Test Blu-ray / Martin Roumagnac, réalisé par Georges Lacombe

MARTIN ROUMAGNAC réalisé par Georges Lacombe, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 28 octobre 2022 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Marlene Dietrich, Jean Gabin, Daniel Gélin, Lucien Nat, Jean Darcante, Henri Poupon, Marcel André, Margo Lion, Marcel Herrand, Jean d’Yd, Marcel Peres, Paul Amiot, Camille Guerini…

Scénario : Pierre Véry et Georges Lacombe, d’après le roman de Pierre-René Wolf

Photographie : Roger Hubert

Musique : Marcel Mirouze

Durée : 1h43

Date de sortie initiale : 1946

LE FILM

Dans une petite ville de province, Blanche Ferrand espère épouser un riche consul, Monsieur de Laubry, dont la femme est gravement malade. Un soir, elle rencontre Martin Roumagnac, entrepreneur en maçonnerie, qui tombe éperdument amoureux d’elle. C’est le début d’une liaison passionnée, à laquelle Blanche se prête d’abord par fantaisie puis par amour. À la mort de la femme du consul, celui-ci somme Blanche de faire un choix.

« Le seul film du couple mythique Dietrich/Gabin » annonçait l’affiche de la ressortie de Martin Roumagnac en mai 2022. À l’origine, celui-ci devait être Les Portes de la nuit, sous la direction de Marcel Carné, mais Marlene Dietrich refusant d’interpréter la fille d’un collaborateur, décline cette opportunité. Possédant les droits du livre Martin Roumagnac de Pierre-René Wolf depuis quelques années (avant même la Seconde Guerre mondiale), Jean Gabin rebondit immédiatement et propose l’adaptation (refusée au préalable par Marcel Carné et Jacques Prévert) au réalisateur Georges Lacombe (1902-1990). Ce sera le retour du comédien sur le sol français après un court exil à Hollywood et son engagement (sous son vrai nom) au sein des Forces françaises combattantes, mais aussi le premier long-métrage de celle qui est alors sa compagne, dans la langue de Molière, dans laquelle elle s’exprime divinement bien. Joli succès dans les salles avec 2,5 millions de spectateurs réunis dans les salles en décembre 1946, la critique n’est cependant guère au rendez-vous. De plus, la fin du tournage a été marquée par la rupture consommée entre les deux stars, Marlene Dietrich voulant retourner sur le sol de l’Oncle Sam, tandis que Jean Gabin désire rester définitivement en France pour relancer sa carrière et pour fonder une famille. Martin Roumagnac demeure donc fondamentalement imprégné par cet événement, mais reste surtout un drame sentimental poignant, merveilleusement incarné par les deux têtes d’affiche, dont la tension sexuelle est par ailleurs fort présente pour un film des années 1940 et qui fera grincer la censure américaine, qui n’hésitera pas à couper pas moins d’une demi-heure pour son exploitation aux États-Unis. Assurément méconnu, Martin Roumagnac offre à Jean Gabin un rôle étonnant, qui rappelle parfois celui qu’il campait dans La Belle équipe de Julien Duvivier dix ans auparavant et qu’il interprétera dix ans plus tard dans Le Sang à la tête de Gilles Grangier. Un colosse aux pieds d’argile, dont la silhouette trapue contraste avec une voix légère et insouciante, face à sa partenaire qui dissimule au contraire une fragilité et un manque d’assurance derrière un masque de femme sûre d’elle et séductrice. La rencontre à l’écran des deux monstres fait bien sûr des étincelles.

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Test Blu-ray / Meurtre à Montmartre, réalisé par Gilles Grangier

MEURTRE À MONTMARTRE réalisé par Gilles Grangier, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD le 30 mars 2022 chez Pathé.

