ainsi que de sous-intrigues dispersées, il serait dommage de passer à côté. Un César du meilleur acteur 2022 très largement mérité.

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Test Blu-ray / Objectif 500 millions, réalisé par Pierre Schoendoerffer

OBJECTIF 500 MILLIONS réalisé par Pierre Schoendoerffer, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 2 mars 2022 chez Studiocanal.

Acteurs : Bruno Cremer, Marisa Mell, Jean-Claude Rolland, Etienne Bierry, Pierre Fromont, Jean-François Chauvel, D. Zimbaca, Hong Mai Thomas…

Scénario : Pierre Schoendoerffer & Jorge Semprún

Photographie : Alain Levent

Musique : Pierre Jansen

Durée : 1h28

Date de sortie initiale : 1966

LE FILM

A sa sortie de prison, un ancien parachutiste se voit proposer un coup: voler un sac postal contenant cinq cents millions et transporté par avion de Paris à Bordeaux. Le seul complice qu’il trouve pour l’aider dans cette opération est l’officier qui l’avait autrefois dénoncé. Il réussira finalement à se venger de lui.

Du réalisateur Pierre Schoendoerffer (1928-2012), on connaît essentiellement La 317e Section (1965) et Le Crabe-Tambour (1977), adaptés de ses propres romans, ainsi que Diên Biên Phu (1992). S’il a finalement peu tourné, neuf longs-métrages et quatre documentaires en près de cinquante ans de carrière, l’ancien matelot (il rêvait de devenir marin) et photographe-reporter de guerre (il part comme volontaire en Indochine pour le compte du Service cinématographique des armées sous le grade de caporal, puis de caporal-chef), Pierre Schoendoerffer aura construit une œuvre cohérente, forcément marquée par son passé militaire, à ses expériences personnelles (il est fait prisonnier par le Vietminh en 1954, puis relâché quelques mois plus tard, après les accords de Genève). Il passe à la mise en scène en 1956 grâce à Joseph Kessel, qui lui écrit son premier film, La Passe du diable, qu’il coréalise avec Jacques Dupont, en compagnie de Raoul Coutard à la photographie et de Georges de Beauregard à la production, qui deviendra le grand nom de la Nouvelle vague prête à débarque. S’il ne sortira que deux ans plus tard, ce coup d’essai tourné en Afghanistan conforte le jeune cinéaste dans son désir de septième art. S’ensuit Ramuntcho (1959), comédie-dramatique qui se déroule à la fin de la Guerre d’Indochine, où ressort déjà l’approche didactique de Pierre Schoendoerffer, Pêcheur d’Islande (1959), qui narre les aventures en mer d’un équipage breton de Concarneau, puis le documentaire de propagande Attention ! Hélicoptères (1963). La reconnaissance arrive en 1965 avec La 317e Section, qui raconte l’histoire de six journées de guerre, en mai 1954, durant la guerre d’Indochine, dont le réalisme cru, renforcé par le N&B charbonneux du fidèle Raoul Coutard et des prises de vues capturées à l’épaule dans la jungle cambodgienne, crée l’événement auprès du public (1,7 millions d’entrées) et de la critique, le film repartant alors avec le Prix du meilleur scénario au Festival de Cannes en 1965. Dans la filmographie de Pierre Schoendoerffer, se cache un film de « genre », de braquage, Objectif 500 millions, qui sort dès l’année suivante. Une concession au cinéma commercial ? Pas du tout, car sous ses allures de spectacle du samedi soir, il s’agit ni plus ni moins d’un prolongement des thèmes qui animeront le réalisateur toute sa vie, en l’occurrence ici comment un homme, qui aura dédié toute son existence au combat peut-il survivre après un conflit, une fois démobilisé et rendu à la vie civile ? Interprété par Bruno Cremer, monstre de charisme qui crève l’écran et qui le vampirise du début à la fin en étant quasiment de chaque plan, Objectif 500 millions est une remarquable curiosité.

