Test Blu-ray / Tu es si jolie ce soir, réalisé par Jean-Pierre Mocky

TU ES SI JOLIE CE SOIR réalisé par Jean-Pierre Mocky, disponible en DVD et Blu-ray le 20 janvier 2021 chez ESC Editions.

Acteurs : Delphine Chanéac, Thierry Neuvic, Lola Dewaere, Laurent Biras, Christian Vadim, Lionel Abelanski, Francois Vincentelli, Jean-Pierre Mocky…

Scénario : Jean-Pierre Mocky & André Ruellan, d’après le roman The Way You Look Tonight de Carlene Thompson

Photographie : Jean-Paul Sergent

Musique : Vladimir Cosma

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 2015

LE FILM

On se marie pour le meilleur…et le pire. Déborah, jusque-là, n’a connu que le meilleur. Mère de deux beaux enfants, vie de rêve…Rien ne la préparait à la disparition brutale de son époux. Ce dernier, sans raison apparente, s’est volatilisé du jour au lendemain. Certes, il était parfois un peu absent, étrange, peu bavard et absorbé par le travail mais il était également fiable et solide. C’est du moins ce que pensait sa femme jusqu’ à ce que le doute s’installe…

Tu es si jolie ce soir est l’un des trois opus réalisés par Jean-Pierre Mocky sortis en 2015, avec Les Compagnons de la pomponette et Monsieur Cauchemar. C’est aussi la seconde fois que le réalisateur adapte un roman de Carlene Thompson, vingt ans après Noir comme le souvenir, avec Jane Birkin et Sabine Azéma. Soyons honnêtes d’emblée, ce n’est clairement pas ce que le prolifique Mocky a fait de mieux dans les années 2010 loin de là, et il s’agit peut-être même d’un de ses films les plus faibles parmi les 17 mis en scène dans sa dernière décennie. Mais pourtant, on ne peut pas s’empêcher d’avoir un faible pour ce mauvais roman de gare, qui en dépit de ses nombreux défauts, contient quand même quelques éléments attachants et réussis, à commencer tout d’abord par le charme, le talent et la belle présence de la comédienne Delphine Chanéac, aperçue en 2005 dans Brice de Nice de James Huth, où elle est remarquée et grâce auquel elle se voit confier le rôle-titre de la mini-série Laura, diffusée sur M6 l’été 2006. En 2010, le réalisateur de Cube, Vincenzo Natali, la choisit pour interpréter Dren, la créature de son film Splice, où elle a pour partenaire Adrien Brody et Sarah Polley. Jean-Pierre Mocky ne s’est pas trompé en lui confiant le rôle principal de son polar tout droit hérité des Séries Noires, où elle est impeccable et où sa beauté rappelle parfois celle de la suédoise Rebecca Ferguson. La comédienne élève le niveau du film et trône sur un casting impliqué, où l’on retrouve aussi Lola Dewaere, Thierry Neuvic, Christian Vadim, Lionel Abelanski, François Vincentelli et même Jean-Pierre Mocky lui-même vêtu d’une gabardine et d’un galurin d’un autre temps et qui prenait encore un plaisir évident à composer un personnage étrange, affublé ici d’une démarche boiteuse. Le sieur Mocky s’amuse à rendre tout ce beau petit monde suspect dans une histoire de meurtre, où la véritable identité de l’assassin peut d’ailleurs se deviner assez vite, mais s’évertue à rendre son histoire inutilement complexe, en partant dans tous les sens. Mais nous sommes en plein « Mocky Cinematic Universe » et Tu es si jolie ce soir comporte autant de qualités (comme par exemple la superbe composition de Vladimir Cosma) que de maladresses et c’est aussi pour cela qu’on l’aime.

Deborah Robinson a épousé un procureur, Steve, dont elle a deux enfants encore petits Kim et Brian. C’est un homme attentionné mais taciturne. Quelques jours avant Noël, suite à un appel téléphonique, Steve disparaît sans raison, alors que l’on apprend que le violeur présumé de sa soeur vient d’être libéré. Il a toujours nié être l’auteur de ce crime. Il a même accusé Steve d’avoir agressé sa propre soeur. Steve n’est peut-être pas le mari que Deborah croyait…Tranquillement, Deborah apprend sur Steve des vérités dont elle ignorait jusqu’ici l’existence. Entre autres, que sa sœur Emily qui a été sauvagement violée par le jardinier, était mariée à un inconnu. Est-ce que la disparition de Steve a un quelconque rapport avec la libération d’Artie Lieber, le présumé violeur d’Émily ? Deborah ne semble plus reconnaître l’homme qu’elle a épousé sept ans auparavant. Par chance, elle a ses amis pour la réconforter : Barbara, Evans, Pete et le mystérieux Joe.  En fait, quel lien réunit Steve et Joe ?  Car Joe a un passé des plus douteux, mais Deborah semble néanmoins lui faire confiance. A-t-elle raison ? Ou devrait-elle écouter les recommandations d’Evan qui est incapable de s’entendre avec Joe ? Pendant ce temps, dans les ruelles, des jeunes filles se font violer et sauvagement défigurer exactement comme la sœur de Steve.  Sally est la seule survivante de cette horreur.  Mais est-elle réellement à l’abri à l’hôpital ?  Car, cet homme semble prêt à tout pour la tuer. Même le FBI se met de la partie, lorsqu’il découvre que Steve a pris beaucoup d’argent avant de disparaître. Sans oublier la disparition de la femme de Pete, il y a quelques années. Y a-t-il un lien entre tous ces événements? Deborah se sent de plus en plus surveillée et les coups de téléphone d’un mystérieux personnage lui font craindre le pire.  A-t-elle affaire à l’Étrangleur des ruelles ?

