Test Blu-ray / Mutations, réalisé par Jack Cardiff

MUTATIONS (The Mutations – The Freakmaker) réalisé par Jack Cardiff, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret le 26 octobre 2019 chez Rimini Editions

Acteurs : Donald Pleasence, Tom Baker, Brad Harris, Julie Ege, Michael Dunn, Scott Anton, Jill Haworth, Olga Anthony, Lisa Collings…

Scénario : Edward Mann, Robert D. Weinbach

Photographie : Paul Beeson

Musique : Basil Kirchin

Durée : 1h32

Année de sortie : 1974

LE FILM

Chercheur en biologie, le professeur Nolter a développé des théories audacieuses, selon lesquelles il serait possible de donner vie à des créatures en mêlant les ADN de végétaux et ceux d’espèces animales. En secret, il mène d’horribles expériences. Souhaitant passer à la vitesse supérieure, il décide d’utiliser de l’ADN humain. Au même moment, un cirque arrive en ville…

Mutations, The Mutations, ou bien encore The Freakmaker (titre souhaité par le producteur et scénariste Robert D. Weinbach, finalement rejeté) est le dernier film réalisé par Jack Cardiff (1914-2009). Durant sa longue carrière, cet immense directeur de la photographie aura collaboré avec les plus grands comme Michael Powell et Emeric Pressburger (Les Chaussons rouges et Le Narcisse noir), Alfred Hitchcock (Les Amants du Capricorne), Henry Hathaway (La Rose noire), Albert Lewin (Pandora), John Huston (L’Odyssée de l’African Queen), Joseph L. Mankiewicz (La Comtesse aux pieds nus), King Vidor (Guerre et Paix), Richard Fleischer (Les Vikings) et bien d’autres réalisateurs de renom. Jack Cardiff souhaite très vite passer à la mise en scène lui-même, ce qu’il fait à la fin des années 1950 avec Tueurs à gagesIntent to Kill, thriller avec Richard Todd et Herbert Lom. Les films qu’il réalisera resteront moins célèbres que ceux pour lesquels il signera la photographie. Nous retiendrons surtout une adaptation du roman de Joseph Kessel, Le Lion (1962), avec William Holden, Trevor Howard, Capucine, ou bien encore Les Drakkars (1964) avec Richard Widmark et Sidney Poitier. Mutations est son ultime passage derrière la caméra, avant de redevenir chef opérateur à plein temps.

Etrange production que The Mutations, dans le sens où l’on imaginait mal Jack Cardiff aux manettes de ce film d’épouvante emblématique de la fin d’un genre, qui lui aussi voyait son code génétique modifié, alors que L’Exorciste déboulait dans les salles du monde entier. Aujourd’hui, The Freakmaker demeure une formidable curiosité, foncièrement dérangeante, qui regorge d’idées de mise en scène, mais également excellemment photographiée par Paul Beeson et interprétée par le mythique Donald Pleasence – dans un rôle proposé d’abord à Vincent Price – en mode savant fou qui cache ses horribles expérimentations sous un masque placide.

Pas encore starisé avec Halloween, la nuit des masques (1978) de John Carpenter qui lui offrira le rôle de sa vie, celui du Dr Samuel Loomis, Donald Pleasence (1919-1995) tourne depuis vingt ans quand on lui confie le rôle du Professeur Nolter dans Mutations. Vu dans La Grande Évasion (1963) de John Sturges, Le Voyage fantastique (1966) de Richard Fleischer, Cul-de-sac (1966) de Roman Polanski et surtout On ne vit que deux fois – You Only Live Twice (1967) de Lewis Gilbert dans lequel il incarnait le légendaire Ernst Stavro Blofeld face à Sean – James Bond 007 – Connery, le comédien britannique accepte de tourner Mutations pour le cachet. Par ailleurs, Donald Pleasence, visage de la Amicus, n’aura jamais dissimulé que le salaire qu’on lui proposait était sa principale préoccupation pour s’engager sur un film. Même s’il se retrouve sur le film de Jack Cardiff, un de ses amis, par nécessité pécuniaire, l’acteur s’en tire pourtant admirablement dans ce rôle de docteur frappadingue qui décide de créer une nouvelle race d’êtres humains, ou de plantes, ou des deux combinés plutôt, tout en donnant ses cours à l’université de façon calme et concentrée, devant des étudiants qui regardent ses expériences avec les yeux écarquillés.

En réalité Mutations, inédit dans les salles françaises et uniquement exploité en VHS dans les années 1980, est une relecture avouée et d’ailleurs évidente du cultissime Freaks, la monstrueuse parade (1932) de Tod Browning. Le scénario d’Edward Mann (L’île de la terreur de Terence Fisher, Hallucination Generation, premier film sur le LSD qu’il réalisera lui-même) et Robert D. Weinbach (Le chaudron de sang) souhaite rendre hommage à cette grande référence du film d’épouvante à travers une relecture contemporaine. De son côté, Jack Carfiff accepte plutôt Mutations par défi de mettre en scène un film de genre, même s’il avouera par la suite avoir très mal vécu de voir tous ces « phénomènes de foire », un homme aux yeux qui sortent de leurs orbites, une anorexique, une femme à la peau d’alligator, un homme-bretzel, exploités pour les besoins d’un film. Le réalisateur prendra grand soin de ces comédiens amateurs et veillera à ce que le monde du cinéma ne profite pas gratuitement et éhontément de leurs « talents ».