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Test Blu-ray / Ce plaisir qu’on dit charnel, réalisé par Mike Nichols

CE PLAISIR QU’ON DIT CHARNEL (Carnal Knowledge) réalisé par Mike Nichols, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 9 mars 2022 chez Studiocanal.

Acteurs : Jack Nicholson, Candice Bergen, Art Garfunkel, Ann-Margret, Rita Moreno, Cynthia O’Neal, Carol Kane…

Scénario : Jules Feiffer

Photographie : Giuseppe Rotunno

Durée : 1h38

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

L’itinéraire sentimental, psychologique et sexuel de deux hommes : de l’adolescence à l’âge mûr, Jonathan et Sandy face à la femme, aux femmes, à la féminité.

Le Lauréat fait partie des films les plus importants de l’histoire du cinéma. Plus de cinquante ans après sa réalisation, le chef d’oeuvre de Mike Nichols (1931-2014), Oscar du meilleur réalisateur, possède encore cette aura qu’ont ces films qui ne prennent pas une seule ride et qui au contraire s’intensifient à chaque visionnage. Au-delà de l’immense beauté, de l’élégance et de la modernité de la mise en scène de Mike Nichols qui rompait avec l’ensemble des vieilles traditions cinématographiques, Dustin Hoffman crevait l’écran dans le rôle qui allait lancer sa carrière, celui de Benjamin Braddock, jeune homme paumé qui trouvera son salut dans les bras d’une femme mûre (Anne Bancroft alias la mythique Mrs Robinson) pour finir (?) dans ceux de sa fille (superbe Katharine Ross). Un film, ou plutôt un personnage devenu l’incarnation de toute une génération, celle où les enfants s’affranchissaient finalement de leurs parents pour se tourner vers un avenir incertain, mais non tracé. Quintessence du cinéma, Le Lauréat est également la plus belle épopée initiatique jamais vue à l’écran, la magnifique composition de Simon & Garfunkel finissant d’inscrire définitivement le film de Mike Nichols au firmament du Septième art. Il s’agissait du second long-métrage de Mike Nichols, un an après Qui a peur de Virginia Woolf ? Who’s Afraid of Virginia Woolf ?, porté par le couple Elizabeth Taylor – Richard Burton, récompensé par cinq Oscars, dont celui de la Meilleure Actrice. Difficile donc de rebondir après deux triomphes aussi influents et conséquents. Le réalisateur enchaîne avec Catch 22, film de guerre satirique, pour ne pas dire inclassable, qui n’obtient pas du tout le même engouement, ni de la part de la critique ni des spectateurs, alors que dans le même genre, MASH de Robert Altman emportait tous les suffrages. Que faire ? Mike Nichols jette son dévolu sur un scénario de Jules Feiffer, auteur de bandes dessinées et de dessins de presse (The New Yorker, Playboy, Esquire, The Nation), écrivain et auteur de théâtre, dans lequel il renoue avec les thèmes déjà explorés dans ses deux premiers films, dont la désillusion sexuelle et affective. Ainsi, Ce plaisir qu’on dit charnel Carnal Knowledge, conçu à l’origine pour la scène, apparaît comme un mix évident entre Qui a peur de Virginia Woolf ? et Le Lauréat, plusieurs séquences se répondant d’un film à l’autre, mais qui prolongent aussi ce qui avait été exposé dans ces deux monuments. Sans doute moins « célébré », cet opus n’en demeure pas moins fondamental dans la carrière de Mike Nichols, d’autant plus qu’il a très largement participé à la renommée de Jack Nicholson (tout juste sorti de Cinq pièces faciles Five Easy Pieces de Bob Rafelson), l’acteur y signant une prestation extraordinaire, qui lui vaudra d’être nommé pour le Golden Globe du meilleur acteur dans un film dramatique.

