FORFAITURE réalisé par Marcel L’Herbier, disponible en DVD et Blu-ray le 19 janvier 2021 chez Rimini Editions.
Acteurs : Victor Francen, Sessue Hayakawa, Louis Jouvet, Lise Delamare, Lucas Gridoux, Eve Francis, Lucien Nat, Pierre Magnier…
Scénario : Jean-Georges Auriol & Jacques Companéez, d’après le film Forfaiture – The Cheat de Cecil B. DeMille (1915) et le roman d’Hector Turnbull
Photographie : Eugen Schüfftan
Musique : Michel Michelet
Durée : 1h40
Année de sortie : 1937
LE FILM
Denise Moret se rend en Mongolie pour rejoindre Pierre, son mari, ingénieur sur un chantier. Après avoir perdu une grosse somme au jeu, Denise emprunte de l’argent au prince Lee-Lang. Celui-ci lui fait des avances qu’elle repousse. Le prince décide de se venger.
Même s’il a souvent eu quelques grandes vedettes devant sa caméra, le cinéaste impressionniste et avant-gardiste Marcel L’Herbier (1888-1979) est resté la star de ses films. En effet, près de 85 ans après sa sortie dans les salles, la virtuosité de la mise en scène de Forfaiture, film qui nous intéresse aujourd’hui, reste vraiment époustouflante. Les mouvements audacieux et élégants de sa caméra, vraisemblablement hérités de la période muette du réalisateur (L’Argent, immense chef-d’oeuvre) sont hallucinants, d’une extraordinaire fluidité, loin du théâtre filmé dans lequel il aurait pu tomber et transcendent un scénario somme toute conventionnel. On en prend plein les yeux. Hommage et remake du film éponyme réalisé par Cecil B. DeMille en 1915, The Cheat en version originale, qui aurait été un tel choc dans la vie du réalisateur qu’il aurait été l’origine de sa vocation, Forfaiture de Marcel L’Herbier est et demeure un superbe objet de cinéma, d’une qualité stylistique ahurissante.
PIEDS NUS DANS LE PARC (Barefoot in the Park) réalisé par Gene Saks, disponible en Blu-ray le 6 janvier 2021 chez Paramount Pictures.
Acteurs : Robert Redford, Jane Fonda, Charles Boyer, Mildred Natwick, Herb Edelman, Mabel Albertson, Fritz Feld, James Stone, James F. Stone, Ted Hartley…
Scénario : Neil Simon d’après sa pièce de théâtre
Photographie : Joseph LaShelle
Musique : Neal Hefti
Durée : 1h46
Année de sortie : 1967
LE FILM
Deux jeunes mariés follement épris l’un de l’autre. Ils ont oublié le reste du monde. Hélas, la lune de miel terminée, les nouveaux époux ont des problèmes d’appartement sur lesquels ils ne sont pas tout à fait d’accord. Elle pense un peu trop à sa toilette pour être belle et plaire à son mari, lui, un peu trop à ses affaires pour gagner de l’argent et plaire à sa femme.
Produit et écrit par Neil Simon, d’après l’une de ses pièces de théâtre à succès, Pieds nus dans le parc – Barefoot in the Park est le premier long-métrage du réalisateur Gene Saks (1921-2015), plus connu pour son second film, Drôle de couple – The Odd Couple (1968) avec le légendaire tandem Jack Lemmon et Walter Matthau, également adapté d’une pièce de Neil Simon. Si Pieds nus dans le parc est passé à la postérité, c’est surtout en raison de son couple star, Jane Fonda et Robert Redford, alors au début de leurs carrières respectives, beaux comme des Dieux, merveilleusement complices, sexy et visiblement heureux de se donner la (tordante) réplique, quitte parfois à en faire trop, mais on leur pardonne volontiers. La mise en scène ne parvient jamais à se sortir du dispositif théâtral original, mais la réussite du film provient de l’excellence de l’interprétation, ses deux têtes d’affiche donc, mais aussi notre Charles Boyer national et Mildred Natwick, grande comédienne de second rôle souvent vue chez John Ford (Les Hommes de la mer, Le Fils du désert, La Charge héroïque, L’Homme tranquille), Joseph L. Mankiewicz (Un mariage à Boston – The Late George Apley), George Sherman (À l’abordage – Against all flags) et Alfred Hitchcoick (Mais qui a tué Harry ? – The Trouble with Harry) dont les personnages deviennent aussi important dans la deuxième partie du film que le couple principal. Barefoot in the Park n’a certes pas révolutionné le cinéma, mais a su conserver une fraîcheur et une liberté de ton plus de cinquante ans après sa sortie et demeure un classique de la comédie américaine.
