LES PIONNIERS DE LA WESTERN UNION (Western Union) réalisé par Fritz Lang, disponible en combo Blu-ray+DVD le 15 septembre 2020 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Randolph Scott, Robert Young, Virginia Gilmore, Dean Jagger, John Carradine, Slim Summerville, Chill Wills, Barton MacLane…
Scénario : Robert Carson d’après le roman de Zane Grey
Photographie : Edward Cronjager, Allen M. Davey
Musique : David Buttolph
Durée : 1h35
Date de sortie initiale : 1941
LE FILM
Vance Shaw, un hors-la-loi, sauve Edward Creighton, pied-tendre en charge de la construction de la ligne télégraphique. Sensible à la sœur de Creighton, il abandonne la vie de brigand et se joint comme éclaireur à l’équipe. Mais les ouvriers de la ligne sont les victimes régulières et des Indiens, et des attaques de bandits menés par le propre frère de Vance. Chacun dans un camp opposé, les deux frères vont dès lors s’affronter.
Grand amateur du travail de Sigmund Freud, Friedrich Christian Anton Lang alias Fritz Lang (1890-1976) n’aura de cesse au cours de sa longue et prolifique carrière, de se pencher sur la question du meurtre, des assassins, de la culpabilité et de la vengeance. En 1933, Joseph Goebbels propose au cinéaste le poste de directeur du département cinématographique de son ministère, celui de la propagande. Fritz Lang refuse. La légende dit que le réalisateur aurait déclaré à Goebbels que sa mère était juive. Il s’enfuit en France avant de s’installer aux Etats-Unis. Furie, son premier film américain et réquisitoire contre le lynchage, montre l’engagement du réalisateur. Suivront J’ai le droit de vivre (1937), Casier judiciaire (1938) et Le Retour de Frank James (1940), son premier western. Devant le succès rencontré par cette suite de Jesse James (Henry King, 1939) aka Le Brigand bien-aimé dans nos contrées, Fritz Lang se voit proposer un nouveau western par la Fox et Darryl Francis Zanuck, ainsi qu’un budget conséquent doublé d’une lourde équipe. Ce sera Les Pionniers de la Western Union (1941) ou tout simplement Western Union en version originale. Juste avant d’entamer sa tétralogie antinazie constituée de Chasse à l’homme – Man Hunt (1941), Les Bourreaux meurent aussi – Hangmen Also Die! (1943), Espion sur la Tamise – Ministry of Fear (1944) et Cape et Poignard – Cloak and Dagger (1946), Fritz Lang continue de se faire la main au sein des studios hollywoodiens en acceptant ce western assez lambda, qui vaut essentiellement aujourd’hui pour son casting de luxe et la séquence très impressionnante de l’incendie.
L’HOMME DE L’ARIZONA (The Tall T) réalisé par Budd Boetticher, disponible en combo Blu-ray+DVD le 15 septembre 2020 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Randolph Scott, Richard Boone, Maureen O’Sullivan, Arthur Hunnicutt, Skip Homeier, Henry Silva, John Hubbard, Robert Burton…
Scénario : Burt Kennedy d’après une nouvelle d’Elmore Leonard
Photographie : Charles Lawton Jr.