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Test Blu-ray / Chère Louise, réalisé par Philippe de Broca

CHÈRE LOUISE réalisé par Philippe de Broca, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 18 mars 2022 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Jeanne Moreau, Julian Negulesco, Didi Perego, Jill Larson, Lucienne Legrand, Pippo Starnazza, Luce Fabiole, Jenny Arasse, Louis Navarre, Yves Robert…

Scénario : Jean-Loup Dabadie, d’après une nouvelle de Jean-Louis Curtis

Photographie : Ricardo Aronovitch

Musique : Georges Delerue

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 1972

LE FILM

Louise, la quarantaine, divorcée et sans enfant, vit seule à Annecy depuis la mort de sa mère. Elle rencontre Luigi un immigré italien de 20 ans venu faire fortune en France et lui offre l’hospitalité. Elle décide de l’entretenir et lui trouve un emploi. Peu à peu, elle s’attache à lui mais leur relation va être bouleversée par la différence d’âge, le poids des dettes de Louise et le regard des autres.

Suite à l’échec cuisant des Caprices de Marie en 1970, Philippe de Broca s’associe pour la première fois avec Jean-Loup Dabadie pour La Poudre d’escampette, fantaisie d’aventure pleine d’humour, de rebondissements, d’émotions et de gags visuels, où brille le fabuleux trio de comédiens vedettes Piccoli-Jobert-York. Remis en selle avec plus d’1,3 millions d’entrées, le réalisateur se voit proposer un autre scénario du même auteur immédiatement après, un portrait de femme, d’après L’Éphèbe de Subiaco, une des quatre nouvelles qui composent Le Thé sous les cyprès de Jean-Louis Curtis. Loin, très loin des comédies virevoltantes qui ont fait son succès et qui l’ont fait passer à la postérité, Chère Louise montre pourtant l’une des facettes de Philippe de Broca, celle d’une profonde et indéniable mélancolie, qui s’est souvent fait ressentir y compris dans ses plus grandes gaudrioles, comme si rire, s’esclaffer, sauter et même défier la gravité permettaient à ses personnages et donc à lui-même, de calfeutrer le temps d’un film et d’un tournage, l’inéluctabilité du temps qui passe et du vieillissement. A l’instar d’Édouard Molinaro, Philippe de Broca ne se dévoilait jamais autant que dans ses opus les plus obscurs. Chère Louise est une œuvre douce, délicate, pudique, amère aussi sans doute, marquée par l’hypersensibilité de Jean-Loup Dabadie, secondée et relayée par celle d’un metteur en scène qui se livre à travers cette chronique intemporelle et universelle, magistralement interprétée par Jeanne Moreau.

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Test Blu-ray / La Fille du diable, réalisé par Henri Decoin

LA FILLE DU DIABLE réalisé par Henri Decoin, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD le 30 mars 2022 chez Pathé.

Acteurs : Pierre Fresnay, Fernand Ledoux, Thérèse Dorny, Andrée Clément, Pierre Juvenet, Robert Seller, Paul Frankeur, Nicolas Amato, André Wasley…

Scénario : Alex Joffé, Henri Decoin & Marc-Gilbert Sauvajon

Photographie : Armand Thirard

Musique : Henri Dutilleux

Durée : 1h39

Année de sortie : 1946

LE FILM

Célèbre criminel en fuite, Saget est pris en voiture par Ludovic Mercier, un homme qui revient dans son village natal après 25 ans d’exil fructueux aux Etats-Unis. Mais Mercier est ivre et le véhicule dérape. Si l’automobiliste meurt dans l’accident, Saget survit et décide d’usurper l’identité du mort. Accueilli en fanfare par tous les villageois, il trompe ses compatriotes à l’exception de la mystérieuse Isabelle, surnommée « Fille du Diable »…