LA VENGEANCE DE SIEGFRIED (Die Nibelungen) réalisé par Harald Reinl, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre le 5 janvier 2021 chez Artus Films.
Acteurs : Uwe Beyer, Karin Dor, Rolf Henniger, Siegfried Wischnewski, Maria Marlow, Hans von Borsody, Terence Hill, Herbert Lom, Fred Williams, Dieter Eppler…
Scénario : Harald G. Petersson, Harald Reinl & Ladislas Fodor
Photographie : Ernst W. Kalinke
Musique : Rolf A. Wilhelm
Durée : 2h42
Année de sortie : 1966
LE FILM
Terminant son initiation chez le nain Mime, Siegfried se forge une épée, et va tuer le dragon Fafnir, se baignant alors dans son sang pour acquérir l’invincibilité. Mais une feuille de frêne se colle sur son dos, lui laissant une partie vulnérable. Il se rend ensuite à la cour des Nibelungen, chez le roi Gunther, où il va tomber amoureux de la belle Krimhilde, la sœur du roi. Ce dernier devant repousser une attaque des Saxons, Siegfried va lui prêter main forte. Ses exploits l’amèneront au statut immortel de héros.
Certains cinéphiles pointus connaissent le diptyque de Fritz Lang réalisé en 1924, La Mort de Siegfried, suivi de La Vengeance de Kriemhilde, inspiré par le mythe allemand des Nibelungen. Une fresque de six heures qui demeure la grande référence sur le sujet. Néanmoins, dans les années 1960, le cinéma allemand décide de revenir à cette légende, la légendaire Chanson des Nibelungen, épopée médiévale composée au XIIIe siècle, narrant entre autres la construction de l’Allemagne. Sur une durée de près de trois heures, pensé en deux actes bien distincts, La Vengeance de Siegfried – Die Nibelungen est pour ainsi dire un véritable blockbuster, magistralement réalisé par Harald Reinl (1908-1986), réalisateur mythique, prolifique et éclectique (tous les genres et sous-genres sont représentés dans sa filmographie), passé à la postérité avec Le Retour du docteur Mabuse – Im Stahlnetz des Dr. Mabuse (1961) et L’Invisible docteur Mabuse – Die unsichtbaren Krallen des Dr. Mabuse (1962), ainsi que la célèbre série des Winnetou avec Pierre Brice dont il réalisera cinq épisodes, y compris les trois premiers qui populariseront la franchise qui sera constituée au final de douze longs-métrages, une série et un téléfilm. Également l’un des fondateurs du Krimi, autrement dit du polar allemand qui commençait à fleurir dans les salles, Harald Reinl se voit confier cette énorme coproduction germano-yougo-hispano-islandaise, La Vengeance de Siegfried, Première partie : La Mort de Siegfried – Die Nibelungen, Teil 1: Siegfried et La Vengeance de Siegfried, Deuxième partie : La Vengeance de Kriemhild – Die Nibelungen, Teil 2: Kriemhilds Rache. Immense spectacle, bourré de magie, de combats, d’émotions, de conspirations, La Vengeance de Siegfried n’a pas pris de rides et reste toujours aussi efficace et très beau à regarder.
ZONES HUMIDES (Feuchtgebiete) réalisé par David Wnendt, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 14 décembre 2020 chez Extralucid Films.
