LES GRIFFES DE LA PEUR (Eye of the Cat) réalisé par David Lowell Rich, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret le 3 juin 2021 chez Rimini Editions.
Acteurs : Michael Sarrazin, Gayle Hunnicutt, Eleanor Parker, Tim Henry, Laurence Naismith, Jennifer Leak, Linden Chiles, Mark Herron, Annabelle Garth…
Scénario : Joseph Stefano
Photographie : Russell Metty & Ellsworth Fredericks
Musique : Lalo Schifrin
Durée : 1h42
Année de sortie : 1969
LE FILM
Tante Danny vit avec son neveu Luke et ses nombreux chats. Elle décide que lorsqu’elle décédera, ses animaux hériteront de sa fortune. Mais quand Wylie, le frère de Luke, revient vivre à la maison, la vieille femme change d’avis et fait de Wylie son unique hériter…
Malgré sa longue et prolifique carrière avec plus de 110 films, téléfilms et séries télévisées réalisés de 1950 à 1987, le metteur en scène David Lowell Rich (1920-2001) reste méconnu. En revanche, certaines de ses œuvres, réussies ou pas, telles qu’Airport ‘80 Concorde (1979), nanar suprême avec Alain Delon, Un détective à la dynamite – A Lovely Way to Die (1968), avec Kirk Douglas, Sylva Koscina et Eli Wallach, Les Fusils du Far West – The Plainsman (1966) avec Don Murray, ou bien encore Madame X (1966) avec Lana Turner, demeurent relativement prisées. Honnête artisan, David Lowell Rich a toujours su contenter les studios divers et chaînes de télévision grâce à son travail rapide et efficace, qui a largement contribué à la notoriété de certaines séries comme L’Homme de fer, Mannix et Mission Impossible. Les Griffes de la peur – Eye of the Cat clôt une série de longs métrages que le réalisateur enchaînera dans les années 1960, essentiellement marquées par le western et le polar. Si Alex Segal (La Rançon avec Glenn Ford, Joy in the Morning avec Richard Chamberlain) avait commencé le tournage, ce dernier est obligé de passer le relais à son confrère en raison de problèmes de santé et David Lowell Rich reprend donc les manettes des Griffes de la peur, mais pose comme condition d’oublier totalement ce qui avait été filmé précédemment. Rétrospectivement, Eye of the Cat sera sans nul doute son meilleur opus. Thriller légèrement teinté de fantastique et d’érotisme, plutôt malsain, et surtout bien mis en scène et interprété, Les Griffes de la peur ne cache pas ses références, Les Oiseaux d’Alfred Hitchcock et même Les Diaboliques de Henri-Georges Clouzot. Il en résulte une petite série B prenante et divertissante, au charme rétro agréable.
Danny, une vieille tante malade qui vit avec Luke, un de ses neveux qu’elle n’apprécie guère, devient subitement la victime d’une machination infernale. Wylie, frère de Luke, a toujours été son favori. N’ayant donné aucune nouvelle depuis de longues années, celui-ci revient du jour au lendemain, devenant ainsi le nouvel héritier de la vieille femme qui avait jusque-là décidé de léguer sa fortune à la centaine de chats vivant dans sa demeure. Manipulé par la belle Kassia, Wylie a en effet projeté d’éliminer sa tante une fois le testament signé… un plan qui sera mis à rude épreuve quand les félins auront décidé de passer à l’attaque…
Le chat est sans conteste l’animal le plus charismatique de toute l’histoire du cinéma. Nous ne passerons pas en revue les films les plus emblématiques dans lesquels le félin a eu le plus beau – ou le mauvais – rôle, mais nous pourrons tout de même citer avant Eye of the Cat, The Black Cat (1968) de Kaneto Shindō, The Black Cat (encore) réalisé en 1934 par Edgar G. Ulmer avec Boris Karloff et Béla Lugosi ou bien encore une fois The Black Cat de 1941 d’Albert S. Rogell avec Basil Rathbone, tous évidemment inspirés par l’oeuvre d’Edgar Allan Poe. Le fantastique et l’épouvante se sont très souvent servis de l’image diabolique de ce mammifère carnivore, prédateur nyctalope, farouchement indépendant, qui semble toujours élaborer un plan machiavélique pour se débarrasser de vous. Dans Les Griffes de la peur, les chats sont nombreux et semblent représenter une seule entité, tous étant rassemblés pour défendre la fragile Danny, interprétée par Eleanor Parker (1922-2013). Si elle n’est pas véritablement passée à la postérité, la comédienne aura pourtant travaillé avec les plus grands, de Raoul Walsh (La Charge fantastique) à Dino Risi (L’Homme à la Ferrari), en passant par Michael Curtiz (Mission à Moscou), Delmer Daves (Destination Tokyo), Robert Wise (Secrets de femmes, La Mélodie du bonheur), William Wyler (Histoire de détective), Otto Preminger (L’Homme au bras d’or), Frank Capra (Un trou dans la tête), Vincente Minnelli (Celui par qui le scandale arrive), bref, un C.V. qui a de quoi faire des envieux. Dans Les Griffes du passé, elle signe son avant-dernière apparition au cinéma, avant de se consacrer définitivement à la télévision. Elle y est excellente et merveilleusement ambiguë ici dans la peau d’une tante quasi-infirme et incestueuse, clouée sur un fauteuil roulant et irrésistiblement attirée depuis toujours pas son neveu Wylie, à qui elle voudrait léguer toute son immense fortune.