Musique : Heinz Roemheld
Durée : 1h18
Date de sortie initiale : 1957
LE FILM
Trois desperados ont tué le propriétaire d’un relais de diligence et son jeune fils. Dans la foulée, ils attaquent un convoi où ont pris place un couple en voyage de noces et Pat Brennan, un rancher solitaire. Apprenant que la jeune épouse est la fille d’une fortune de la région, les hors-la-loi envoient son mari réclamer, sous bonne escorte, une rançon au père. Pat Brennan et la femme restent seuls avec deux des bandits…
Le western de série B dans toute sa splendeur ! L’Homme de l’Arizona – The Tall T (1957) est le second film sur sept du très célèbre cycle Ranown. Même s’il est aujourd’hui quelque peu oublié des cinéphiles, le comédien Randolph Scott (1898-1987) demeure l’une des incarnations du héros du western américain, ayant collaboré avec les plus grands noms du genre, de John Ford à Victor Fleming, en passant par Henry Hathaway, Henry King, Michael Curtiz, Fritz Lang, John Sturges, André De Toth et bien d’autres. Un C.V. bien rempli et qui a de quoi faire des envieux ! Entretenant d’excellents rapports avec les cinéastes qui l’ont employé, Randolph Scott aura tourné huit fois sous la direction de Henry Hathaway et six fois chez André De Toth. Mais la fin de sa carrière reste marquée par son association avec le cinéaste Budd Boetticher (1916-2001). A l’aube de ses soixante ans, Randolph Scott entame une collaboration de sept longs métrages avec le réalisateur. Le film qui nous intéresse aujourd’hui, L’Homme de l’Arizona – The Tall T, est quasiment tourné dans la continuité de leur précédente association, Sept hommes à abattre – Seven Men from Now (1956), et avant Le Vengeur agit au crépuscule – Decision at Sundown (1957), L’Aventurier du Texas – Buchanan Rides Alone (1958), La Chevauchée de la vengeance – Ride Lonesome (1959), Le Courrier de l’or – Westbound (1960) et enfin Comanche Station (1960). Pur produit de la Columbia, L’Homme de l’Arizona est un grand western, sec, épuré, qui repose entre autres sur le charisme toujours intact de la star, sur son affrontement avec le génial Richard Boone, mais aussi sur une mise en scène ultra-efficace, ainsi que des dialogues somptueux écrits par le grand Burt Kennedy, d’après la nouvelle The Captive d’Elmore Leonard.
LE FORT DE LA DERNIÈRE CHANCE (The Guns of Fort Petticoat) réalisé par George Marshall, disponible en combo Blu-ray+DVD le 15 septembre 2020 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Audie Murphy, Kathryn Grant, Hope Emerson, Jeff Donnell, Jeanette Nolan, Sean McClory, Ernestine Wade, Peggy Maley…
Scénario : Walter Doniger d’après une idée originale de C. William Harrison
Photographie : Ray Rennahan
Musique : Mischa Bakaleinikoff
Durée : 1h22
Date de sortie initiale : 1957
LE FILM
Afin d’alerter les habitants d’une ville d’une attaque imminente de Comanches, le Lieutenant Frank Hewitt déserte l’armée nordiste. Il réussit à convaincre la population (composée uniquement de femmes) de se réfugier dans une ancienne mine. Pour affronter le chef des Indiens, qui est un blanc renégat, Hewitt entraîne les femmes à se défendre.
Sur Homepopcorn.fr, nous avons souvent parlé du comédien Audie Murphy, avec nos critiques de Sierra d’Alfred E. Green, de Kansas en feu de Ray Enright, de Duel sans merci de Don Siegel, d’A feu et à sang de Budd Boetticher, d’Une balle signée X de Jack Arnold et de 40 fusils manquent à l’appel de William Witney. Nous invitons donc celles et ceux qui voudraient en savoir plus sur le destin hors-normes d’Audie Leon Murphy (1925-1971), qui fut l’un des soldats américains les plus décorés de la Seconde Guerre mondiale, à se rendre sur nos précédents articles qui lui sont consacrés à lui et à ses films. En 1957, l’acteur désormais très bankable, retrouve le réalisateur George Marshall, avec lequel il avait collaboré trois ans plus tôt dans Le Nettoyeur – Destry, remake de Femme ou Démon – Destry Rides Again du même metteur en scène, sorti en 1939, avec Marlène Dietrich et James Stewart. Ce dernier affrontera d’ailleurs Audie Murphy dans Le Survivant des monts lointains – Night Passage de James Neilson. Cette deuxième association Marshall/Murphy s’intitule Le Fort de la dernière chance – The Guns of Fort Petticoat, qui s’avère une très bonne surprise puisqu’il s’agit ni plus ni moins d’un western féministe, dans lequel le comédien semble prendre beaucoup de plaisir à donner la réplique à ses partenaires en jupon. Rétrospectivement, on a même rarement vu Audie Murphy aussi détendu et naturel à l’écran, comme si le fait de se retrouver le seul homme (quasiment) en piste face à ses demoiselles et à ces femmes d’un âge respectable, lui permettait d’exprimer une nouvelle sensibilité et une autre facette de son personnage souvent dramatique et animé de pulsions violentes.
