Test Blu-ray / Le Vampire et le Sang des Vierges, réalisé par Harald Reinl

LE VAMPIRE ET LE SANG DES VIERGES (Die Schlangengrube und das Pendel) réalisé par Harald Reinl, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre le 4 janvier 2022 chez Artus Films.

Acteurs : Lex Barker, Karin Dor, Christopher Lee, Carl Lange, Christiane Rücker, Vladimir Medar, Dieter Eppler…

Scénario : Manfred R. Köhler, d’après la nouvelle Le Puits et le Pendule d’Edgar Allan Poe

Photographie : Ernest W. Kalinke

Musique : Peter Thomas

Durée : 1h20

Date de sortie initiale : 1967

LE FILM

En 1801, pour avoir assassiné douze jeunes femmes, la treizième, Béatrice de Brabant s’étant échappée, le comte Regula est condamné à être écartelé en place publique. Avant son supplice, il promet de revenir se venger. 35 ans plus tard, l’avocat Roger de Mont-Elise reçoit une invitation au château d’Andomai, demeure de la famille Regula. En chemin, il sauve une jeune femme d’une attaque de bandits : Lilian de Brabant, elle aussi invitée au château.

Si vous souhaitez en savoir plus – et je vous le conseille – sur le réalisateur Harald Reinl (1908-1986), reportez-vous à la chronique consacrée à La Vengeance de Siegfried Die Nibelungen (1966), fresque grandiose et variation cinématographique sur la légendaire épopée médiévale composée au XIIIe siècle, narrant entre autres la construction de l’Allemagne, qui avait inspiré Fritz Lang en 1924 pour son diptyque La Mort de Siegfried / La Vengeance de Kriemhilde. On reprend là où l’on s’était arrêté, puisque le film qui nous concerne aujourd’hui, a été tourné juste après par Harald Reinl. Et pour cet opus, le cinéaste s’inspire rien de moins que des grands films d’horreur gothiques de la Hammer, qui influençaient déjà les transalpins, où les gialli commençaient à se multiplier, tandis qu’en Espagne Paul Naschy s’apprêtait à pousser ses premiers cris rigolos de loup-garou. Comme ses confrères italiens, le metteur en scène, toujours à l’affût de ce qui plaisait aux spectateurs, décide de tenter sa chance dans le genre. Ce sera donc Le Vampire et le Sang des Vierges Die Schlangengrube und das Pendel, présenté comme étant l’adaptation de la nouvelle écrite par Edgar Allan Poe, Le Puits et le Pendule – The Pit and the Pendulum, publiée pour la première fois en 1842 dans la revue littéraire annuelle The Gift : A Christmas and New Year’s Present et en France dans le recueil Nouvelles histoires extraordinaires, transposée en 1909 par Henri Desfontaines, mais également en 1961 par Roger Corman avec La Chambre des tortures. A l’instar de ce dernier, tout comme ce sera le cas dans la version signée Stuart Gordon en 1991, la scène de torture qui donne son titre à la nouvelle n’apparaît que dans la dernière partie du film qui nous intéresse, qui se transforme momentanément comme une séquence de Fort Boyard, où l’héroïne doit alors éviter de multiples pièges. Il fallait broder un scénario autour de cet élément central. Manfred R. Köhler, scénariste des Lèvres rouges d’Harry Kümel et d’une poignée de krimis (Du grisbi pour Hongkong, Espionnage à Bangkok pour U-92, Baroud à Beyrouth pour F.B.I. 505, Enigme à Central Park) s’en tire fort bien et compile tous les ingrédients du genre, savamment pris en charge par Harald Reinl, qui soigne chacun de ses plans et l’atmosphère pesante du début à la fin. S’il n’a pas réussi à donner l’impulsion désirée au départ, autrement dit lancer le cinéma d’épouvante teuton, Le Vampire et le Sang des Vierges demeure non seulement une curiosité, mais aussi et surtout un brillant film de genre, bien plus qu’un simple ersatz, mené sur un rythme endiablé, dans lequel l’immense Christopher Lee se mêle au casting.

