Test Blu-ray / Milliardaire pour un jour, réalisé par Frank Capra

MILLIARDAIRE POUR UN JOUR (Pocketful of Miracles) réalisé par Frank Capra, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 21 février 2023 chez Rimini Editions.

Acteurs : Glenn Ford, Bette Davis, Hope Lange, Arthur O’Connell, Peter Falk, Thomas Mitchell, Edward Everett Horton, Mickey Shaughnessy, David Brian, Sheldon Leonard, Ann-Margret…

Scénario : Hal Kanter & Harry Tugend, d’après une histoire originale de Damon Runyon, d’après un scénario de Robert Riskin

Photographie : Robert J. Bronner

Musique : Walter Scharf

Durée : 2h11

Date de sortie initiale : 1961

LE FILM

New York, au début du XXe siècle. Dave-le-dandy, patron d’un club de jeu, est devenu le défenseur des petites gens, enfants, mendiants et poètes confondus. Sa nouvelle protégée est une orpheline de 20 ans, Queenie, que son père lui a confiée avant de mourir. Annie, une clocharde, frappe à sa porte, bien embarrassée. Sa fille Louise, élevée dans un couvent et ignorant la situation de sa mère, lui a annoncé sa visite en compagnie de son fiancé, un comte espagnol fortuné. Dave et ses amis décident de jouer la comédie à Louise et de se faire tous passer pour des notables de la ville, avec l’espoir de tromper la famille, très collet monté, du futur époux…

New York Miami, L’Extravagant Mr. Deeds, Les Horizons perdus, Vous ne l’emporterez pas avec vous, Monsieur Smith au Sénat, L’Homme de la rue, Arsenic et vieilles dentelles, La Vie est belle…tant de titres qui font vibrer encore et toujours les cinéphiles. Les films de Francesco Rosario Capra alias Frank Capra (1897-1991) sont indéniablement une étape dans la vie d’un passionné du septième art. Ce que l’on connaît moins en revanche, c’est sa fin de carrière, marquée par l’échec commercial de La Vie est belle en 1946. Par la suite, le réalisateur aura du mal à revenir sur le devant de la scène, en enchaînant trois films qui passeront plus ou moins inaperçus, L’EnjeuState of the Union, Jour de chance Riding High et Si l’on mariait papaHere Comes the Groom. Le succès reviendra avec Un trou dans la têteA Hole in the Head, avec Frank Sinatra et Edward G. Robinson. Les années 1950 disparaissent et Frank Capra décide de mettre en route ce qui sera alors son ultime opus, Milliardaire pour un jourPocketful of Miracles. À l’instar de Jour de chance, qui était le remake de La Course de Broadway Bill (1934), le cinéaste jette son dévolu sur La Grande dame d’un jour Lady for a Day, qu’il avait mis en scène en 1933, qui lui avait valu sa première nomination aux Oscar. On ne peut pas parler de « mise à jour » de l’oeuvre originale, mais plutôt d’une relecture plus étendue (le nouveau film durant 140 minutes, contre 95 minutes pour le film original), Frank Capra (comme Alfred Hitchcock et Leo McCarey avant lui) préférant jouer la sécurité avec un scénario qui avait déjà fait ses preuves. Seulement voilà, Milliardaire pour un jour sort en 1961 et apparaît comme qui dirait anachronique la même année que West Side Story, Diamants sur canapé, Un pyjama pour deux, Le Zinzin d’Hollywood, L’Arnaqueur, La Fièvre dans le sang…néanmoins, plus de soixante après, nous redécouvrons ce petit bijou, le chant du cygne d’un des plus grands réalisateurs de la première moitié du vingtième siècle, un film testamentaire (qui s’ignore), succulent, drôle, enlevé, qui offre à ses comédiens de fabuleux numéros. Il est temps de reparler de Pocketful of Miracles, qui condense et résume quarante ans de carrière dédiée au divertissement et aux spectateurs, en s’inspirant une fois de plus du conte Cendrillon.