L’HEURE DU CRIME (Johnny O’Clock) réalisé par Robert Rossen, disponible en DVD le 16 juin 2020 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Dick Powell, Evelyn Keyes, Lee J. Cobb, Ellen Drew, Nina Foch, Thomas Gomez, Mabel Paige,Phil Brown, John Kellogg…
Scénario : Robert Rossen d’après une nouvelle de Milton Holmes
Photographie : Burnett Guffey
Musique : George Duning
Durée : 1h31
Date de sortie initiale : 1947
LE FILM
Johnny O’Clock et son partenaire Pete Marchettis sont à la tête d’une salle de jeux clandestine. Chuck Blayden, un policier corrompu, tente de s’acoquiner avec Pete, tout en mettant Johnny à l’écart. Quand Harriet, la petite amie de Chuck, est retrouvée morte, sa sœur Nancy soupçonne Chuck, qui a précipitamment quitté la ville. Elle demande alors à Johnny de l’aider à enquêter sur cette affaire, mais la situation se complique lorsque l’inspecteur Koch est placé sur l’affaire…
Pour beaucoup il est le mythique réalisateur de L’Arnaqueur – The Hustler (1961) avec Paul Newman, pour d’autres il est le grand scénariste des Fantastiques années 20 – The Roaring Twenties (1939) de Raoul Walsh et qui a aussi collaboré avec Lloyd Bacon (Femmes marquées tiré de l’histoire du gangster Lucky Luciano, Menaces sur la ville, A Child is Born), Lewis Milestone (L’Ange des ténèbres, Le Commando de la mort, L’Emprise du crime) et bien d’autres grands noms. Cet artiste, c’est Robert Rossen (1908-1966) dont le travail est inscrit dans la mémoire des cinéphiles, mais aussi en raison de la tristement célèbre liste noire, puisque le cinéaste, sympathisant communiste, sera l’une des victimes du maccarthysme dans les années 1950. Toutefois, à l’instar de son confrère Elia Kazan, Robert Rossen trahira la cause en livrant plusieurs dizaines de noms à la commission des activités anti-américaines lors de la chasse aux sorcières. Robert Rossen décide de passer derrière la caméra en 1947 avec L’Heure du crime – Johnny O’Clock, en s’attaquant à un genre alors en pleine explosion, le film noir. Désireux de montrer qu’il en a sous le capot en matière de mise en scène, le nouveau cinéaste adapte seul une nouvelle de Milton Holmes et en extrait un scénario proche de l’univers des romans de Raymond Chandler (Le Grand sommeil, Adieu, ma jolie), tout en faisant preuve d’une virtuosité confondante avec ce premier long métrage. Par ailleurs, il n’est pas interdit de penser que L’Heure du crime vaut aujourd’hui bien plus pour sa réalisation, sa sublime plastique et son casting parfait, que pour son récit quelque peu alambiqué qui pourrait encore laisser quelques spectateurs sur le côté de la route en s’éparpillant un peu dans tous les sens.