Au début du XIXè siècle, le cruel comte Regula (Christopher Lee) est condamné à l’écartèlement pour avoir assassiné douze vierges, dont il voulait recueillir le sang. Trente-cinq ans plus tard, l’avocat Roger de Montelis (Lex Barker) reçoit une lettre émanant du comte Regula, l’invitant à se rendre à son château d’Andomai. Au cours de son voyage (qui s’apparente à un vrai train fantôme), Roger, accompagné d’un prêtre étrange (Vladimir Medar), recueillent deux jeunes femmes, la baronne Lilian von Brabant (Karin Dor) et sa servante Babette (Christiane Rücker), que de mystérieux cavaliers s’apprêtaient à enlever. Quelques heures plus tard, tous arrivent dans le sinistre château. Le comte, ressuscité par son serviteur Anatol (Carl Lange), les accueille. Il compte recueillir le sang d’une treizième vierge pour accéder enfin à l’immortalité…

Le Château des vampires chez nos amis québécois, The Torture Chamber of Dr. Sadism, Blood of the Virgins ou bien encore The Blood Demon aux États-Unis, sans oublier La Fosse aux serpents en Belgique, bref Le Vampire et le Sang des Vierges est un film d’horreur qui a tout pour être connu. Un réalisateur très doué aux manettes, un scénario riche en rebondissements, des décors souvent fabuleux, une photographie très recherchée, une musique entêtante et des acteurs aussi formidables que convaincants. Harald Reinl a toujours su démontrer son impressionnant bagage technique et ce dans tous les domaines qu’il exploitera tout au long de sa longue et prolifique carrière. Les passionnés d’horreur seront ici en terrain connu, mais se laisseront volontiers prendre au jeu de ce récit qui s’ouvre sur une scène percutante, celle de l’écartèlement – “car la décapitation ne serait pas un châtiment suffisant compte tenu des crimes horribles commis” nous dit-on – du comte Regula (et non pas Dracula, quoique…), incarné par Christopher Lee, dont il faudra attendre cinquante minutes (ne vous plaignez pas, cela correspond à 35 ans pour les personnages) pour le revoir à l’écran. Mais sa présence plane sur Le Vampire et le Sang des Vierges, qui repose sur l’interprétation tout aussi solide de l’américain Lex Barker, ancien Tarzan et surtout complice de Pierre Brice dans la saga des Winnetou (dont Harald Reinl réalisera d’ailleurs cinq épisodes), et celle de la magnifique Karin Dor, encore mariée au metteur en scène et qui la même année sera confrontée à Sean Connery dans son cinquième James Bond, On ne vit que deux fois You Only Live Twice de Lewis Gilbert.

Si “les vieux ont oublié le nom du comte Regula et les jeunes ne l’ont pas appris” dit un témoin dans le film, celui-ci mérite d’être très largement réhabilité et montre que le cinéma d’épouvante germanique avait toutes les qualités pour naître et s’étendre.

LE MEDIABOOK

C’est assurément l’une des grandes éditions de la rentrée. Vous avez entre les mains un spectaculaire Mediabook, comprenant le DVD et le Blu-ray du Vampire et le Sang des Vierges (au contenu identique), ainsi qu’un impressionnant livret de 80 pages, intitulé Dr. Harald Reinl, grandeur et décadence du cinéma populaire ouest-allemand, écrit par Christophe Bier, complice d’Artus Films puisque nous avons déjà pu le voir à maintes reprises, sur les éditions de Des fleurs pour un espion, Opération Re Mida, Holocaust Nazi

Il signe seul cet ouvrage érudit, passionnant et exhaustif, qui revient sur la vie et la carrière (la filmographie est d’ailleurs présente à la fin du volume) du réalisateur Harald Reinl, ancien assistant de Leni Riefenstahl, liée à l’évolution du cinéma d’exploitation (ou non) teuton. Très largement illustré, élégamment mis en page, ce livret se dévore et l’on espère très sincèrement pouvoir découvrir d’autres longs-métrages (les Winnetou, ses Mabuse et ses Krimis surtout) du cinéaste dans un futur proche. Un nouvel objet de collection à ajouter sur votre étagère donc. Le menu principal est fixe et musical.