Vieille clocharde alcoolique, Annie vend des pommes sur le trottoir de Broadway. L’argent qu’elle gagne lui sert à élever sa fille Louise dans un couvent espagnol, en se faisant passer pour une dame de la haute société, Mrs. E. Worthington Manville. Le meilleur client d’Annie est Dave ‘the Dude’, ancien bootlegger persuadé que ses pommes le protègent du mauvais sort. Or, au moment où Dave essaie d’obtenir du gangster Steve Darcey la cession du territoire new-yorkais, Annie apprend que Louise arrive par le prochain bateau, avec son fiancé, Carlos et son futur beau-père, le comte Alfonso Romero. En dépit des remontrances de son bras droit, Jo le Mariole (qui préférerait le voir se consacrer aux négociations avec Darcey), Dave décide de sauver la mise de celle qu’il considère comme sa bonne fée. Avec l’aide de sa petite amie Queenie, du majordome Hutchins et d’une armée de coiffeurs, couturiers, maquilleurs et manucures, il transforme Annie en respectable douairière. Il lui trouve même un époux : le juge Henry G. Blake, surtout connu comme arnaqueur au billard. Le séjour de Louise et des Romero se passe plutôt bien, malgré l’enquête du consul espagnol Cortega qui, bien entendu, n’a jamais entendu parler de « l’honorable » Mrs. Manville. Dave réquisitionne ses amis de la pègre et les copines de Queenie pour une réception en l’honneur des futurs époux.

« On peut pas faire d’un vieil âne, un cheval de course ! »

S’il voit qu’Hollywood est une machine impossible à stopper et qui n’a de cesse de muter, Frank Capra se tourne étrangement et contre toute attente vers le passé quand il entreprend Milliardaire pour un jour. Si le hit d’Un trou dans la tête aurait pu l’inciter à reprendre le train en marche, le cinéaste préfère revenir à ce qu’il connaît le mieux, comme s’il ne voulait pas se trahir, en reprenant le scénario de son ancien complice Robert Riskin (La Femme aux miracles, La Blonde platine, La Ruée…), d’après une histoire de Damon Runyon (le formidable Un meurtre sans importance de Lloyd Bacon), écrit pour La Grande dame d’un jour, qui réunissait, May Robson et Warren William, le tout révisé à cette occasion par Hal Kanter (Sous le ciel bleu d’Hawaii, Chère Brigitte) et Harry Tugend (L’Or du ciel de George Marshall, La Maison des sept péchés). Avec Milliardaire pour un jour, Frank Capra démontre qu’il en avait encore sacrément sous le capot.

« Tu savais que New York était une île ? »

Il y dirige un casting quatre étoiles, mené par l’immense Glenn Ford (dans un rôle imaginé pour Frank Sinatra et Dean Martin), alors entre La Ruée vers l’Ouest d’Anthony Mann, Les Quatre Cavaliers de l’Apocalyspe de Vincente Minnelli et le prodigieux Allô, brigade spéciale de Blake Edwards, qui donne la savoureuse réplique à Bette Davis. Cette dernière, en perte de vitesse, amorcera son retour en grâce avec ce film, qui sera très vite suivi de Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? What Ever Happened to Baby Jane? de Robert Aldrich. Les deux comédiens se retrouvaient ainsi quinze ans après avoir partagé l’affiche de La VoleuseA Stolen Life de Curtis Bernhardt. Si leur mésentente sur le plateau était de notoriété publique (Glenn Ford avait imposé sa compagne Hope Lange et lui avait réservé la plus belle loge, ce qui n’avait pas été du goût de Bette Davis), le résultat à l’écran est sensationnel. Milliardaire pour un jour convoque aussi de sublimes seconds couteaux parmi lesquels Peter Falk (qui sera nommé à l’oscar du Meilleur acteur dans un second rôle), Thomas Mitchell (Un pacte avec le diable, Le Banni, Seuls les anges ont des ailes), impayable dans la peau du juge Henry G. Blake, Arthur O’Connell (Ben, Le Voyage fantastique, Autopsie d’un meurtre), Edward Everett Horton (L’Aveu, La Huitième femme de Barbe Bleue, Ange) et tout un tas d’autres magnifiques acteurs, dont on ne se rappelle pas forcément les noms, mais que les cinéphiles auront toujours plaisir à retrouver chez les plus grands cinéastes de l’âge d’or hollywoodien. Signalons la première apparition au cinéma de splendide Ann-Margret (Paiement Cash, Magic, Ce plaisir qu’on dit charnel, Les Tueurs de San Francisco), âgée de 20 ans, ici dans le rôle de la fille de Bette Davis.

