Test Blu-ray / Golden Glove, réalisé par Fatih Akin

GOLDEN GLOVE (Der goldene Handschuh) réalisé par Fatih Akin, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 6 janvier 2021 chez Extralucid Films.

Acteurs : Jonas Dassler, Margarete Tiesel, Hark Bohm, Katja Studt, Marc Hosemann, Tristan Göbel, Victoria Trauttmansdorff, Adam Bousdoukos…

Scénario : Fatih Akin, d’après le roman « Der goldene Handschuh » de Heinz Strunk

Photographie : Rainer Klausmann

Musique : FM Einheit

Durée : 1h50

Année de sortie : 2019

LE FILM

Hambourg, années 70. Au premier abord, Fritz Honka, n’est qu’un pitoyable loser. Cet homme à la gueule cassée traîne la nuit dans un bar miteux de son quartier, le « Gant d’or » (« Golden Glove »), à la recherche de femmes seules. Les habitués ne soupçonnent pas que Honka, en apparence inoffensif, est un véritable monstre.

Dans son premier long-métrage, L’EngrenageKurz und schmerzlos (1998), le réalisateur Fatih Akin (né en 1973) s’inspirait d’anecdotes personnelles et rendait hommage au cinéma de Martin Scorsese, en particulier à Mean Streets. Le metteur en scène y faisait déjà preuve d’une rare maîtrise technique en dépeignant la complexité des relations humaines, sujet qui sera alors son thème de prédilection. Ce qui fera aussi la marque de fabrique de Fatih Akin, c’est un cinéma sincère et humaniste, qui abolit les frontières en privilégiant l’entraide et la fraternité. Cependant, la violence y était déjà présente. En 2000, dans Julie en juilletIm Juli, le cinéaste, inspiré de L’Odyssée d’Homère, proposait l’antithèse complète de son premier film. Véritable chef d’oeuvre d’humour, cette histoire d’amour était en réalité un road-movie européen illuminé par Moritz Bleibtreu et Christiane Paul. De la Hongrie en passant par la Roumanie, la Bulgarie et par la Turquie, le second long-métrage de Fatih Akin était un film chaleureux et idéaliste, rendant un hommage avoué à L’Homme de Rio de Philippe de Broca et aux aventures de Tintin. Après le solaire Julie en juillet, Fatih Akin abordait un conflit de générations entre un père autoritaire et ses deux fils dans Solino (2002). Bon, nous allons arrêter là de passer en revue toute la filmographie de Fatih Akin, nous reparlerons un autre jour de Head-OnGegen die Wand (2004, Ours d’or à Berlin), de The Cut (2014) et de ses autres œuvres, pour se concentrer enfin sur son dernier long-métrage en date, l’inattendu Golden GloveDer Goldene Handschuh, sorti en 2019 au cinéma. Qu’il semble loin le temps de la comédie jubilatoire qu’était Soul Kitchen (2009) ! Deux ans après In the FadeAus dem Nichts, Golden Globe du meilleur film en langue étrangère et qui avait valu à Diane Kruger le Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes, Fatih Akin se confronte cette fois frontalement au genre horrifique. Pour cela, le réalisateur adapte le roman éponyme de Heinz Strunk (publié en 2016), qui relatait l’histoire vraie du tueur en série allemand Fritz Honka (1935-1998), qui dans les années 1970 s’en prenait aux femmes d’un certain âge, principalement alcooliques comme lui, qu’il appâtait dans un bar miteux de Hambourg (le Golden Glove donc) en leur proposant un ou plusieurs verres, avant de les ramener chez lui, où il les violentait, les violait avec ce qui lui passait sous la main, puis les assassinait, avant de les découper en morceaux et de conserver les membres soigneusement emballés et dissimulés dans un recoin de son appartement. Ceux qui se souviennent du Fatih Akin de Soul Kitchen qui célébrait la vie en communauté avec une légèreté rafraîchissante, risquent d’être sacrément bouleversés par Golden Glove. Mais bien sûr, le cinéaste ne livre pas un film d’horreur comme les autres et dresse avant tout le portrait dramatique d’un monstre humain (pléonasme ?), le visage reflétant le passé de son pays, le dos cassé par le poids des conséquences. Golden Glove est non seulement l’un des films les plus horribles vus sur un écran depuis une bonne quinzaine d’années, mais c’est aussi et peut-être l’une des plus incroyables performances d’acteurs de tous les temps, que l’on doit au jeune et méconnaissable Jonas Dassler, 22 ans au moment du tournage, métamorphosé (après trois heures de maquillage) avec son strabisme, ses cheveux gras et ses dents pourries. Golden Glove est d’ores et déjà une nouvelle référence du genre et un sommet dans la carrière de Fatih Akin.

