Test DVD / La Muraille de feu, réalisé par Carlo Ludovico Bragaglia

LA MURAILLE DE FEU (La Gerusalemme liberata) réalisé par Carlo Ludovico Bragaglia, disponible en DVD le 4 mai 2021 chez Artus Films.

Acteurs : Francisco Rabal, Sylva Koscina, Gianna Maria Canale, Rik Battaglia, Philippe Hersent, Andrea Aureli, Alba Arnova, Nando Tamberlani…

Scénario : Sandro Continenza

Photographie : Rodolfo Lombardi

Musique : Roberto Nicolosi

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1957

LE FILM

Lors de la première croisade aux pieds de la muraille de Jérusalem, les seigneurs chrétiens Tancrède, Renaud, Godefroy de Bouillon attendent de passer à l’attaque tandis que trois femmes musulmanes vont faire chavirer leur cœur et le tournant de la bataille.

Est-ce que le nom de Carlo Ludovico Bragaglia (1894-1998) vous dit quelque chose ? Pour tout vous avouer, moi non plus. Je n’avais jamais entendu parler de ce réalisateur italien, décédé à 103 ans, metteur en scène de plus de soixante longs-métrages sur une durée de trente années. Considéré comme l’un des cinéastes transalpins les plus prolifiques, Carlo Ludovico Bragaglia n’a cependant jamais connu de notoriété au-delà des frontières de son pays. Dans sa filmographie, on pourra évoquer six opus avec Totò (Animali Pazzi, 47 morto che parla, Figaro qua, Figaro là, Les Femmes de Barbe-Bleue, Totò cerca moglie et Totò le Moko), ainsi que diverses comédies musicales et même quelques péplums et films d’aventure dans les années 1950-60. De l’avis des spécialistes, La Muraille de feu – La Gerusalemme liberata est l’un de ses meilleurs films et force est de constater que cette évocation de la prise de Jérusalem par les guerriers de la première croisade (l’un des derniers films sur ce sujet) est élégamment réalisée et portée par un casting formidable sur lequel trône la sublime Sylva Koscina.

Le film se déroule à l’époque des croisades à Jérusalem. Le chevalier Godefroy de Bouillon, chrétien béni par le pape, attaque la ville sainte depuis des années, sans victoire. Son objectif est de libérer le Saint-Sépulcre du Christ des mains des infidèles musulmans.

Carlo Ludovico Bragaglia a le don pour emporter le spectateur dans son récit, même celui qui aurait au départ quelques a priori ou peu d’affinités avec les histoires se déroulant au XIe siècle. Le réalisateur parvient à insuffler une modernité à sa mise en scène, en multipliant les rebondissements, les conspirations et les retournements de situations sans discontinuer, en privilégiant les rapports entre les personnages, leurs espoirs, leurs doutes, leurs objectifs, en mêlant à la fois leurs sentiments personnels et les missions qui leur ont été confiées. Évidemment, nous ne sommes pas ici chez Cecil B. DeMille, mais La Muraille de feu s’avère un très grand spectacle pour lequel le réalisateur fait tout ce qu’il peut avec les moyens mis à sa disposition. Certes, quelques matte paintings se voient comme le nez au milieu de la figure, mais le reste de la production n’a rien de déshonorant avec de très beaux décors naturels ou en carton-pâte, des costumes soignés et surtout une distribution au diapason.