Pocketful of Miracles fonctionne autant aujourd’hui à plein régime et n’a rien du film « crépusculaire » souvent associé au dernier ouvrage d’un metteur en scène. S’il n’a pas la prétention de se mesurer à ses monuments passés, Frank Capra (qui ne savait pas qu’il livrait ici son dernier long-métrage) signe un modèle d’élégance, de montage et de rythme (l’action et les rebondissements vont crescendo), un tsunami d’humour et d’émotions, qui remportera un beau succès dans les salles et un accueil chaleureux de la critique.

LE COMBO BLU-RAY + DVD

Quasiment vingt ans après une première édition DVD sortie chez MGM/United Artists, Milliardaire pour un jour fait son retour dans les bacs chez Rimini Editions. Le disque HD et la galette Standard reposent dans un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui cartonné, le visuel reprenant celui de l’affiche américaine d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.

Un seul supplément en vidéo est disponible en guise de bonus. Il s’agit d’une intervention de Christian Viviani, professeur émérite de l’Université de Caen et coordinateur de la revue Positif, que nous avions déjà croisé sur les éditions HD des Amants traqués, Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas !, Le Sexe fou, Un château en enfer et Le Temps du châtiment (25’). Christian Viviani nous parle de Milliardaire pour un jour, en le replaçant tout d’abord dans la carrière de Frank Capra. Pocketful of Miracles sera le dernier film du réalisateur, remake de La Grande Dame d’un jourLady for a Day, qu’il avait mis en scène en 1933. Puis, l’invité de Rimini Editions évoque le casting (Frank Sinatra, star d’Un trou dans la tête deux ans auparavant, avait été envisagé), les conditions de tournage (les rapports houleux entre Glenn Ford et Bette Davis), l’excellence des seconds rôles et selon-lui les quelques problèmes de rythme. Enfin, dans la dernière partie, Christian Viviani, qui aime énormément ce film, explique pourquoi Milliardaire pour un jour est une œuvre émouvante de fin de carrière, mélancolique, précieuse, testamentaire, anachronique, « qui tente de faire revivre quelque chose d’éteint, où Frank Capra s’accroche à sa réputation de faiseur de contes de fées ».

L’Image et le son

La restauration de Milliardaire pour un jourest impressionnante. Le nouveau master HD (codec AVC, 1080p) au format respecté se révèle extrêmement pointilleux en matière de piqué, de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés, de clarté et de relief. La propreté de la copie est souvent épatante (des griffures et poussières subliminales subsistent ici et là), la nouvelle profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans de Frank Capra et ce dès la première séquence. La photo signée Robert J. Bronner (Beau fixe sur New York, Le Rock du bagne, Traquenard) retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, avec notamment une texture argentique préservée et bien gérée.

Les versions anglaise et française sont proposées en DTS-HD Master Audio mono 2.0. Passons rapidement sur la version française au doublage old-school très réussi, mais dont les voix paraissent parfois pincées. Privilégiez forcément la version originale, évidemment plus riche, vive, propre et aérée. Dans les deux cas, pas de souffle constaté et la musique bénéficie d’une jolie restitution. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Rimini Editions / MGM / Frank Capra Productions & Glenn Ford / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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