Ce dernier est incarné par Michael Sarrazin (1940-2011), qui allait connaître la consécration l’année suivante dans On achève bien les chevaux – They Shoot Horses, Don’t They ? de Sydney Pollack face à Jane Fonda, puis dans le formidable Clan des irréductibles – Sometimes a Great Notion de Paul Newman. Il est parfait dans la peau du suintant Wylie, jeune homme qui passe son temps à séduire de jeunes donzelles sans rien leur faire espérer en retour, ou à se faire entretenir par quelques femmes sur le déclin. Tout irait pour le mieux pour Wylie, jusqu’au jour où une femme mystérieuse, Kassia Lancaster, le surprenne en pleine nuit, l’embarque avec elle, lui refasse une beauté (elle est esthéticienne) et lui propose un marché, celui de revenir dans la vie de sa tante Danny, condamnée par un emphysème qui lui a déjà détruit les deux tiers de ses poumons, afin de devenir son unique légataire, pour ensuite se partager le magot. Le seul problème, c’est que Danny a déjà couché ses dernières volontés sur papier et sa centaine de chats, qui peuplent sa large demeure située dans un quartier chic de San Francisco, hériteront de tout ce qu’elle possède. Wylie a la peur bleue des chats en raison d’un traumatisme remontant à l’enfance. Alors, si déjà la présence d’un félin le paralyse, se retrouver devant plusieurs dizaines lui paraît insurmontable. Mais Kassia possède de solides arguments…Wylie prend son courage à deux mains et se rend chez sa tante qu’il n’a pas vue depuis plusieurs années. Sur place, il se rend compte que son jeune frère Luke (Tim Henry) est déjà présent et officie en tant qu’homme à tout faire auprès de Danny.
Les Griffes de la peur révèle petit à petit ses personnages, leurs liens, leurs desseins et aucun protagoniste ne semble digne de confiance, y compris Tante Danny dont l’attirance physique et sexuelle pour son neveu met particulièrement mal à l’aise. On retiendra la beauté froide de la sexy Gayle Hunnicutt (La Maison des Damnés de John Hough, Scorpio de Michael Winner), qui apporte au film une touche érotique très plaisante à chaque apparition. Outre sa solide mise en scène, la beauté de la musique du maître Lalo Schifrin et celle de la photographie de Russell Metty, le scénario de Joseph Stefano (Psychose d’Alfred Hitchcock, La Lame nue de Michael Anderson) contient son lot de rebondissements, de faux-semblants, de mystères (pas forcément éclaircis à la fin), de conspirations, d’intrigues à tiroirs, qui permettent aux spectateurs d’aller au bout sans lui laisser le temps de s’ennuyer.
LE COMBO BLU-RAY + DVD
Les Griffes de la peur, inédit en DVD en France, débarque chez nous chez Rimini Editions en combo Blu-ray + DVD. Ce titre intègre tout naturellement la collection fantastique/épouvante de l’éditeur, composée de titres rares et exceptionnels comme Magic, Mother’s Day, Incubus, Hell Night, Trauma, Mutations, Le Bal de l’horreur, Happy Birthday To Me, Terror Train – Le Monstre du train, Harlequin et Patrick, dont vous pouvez à n’importe quel moment retrouver les chroniques en cliquant sur le lien de votre choix. Les deux disques reposent dans un Digipack à trois volets, le troisième recevant le livret de 24 pages habituel rédigé par Marc Toullec. L’ensemble est glissé dans un fourreau cartonné qui reprend l’un des visuels d’exploitation du film. Le menu principal est animé et musical.
