Test Blu-ray / Les Charognards, réalisé par Don Medford

LES CHAROGNARDS (The Hunting Party) réalisé par Don Medford, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 12 février 2021 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Oliver Reed, Gene Hackman, Candice Bergen, Simon Oakland, Mitchell Ryan, Ronald Howard, L.Q. Jones, William Watson…

Scénario : William W. Norton, Gilbert Alexander & Lou Morheim

Photographie : Cecilio Paniagua

Musique : Riz Ortolani

Durée : 1h51

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

Redoutés dans toute la région, Frank Calder et sa bande de hors-la-loi font irruption dans le comté de Ruger, Texas. Son but : enlever une institutrice qui lui apprendrait à lire et écrire. Il ignore encore que son otage, la belle Melissa, est l’épouse de Brandt Ruger, le maître de la région qui ne connaît qu’une réponse : la loi du plus fort. Et, à la tête d’une petite armée, il se lance sur les traces de Calder et de ses hommes, déterminés à leur faire définitivement mordre la poussière…

En 1971, l’âge d’or du western américain est bel et bien révolu. Le Nouvel Hollywood est en plein essor et surtout le genre tel que nous l’avons connu a depuis été trituré, digéré, parodié même en Italie depuis l’avènement et le triomphe d’On l’appelle Trinita Lo chiamavano Trinità… d’Enzo Barboni en 1970. Les CharognardsThe Hunting Party, réalisé par Don Medford, arrive un peu par surprise en 1971 et s’avère non seulement un western très réussi, mais aussi sérieux, frontal, marqué par la violence emblématique de l’époque et tout droit héritée – entre autres – par les œuvres de Sam Peckinpah, en particulier La Horde Sauvage The Wild Bunch (1969), qui reste à n’en point douter LA référence du genre. Une fois n’est pas coutume, le titre français, Les Charognards donc, est très bien choisi et caractérise bien les personnages du film, même si l’intrigue révélera très vite que les rapaces ne sont pas ceux qu’on attendait. The Hunting Party est évidemment plus explicite, puisque le film oppose deux camps, l’un étant pris en chasse par l’autre, autrement dit Oliver Reed et sa bande poursuivis par Gene Hackman et les siens. Au centre, l’objet de cette traque, une femme, interprétée par la superbe Candice Bergen. Et c’est parti pour une poursuite de près de deux heures, marquée par quelques explosions impressionnantes de rage et d’animalité, parcourue par une réelle réflexion sur le caractère primitif de l’être humain, de l’homme plutôt, teintée d’humour (la célèbre séquence des pêches ingurgitées) et même d’émotions complètement inattendues. Un western à ne surtout pas manquer.

Chef de bande et hors-la-loi, Frank Calder enlève, devant une école, Mélissa. L’ayant vue parmi des enfants, il croit, à tort, qu’elle est institutrice, et il attend d’elle qu’elle lui apprenne à lire, dans l’espoir d’échapper à sa condition. Tentative audacieuse et folie, car Mélissa est mariée à un richissime propriétaire, Brandt Ruger. Cet individu odieux méprise sa femme – qu’il a eu plaisir à torturer sexuellement et moralement, – mais, cruauté, orgueil, vengeance, il va néanmoins prendre prétexte du rapt pour organiser, avec l’appui des notables de la région, une partie de chasse.