Acteurs : Carla Juri, Christoph Letkowski, Marlen Kruse, Meret Becker, Axel Milberg, Peri Baumeister, Edgar Selge, Clara Wunsch, Ludger Bökelmann…
Scénario : Claus Falkenberg, David Wnendt & Sabine Pochhammer, d’après le roman de Charlotte Roche
Photographie : Jakub Bejnarowicz
Musique : Enis Rotthoff
Durée : 1h44
Année de sortie : 2013
LE FILM
Helen est une adolescente non-conformiste qui entretient une relation conflictuelle avec ses parents. Passant la plupart de son temps à traîner avec son amie Corinna, avec qui elle transgresse un tabou social après l’autre, elle utilise le sexe comme un mode de rébellion et casse la morale bourgeoise conventionnelle. Après un accident de rasage intime, Helen se retrouve à l’hôpital où il ne lui faut pas longtemps pour faire des vagues. Mais elle y rencontre Robin, un infirmier dont elle va tomber follement amoureuse…
C’est l’histoire d’une success-story. Il y a eu tout d’abord le roman de Charlotte Roche (née en 1978), Zones Humides (Feuchtgebiete), sorti en février 2008, qui devient très vite un phénomène en Allemagne où il se vend à 2,5 millions d’exemplaires. Rebelle, punk, frontal, sulfureux, cru – on arrête là, on croirait une introduction de Laurent Delahousse – Zones humides explose les compteurs dans les librairies et sur Amazon, où pour la première fois un ouvrage germanique atteint la liste des best-sellers. Forcément, un triomphe comme celui-là ne pouvait qu’intéresser le cinéma. Et pourtant, Charlotte Roche a tenu à choisir elle-même le producteur qui prendrait en main son ouvrage, quitte à refuser les offres les plus alléchantes et les plus faciles à mettre en route. Son choix s’est porté sur Peter Rommel, l’un des producteurs d’Et si on vivait tous ensemble ? (2011) de Stéphane Robelin, qui réunissait Guy Bedos, Daniel Brühl, Geraldine Chaplin, Pierre Richard, Claude Rich et Jane Fonda, mais aussi et surtout du très remarqué 7ème Ciel – Wolke 9 (2008) qui traitait de la sexualité des personnes d’un âge respectable. Charlotte Roche a ensuite laissé carte blanche au producteur pour choisir le réalisateur qui saura relever le défi de mettre son roman en images. Peter Rommel a jeté son dévolu sur David Wnendt, dont il avait remarqué le long-métrage Guerrière – Kriegerin, sorti en 2011. Résolument trash, Zones humides le film n’est certes pas à mettre devant tous les yeux, mais ce portrait d’une jeune femme de 18 ans vaut sacrément le détour, d’une part pour sa réalisation effectivement électrique et percutante, d’autre part pour l’explosive interprétation de son actrice principale, Carla Juri, pour laquelle on craque instantanément et ce même si elle nous emmène loin, très loin même dans le graveleux. Mais au-delà des apparences, son personnage, Helen Memel, est une post-ado bouleversée et même traumatisée par la séparation de ses parents. Zones humides embarque le spectateur pour un ride qui ne s’arrête jamais pendant 1h45, au bout duquel on ressort lessivés, mais heureux, après avoir été pourtant pas mal bousculés et mis mal à l’aise. Une grande et belle expérience qui fait du bien à l’âme et qui tonifie le corps en même temps, pourquoi refuser ?
VÉNÉNEUSES réalisé par Jean-Pierre Mocky, disponible en DVD et Blu-ray le 20 janvier 2021 chez ESC Editions.
Acteurs : Jean-Pierre Mocky, Richard Bohringer, Florian Hessique, Jean-François Stévenin, Charlotte Gaccio, Laurent Biras, Lola Marois, Kevin Miranda, Philippe Rebbot…
Scénario : Jean-Pierre Mocky & Frédéric Dieudonné
Photographie : Jean-Paul Sergent
Musique : Vladimir Cosma
Durée : 1h23
Date de sortie initiale : 2017
LE FILM
Dick Grant, truand vieillissant qui purge sa peine, apprend que sa compagne l’a doublement trahi : non seulement elle le trompe avec l’un de ses associés, mais le couple s’apprête à lui voler toute sa fortune. Il s’évade de prison et accomplit sa vengeance. Lors de sa cavale, il rencontre une jeune et jolie blonde avec qui il a une aventure. Elle finit par le démasquer et le fait chanter : ou bien il la débarrasse d’un oncle encombrant, ou bien elle le dénonce à la police…
Le 8 août 2019, Jean-Pierre Mocky s’en est allé, laissant derrière lui plus de 80 longs-métrages, séries télévisées, téléfilms et documentaires. 60 ans de carrière comme metteur en scène, des Dragueurs (1959) à son ultime baroud d’honneur, Tous flics !, qui n’a pas encore connu les honneurs (posthumes) au cinéma. S’il venait de fêter ses 90 ans au moment où la mort a fini par le rattraper, Jean-Pierre Mocky ne s’est jamais arrêté de tourner et d’apparaître également devant sa propre caméra, allant parfois jusqu’à réaliser trois films par an. Vénéneuses restera son antépénultième long-métrage, dans lequel le cinéaste s’avère très en verve et rend un bel hommage aux films de gangsters qui ont bercé son enfance et dont il affectionnait les personnages, aussi bien à l’écran que dans la vie réelle. Et puis quoi qu’on en dise, ce n’est pas commun de trouver dans le cinéma français un papy de 88 balais qui était toujours aussi rebelle et bad-ass ! Vénéneuses est un excellent cru, dans lequel brillent les dialogues de Frédéric Dieudonné, qui avait déjà écrit Le Cabanon rose et Rouges étaient les lilas, les deux opus du réalisateur de l’année 2016.