Rimini Editions s’est tourné vers l’excellent Gilles Gressard (Haute-Provence Info, auteur d’ouvrages sur Christophe Lambert, Sergio Leone, Jane Fonda) pour nous présenter Les Griffes de la peur (22’). L’écrivain et historien du cinéma revient tour à tour sur la carrière du réalisateur David Lowell Rich (« habile et efficace artisan, l’homme parfait pour ce thriller chic et choc »), sur le succès rencontré par le thriller horrifique depuis le début des années 1960, sur le casting du film, sur la musique de Lalo Schifrin, sur l’usage du split-screen, sur le scénariste Joseph Stefano, ainsi que sur la figure « à la fois menaçante et protectrice » du chat au cinéma, « du pain béni pour les auteurs au cinéma ». On apprend qu’à l’origine, le film avait été pensé pour Tippi Hedren et Terence Stamp, la première ayant finalement décliné après la douloureuse expérience des Oiseaux, le second ayant privilégié Pier Paolo Pasolini avec lequel il allait tourner Théorème. Gilles Gressard évoque également le travail du dresseur (« le plus auréolé de l’histoire du cinéma ») Ray Berwick, dont il s’agissait de la première expérience avec les chats. Blindé d’anecdotes intéressantes et surtout marqué par beaucoup d’humour, ce module remplit largement son contrat et on espère revoir son intervenant dans de prochains suppléments.
C’est déjà le cas dans le bonus suivant (13’), dans lequel Gilles Gressard nous explique qu’au moment des prises de vue, le réalisateur David Lowell Rich a tourné une fin alternative pour la diffusion du film à la télévision. Exit donc le sang sur les costumes et le pelage des chats ! Dans le but de ne pas trop effrayer un public familial, le metteur en scène ne montre ici aucun contact physique entre les animaux et les comédiens. Non restaurée, cette fin alternative montre aussi que le personnage de Kassia ne se retrouve plus face à toute la horde de félins, mais uniquement face au mystérieux chat roux, revenu d’entre les morts, ce qui appuyait encore plus la dimension fantastique des Griffes de la peur. Cette séquence est disponible sans sous-titres français.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Disponible pour la première fois en Haute-Définition, Les Griffes de la peur bénéficie d’un master (visiblement le même que celui sorti chez Shout Factory en 2018) encore très largement marqué par des poussières, points blancs et noires, griffures (maudits chats !) et autres tâches, qui parsèment l’écran du début à la fin. Quelques plans échappent à ces remarques et la restauration, qui semble dater, se voit un peu plus avec des contrastes plus fermes, une meilleure stabilité et un piqué plus acéré. Le pré-générique fait un peu peur avec son enchaînement de split-screens qui entraînent inévitablement une définition chancelante, des couleurs fanées, une multiplication de scories et des détails émoussés. Tout s’arrange plus ou moins après les credits d’ouverture, même si la carnation restera un peu trop orangée à notre goût. L’ensemble est somme toute honnête, c’est net, joli à regarder aussi bien dans les scènes d’intérieur que dans les rues de San Francisco, les noirs sont profonds et la photo du grand Russell Metty en met souvent plein les yeux.
La version originale Mono 2.0 est claire, très propre, sans souffle parasite et la musique de Lalo Schifrin est bien lotie. En revanche, si vous avez opté pour la piste française, celle-ci révèle un bruit de fond récurrent (l’éditeur prévient via un carton d’introduction, que des défauts n’ont pu être corrigés), pour ne pas dire constant, même si les dialogues restent distincts et l’ensemble dynamique.
Très bonne critique de ce film. Je l’ai vu récemment en VF, puis ensuite en VOST. C’est un film à regarder plusieurs fois pour l’apprécier totalement. Wylie, je pense, d’après sa réplique dans la séquence finale, où il admet que de nombreux chats sont présent dans la maison, n’aurait-il eu jamais peur des chats? Est-ce qu’il jouait un rôle afin de se venger de son frère et sa tante? Oui, mais de quoi? Le film n’y apporte aucune réponse. « Les Griffes de la Peur » est un titre ridicule qui évoque beaucoup trop « Les Griffes de la Nuit » de Wes Craven. Enfin, ce film m’a donné envie de visiter San Francisco. Il évoque la ville et son aspect « flower power » sans trop s’y attarder mais la séquence du joueur de cythar est hilarante.