En 1971, Oliver Reed (1938-1999) a déjà plus de dix ans de carrière derrière-lui. Quand il tourne Les Charognards, le comédien a déjà tourné La Nuit du loup-garou The Curse of the Werewolf (1961) de Terence Fisher, où il tenait le rôle-titre, Le Fascinant Capitaine Clegg (1962) de Peter Graham Scott, Les Damnés The Damned (1963) de Joseph Losey, ParanoïaqueParanoiac (1963) de Freddie Francis, des titres phares de la Hammer Films dans lesquels il explose, même en tant que second rôle. Le grand succès d’Oliver ! (1968) de Carol Reed (son oncle) l’impose définitivement dans le peloton des comédiens britanniques à suivre de près. Quand il tourne Les Charognards, Les DiablesThe Devils de Ken Russell n’est pas encore sorti et apparaîtra d’ailleurs sur les écrans deux ou trois mois après le film de Don Medford. 1971 est donc une très grande année pour Oliver Reed, qui crève l’écran une fois de plus dans The Hunting Party, en composant un personnage tout d’abord extrêmement repoussant, crasseux, bourru, qui par exemple mange la viande crue à même la vache qu’il vient de tuer. Il interprète Frank Calder, le meneur d’une bande réputée dans le Texas, qui du haut de ses trente ans a décidé de se faire une éducation, en particulier d’apprendre à lire, songeant probablement à arrêter ses méfaits, pour s’installer quelque part, s’occuper d’une exploitation ou de bétails dans un coin reculé de l’État. Pour cela, il enlève Melissa, qu’il aperçoit avec des enfants à la sortie d’une école, pensant qu’il s’agit de l’institutrice du village. Ce qu’il ne sait pas, c’est que Melissa (Candice Bergen) rendait service à la véritable maîtresse d’école et qu’elle est en réalité l’épouse d’un certain Ruger (Gene Hackman), homme fortuné, qui possède tout et qui considère d’ailleurs sa femme comme sa propriété. Homme habité par la frustration sexuelle, il est en effet présenté d’emblée comme un homme impuissant, qui faute de pouvoir satisfaire Melissa, s’en prend à elle violemment tout en l’humiliant, Ruger compense cette frigidité en chassant le gros gibier à l’aide d’une carabine dernier cri, armée d’une longue vue et capable de toucher sa cible à plus de 800 mètres. Alors, quand il apprend que Melissa a été enlevée par Calder, Ruger parvient à embarquer ses potes dans une partie de chasse et décide d’éliminer un à un les membres de la bande adverse, mais en restant bien à l’écart et en utilisant les possibilités de sa nouvelle et puissante arme. Pendant ce temps, Calder et Melissa se rapprochent.

Les Charognards brille par un scénario en béton écrit par William W. Norton (La Grande vallée), Gilbert Ralston (Star Trek, Les Mystères de l’Ouest, Willard, Ben) et Lou Morheim (Rawhide, Le Virginien), trois auteurs rompus au genre, qui ont su prendre le train en marche et participer à l’évolution et à la transformation du western à l’orée des années 1970. La psychologie des personnages est subtile, non seulement celle des deux protagonistes masculins, mais aussi celle de Melissa, certainement pas là pour faire tapisserie et qui essaiera à plusieurs reprises de se faire la malle et de s’en prendre physiquement à ses ravisseurs qui d’emblée voudront abuser d’elle. « Une vraie tigresse » comme le dit l’un des hommes de Calder, qui de son côté fera tout pour la protéger de ses comparses en rut, tout en essayant de la persuader de bien vouloir lui inculquer les rudiments de la lecture et de l’écriture, lui qui ne connaît même pas l’alphabet. En revanche, The Hunting Party ne brille pas par sa mise en scène, somme toute banale, efficace certes, mais qui se contente de plagier parfois son modèle (Sam Peckinpah) en utilisant notamment le ralenti sur les séquences d’action, où l’hémoglobine coule et où les impacts de balles sont filmés en gros plan. Don Medford (1917-2012) fera essentiellement sa carrière à la télévision (L’Homme à la carabine, Les Incorruptibles, Mme Columbo, La Quatrième dimension, Dynastie, L’Homme qui tombe à pic) et ne réalisera qu’un autre long-métrage pour le cinéma, sorti la même année que Les Charognards, L’Organisation The Organization, troisième volet de la saga Virgil Tibbs, personnage mythique interprété par Sidney Poitier, apparu en 1967 dans Dans la Chaleur de la nuitIn the Heat of the Night de Norman Jewison. Quant à Gene Hackman, absolument immonde, sadique, bestial, sublime donc dans Les Charognards, sa carrière prendra définitivement son envol tout de suite après la sortie de The Hunting Party, puisque French Connection de William Friedkin sortira un mois plus tard, faisant de lui une star internationale et le lauréat de l’Oscar du meilleur acteur l’année suivante.