SEULS SONT LES INDOMPTÉS (Lonely Are the Brave) réalisé par David Miller, disponible en Édition Limitée Blu-ray + DVD le 26 juin 2020 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Kirk Douglas, Gena Rowlands, Walter Matthau, Michael Kane, Carroll O’Connor, George Kennedy, William Schallert, Karl Swenson…
Scénario : Dalton Trumbo d’après le roman d’Edward Abbey
Photographie : Philip H. Lathrop
Musique : Jerry Goldsmith
Durée : 1h47
Date de sortie initiale : 1962
LE FILM
Au Nouveau-Mexique, Jack Burns, authentique cowboy perdu dans notre monde moderne, retourne volontairement en prison pour aider son ami Paul à s’échapper. Mais comme celui-ci a décidé de purger sa peine jusqu’au bout, Jack s’évade tout seul mais est poursuivi par le shérif Johnson…
Kirk Douglas n’a eu de cesse de le répéter tout au long de sa prestigieuse carrière et de sa très longue vie, Seuls sont les indomptés – Lonely Are the Brave est toujours resté son film préféré. Le comédien, également producteur, tourne ce faux western et vrai drame existentiel entre El Perdido de Robert Aldrich et Quinze jours ailleurs de Vincente Minnelli, adapté du roman d’Edward Abbey, The Brave Cowboy. Une transposition signée Dalton Trumbo, dont le vrai nom était réapparu au générique d’un film depuis Exodus d’Otto Preminger, après avoir été inscrit sur la liste noire d’Hollywood. Autant dire que Seuls sont les indomptés bénéficie de sérieux atouts, même si le réalisateur David Miller (1909-1992) demeure méconnu. Certaines rumeurs affirment que Kirk Douglas aurait mis en scène une bonne partie du film, mais cela a été démenti depuis. Le cinéaste, auteur de plusieurs pépites comme La Pêche au trésor (1949) avec les Marx Brothers, Le Masque arraché (1952) avec Joan Crawford et Jack Palance et Complot à Dallas (1973) avec Burt Lancaster (encore écrit par Dalton Trumbo) a certes été remplacé quelques jours pour lui permettre de se rendre aux côtés de son père mourant, mais c’est à lui que l’on doit une grande partie de la réussite de The Lonely Brave, chef d’oeuvre crépusculaire et désenchanté, quasi-inclassable, d’une richesse inouïe et merveilleusement interprété.
TOKYO JOE réalisé par Stuart Heisler, disponible en DVD et Blu-ray le 16 juin 2020 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Humphrey Bogart, Alexander Knox, Florence Marly, Sessue Hayakawa, Jerome Courtand, Gordon Jones, Teru Shimada, Hideo Mori…
Scénario : Steve Fisher, Walter Doniger, Cyril Hume, Bertram Millhauser
Photographie : Charles Lawton Jr.
Musique : George Antheil
Durée : 1h29
Date de sortie initiale : 1949
LE FILM
Joe Barrett revient à Tokyo après la guerre et retrouve la femme qu’il aimait et qu’il croyait morte. Pour donner un nom à l’enfant qu’elle attendait, Trina s’est mariée avec Mark Landis. Joe souhaite récupérer Trina. Celle-ci lui révèle que sa fille Anya est sa propre fille. Joe va alors accepter de travailler pour le compte du baron Kimura, un baron de la pègre locale…
Eh oui, même le grand Humphrey Bogart a fait des mauvais films ou des films passables ! C’est clairement le cas de Tokyo Joe (1949) qui clôt une décennie exceptionnelle pour le comédien, durant laquelle il aura entre autres enchaîné Le Faucon maltais (1941) de John Huston, Casablanca (1942) de Michael Curtiz, Le Port de l’angoisse et Le Grand Sommeil d’Howard Hawks (1944, 1946), En marge de l’enquête (1947) de John Cromwell, Les Passagers de la nuit (1947) de Delmer Daves, sans oublier Le Trésor de la Sierra Madre (1948) et Key Largo (1948), cette fois encore réalisés par John Huston. La même année que Les Ruelles du malheur – Knock on any door de Nicholas Ray, Humphrey Bogart, qui à cette occasion venait de fonder sa société de production Santana, se lance dans l’aventure de Tokyo Joe et propose au cinéaste Stuart Heisler (1896-1971) de le mettre en scène. La seconde équipe est déjà sur le coup et part au Japon pour filmer quelques séquences dans les rues de Tokyo, où se déroule l’histoire, en prenant également une doublure dissimulée sous un chapeau et un Trench Coat bien reconnaissables pour montrer le personnage principal déambuler à droite à gauche. Rétrospectivement, Tokyo Joe sera le premier film américain à être tourné au Japon après la Seconde Guerre mondiale, même si encore une fois, Humphrey Bogart n’y aura jamais mis les pieds à cette occasion. En résulte un film déséquilibré, marqué par quelques jolies scènes entre la star et sa partenaire, la ravissante Florence Marly (vue dans Les Maudits de René Clément), mais qui s’éparpille trop dans sa deuxième partie où l’on finit par perdre le fil et même se désintéresser des personnages. Dommage, car Humphrey Bogart y est comme d’habitude parfait, y compris lorsqu’il fait du surplace devant de (trop) nombreuses transparences.