DANS LA SOURICIÈRE (The Trap) réalisé par Norman Panama, disponible en combo Blu-ray + DVD le 20 janvier 2021 chez Rimini Editions.
Acteurs : Richard Widmark, Lee J. Cobb, Tina Louise, Earl Holliman, Carl Benton Reid, Lorne Greene, Peter Baldwin, Chuck Wassil, Richard Shannon, Carl Milletaire…
Scénario : Richard Alan Simmons & Norman Panama
Photographie : Daniel L. Fapp
Durée : 1h20
Année de sortie : 1959
LE FILM
Ralph Anderson, avocat aisé, revient à Tula, 1108 habitants, la petite ville où il est né, accompagné des hommes de Victor Massenotti, parrain de la mafia. Poursuivi par la justice, Massenotti souhaite utiliser l’aérodrome local pour s’enfuir. Ralph doit alors convaincre son père, shérif de Tula, de renoncer à surveiller les lieux. Sinon, les gangsters promettent de mettre la ville à feu à sang.
Nous parlions dernièrement d’Étranges compagnons de lit – Strange Bedfellows (1965) de Melvin Frank. En fait, avant de faire cavalier seul, ce réalisateur avait signé en binôme quelques fleurons de la comédie américaine avec le méconnu Norman Panama (1914-2003). Depuis le début des années 1950, les deux associés enchaînent alors Une rousse obstinée – The Reformer and the Redhead (1950) avec Dick Powell, Proprement scandaleux – Strictly Dishonorable (1951) avec Janet Leigh, Callaway Went Thataway (1951) avec Fred MacMurray, Le Grand Secret – Above and Beyond (1952) de Robert Taylor, Un grain de folie – Knock on Wood (1954) et Le Bouffon du roi – The Court Jester (1955) avec Danny Kaye et Si j’épousais ma femme – That Certain Feeling (1956) avec le légendaire Bob Hope. Après une décennie de succès au box-office, les deux amis et scénaristes du mythique Noël blanc – White Christmas (1954) de Michael Curtiz, décident de voguer seuls vers de nouveaux horizons. Néanmoins, Norman Panama et Melvin Frank restent liés puisque même si le second est bel et bien le seul metteur en scène de Dans la souricière, sorti en 1959, les deux produisent ce premier coup d’essai en solo. Formidable série B, à la croisée du film noir et du western, The Trap est une œuvre aussi sèche et brutale que son titre le laissait espérer. Merveilleusement interprété par l’immense Richard Widmark, intense, passionnant, Dans la souricière est un petit film complètement et injustement oublié aujourd’hui, qu’il est toujours bon de réhabiliter.
GOLDEN GLOVE (Der goldene Handschuh) réalisé par Fatih Akin, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 6 janvier 2021 chez Extralucid Films.
Acteurs : Jonas Dassler, Margarete Tiesel, Hark Bohm, Katja Studt, Marc Hosemann, Tristan Göbel, Victoria Trauttmansdorff, Adam Bousdoukos…
Scénario : Fatih Akin, d’après le roman « Der goldene Handschuh » de Heinz Strunk
Photographie : Rainer Klausmann
Musique : FM Einheit
Durée : 1h50
Année de sortie : 2019
LE FILM
Hambourg, années 70. Au premier abord, Fritz Honka, n’est qu’un pitoyable loser. Cet homme à la gueule cassée traîne la nuit dans un bar miteux de son quartier, le « Gant d’or » (« Golden Glove »), à la recherche de femmes seules. Les habitués ne soupçonnent pas que Honka, en apparence inoffensif, est un véritable monstre.
