CALTIKI – LE MONSTRE IMMORTEL (Caltiki, il mostro immortale) réalisé par Riccardo Freda & Mario Bava, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre le 19 avril 2022 chez Artus Films.
Acteurs : John Merivale, Didi Perego, Daniela Rocca, Gérard Herter, Giacomo Rossi-Stuart, Daniele Vargas, Vittorio André, Arturo Dominici, Nerio Bernardi…
Scénario : Filippo Sanjust
Photographie : Mario Bava
Musique : Roberto Nicolosi
Durée : 1h16
Date de sortie initiale : 1959
LE FILM
Lors d’une expédition dans un ancien temple Maya, des archéologues découvrent la statue millénaire de Caltiki, la déesse de la mort. Un monstre surgit et s’en prend à un membre de l’équipe, lui greffant une substance gélatineuse. Au même moment, la comète Arsinoé passe près de la Terre, augmentant la radioactivité. La masse informe grossit progressivement, ravageant tout sur son passage.
Beware! Caltiki !!! En effet, un an après Danger planétaire – The Blob (1958) d’Irvin S. Yeaworth Jr., l’Italie s’emparait aussi d’une « créature » flasque et visqueuse, un être unicellulaire qui grossit et s’étend en absorbant tout ce qui passe à proximité, Caltiki, le monstre immortel – Caltiki – il mostro immortale. A la tête de cette entreprise, deux réalisateurs et non des moindres, Riccardo Freda (sous le pseudonyme anglo-saxon de Robert Hampton) et Mario Bava, le premier ayant quitté le tournage avant la fin des prises de vue, avant d’être remplacé par le second, alors directeur de la photographie et créateur des effets spéciaux. Sur un scénario de Filippo Sanjust, qui pour Riccardo Freda avait déjà signé Le Château des amants maudits – Beatrice Cenci et les futurs 7 épées pour le roi – Le sette spade del vendicatore et L’aigle de Florence – Il magnifico avventuriero, le récit compile les morceaux de bravoure avec des plans étonnamment gores pour l’époque, sur un rythme soutenu du début à la fin et bénéficie d’effets visuels particulièrement réussis encore aujourd’hui. N’hésitez plus et entrez dans cette pyramide sacrée située à Tikal, grande cité maya des basses terres, ville morte située à 500 kilomètres au sud de Mexico, afin de comprendre pourquoi celle-ci a été abandonnée par ses habitants au début du septième siècle. Mais vous n’en reviendrez peut-être pas…
Dans une grotte d’un temple maya consacré à la déesse Caltiki, un groupe de scientifiques découvre une créature informe et cannibale, vieille de 20 millions d’années, qui est finalement détruite. Un des morceaux a dissout le bras d’un des archéologues et l’a rendu fou. Le morceau qui est resté accroché est enlevé et étudié par le biologiste du groupe. Or la comète Arsinoé, qui passe tous les mille ans, s’approche à ce moment de la Terre, augmentant la radioactivité ambiante, ce qui accélère énormément la croissance du monstre.
Quand il entreprend Caltiki, le monstre immortel, Riccardo Freda en est toujours à (au moins) un film par an, et vient d’enchaîner Spartacus – Spartaco (1953) avec Massimo Girotti, Théodora, impératrice de Byzance – Teodora imperatrice di Bisanzio (1954), Da qui all’eredità (1955), Le Château des amants maudits – Beatrice Cenci (1956) et Les Vampires – I Vampiri (1957). Il collabore avec Mario Bava sur ce dernier, en lui confiant le poste de chef opérateur, mais aussi de créateur des effets spéciaux. Ce que l’on sait sans doute moins, c’est qu’il terminera également les prises de vue. Rebelote pour Caltiki, le monstre immortel, œuvre hybride donc, mais ô combien jubilatoire, menée sans temps mort, magnifiquement photographiée, dans laquelle Mario Bava s’amuse avec des miniatures (le dernier acte est un vrai festival) pour créer les effets dévastateurs de son monstre élaboré à partir de tripes.
Alors bien sûr, le film s’inspire déjà de ce qui se faisait de l’autre côté de l’Atlantique (on pense tour à tour à La Chose d’un autre monde – The Thing from Another World de Christian Nyby et Howard Hawks, L’Étrange Créature du lac noir – Creature from the Black Lagoon de Jack Arnold) et de la Manche (Le Monstre – The Quatermass Xperiment et La Marque – Quatermass 2 de Val Guest), ce que le cinéma transalpin n’aura de cesse de faire, mais le tandem Freda/Bava s’empare de ces ingrédients pour finalement les cuisiner à leur sauce et le plat final est souvent bien plus savoureux que l’original. A ce titre, Caltiki, le monstre immortel est un exemple puisque la première partie annonce même le found footage, quand un film mystérieux est retrouvé et visionné par l’équipe de scientifiques. Le casting fait le job, sans se forcer, mais les acteurs comme John Merivale (Arabesque de Stanley Donen, Atlantique Latitude 41 – A Night to Remember de Roy Ward Baker), les sublimes et sexy Didi Perego (Kapò de Gillo Pontecorvo, La Grande Pagaille – Tutti a casa de Luigi Comencini, Chère Louise de Philippe de Broca) et Daniela Rocca (Symphonie pour un massacre de Jacques Deray, Divorce à l’italienne de Pietro Germi), sans oublier Giacomo Rossi-Stuart (Opération peur de Mario Bava, L’Appel de la chair d’Emilio Miraglia) assurent le spectacle.