Acteurs : Michel Auclair, Paul Frankeur, Giani Esposito, Annie Girardot, Lucien Nat, Gib Grossac, Franck MacDonald, Philippe Dumat…

Scénario : Gilles Grangier & René Wheeler, d’après le roman de Michel Lenoir

Photographie : Jacques Lemare

Musique : Jean Yatove

Durée : 1h32

Année de sortie : 1956

LE FILM

Le marchand d’art Marc Kelber croit faire l’affaire du siècle quand il achète un tableau de Gauguin à Jacques Lacroix, un prétendu collectionneur. Mais quand il découvre que ce dernier est un escroc qui lui a vendu un faux, Kelber est bien décidé à se venger. Il retrouve alors Lacroix et ses complices, le peintre faussaire Watroff et sa compagne et modèle Viviane. Mais plutôt que de leur faire payer leur arnaque, il décide finalement d’y prendre part…

Habitué aux gros succès populaires depuis ses débuts dans les années 1940 comme Le Cavalier noir, Jo la Romance, Amour et compagnie et Trente et quarante avec Georges Guétary, L’Aventure de Cabassou avec Fernandel, Leçon de conduite avec Odette Joyeux, Par la fenêtre avec Bourvil, Gilles Grangier va petit à petit et momentanément délaisser la comédie pour se diriger vers des films plus dramatiques. L’une des étapes les plus marquantes de son illustre carrière reste sa rencontre avec Jean Gabin, avec lequel il tourne pour la première fois en 1953 pour La Vierge du Rhin, d’après le roman de Pierre Nord. Les deux hommes collaboreront à douze reprises. Le réalisateur démontre qu’il peut alors offrir autre chose aux spectateurs qu’un film musical ou des divertissements légers du samedi soir et c’est finalement dans un registre plus grave qu’il va trouver un second souffle, mais aussi s’épanouir derrière la caméra. Entre Le Sang à la tête, merveilleuse adaptation du roman de Georges Simenon, et Le Rouge est mis, Gilles Grangier se tourne vers un autre fidèle comédien, le grand Paul Frankeur, qui l’accompagne depuis 1950 (Au p’tit Zouave) et qu’il retrouvera sur Jeunes mariés (1953), Le Sang à la tête (1956), Le Rouge est mis (1957), Le Désordre et la Nuit (1958), Archimède le clochard (1959), Le Gentleman d’Epsom (1962), Le Voyage à Biarritz (1962, même si non crédité), Maigret voit rouge (1963), sans oublier la mini-série Max le débonnaire diffusée en 1967. Paul Frankeur, c’est souvent celui dont on ne sait pas forcément le nom dans un film. C’est un mécanicien, un bonimenteur, un patron de bistrot, un cordonnier, un réparateur de lignes électriques, un inspecteur ou un commissaire, un reporter, un aubergiste, un coiffeur, un cafetier, un coiffeur, un brigadier de gendarmerie, un contrôleur SNCF, un curé…et l’on se souvient pourtant toujours de lui. Meurtre à Montmartre, précédemment sorti au cinéma sous le titre Reproduction interdite, mais qui avait été rebaptisé par une production déçue par les résultats du film au box-office (ce qui avait irrité Gilles Grangier, étant donné que l’action se déroule à Montparnasse et non pas sur la butte, ce à quoi on lui avait rétorqué que « Meurtre à Montparnasse aurait été un titre trop long ») est l’un des rares films où Paul Frankeur tient le haut de l’affiche. Si l’on peut citer aussi Premières Armes (1950) de René Wheeler et Passion (1951) de Georges Lampin, il porte sur ses épaules Meurtre à Montmartre, en étant quasiment de toutes les scènes. Et il est admirable dans cette transposition d’un roman de Michel Cade (sous le nom de Lenoir), où Gilles Grangier dresse le portrait d’un galeriste, qui va malgré-lui tombé dans le crime, pour pouvoir subsister et offrir à sa jeune épouse un train de vie confortable. S’il n’est assurément pas le film le plus célèbre du cinéaste, Reproduction interdite (puisqu’on peut l’appeler ainsi) est un vrai bijou sombre et pessimiste, qui s’offre enfin à nous en copie entièrement restaurée.

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