Dans son premier long-métrage, L’Engrenage – Kurz und schmerzlos (1998), le réalisateur Fatih Akin (né en 1973) s’inspirait d’anecdotes personnelles et rendait hommage au cinéma de Martin Scorsese, en particulier à Mean Streets. Le metteur en scène y faisait déjà preuve d’une rare maîtrise technique en dépeignant la complexité des relations humaines, sujet qui sera alors son thème de prédilection. Ce qui fera aussi la marque de fabrique de Fatih Akin, c’est un cinéma sincère et humaniste, qui abolit les frontières en privilégiant l’entraide et la fraternité. Cependant, la violence y était déjà présente. En 2000, dans Julie en juillet – Im Juli, le cinéaste, inspiré de L’Odyssée d’Homère, proposait l’antithèse complète de son premier film. Véritable chef d’oeuvre d’humour, cette histoire d’amour était en réalité un road-movie européen illuminé par Moritz Bleibtreu et Christiane Paul. De la Hongrie en passant par la Roumanie, la Bulgarie et par la Turquie, le second long-métrage de Fatih Akin était un film chaleureux et idéaliste, rendant un hommage avoué à L’Homme de Rio de Philippe de Broca et aux aventures de Tintin. Après le solaire Julie en juillet, Fatih Akin abordait un conflit de générations entre un père autoritaire et ses deux fils dans Solino (2002). Bon, nous allons arrêter là de passer en revue toute la filmographie de Fatih Akin, nous reparlerons un autre jour de Head-On – Gegen die Wand (2004, Ours d’or à Berlin), de The Cut (2014) et de ses autres œuvres, pour se concentrer enfin sur son dernier long-métrage en date, l’inattendu Golden Glove – Der Goldene Handschuh, sorti en 2019 au cinéma. Qu’il semble loin le temps de la comédie jubilatoire qu’était Soul Kitchen (2009) ! Deux ans après In the Fade – Aus dem Nichts, Golden Globe du meilleur film en langue étrangère et qui avait valu à Diane Kruger le Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes, Fatih Akin se confronte cette fois frontalement au genre horrifique. Pour cela, le réalisateur adapte le roman éponyme de Heinz Strunk (publié en 2016), qui relatait l’histoire vraie du tueur en série allemand Fritz Honka (1935-1998), qui dans les années 1970 s’en prenait aux femmes d’un certain âge, principalement alcooliques comme lui, qu’il appâtait dans un bar miteux de Hambourg (le Golden Glove donc) en leur proposant un ou plusieurs verres, avant de les ramener chez lui, où il les violentait, les violait avec ce qui lui passait sous la main, puis les assassinait, avant de les découper en morceaux et de conserver les membres soigneusement emballés et dissimulés dans un recoin de son appartement. Ceux qui se souviennent du Fatih Akin de Soul Kitchen qui célébrait la vie en communauté avec une légèreté rafraîchissante, risquent d’être sacrément bouleversés par Golden Glove. Mais bien sûr, le cinéaste ne livre pas un film d’horreur comme les autres et dresse avant tout le portrait dramatique d’un monstre humain (pléonasme ?), le visage reflétant le passé de son pays, le dos cassé par le poids des conséquences. Golden Glove est non seulement l’un des films les plus horribles vus sur un écran depuis une bonne quinzaine d’années, mais c’est aussi et peut-être l’une des plus incroyables performances d’acteurs de tous les temps, que l’on doit au jeune et méconnaissable Jonas Dassler, 22 ans au moment du tournage, métamorphosé (après trois heures de maquillage) avec son strabisme, ses cheveux gras et ses dents pourries. Golden Glove est d’ores et déjà une nouvelle référence du genre et un sommet dans la carrière de Fatih Akin.
LA FEMME-OBJET réalisé par Frédéric Lansac (Claude Mulot), disponible en Blu-ray chez Pulse Vidéo & Vinegar Syndrome.