Amis du cinéma Bis, aficionados d’aventures vintage, férus d’épouvante kitsch et délicieusement naïf, vous allez être ravis. Riccardo Freda et Mario Bava s’en donnent à coeur joie, enchaînent les scènes cultes (la plongée dans le lac, le bras happé par Caltiki qui absorbe toute la substance vitale, la maison dévastée par le monstre, l’affrontement final au lance-flammes) et l’on suit sans ennui, mais avec un sourire jusqu’aux oreilles, ce petit film bourré de charme, de trouvailles visuelles, d’humour et de frissons. Rétrospectivement, même s’il n’a pas rencontré le succès escompté, Caltiki, il mostro immortale a contribué à la naissance du cinéma fantastique italien.
LE COMBO BLU-RAY + DVD
Caltiki, le monstre immortel avait déjà bénéficié d’une sortie en DVD, chez Seven7 Editions en 2008. Depuis, le film de Freda/Bava avait disparu de la circulation et l’on pensait ne plus le voir réapparaître…C’était sans compter le talent d’Artus Films, qui propose aussi et surtout l’édition HD de Caltiki ! Le DVD et le Blu-ray reposent dans un sublime Digipack à deux volets, glissé dans un fourreau cartonné, arborant un magnifique visuel tiré d’une des affiches d’exploitation originale. Sur cette édition, l’éditeur présente également un livret de 62 pages, richement illustré et écrit par Christian Lucas (dont on « entend » la voix au fil de la lecture), dans lequel ce dernier aborde la genèse du film, l’écriture du scénario, les conditions de tournage, le casting, le contexte historique et cinématographique, les résultats au box-office, la situation du genre SF en Italie, les influences, les rapports entre Riccardo Freda et Mario Bava et bien d’autres éléments. Le menu principal est fixe et musical.
La présentation du film a été confiée à Stéphane Derdérian, producteur, distributeur à Liliom Audiovisuel, et par ailleurs premier assistant-réalisateur sur Seul contre tous (1998) et Irréversible (2002) de Gaspar Noé, déjà croisé sur les éditions d’Apocalypse 2024, Le Vampire et le Sang des Vierges et Vij ou le diable. Pendant près de vingt minutes, ce spécialiste s’embrouille quelque peu dans ses propos (on sent que le monteur a eu un mal de chien à tout raccorder vu le nombre de fondus enchaînés durant cette intervention) et l’on a souvent beaucoup de difficultés à suivre ce qui nous est exposé ici. Avec maladresse, Stéphane Derdérian évoque les différences (ou non) à faire entre Cinéma Bis, série B et film de genre, ainsi que la place de Caltiki, le monstre immortel dans le cinéma italien et de SF, mais la forme (tout y avance par à-coups) et le fait que l’intervenant soit vraiment peu à l’aise dans l’exercice prennent le pas sur le reste. Dommage…Une erreur au verso du fourreau, qui mentionne Christian Lucas comme intervenant, alors qu’il n’officie ici qu’en tant que réalisateur et monteur.
Christian Lucas (cette fois c’est bon) réalise ensuite un portrait croisé de Riccardo Freda et de Mario Bava (10’30), en parlant tout d’abord du début de leurs carrières respectives, puis en énumérant les projets sur lesquels les deux hommes ont collaboré, le premier faisant toujours appel au second et jamais l’inverse, comme responsable des effets spéciaux, comme directeur de la photographie, ou tout simplement pour reprendre le flambeau si Freda décidait de quitter le navire en cours de tournage.
L’interactivité se clôt sur le générique français, la bande-annonce originale, ainsi qu’un large Diaporama d’affiches et de photos d’exploitation.
L’Image et le son
Caltiki, le monstre immortel est présenté dans un master restauré dans son format respecté 1.66. La copie, stable, ne présente plus aucune griffure, ni de pompages ou de rayures verticales visibles parfois sur l’ancienne édition DVD (qui n’avait rien de déshonorant), les fondus enchaînés ne décrochent pas et revoir le film de Riccardo Freda et de Mario Bava dans ces conditions techniques était sans doute inespéré. Le N&B est dense, les noirs concis, les blancs lumineux, le piqué est souvent vif, la gestion du grain fort correcte (bien que sensiblement lissé par moments) et le codec AVC consolide l’ensemble. Nous n’avions sans doute jamais vu cette oeuvre comme cela, aussi pimpante et élégante.
Propre et dynamique, le mixage italien LPCM Audio 2.0 ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues, laissant une belle place à la musique de Roberto Nicolosi (L’Oeil du labyrinthe, Les Trois visages de la peur, La Ruée des Vikings, La Muraille de feu). Elle demeure la plus dynamique du lot. La version française DTS HD Master Audio Mono est plus aléatoire, parfois claire, parfois chuintante. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.