Les films d’Henri Decoin (1890-1969) se suivaient et ne se ressemblaient pas. Cet éclectisme a longtemps été sa force et sa faiblesse, puisque la critique, bien plus que les cinéphiles, ne savait pas comment « cataloguer » ce réalisateur, qui aura signé une cinquantaine de longs-métrages en un peu plus de trente ans, en terminant sa carrière en 1964 sur Nick Carter va tout casser! avec Eddie Constantine. Nous avons déjà parlé de la filmographie riche, précieuse, impressionnante, attachante, élégante et sans fin d’Henri Decoin, à travers nos chroniques d’Au grand balcon, Les Amoureux sont seuls au monde, Non coupable, Charmants garçons, le metteur en scène connaissant depuis quelques années, à l’instar de Gilles Grangier, une nouvelle reconnaissance de la part de la critique qui lui avait souvent échappé, grâce à la restauration des films mentionnés précédemment, auxquels nous pouvons ajouter Maléfices (1962) avec Juliette Gréco, Le Masque de fer (1962) avec un Jean Marais truculent, Pourquoi viens-tu si tard… (1959) avec Michèle Morgan, L’Affaire des poisons (1955) avec Danielle Darrieux (alors son épouse), Razzia sur la chnouf (1955) avec Jean Gabin et Lino Ventura, Les Inconnus dans la maison (1941) avec Raimu…et là le passionné de cinéma de se dire « Ah mais c’est de lui aussi ça ? ». C’est dire si l’on redécouvre sans cesse l’oeuvre d’Henri Decoin, où l’on déniche de véritables trésors, à l’instar de La Fille du diable, également connu sous le titre La Vie d’un autre, qui sort sur les écrans le 17 avril 1946. Précipitez-vous sur ce drame teinté de thriller, dans lequel s’opposent les immenses Pierre Fresnay et Fernand Ledoux.

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Test Blu-ray / Meurtre à Montmartre, réalisé par Gilles Grangier

MEURTRE À MONTMARTRE réalisé par Gilles Grangier, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD le 30 mars 2022 chez Pathé.

Acteurs : Michel Auclair, Paul Frankeur, Giani Esposito, Annie Girardot, Lucien Nat, Gib Grossac, Franck MacDonald, Philippe Dumat…

Scénario : Gilles Grangier & René Wheeler, d’après le roman de Michel Lenoir

Photographie : Jacques Lemare

Musique : Jean Yatove

Durée : 1h32

Année de sortie : 1956

LE FILM

Le marchand d’art Marc Kelber croit faire l’affaire du siècle quand il achète un tableau de Gauguin à Jacques Lacroix, un prétendu collectionneur. Mais quand il découvre que ce dernier est un escroc qui lui a vendu un faux, Kelber est bien décidé à se venger. Il retrouve alors Lacroix et ses complices, le peintre faussaire Watroff et sa compagne et modèle Viviane. Mais plutôt que de leur faire payer leur arnaque, il décide finalement d’y prendre part…

Habitué aux gros succès populaires depuis ses débuts dans les années 1940 comme Le Cavalier noir, Jo la Romance, Amour et compagnie et Trente et quarante avec Georges Guétary, L’Aventure de Cabassou avec Fernandel, Leçon de conduite avec Odette Joyeux, Par la fenêtre avec Bourvil, Gilles Grangier va petit à petit et momentanément délaisser la comédie pour se diriger vers des films plus dramatiques. L’une des étapes les plus marquantes de son illustre carrière reste sa rencontre avec Jean Gabin, avec lequel il tourne pour la première fois en 1953 pour La Vierge du Rhin, d’après le roman de Pierre Nord. Les deux hommes collaboreront à douze reprises. Le réalisateur démontre qu’il peut alors offrir autre chose aux spectateurs qu’un film musical ou des divertissements légers du samedi soir et c’est finalement dans un registre plus grave qu’il va trouver un second souffle, mais aussi s’épanouir derrière la caméra. Entre Le Sang à la tête, merveilleuse adaptation du roman de Georges Simenon, et Le Rouge est mis, Gilles Grangier se tourne vers un autre fidèle comédien, le grand Paul Frankeur, qui l’accompagne depuis 1950 (Au p’tit Zouave) et qu’il retrouvera sur Jeunes mariés (1953), Le Sang à la tête (1956), Le Rouge est mis (1957), Le Désordre et la Nuit (1958), Archimède le clochard (1959), Le Gentleman d’Epsom (1962), Le Voyage à Biarritz (1962, même si non crédité), Maigret voit rouge (1963), sans oublier la mini-série Max le débonnaire diffusée en 1967. Paul Frankeur, c’est souvent celui dont on ne sait pas forcément le nom dans un film. C’est un mécanicien, un bonimenteur, un patron de bistrot, un cordonnier, un réparateur de lignes électriques, un inspecteur ou un commissaire, un reporter, un aubergiste, un coiffeur, un cafetier, un coiffeur, un brigadier de gendarmerie, un contrôleur SNCF, un curé…et l’on se souvient pourtant toujours de lui. Meurtre à Montmartre, précédemment sorti au cinéma sous le titre Reproduction interdite, mais qui avait été rebaptisé par une production déçue par les résultats du film au box-office (ce qui avait irrité Gilles Grangier, étant donné que l’action se déroule à Montparnasse et non pas sur la butte, ce à quoi on lui avait rétorqué que « Meurtre à Montparnasse aurait été un titre trop long ») est l’un des rares films où Paul Frankeur tient le haut de l’affiche. Si l’on peut citer aussi Premières Armes (1950) de René Wheeler et Passion (1951) de Georges Lampin, il porte sur ses épaules Meurtre à Montmartre, en étant quasiment de toutes les scènes. Et il est admirable dans cette transposition d’un roman de Michel Cade (sous le nom de Lenoir), où Gilles Grangier dresse le portrait d’un galeriste, qui va malgré-lui tombé dans le crime, pour pouvoir subsister et offrir à sa jeune épouse un train de vie confortable. S’il n’est assurément pas le film le plus célèbre du cinéaste, Reproduction interdite (puisqu’on peut l’appeler ainsi) est un vrai bijou sombre et pessimiste, qui s’offre enfin à nous en copie entièrement restaurée.