Amateurs de cinéma d’horreur, ne vous attendez pas des effusions de sang. L’épouvante, l’effroi, le dégoût viennent d’ailleurs, par la crasse, celle des décors par exemple, en particulier celui de l’appartement de Fritz Honka, reconstitué à l’identique, comme le prouvent certaines photos d’archives dévoilées durant le générique final. Dès la première scène, le réalisateur plonge les spectateurs dans le monde pourri, suintant et laid de son personnage principal, qui vient de faire sa première victime et qui décide de la découper à l’aide d’une scie, pour ensuite emporter les morceaux épars dans une valise et les jeter dans un terrain vague. Quelques temps plus tard, nous retrouvons ce petit homme dans son bar fétiche, le Golden Glove, peuplé de paumés, d’hommes et de femmes au bout du rouleau, qui noient leur chagrin et leur âme dans le Schnaps frelaté. Difficile pour certains de leur donner un âge, mais dans l’ensemble, ces oubliés et parias de la société sont dans la cinquantaine et même plus. C’est là que Fritz Honka joue le rabatteur et slalome entre les piliers de bar qui se mettent minables, certains sont même inconscients depuis deux jours, mais personne ne s’en rend compte, pour se diriger vers ses futures proies. S’il paraît « organisé » dans son train-train, rien ne se passe jamais comme prévu et c’est là que Honka se laisse envahir par la violence qui éclate et prend autant le spectateur à la gorge qu’au dépourvu.

Âmes sensibles s’abstenir ! Golden Glove est une œuvre que l’on regarde quasiment en odorama et Fatih Akin parvient à nous faire (re)ssentir la puanteur qui envahit celles qui débarquent dans l’antre de la bête, qui s’insurge quand on lui dit que ces effluves nauséabonds et déclare qu’il s’agit de la cuisine de la famille grecque qui habite à l’étage du dessous. Puis, impuissant, Fritz Honka n’hésite pas à avoir recours à quelques saucisses (ou autres ré-jouissances) afin de satisfaire ses besoins les plus primaires. Pris dans un engrenage, cet homme cherchera à s’en sortir, tout d’abord en renonçant à l’alcool, puis en acceptant un poste de vigile de nuit. Mais le naturel reviendra vite au galop, surtout que ceux qui l’entourent l’entraîneront à nouveau sur le chemin du Schnaps, et cette fois sans espoir de retour.

Golden Glove s’avère un vrai chef d’oeuvre du genre, une expérience à part entière comme seul le cinéma est capable d’offrir et l’on se souviendra longtemps aussi bien de ce personnage effroyable et pathétique, que de ce malaise ressenti pendant ces deux heures ahurissantes.

LE COMBO BLU-RAY + DVD

Golden Glove est déjà notre neuvième chronique consacrée au catalogue d’Extralucid Films ! Le film de Fatih Akin apparaît enfin dans les bacs français grâce à cet éditeur décidément très prometteur, dans un combo Blu-ray + DVD. Les deux disques reposent dans un boîtier Amaray classique de couleur noire. La jaquette reprend le visuel de l’affiche hexagonale d’exploitation. L’ensemble est glissé dans un surétui cartonné au visuel démentiel, créé à cette occasion par Thomas Ott, auteur suisse de bande dessinée. Le menu principal est fixe et musical.

Le premier supplément est une présentation très (voire trop) rapide de Golden Glove par François Cau (6’30), journaliste cinéma pour le magazine Mad Movies et le site Nanarland. Installé dans une salle de cinéma, un peu figé et lisant son texte, François Cau replace Golden Glove au sein de la filmographie de Fatih Akin, dont il passe en revue les thèmes, les personnages, l’évolution et les partis-pris récurrents de son cinéma.

L’interactivité se décline ensuite sous forme de deux mini-featurettes de trois minutes en moyenne, donnant quelques rapides aperçus du tournage et donnant la parole à Fatih Akin, aux comédiens, à l’auteur Heinz Strunk, aux producteurs et à d’autres intervenants, qui abordent à la fois l’histoire vraie de Fritz Honka et la reconstitution du quartier du protagoniste dans les années 1970. Ces petits modules sont non seulement trop courts, mais aussi souvent marqués par des extraits du film. De son côté, Jonas Dassler évoque le challenge d’interpréter un tel personnage, surtout du haut de ses 22 ans !

L’éditeur joint aussi un petit reportage sur la réaction des spectateurs dans les salles et après la projection (1’), un document réalisé en accéléré qui montre les près de trois heures de maquillage transformant Jonas Dassler en monstre Zonka (1’15), un étrange clip vidéo intitulé Honka Honka (3’30) et enfin la bande-annonce du film.

L’Image et le son

Le Blu-ray est au format 1080p. Ce master HD fait la part belle aux partis pris esthétiques de la photographie de Rainer Klausmann, chef opérateur complice de Fatih Akin depuis Solino, qui avait aussi signé les images inoubliables de Leçons de ténèbres (1992) de Werner Herzog et des merveilleux Citronniers (2008) d’Eran Riklis. Le travail sur les couleurs est entièrement respecté ici avec des teintes maronnasses et jaunâtres, à l’instar des aisselles pleines de crasses visibles chez les personnages. Les gros plans impressionnent, surtout ceux qui cadrent le visage cabossé de Fritz Honka, ce qui permet d’apprécier et d’analyser le maquillage ahurissant de Jonas Dassler. Les décors et les costumes ne manquent pas de détails, malgré un piqué un peu léger.

Seule la version originale est disponible en DTS-HD Master Audio 5.1, et non pas en Dolby Atmos comme le stipule la jaquette. La spatialisation musicale est concrète, y compris sur le récurrent Es geht eine Träne auf Reisen d’Adamo, que Fritz Honka met constamment sur sa platine. Les dialogues sont solidement plantés sur la centrale, les effets annexes sont fins et présents, c’est du tout bon ! Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Extralucid Films / Warner Bros. / Boris Laewen / Gordon Timpen / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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