Acteurs : Marilyn Jess, Nicole Segaud, Richard Allan, Laura Clair, Nadine Roussial, Frédéric Carton, Catherine Marsile, Guy Bérardant, Dominique Aveline…
Scénario : Claude Mulot
Photographie : François About
Musique : Jean-Claude Nachon
Durée : 1h26
Année de sortie : 1981
LE FILM
Nicolas est un obsédé sexuel, macho, qui ne pense qu’à son propre plaisir. Ecrivain à la sexualité débordante, il raconte face à sa machine à écrire sa frustration sexuelle et le moyen futuriste auquel il a recouru pour y pallier : une androïde platine (habillée de cuissardes) pouvant satisfaire à ses moindres besoins. Tant d’égoïsme et d’insatiabilité auront-ils raison de ce Frankenstein de la fesse ?
Quand on demande à un cinéphile/cinéphage de citer un ou plusieurs films pornographiques qui l’a ou l’ont marqué, la réponse met un petit bout de temps à arriver. Cela peut dépendre de la génération de l’intéressé en question, ou de sa timidité qui l’empêche alors de faire ressurgir de sa mémoire moult titres qu’il avait soit découvert directement au cinéma, soit en VHS ou devant Canal+ le premier samedi du mois. Mais s’il y a bien une œuvre classée X qui a toujours fait l’unanimité et ce peu importe l’âge du spectateur coquin, c’est bel et bien La Femme-objet, sorti en 1981 et réalisé par Frédéric Lansac, alias Claude Mulot (1942-1986). Les plus fidèles de Homepopcorn.fr auront noté toute l’affection que nous avons pour les films du réalisateur, en particulier ceux dont nous avons déjà parlé, La Rose écorchée, La Saignée, Les Charnelles et Le Couteau sous la gorge, qui penchaient de plus en plus vers l’érotisme pur jus. Sous le nom de Frédéric Lansac (nom repris du personnage principal de La Rose écorchée), Claude Mulot aura ainsi mis en scène des œuvres pornographiques comme le mythique Sexe qui parle (1975), Shocking ! (1976), Blue Ecstasy (1976), La Grande baise (1976), Suprêmes jouissances (1977) et surtout Les Petites écolières (1980) qui offrait à la légendaire Brigitte Lahaie son ultime baroud d’honneur dans le X. Comme un passage de flambeau, et Dieu sait si elle brûle la pellicule, Dominique Troyes, connue par les amateurs et spécialistes sous le nom de Marilyn Jess (ou Patinette) obtient le premier rôle de La Femme-objet, écrit et mis en scène par Claude Mulot, qui fait de sa comédienne la nouvelle star du cinéma pornographique. D’une beauté foudroyante, sculpturale, la peau laiteuse et la poitrine généreuse(ment) offerte aux spectateurs, Marilyn Jess entre dans les annales (j’en vois deux qui rient) et trouve ici le rôle qui changera sa carrière, mais aussi celui de sa vie. Si La Femme-objet vire au film fantastique dans sa seconde partie, l’actrice en est le seul et unique effet spécial, à la fois hypnotique et sublime, suprêmement excitante et inoubliable. Non seulement la mise en scène demeure soignée, mais l’histoire elle-même conserve une modernité impressionnante, puisque la réalité a depuis rejoint la fiction. Tout cela pour dire que si vous n’avez jamais vu un film pornographique dans votre vie, c’est que premièrement ce n’est pas beau de mentir, et que deuxièmement vous devez absolument découvrir La Femme-objet.
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LES YEUX BANDÉS (Blindfold) réalisé par Philip Dunne, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 8 décembre 2020 chez Elephant Films.
Acteurs : Rock Hudson, Claudia Cardinale, Jack Warden, Guy Stockwell, Brad Dexter, Anne Seymour, Alejandro Rey, Hari Rhodes…
Scénario : Philip Dunne & W.H. Menger, d’après le roman Blindfold de Lucille Fletcher
Photographie : Joseph MacDonald
Musique : Lalo Schifrin
Durée : 1h42
Année de sortie : 1966
LE FILM
Un éminent psychiatre, le Dr. Snow, suit un scientifique qui souffre de troubles émotionnels. Tous les deux sont kidnappés par une organisation secrète qui cherche à s’accaparer le fruit des recherches du savant.