LA CIBLE HUMAINE (The Gunfighter) réalisé par Henry King, disponible en Édition Limitée Blu-ray + DVD le 26 juin 2020 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Gregory Peck, Helen Westcott, Millard Mitchell, Jean Parker, Karl Malden, Skip Homeier, Anthony Ross, Verna Felton, Ellen Corby, Richard Jaeckel…
Scénario : William Bowers, William Sellers, Andre De Toth
Photographie : Arthur C. Miller
Musique : Alfred Newman
Durée : 1h24
Date de sortie initiale : 1950
LE FILM
Considéré comme le meilleur tireur de la région, le hors-la-loi Jimmy Ringo, est constamment défié par des imprudents qui veulent se mesurer à lui. C’est dans cette situation que Jimmy va être obligé d’abattre Eddie. Désormais les trois frères d’Eddie sont à ses trousses, alors que Jimmy souhaite fuir son passé de violence et retrouver sa femme Peggy qu’il aime et dont il a un fils.
Quel merveilleux film ! La Cible humaine – The Gunfighter, ou bien encore L’Homme aux abois pour son titre français alternatif, est peut-être l’un des plus beaux westerns des années 1950. Réalisé par le prolifique Henry King (1886-1982), l’un des fondateurs de l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences, il s’agit avant tout d’un drame existentiel et psychologique centré sur un homme qui n’a pas choisi de devenir une légende, mais qui grâce à son talent de tireur hors pair est parvenu à se sortir de quelques situations dangereuses, du genre de celles où il vaut mieux tirer le premier plutôt que de ne pas avoir le temps de le faire. La Cible humaine scelle les retrouvailles du cinéaste avec Gregory Peck, deux ans après Un homme de fer – Twelve O’Clock High, où les deux hommes avaient été enchantés de leur collaboration. C’est d’ailleurs le comédien qui a su imposer Henry King, après la défection d’Andre De Toth, même si ce dernier avait jusqu’à présent porté le projet depuis le début et participé à son écriture. Andre De Toth est toujours crédité au scénario, mais Henry King a su immédiatement s’approprier l’histoire de ce cowboy singulier, Jimmy Ringo, qui a par ailleurs existé et que l’on retrouvera dans d’autres westerns (Règlements de comptes à OK Corral, Tombstone, Wyatt Earp), qui porte le poids d’une malédiction, celle d’être devenu un mythe vivant en raison de sa dextérité aux armes à feu. Gregory Peck est parfait dans ce rôle d’anti-héros, dont le corps dégingandé paraît fatigué, usé par le fait de devoir être sur la route en permanence, afin d’échapper à ceux qui voudraient se mesurer à lui. La Cible humaine est certes un film court (à peine 1h25), mais il s’avère extrêmement riche et dense dans son approche et dans son portrait dressé du héros de l’Ouest américain. Un chef d’oeuvre absolu.
QUAND LES TAMBOURS S’ARRÊTERONT (Apache Drums) réalisé par Hugo Fregonese, disponible en Édition Limitée Blu-ray + DVD le 26 juin 2020 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Stephen McNally, Coleen Gray, Willard Parker, Arthur Shields, James Griffith, Armando Silvestre, Georgia Backus, Clarence Muse…
Scénario : David Chandler d’après le roman d’Harry Brown
Photographie : Charles P. Boyle
Musique : Hans J. Salter
Durée : 1h15
Date de sortie initiale : 1951
LE FILM
En 1880, dans la ville de Spanish Boot, Sam Leeds se fait chasser car il a tué un de ses concitoyens. Bien que le meurtre ait eu lieu en état de légitime défense, le maire ne veut rien entendre. Ce dernier, du nom de Joe Madden, décide également de faire partir les prostituées. Alors que Sam quitte définitivement la ville, il retrouve les femmes sauvagement assassinées par des Apaches Mescaleros. Ce groupe est en route vers la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis pour rejoindre une guerre et son chemin passe par Spanish Boot…
Réalisateur argentin, Hugo Fregonese (1908-1987) est bien connu des amateurs de westerns, avec des titres aussi réputés que Le Signe des renégats (1951), Passage interdit (1952), Le Raid (1954) ou Les Cavaliers rouges (1964). Mais l’un des sommets de sa carrière demeure Quand les tambours s’arrêteront – Apache Drums (1951), pourtant totalement ignoré aux Etats-Unis, probablement parce que ce chef d’oeuvre privilégie le suspense et le huis-clos, là où la plupart des westerns de l’époque misaient sur les grands affrontements à ciel ouvert. Merveilleusement mis en scène, Quand les tambours s’arrêteront bifurque progressivement vers le film de genre, puisque toute la deuxième partie se focalise sur des habitants regroupés dans l’église du village, tandis que les indiens, que nous ne verrons qu’à la toute fin, encerclent la bâtisse. Quand on parle de film de genre, c’est qu’Apache Drums annonce pour ainsi dire le film de zombies, avec des indiens semblant assoiffés de sang qui n’apparaissent que sporadiquement et qui ne parviennent à s’introduire dans ce repaire improvisé que par quelques fenêtres dérobées. Ajoutez à cela un immense travail sur les couleurs et sur le son, et vous obtenez un des westerns les plus atypiques et peut-être même des plus ambitieux de l’histoire du cinéma, malgré un budget qu’on imagine restreint et des conditions drastiques de tournage.