Dans le rôle principal, celui de Tancredi d’Altavilla, Francisco Rabal (Attache-moi !, Sorcerer, La Religieuse, Viridiana), comédien espagnol qui fuyait alors le régime franquiste, s’impose dans la peau de ce Croisé charismatique, déterminé et à la sensibilité évidente. Il est peu de chose, et on le comprend, face à la merveilleuse Clorinde, incarnée par la magnifique Sylva Koscina (Guendalina, Pauvres millionnaires), alors tout juste révélée par le splendide Disque rouge – Il Ferroviere de Pietro Germi et qui venait d’interpréter Iole, fille de Pélias dans Les Travaux d’Hercule – Le Fatiche di Ercole de Pietro Francisci, rôle qu’elle reprendra dans Hercule et la Reine de Lydie – Ercole e la regina di lidia l’année suivante. Les femmes ont le beau rôle dans La Muraille de feu et l’on notera aussi la participation de Gianna Maria Canale (Il Boom de Vittorio De Sica), qui donnait déjà la réplique à Sylva Koscina dans Les Travaux d’Hercule, qui campe ici Armide – dont la dimension surnaturelle évoquée dans le poème original de Torquato Tasso (ou Le Tasse) écrit en 1580 a disparu – musulmane liée au croisé Renaud (Rik Battaglia), bien qu’il soit son ennemi et dont elle tombe amoureuse. Belle présence également que celle de la comédienne Livia Contardi (La Ruée des Vikings de Mario Bava), dans sa première apparition à l’écran et qui incarne Herminie, la fille du prince d’Antioche, qui par jalousie dénoncera Clorinde comme alliée aux musulmans.

Menée sans aucun temps mort, La Muraille de feu concilie à la fois la petite et la grande histoire, le devoir et les sentiments personnels qui s’opposent, tout comme les deux conceptions religieuses qui s’affrontent. A ce titre, Carlo Ludovico Bragaglia et son scénariste Sandro Continenza (Inglorious Bastards d’Enzo G. Castellari, Un condé d’Yves Boisset, Hercule contre les vampires de Mario Bava) montrent que les fanatiques sont aussi présents d’un côté comme de l’autre, en glorifiant le nom d’Allah et de Dieu, dans la violence, le vol et dans le sang. Tourné en format Supercinescope, La Gerusalemme liberata est un divertissement épique qui n’omet jamais la réflexion et l’émotion. Une belle réussite au charme inaltérable.

LE DVD

Vous aimez les films de chevalerie ? Alors vous allez être servis, car Artus Films présente désormais La Muraille de feu dans sa collection, qui rejoint ainsi Geneviève de Brabant, Les Cent Cavaliers et Le Chevalier du château maudit ! Le DVD repose dans un superbe slim Digipack, toujours illustré avec élégance, jusqu’à la sérigraphie du disque. Le menu principal est fixe et musical.

Comme bonus en vidéo, Artus Films propose un Diaporama d’affiches et de photos d’exploitation, la bande-annonce de la collection Chevalerie, ainsi que le générique français du film (1’36).

Comme dernièrement pour son édition de Geneviève de Brabant, Artus glisse dans son Digipack un livret de 24 pages, cette fois encore rédigé par François Amy de la Bretèque, professeur émérite d’études cinématographiques de l’université Paul Valéry à Montpellier, qui était intervenu aussi sur l’édition des Cent Cavaliers. Celui-ci présente le film qui nous intéresse aujourd’hui, l’adaptation cinématographique du poème de Torquato Tasso (« un des grands chefs-d’oeuvre de la, littérature européenne »), les personnages principaux, les autres transpositions de l’écrit du Tasse avant celle de Carlo Ludovico Bragaglia, le casting, les partis-pris, les lieux de tournage et le succès du film.

L’Image et le son

La Muraille de feu a bénéficié du procédé Ferraniacolor (procédé italien de colorisation trichromique datant du début des années 50), qui se caractérise par une palette colorimétrique assez terne, donnant à l’écran des ciels chargés, parfois très limpides ou d’une jolie clarté sur les séquences diurnes. Si le master révèle quelques sensibles imperfections, fils en bord de cadre et autres poussières, ainsi que par des fourmillements, la copie demeure de bonne qualité. Certaines parties apparaissent plus désaturées que d’autres, tandis que certains plans fixes se révèlent impeblescca. Le grain argentique est présent et la délicatesse du master flatte souvent les rétines avec des contrastes assurés. Le piqué est somme toute modeste, mais les détails plaisants sur le cadre large.

La version originale italienne est clairement au-dessus du lot avec ses dialogues dynamiques, une très bonne restitution de la musique et des effets annexes. Ce n’est pas le cas de la piste française, claire certes, mais marquée par divers craquements, des voix qui prennent le dessus et un doublage approximatif. Les passages jamais doublés ou dont la postsynchronisation française a été perdue, passent directement en VOSTF.

Crédits images : © Artus Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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