Bien que pionnier de l’utilisation du procédé Technicolor, Jack Cardiff préfère se concentrer sur la mise en scène et confie la photo à Paul Beeson. Le travail de ce dernier participe à la belle réussite de Mutations avec ses éclairages verts et mauves, qui rappellent parfois les partis pris baroques de la Hammer, studio qui commence alors sérieusement à battre de l’aile. D’emblée avec ses plans tournés en timelapse et macrovision, montrant des plantes diverses pousser en accéléré, Mutations parvient à happer le spectateur dans un environnement étrange et inquiétant. Impression renforcée par la partition expérimentale de Basil Kirchin. Cette incroyable introduction n’est pas sans rappeler celle du Hulk d’Ang Lee (2003) avec ses gros plans réalisés sur les expériences génétiques, tandis que résonne la musique de Danny Elfman.

Si le reste du métrage manque parfois de rythme, Mutations interpelle à plusieurs reprises par son thème, lorgnant bien évidemment sur le roman de Mary Shelley, Frankenstein ou le Prométhée moderne. On pense évidemment à d’autres classiques du genre, L’Île du docteur Moreau, le roman de H.G. Wells à son adaptation de 1932 par Erle C. Kenton, mais aussi La Mouche noireThe Fly, réalisé par Kurt Neumann en 1958 (ainsi qu’au remake de David Cronenberg), ou bien encore Ssssnake le cobra, réalisé la même année par Bernard L. Kowalski.

Si l’on excepte quelques maquillages approximatifs qui reflètent un budget somme toute restreint (rien n’a changé depuis les années 1950 en fait), Mutations reste une curiosité maline qui exploite habilement son décor et qui tire profit de la cinégénie de ses protagonistes, auxquels se joignent les comédiens Michael Dunn (Loveless de la série Les Mystères de l’Ouest) et Tom Baker (Doctor Who de 1974 à 1981), dont le visage dissimulé sous des couches de latex annoncent quelque part l’Elephant Man de David Lynch. Ce n’est pas rien et prouve que The Freakmaker vaut largement qu’on lui consacre 90 minutes. L’expérience cinématographique est garantie.

LE BLU-RAY

La collection consacrée aux grands classiques de l’horreur et du fantastique disponible chez Rimini Editions ne cesse de s’agrandir pour notre plus grand plaisir ! Après nos chroniques consacrées au Bal de l’horreur et Happy Birthday to Me, en attendant celles de Trauma et Terror Train – Le monstre du train, nous accueillons à bras ouverts cette édition DVD/Blu-ray/Livret de Mutations. Cette édition collector se présente sous la forme d’un Digipack à trois volets, glissé dans un fourreau cartonné du plus bel effet, arborant un magnifique visuel. Mention spéciale au menu principal animé et musical, très original. Egalement présent dans cette édition, un livret de 20 pages intitulé « De la chlorophylle dans les veines », très joliment illustré et écrit par Marc Toullec qui revient sur le film qui nous intéresse.

Le seul supplément proposé sur cette édition est un module de 25 minutes croisant les interviews de Robert Weinbach (scénariste et producteur), de Brad Harris (comédien) et de Jack Cardiff (réalisateur). A travers ces entretiens, les trois hommes reviennent sur leurs débuts dans le monde du cinéma, la genèse de Mutations, leurs relations sur le plateau, le casting, l’interprétation de Donald Pleasence, les maquillages et les effets spéciaux, les références (Weinbach voulait rendre hommage à Freaks de Tod Browning, film que n’a pas vu Jack Cardiff), les partis pris, la photographie. Jack Cardiff clôt son interview en déclarant qu’il changerait beaucoup de choses à son film s’il le pouvait, notamment au niveau du rythme et des effets visuels.

La bande-annonce de MutationsThe Freakmaker est également disponible.

L’Image et le son

Rimini Editions déroule le tapis rouge au film de Jack Cardiff, jusqu’alors inédit en France, avec un très beau master Haute-Définition (1080p, AVC), pour l’instant une exclusivité mondiale. Ce traitement permet de (re)découvrir Mutations dans les meilleures conditions techniques possibles. Dès le générique, la propreté est indéniable, la copie est stable, le grain original flatteur (même si plus appuyé sur les scènes sombres, comme celle du train fantôme), puis, après ces gros plans sur les plantes, le piqué s’avère aiguisé et la photo souvent stylisée du chef opérateur Paul Beeson – pas mal de teintes rouges, vertes, bleues et roses – est respectée. Les quelques poussières et fils en bord de cadre qui ont pu échapper à la restauration demeurent subliminales. N’oublions pas l’élégante tenue des contrastes, les détails sur les visages et la luminosité très convaincante, tirant largement profit de cette élévation HD. Signalons également que contrairement à ce qui est indiqué sur la jaquette, le film est proposé en 1.33 et non pas en 1.85. Comme l’a signalé Rimini, Mutations est livré en Open Mate, selon les désirs du producteur Robert Weinbach. Raison pour laquelle un micro apparaît en haut de l’écran lors d’un cours de Nolter !

Avant l’accès au menu principal, l’éditeur annonce que les treize premières minutes du film n’ont visiblement jamais été doublées en français par le premier distributeur. De ce fait, si vous avez décidé de visionner Mutations dans la langue de Molière, les séquences sont uniquement proposées en version originale sous-titrée. Au jeu des comparaisons avec la version originale, la piste française au doublage réussi s’accompagne de quelques chuintements et les dialogues sont souvent mis trop en avant. La version anglaise est plus dynamique, propre et intelligible, notamment au niveau des effets sonores. Il n’est toutefois pas rare que le niveau des dialogues change au cours d’une même séquence, comme lors des cours du Professeur Nolter devant ses étudiants. Aucun souffle constaté sur ces deux pistes.

Crédits images : © Rimini Editions / Columbia Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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