Si le nom de Philip Dunne (1908-1992) vous dit quelque chose, c’est sûrement pour les films dont il est l’auteur, Le Dernier des Mohicans – The Last of the Mohicans (1936) de George B. Seitz, Suez (1938) d’Allan Dwan, Johnny Apollo (1940) de Henry Hathaway, le splendide Qu’elle était verte ma vallée – How Green Was My Valley (1941) de John Ford, le fantastique L’Aventure de madame Muir – The Ghost and Mrs. Muir (1947), La Flibustière des Antilles – Anne of the Indies (1951) et Le Gaucho – Way of a Gaucho (1952) de Jacques Tourneur, et La Tunique – The Robe (1953) de Henry Koster. Celui-ci passe aussi derrière la caméra en 1955 avec Prince of Players, interprété par Richard Burton. Il réalisera ainsi une dizaine de longs-métrages, dont le plus célèbre demeure assurément 10, rue Frederick – Ten North Frederick (1958) avec Gary Cooper. Les Yeux bandés – Blindfold, qu’il écrit et met en scène en 1965 est son dernier film. Pour cet ultime baroud d’honneur, le cinéaste et son coscénariste W.H. Menger s’inspirent d’un roman de Lucille Fletcher paru en 1960. Philip Dunne en tire une comédie d’espionnage, teinté de film d’aventure et d’action, le tout mâtiné d’une romance entre les deux protagonistes, incarnés par le couple glamour Rock Hudson et Claudia Cardinale. En dépit d’un rythme poussif et d’une intrigue quelque peu tarabiscotée, l’ensemble se suit sans déplaisir, surtout grâce à ses deux stars internationales qui rivalisent de charme et de sensualité.
ÉTRANGES COMPAGNONS DE LIT (Strange Bedfellows) réalisé par Melvin Frank, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 8 décembre 2020 chez Elephant Films.
Acteurs : Rock Hudson, Gina Lollobrigida, Gig Young, Edward Judd, Howard St. John, Dave King, Peggy Rea, Joseph Sirola…
Scénario : Melvin Frank & Michael Pertwee
Photographie : Leo Tover
Musique : Leigh Harline
Durée : 1h39
Année de sortie : 1965
LE FILM
Carter Harrison travaille dans une société pétrolière avec succès. Mais sa vie personnelle est plus tumultueuse. Marié à une italienne exubérante et énergique, son couple bat de l’aile et il demande la séparation. Or, pour lui accorder un important poste de direction, sa société exige qu’il puisse donner en Angleterre l’image d’un couple modèle.
Comédien star des studios Universal, Rock Hudson entame les années 1960 avec le western El Perdido – The Last Sunset de Robert Aldrich. Mais contrairement aux années 1950 durant lesquelles il s’était surtout brillamment illustré dans le mélodrame, en particulier avec ses fructueuses collaborations avec Douglas Sirk, c’est dans la comédie (romantique la plupart du temps) qu’il connaîtra ses plus grands succès alors qu’il approche la quarantaine. Il enchaînera ainsi Un pyjama pour deux – Lover Come Back, avec Doris Day et de Delbert Mann, Le Sport favori de l’homme – Man’s Favorite Sport ? d’Howard Hawks et Ne m’envoyez pas de fleurs – Send Me No Flowers, encore avec Doris Day, mais cette fois réalisé par Norman Jewison. En 1961, Robert Mulligan réuni Rock Hudson et Gina Lollobrigida dans Le Rendez-vous de septembre – Come September, dans lequel le couple fait preuve d’une réelle alchimie et participera bien évidemment au succès du film. Quatre ans plus tard, les voici de nouveau réunis à l’écran par Melvin Frank dans Étranges compagnons de lit – Strange Bedfellows. S’il s’agit rétrospectivement d’un film mineur dans leurs carrières rétrospectives, Rock Hudson et Gina Lollobrigida assurent le spectacle du début à la fin et semblent prendre un plaisir contagieux à se donner à réplique, à se chamailler, à se séparer pour ensuite mieux se retrouver et apportent le souffle nécessaire à une mise en scène plan-plan et une intrigue qui part dans toutes les directions. Étranges compagnons de lit est une comédie qui ne manque pas de charme, mais qui ne vaut que pour ses deux comédiens principaux, beaux comme des Dieux et bourrés de talent.