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Test Blu-ray / La Menace, réalisé par Alain Corneau

LA MENACE réalisé par Alain Corneau, disponible en DVD et Blu-ray depuis le 21 novembre 2021 chez LCJ Editions & Productions.

Acteurs : Yves Montand, Carole Laure, Marie Dubois, Jean-François Balmer, Marc Eyraud, Roger Muni, Jacques Rispal, Michel Ruhl, Gabriel Gascon…

Scénario : Daniel Boulanger & Alain Corneau

Photographie : Pierre-William Glenn

Musique : Gerry Mulligan

Durée : 1h56

Date de sortie initiale : 1977

LE FILM

Dominique gère une société de transports routiers près de Bordeaux. Elle est assistée de son compagnon Henri. Mais leur relation tourne court lorsque le quinquagénaire s’éprend de Julie, une jeune Canadienne. Un soir, apprenant qu’Henri a rendez-vous avec Julie, Dominique s’y rend à sa place. Elle propose de l’argent à sa rivale pour qu’elle quitte la région. Le ton monte. Julie s’enfuit. Folle de jalousie, Dominique se suicide…

Après un premier long-métrage – France société anonyme – complètement foutraque, à la fois fascinant et terriblement assommant (euphémisme), Alain Corneau change son fusil d’épaule et signe un vrai coup de maître deux ans plus tard, Police Python 357, polar implacable et froid comme le platine, qui connaît un beau succès public, en attirant près d’1,5 million de spectateurs dans les salles en mars 1976. Metteur en scène et scénariste cinéphile, mais aussi cinéphage, Alain Corneau profite de cet engouement pour surfer sur la même recette et décide de remettre le couvert dès l’année suivante avec La Menace, également interprété par Yves Montand. Avec ce troisième film, le cinéaste prolonge ce qu’il avait entrepris avec Police Python 357, en poussant les curseurs, en asséchant aussi bien le fond que la forme, à la limite de l’abstraction. Moins ou mal considéré, c’est selon, La Menace n’en reste pas moins représentatif du cinéma « mathématiques », pour ne pas dire scientifique d’Alain Corneau, où tout y est carré, symétrique, glacé et pourtant fragile, car souvent fatal ou sans espoir de retour. Redoutablement pessimiste, ce polar sombre demeure essentiellement connu pour son dernier acte, quasiment dépourvu de dialogues, reposant entièrement sur le cadre, l’ambiance, une claustrophobie qui serre la gorge du spectateur jusqu’au dénouement entré dans l’histoire du cinéma.

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