Test Blu-ray / Symphonie pour un massacre, réalisé par Jacques Deray

SYMPHONIE POUR UN MASSACRE réalisé par Jacques Deray, disponible en combo Blu-ray/DVD le 11 avril 2018 chez Pathé

Acteurs :  Jean Rochefort, Michèle Mercier, Charles Vanel, Michel Auclair, Claude Dauphin, José Giovanni, Daniela Rocca…

ScénarioJacques Deray, José Giovanni, Claude Sautet d’après le roman « Les Mystifiés » d’Alain Reynaud-Fourton

Photographie : Claude Renoir

Musique : Michel Magne

Durée : 1h50

Date de sortie initiale : 1963

LE FILM

Cinq hommes, Paoli, Clavet, Valoti, Moreau et Jabeke sont associés dans le trafic de la drogue. Un arrivage vient précisément d’avoir lieu à Marseille : il y en a pour 500.000 dollars que doublera la revente en détail. Mais Serutti, le transitaire, exige que chacun des membres du gang verse cash une mise de fond de 100.000 dollars. Jabeke, qui a de grosses difficultés financières, doit réaliser pour pouvoir  » être à la hauteur de la situation « . Mais, dans son esprit, germe un plan qui, s’il réussit, lui permettra de s’approprier pour lui tout seul, non seulement la drogue, mais encore la mise des associés. Moreau a été chargé de convoyer les dollars à l’aller et la drogue au retour.

Quelle claque ! Symphonie pour un massacre est le troisième long métrage du réalisateur Jacques Deray (1929-2003). Après avoir fait ses débuts en tant que comédien, il devient assistant sur les tournages de Gilles Grangier, Luis Buñuel et Jules Dassin. En 1960, il écrit et réalise son premier film, Le Gigolo, drame psychologique interprété par Jean-Claude Brialy et Alida Valli. Ses deux films suivants, Rififi à Tokyo et Symphonie pour un massacre sortent la même année, en 1963, à quelques mois d’intervalle. Si le premier est un film policier intégralement tourné au Japon, le second, celui qui nous intéresse, est un polar dans la tradition du film noir américain, qui se déroule entre la France et la Belgique. Un fabuleux exercice de style, un chef d’oeuvre du genre complètement et malheureusement oublié aujourd’hui, qu’il est désormais temps de réhabiliter, d’autant plus que le cinéaste offre à Jean Rochefort son premier grand rôle dramatique. Il y est magnifique et accompagné d’acteurs tout aussi exceptionnels.

Paoli (Charles Vanel), Valotti (Claude Dauphin), Clavet (Michel Auclair) et Jabeke (Jean Rochefort) sont associés dans l’affaire d’un cercle de jeux, couverture d’activités illicites. Un caïd marseillais leur offre un important stock de drogue contre cinq cent mille dollars qui pourront leur rapporter le double. Une fois réunie, la somme est convoyée de Paris à Marseille par Moreau (José Giovanni), cinquième associé de l’opération, qui au retour devra ramener la drogue. Mais Jabeke a décidé de faire cavalier seul. Censé être à Bruxelles, il s’y installe ostensiblement dans un grand hôtel puis rentre discrètement à Paris et prend le même train de nuit que Moreau. Il surprend celui-ci dans son sommeil, le tue, dérobe la mallette de billets, descend à Lyon où il a préalablement laissé sa voiture et regagne Bruxelles juste à temps pour se faire livrer le petit-déjeuner dans sa chambre. À l’annonce par la presse de la découverte du corps, Paoli le doyen convoque ses troupes.

S’il est à la base inspiré par le roman Les Mystifiés d’Alain Reynaud-Fourton, publié en 1962 dans la collection Série Noire, le scénario écrit par Jacques Deray, José Giovanni et Claude Sautet rend compte du talent des trois compères, de leurs connaissances du « milieu » et de l’authenticité des dialogues. D’ailleurs, comme le récit adopte le point de vue du personnage de Jean Rochefort, qui prépare seul son coup monté, Jacques Deray ne s’encombre pas de voix-off superflue qui pourrait refléter et paraphraser les pensées et les actions du personnage de Jabeke. Une bonne partie du film, en gros la préparation de l’alibi et le vol, repose sur la mise en scène, le montage, la musique entêtante de Michel Magne, l’interprétation et le charisme de Jean Rochefort.