A la fin du XIXè siècle, les Apaches Mescaleros, à l’instigation de leur chef Vittorio, sont sur le sentier de la guerre aux abords de la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Dans cette zone se trouve la petite ville américaine de Spanish Boot, dont le maire Joe Madden expulse le joueur professionnel Sam Leeds qui vient d’abattre, en état de légitime défense, un autre joueur. Madden expulse dans le même temps les prostituées de la ville, que Leeds parti après elles retrouve non loin de là, massacrées par les Apaches. Il revient alors à Spanish Boot pour prévenir les citoyens du danger.
Quand les tambours s’arrêteront est un film que le spectateur ne peut oublier après l’avoir vu. Pourtant, l’histoire commence de façon standard, le décor est rapidement planté, les personnages suffisamment esquissés. Pas de grande star au générique, l’empathie est immédiate pour tel ou tel protagoniste et même un panneau en introduction indique la raison pour laquelle les indiens emploient la manière forte, non pas pour attaquer, mais au contraire pour défendre leur territoire et trouver de la nourriture. Puis la violence s’immisce progressivement, notamment quand Leeds (Stephen McNally, précédemment vu dans Winchester ’73 d’Anthony Mann) découvre les prostituées exterminées par les Apaches. Le rouge, par le sang versé et par les costumes, parasite l’ocre de la terre et le ciel bleu azur. Au fur et à mesure du récit, formidablement écrit par David Chandler, d’après le roman Stand at Spanish Boot de Harry Brown (L’Orchidée blanche, Iwo Jima, L’Homme à l’affût), l’action se resserre sur les personnages après un gunfight violent avec les Apaches, jusqu’au regroupement dans l’église. La nuit tombe, les fenêtres se colorent d’une teinte rouge orangée (magnifique photographie de Charles P. Boyle), provenant du feu qui brûle à l’extérieur, tandis que le fracas des tambours résonne de plus en plus, créant ainsi une forme de transe qui s’empare des personnages, mais aussi des spectateurs, en espérant que la cavalerie intervienne.
Dernière production du grand Val Lewton (La Féline, Vaudou, L’Homme-léopard, La Malédiction des hommes-chat, Le Récupérateur de cadavres), relativement peu connu des spectateurs, et pour cause puisque le film avait quasiment disparu des radars pendant très longtemps, Quand les tambours s’arrêteront désintègre les codes du western pour s’orienter à la mi-temps vers le film d’épouvante où la peur et l’angoisse vécues par les héros sont ressenties par les spectateurs, plongés comme eux dans cette église encerclée par un ennemi invisible et pourtant omniprésent. Une vraie merveille, dont le culte n’a cessé de s’étendre depuis.
LE BLU-RAY
Il aura donc fallu attendre près de dix ans pour que Quand les tambours s’arrêteront soit enfin disponible en Blu-ray chez Sidonis Calysta, après une première édition en DVD. Il s’agit ici d’une Édition Limitée Blu-ray + DVD. Le menu principal est animé et musical.