Comme très souvent, Tu es si jolie ce soir pâtit d’un manque de moyens. Si Mocky était habituellement malin pour essayer de dissimuler son budget limité, il y arrive difficilement dans Tu es si jolie ce soir, notamment au niveau de la mise en scène quelque peu statique et de la pauvreté des décors. L’intrigue, coécrite avec André Ruellan (alors âgé de 93 ans), tortueuse et kafkaïenne apparaît donc comme de la poudre aux yeux, mais on sent que le réalisateur retrouvait l’essence des polars et des thrillers qu’il affectionnait, à l’instar des histoires incompréhensibles à la Raymond Chandler ou Dashiell Hammett. En affublant ses protagonistes de chapeaux et de longs manteaux à la Bogart, Jean-Pierre Mocky renforce le côté anachronique de son long-métrage, y compris dans l’utilisation de véhicules vintages, qui contribuent à perdre l’audience dans le temps. Tu es si jolie ce soir reste un vrai film de Mocky, constamment imprégné par l’âme de son réalisateur. Cette transposition du livre The Way You Look Tonight se laisse voir avant tout pour ses comédiens, bien plus que pour son histoire qui peut souvent faire décrocher les spectateurs en raison de ses personnages multiples ou de ses dialogues abondants pas vraiment inspirés qui peuvent à la longue finir par ennuyer.

Demeure l’extrême sympathie que l’on éprouve et éprouvera sans doute toujours pour Jean-Pierre Mocky, dont la passion ardente pour le cinéma était encore indéniable, tout comme son amour pour les comédiens, et en particulier les actrices, qu’il a voulues et sues mettre en valeur. Tu es si jolie ce soir est à ce titre marqué par de beaux ou bons numéros d’acteurs, que l’on imagine très heureux d’être embarqués et d’emmener de ce fait les spectateurs dans cette petite attraction modeste, mais plaisante, foutraque et confuse certes, mais au doux parfum désuet.

LE BLU-RAY

ESC Editions ne cesse d’agrandir sa collection consacrée au cinéaste Jean-Pierre Mocky. Tu es si jolie ce soir rejoint ainsi Vénéneuses, Votez pour moi !, Rouges étaient les lilas, Le Cabanon rose, Calomnies, Y a t-il un français dans la salle ?, Le Piège à cons, L’Ibis rouge, L’Étalon, Solo, La Grande lessive, Les Compagnons de la marguerite, Depardieu par Mocky et d’autres encore au catalogue de l’éditeur. Très beau visuel. Le menu principal est animé sur la musique de Vladimir Cosma.

Olivia Mokiejewski, journaliste et fille de Jean-Pierre Mocky, présente brièvement Tu es si jolie ce soir (3’), en racontant surtout l’histoire du film et en indiquant que le polar et la comédie étaient les genres préférés de son père, avant d’évoquer brièvement le casting.

C’est ensuite au tour de Christian Vadim de parler de sa collaboration avec Jean-Pierre Mocky sur Tu es si jolie ce soir (6’). Une belle interview durant laquelle le comédien se remémore aussi sa première rencontre avec le réalisateur, alors qu’il rendait visite à sa mère (Catherine Deneuve donc) sur le plateau d’Agent trouble en 1987. L’acteur dresse un portrait sensible du cinéaste, « un homme délicieux, un gentleman, généreux, subtil, dont la forme était sans doute bruyante, mais le fond n’était que douceur ». Christian Vadim le compare étonnamment à Éric Rohmer, pour lequel il a tourné dans Les Nuits de la pleine lune (1984), notamment en ce qui concerne le fait de mettre la main à la pâte et d’aider les techniciens.

L’Image et le son

Bon…Jean-Pierre Mocky et la DV sont de retour, pour le pire et pas forcément le meilleur, surtout quand le film débarque en Haute-Définition. Les images paraissent étrangement saccadées à plusieurs reprises, les scènes sombres posent problème avec une baisse flagrante de la définition, des couleurs poreuses et un piqué émoussé. Cela se rattrape un peu sur les séquences diurnes à la clarté très appréciable et au relief éloquent, mais dans l’ensemble cette promotion HD met malheureusement en avant la pauvreté technique du film. Restent les couleurs, plutôt jolies, notamment toutes ces tâches de bleu disséminées ici et là tout du long, à l’instar des costumes de la superbe Delphine Chanéac.

On a l’impression que le film n’est jamais entré en phase de mixage. Le son direct occasionne souvent des soucis, comme un manque d’intelligibilité des dialogues, avec même parfois un écho enquiquinant. De plus, l’absence de sous-titres destinés au public sourd et malentendant est regrettable. La musique de Vladimir Cosma s’en tire bien, mais le déséquilibre avec les répliques des comédiens et les effets annexes est d’autant plus flagrant.

Crédits images : © ESC Editions / ESC Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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