D’une part, cela permet à Jacques Deray de démontrer toute sa virtuosité et ses connaissances de la grammaire cinématographique, liées au genre du polar qu’il affectionne tout particulièrement. Il n’y a pas de « gras » dans Symphonie pour un massacre. Chaque plan est indispensable au déroulement de l’histoire et rien n’est laissé au hasard. D’autre part, Jean Rochefort, qui était jusqu’alors apparu au cinéma dans quelques films de cape et d’épée, Le Capitaine Fracasse de Pierre Gaspard-Huit, Cartouche de Philippe de Broca et Le Masque de fer d’Henri Decoin, accède ici en haut de l’affiche. Visage fermé, regard fuyant sous des paupières basses, bouche pincée, la présence du comédien dans un film noir est non seulement inattendue, mais aussi et surtout un coup de génie. Son éternel flegme britannique donne à son personnage un côté glaçant, impénétrable et imperturbable.

D’une précision d’orfèvre, le scénario enchaîne les rebondissements du début à la fin. Le réalisateur s’amuse à jouer avec les spectateurs en les laissant avoir un coup d’avance sur les personnages. A l’instar de Jean-Pierre Melville, l’audience est prise d’empathie pour des criminels. Du coup, on espère que Jabeke ne fasse pas de mauvais pas et si tel est le cas, qu’il parvienne à s’en sortir, même s’il lui faut se débarrasser de son adversaire pour cela. Loin d’être sacrifiés, les autres personnages campés par d’autres pointures du cinéma français, sont certes montrés comme des criminels, mais qui ont eux aussi du mal à faire tourner leur boutique. Et c’est par les ennuis d’argent d’un des complices de Jabeke qu’un premier rouage se mettra à grincer dans une machine jusque-là trop bien huilée.

Avec une édition restaurée en 2018 qui restitue tous ses contrastes à la photo N&B de l’illustre chef opérateur Claude Renoir, Symphonie pour un massacre est un must pour les amoureux du polar et du cinéma de Jacques Deray, qui allait devenir alors un de nos meilleurs metteurs en scène, mondialement reconnu cinq ans plus tard avec le triomphe international de La Piscine.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Symphonie pour un massacre, disponible chez Pathé, a été réalisé à partir d’un check-disc. Cette édition comporte également le DVD du film. Le menu principal est animé et musical.

Pas grand-chose à se mettre sous la dent dans les bonus. Un seul module de 27 minutes, qui entrecroise les propos de Jean-Philippe Guérand, journaliste, biographe et auteur de Jean Rochefort, Prince sans rire, et ceux de François Guérif, auteur du Cinéma policier français et Le Film noir américain. Les arguments avancés se complètent sans être redondants. Symphonie pour un massacre est replacé dans la filmographie de Jacques Deray, la mise en scène analysée, tout comme le traitement des personnages. Le casting est également passé au peigne fin. Un documentaire classique, informatif, mais un peu court.

L’Image et le son

Le négatif original n’a pas pu être retrouvé. Un marron, autrement dit un élément de tirage intermédiaire a donc été utilisé, numérisé 4K puis restauré 2K. Il s’agissait alors du meilleur élément à ce jour. Après le travail de titan des Laboratoires Eclair, Symphonie pour un massacre peut enfin être redécouvert dans un nouveau master au format respecté 1.66. Ce Blu-ray au format 1080p (AVC) en met souvent plein les yeux, malgré un générique qui laisse d’abord perplexe avec un N&B léger et divers fourmillements. Heureusement, cela s’arrange immédiatement. La restauration est étincelante, les contrastes denses, la copie est stable, les gris riches, les blancs lumineux, la profondeur de champ évidente et le grain original heureusement préservé. Les séquences sombres sont tout aussi soignées que les scènes diurnes, le piqué est joliment acéré pour un film de 1963 et les détails étonnent parfois par leur précision, surtout sur nombreux les gros plans. Quelques flous et deux ou trois scènes plus douces, mais rien d’important.

La partie sonore a été restaurée numériquement par L.E. Diapason. Résultat : aucun souci acoustique constaté sur ce mixage DTS-HD Master Audio Mono. Le confort phonique de cette piste unique est total, les dialogues sont clairs et nets. La musique de Michel Magne est joliment délivrée. L’éditeur joint également les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiovision.

Crédits images : © Pathé / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

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