L’éditeur reprend les deux présentations disponibles sur le DVD sorti en septembre 2011. Bertrand Tavernier (25’) et Patrick Brion (11’) étaient déjà présents et disaient tout le bien (euphémisme) qu’ils pensaient du film d’Hugo Fregonese. Le premier indique sa rareté (jamais sorti en VHS, en DVD et aucune copie n’était disponible pour les cinémas), avant d’en venir à la carrière du producteur Val Lewton (décédé avant la sortie d’Apache Drums et dont l’influence est explicite sur le film de Fregonese) et d’analyser le film sur le fond comme sur la forme. Bertrand Tavernier déclare qu’il s’agit pour lui d’une des plus belles photographies d’un western des années 1950, tout en revenant sur le casting et le travail sur les couleurs.
Patrick Brion prend énormément de plaisir à parler de Quand les tambours s’arrêteront et de le faire découvrir à ceux qui ne connaîtraient pas encore ce film très rare. L’historien du cinéma aborde ici la carrière du scénariste, du réalisateur et surtout du producteur d’Apache Drums, tout en parlant de ses thèmes, ainsi que du travail du directeur de la photographie Charles P. Boyle.
L’interactivité se clôt
sur la bande-annonce.
L’Image et le son
La propreté est évidente. Hormis quelques points blancs ici et là et des tâches, les autres poussières ont disparu, aucune griffure ne subsiste. Le cadre 1.37 (16/9) est superbe, la texture argentique préservée, les détails ne manquent pas et les trois bandes chromatiques du Technicolor sont bien alignées, hormis sur les nombreux plans sombres, qui occasionnent quelques flous sur les visages, mais rien de bien méchant. Les contrastes sont à l’avenant. Il s’agit de la première édition HD dans le monde pour Quand les tambours s’arrêteront.
La version française DTS-HD Master Audio 2.0. est quelque peu étriquée, accompagnée d’un souffle chronique et la musique frôle parfois la saturation. En revanche, la piste anglaise DTS-HD Master Audio 2.0. instaure un grand confort acoustique, riche, dynamique et propre. Les sous-titres français ne sont pas imposés.
UN PACTE AVEC LE DIABLE (Alias Nick Beal) réalisé par John Farrow, disponible en DVD le 16 juin 2020 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Ray Milland, Audrey Totter, Thomas Mitchell, George Macready, Fred Clark, Geraldine Wall, Henry O’Neill, Darryl Hickman…
Scénario : Jonathan Latimer
Photographie : Lionel Lindon
Musique : Franz Waxman
Durée : 1h29
Date de sortie initiale : 1949
LE FILM
Frankie Faulkner, dont les activités sont liées au jeu, propose au procureur Joseph Foster de l’aider à devenir gouverneur. Foster refuse et, grâce au mystérieux Nick Beal, il obtient les livres de comptes qui lui permettent de faire condamner Hanson, un joueur. Cette condamnation conforte la notoriété de Foster à qui Nick Beal propose de l’argent pour sa campagne. Martha, la femme de Foster, lui demande de refuser, mais Foster rencontre Donna Allen, qui le séduit et le conduit à certaines compromissions…
Bien que méconnu en France, le réalisateur américain d’origine australienne John Farrow (1904-1963), né John Villiers Farrow, également scénariste, producteur et comédien, est l’auteur d’un des plus grands mélodrames issus des studios de la RKO, Quels seront les cinq ? – Five came back (1939), co-écrit par Dalton Trumbo. Le cinéaste signera lui-même un remake de son propre film en 1956, Les Echappés du néant – Back from Eternity, avec Robert Ryan, Anita Ekberg et Rod Steiger. Eclectique, érudit, John Farrow aura touché à tous les genres, du film policier au western, en passant par le film historique, les récits de guerre, le film d’aventure et le thriller. Californie, terre promise, est son premier western, mais aussi sa première collaboration avec le comédien britannique Ray Milland (1907-1986), avec lequel il fera quatre films, dont La Grande horloge – The Big Clock (1948), Un pacte avec le diable – Alias Nick Beal (1949) et Terre damnée – Copper Canyon (1950). Aujourd’hui, c’est leur troisième et plus étrange association qui nous intéresse. A la fois film noir, drame politique et film fantastique, Un pacte avec le diable est ce qu’on pourrait qualifier un film de genre, puisque le scénario de Jonathan Latimer (le créateur du personnage de Bill Crane), collaborateur de John Farrow sur une bonne dizaine de longs-métrages, place le personnage de Lucifer, du Malin, du prince des ténèbres, de Belzébuth, de Satan ou comme vous voudrez l’appeler, au milieu d’hommes politiques, en particulier un, sur lequel il a jeté son dévolu. Un pari pour lui puisque l’individu en question est un modèle d’intégrité, d’impartialité, de vertu et de probité. Autant dire que ce n’est pas gagné d’avance mais c’est l’enjeu du diable et où le jeu de Ray Milland prend toute son ampleur. L’acteur se délecte dans ce rôle suintant et tiré à quatre épingles, manipulant les êtres humains comme des pions sur un échiquier dans un seul but, anéantir les valeurs de l’homme le plus honnête du monde, pour mieux s’approprier son âme. Un pacte avec le diable est une sacrée découverte à situer entre Tous les biens de la terre – The Devil and Daniel Webster (1941) de William Dieterle et Angel Heart : Aux portes de l’enfer (1987) d’Alan Parker.