Entièrement tourné en Espagne, y compris à Almeria, Les Charognards se situe à mi-chemin du western américain et du genre repris en main par les italiens. Ce cocktail détonnant en met plein les yeux, contentera largement les aficionados, tout en caressant dans le sens du poil les spectateurs avides de violence, tant physique que psychologique. Un grand film, dont l’émotion, la souffrance, le dégoût et les frissons vont crescendo, pour atteindre les sommets dans un final dantesque, redoutablement pessimiste et inoubliable, durant lequel la composition de Riz Ortolani s’inscrit dans les mémoires.

LE BLU-RAY

Les Charognards fait partie du catalogue Sidonis Calysta depuis 2008. L’éditeur propose enfin le film de Don Medford en Haute-Définition, disponible en combo Blu-ray + DVD dans la collection Silver, ainsi qu’en édition DVD individuelle. Le menu principal est animé et musical.

Sidonis Calysta propose tout d’abord une interview (12’) du comédien Mitchell Ryan (né en 1934), qui incarne Doc Harrison dans Les Charognards, réalisée en 2017, dans laquelle il revient surtout sur les soirées qu’il a passées à boire avec Oliver Reed (« je n’ai jamais vu quelqu’un boire autant »), ainsi que sur les conditions de tournage (« facile et agréable, même si l’équipe était surveillée par la police de Franco »). On apprend que suite à une bagarre dans un bar, la production décide au bout de deux semaines de virer Mitchell Ryan, plus facile à évincer que la star Oliver Reed. Quelque temps plus tard, l’acteur est rappelé car son partenaire ne voulait pas donner la réplique à celui qui l’avait remplacé. Enfin, Mitchell Ryan se confie sur le fait que c’est à partir de ce film qu’il s’est pris en main et qu’il est devenu « un adulte responsable ».

Place au journaliste, critique et directeur du cinéma sur Arte, Olivier Père, d’aborder, d’analyser, de disséquer Les Charognards (40’). Tout, vous saurez absolument tout sur le film de Don Medford, ses influences (Sam Peckinpah, le western italien, Les Chasses du Comte Zaroff), les partis-pris (la représentation de la violence notamment, la multiplication des mises à mort particulièrement cruelles), la dimension sexuelle du récit, la démence du personnage interprété par Gene Hackman, le dénouement nihiliste et désespéré, la réflexion sur le machisme et la virilité, le casting, la musique de Riz Ortolani et encore bien d’autres éléments. Notons que ce document contient de très nombreux spoilers.

L’éditeur reprend aussi l’intervention de Patrick Brion de 2008 (7’20), durant laquelle l’historien du cinéma indique d’emblée qu’il ne s’agit évidemment pas d’un de ses westerns de prédilection, mais reste avant tout représentatif de l’évolution du western au début des années 1970.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Vu l’interview de Mitchell Ryan créditée Kino Lorber, il est évident que Sidonis Calysta ait aussi repris le master HD des Charognards de l’éditeur américain sorti en 2017. Une copie tout à fait convenable, qui respecte la texture originale, sans avoir eu recours au DNR. Si les couleurs un peu pâles (seul bémol réel de ce Blu-ray, par ailleurs au format 1080p), la stabilité est irréprochable, la propreté est indéniable (diverses poussières et rayures subsistent, mais rien de bien méchant), le piqué satisfaisant et le relief appréciable sur les plans larges. Bon point en ce qui concerne les gros plans.

En version originale comme en français, les deux pistes DTS-HD Master Audio 2.0 assurent le spectacle, avec un avantage aussi évident qu’attendu pour la première, nettement mieux équilibrée et naturelle. Dans les deux cas, la musique de Riz Ortolani est dynamique et les bruitages vifs. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © MGM / Sidonis Calysta / United Artists / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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