Après avoir visionné le film et lu le livret, nous vous conseillons d’enchaîner avec la présentation croisée de Stéphane Derdérian et Christian Lucas (39’). Présent sur les éditions DVD de L’Etoile du silence, Signal une aventure dans l’espace, Le Lion de Saint Marc, Le Tigre des mers, Devilman le diabolique, Supersonic Man, Apocalypse 2024, Le Prince des chats, Vij ou le diable et L’Histoire du petit Muck, ce dernier n’a décidément pas chômé depuis un an et se voit de nouveau confier ce bonus par Artus Films. Les propos de l’animateur sur la chaîne YouTube Ciné Forever Vidéo sont par ailleurs très bien complétés par ceux de Stéphane Derdérian (qui se souvient avoir découvert le film au Brady), producteur, distributeur à Liliom Audiovisuel, et premier assistant-réalisateur sur Seul contre tous (1998) et Irréversible (2002) de Gaspar Noé. Ces deux spécialistes livrent une analyse pertinente du film (sa genèse, les conditions et lieux de tournage, les partis-pris) qui nous intéresse, tout en évoquant la vie et la carrière de Harald Reinl. Ils évoquent aussi l’évolution du cinéma populaire ouest-allemand, tout en donnant des indications sur le casting et l’équipe technique. Un bonus bien complet comme on les apprécie, même s’il fait bien avouer que l’essentiel de ce qui est dit ici fait écho avec ce que nous avons lu dans le livret de Christophe Bier.

Markus Wolf, non pas le plus grand espion de l’époque de la guerre froide, au service de l’ex-RDA communiste, mais son homonyme, propose ensuite une visite des lieux de tournage, en faisant un amusant comparatif avant/après dans la ville de Rothenburg ob der Tauber – situé en Bavière – ou Rothembourg en français (8’).

Pour les plus curieux, même si le tour est finalement vite fait, l’éditeur fournit deux montages de seize minutes chacun, présentant des scènes du film – recadré en 1.37 pour le premier et en 1.66 respecté pour le second – au format Super 8.

L’interactivité se clôt sur un large Diaporama de photos et d’affiches d’exploitation, sans oublier la bande-annonce originale allemande.

L’Image et le son

Artus Films livre un master HD 2K (1080p, AVC) de haute qualité. Les partis pris esthétiques du directeur de la photographie Ernst W. Kalinke (La Vengeance de Siegfried) trouvent en Blu-ray un nouvel écrin et se voient entièrement respectés. Point de réducteur de bruit à l’horizon, le grain est présent tout en étant discret, la photo parfois ouatée est savamment restituée, la colorimétrie retrouve un certain éclat (même si l’on constate divers décrochages chromatiques) et le piqué est probant. Le format original 1.66 (compatible 16/9) est conservé, la profondeur de champ fort appréciable. Notons tout de même quelques plans flous, des séquences sombres moins précises avec des noirs tirant sur le bleu et des visages légèrement rosés ou cireux. Néanmoins, l’encodage AVC demeure solide, la propreté est indéniable. Le film est proposé dans sa version intégrale.

Sur le Blu-ray, en allemand, en anglais et en français, l’écoute se fera en Linear PCM Mono 2.0. N’hésitez pas à visionner Le Vampire et le Sang des Vierges dans la langue de Molière, qui se caractérise par un doublage plus que sympathique, avec entre autres Edmond Bernard (une des voix célèbres de Charles Bronson) et André Valmy (Walter Matthau, George C. Scott) à la barre. Et non, Christopher Lee ne joue pas en allemand, mais il s’agit bien de sa voix en anglais. Aussi bien dans la langue de Shakespeare que dans celle de Goethe, le confort acoustique est de mise, fluide, propre, avec des dialogues clairs et une belle restitution de la musique, ainsi que des ambiances. Les sous-titres français ne sont pas verrouillés.

Crédits images : © Artus Films / UCM ONE / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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