LA POURSUITE IMPITOYABLE (The Chase) réalisé par Arthur Penn, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 22 mai 2020 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Marlon Brando, Jane Fonda, Robert Redford, E.G. Marshall, Angie Dickinson, Janice Rule, Miriam Hopkins, Martha Hyer, Robert Duvall, Paul Williams…
Scénario : Lillian Hellman d’après le roman de Horton Foote « The Chase »
Photographie : Joseph LaShelle
Musique : John Barry
Durée : 2h15
Date de sortie initiale : 1966
LE FILM
Bubber Reeves s’évade de prison avec un complice qui, après avoir volé une voiture et tué un conducteur, l’abandonne. Bubber est alors accusé du crime. Dans sa ville natale de Tarl, au Texas, l’annonce de son évasion et du meurtre déchaîne les haines et les passions, trop longtemps retenues. Anna, sa femme, devenue la maîtresse du fils du magnat local, Val Rogers, qui a commis le délit dont fut accusé Reeves, craint de voir sa faute éclater au grand jour. Le Shérif Calder, quant à lui, sait qu’il va lui falloir protéger le fuyard d’une foule fanatique, qui n’a plus qu’un seul souhait : terminer la fête du samedi soir par un lynchage…
La Poursuite impitoyable – The Chase (1966), c’est un peu comme qui dirait le film maudit d’Arthur Penn (1922-2010), une œuvre qu’il a désavoué après en avoir été écarté du montage par son producteur omnipotent, Sam Spiegel, qui comptait à son actif L’Odyssée de l’African Queen (1951), Le Rôdeur (1951), Sur les quais (1954), Le Pont de la rivière Kwaï (1957), Soudain l’été dernier (1959) et Lawrence d’Arabie (1962). Une belle carte de visite. Projet passé de main en main, avec des scénaristes qui se sont succédé et un casting qui n’a pas arrêté de muter, La Poursuite impitoyable a beau avoir été accouché dans la douleur, il n’en demeure pas moins une immense et incontestable réussite, emblématique du cinéma d’Arthur Penn, qui convie le spectateur une plongée asphyxiante dans une petite bourgade américaine paumée, un samedi, essentiellement en soirée quand les habitants décident de se mettre minable afin d’oublier momentanément qu’ils s’emmerdent royalement. Mais c’était sans compter sur le retour en ville (probable) d’un enfant du pays, alors détenu en cavale. Adapté de la pièce de théâtre et du livre de Horton Foote, lauréat de l’Oscar du meilleur scénario adapté pour Du silence et des ombres – To Kill a Mockingbird, adaptation du roman Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur de Harper Lee réalisée par Robert Mulligan, The Chase est un drame psychologique et viscéral qui prend aux tripes jusqu’à l’explosion de violence finale, véritable enfer sur Terre, dont le seul et quasi-unique espoir est représenté par un shérif intègre, magnifiquement incarné par Marlon Brando dans un de ses plus grands rôles. Il s’agit aussi d’un des premiers films en vedettes d’un certain Robert Redford.