Test Blu-ray / Vacances portugaises, réalisé par Pierre Kast

VACANCES PORTUGAISES réalisé par Pierre Kast, disponible en Blu-ray le 1er mai 2022 chez Studiocanal.

Acteurs : Françoise Arnoul, Michel Auclair, Jean-Pierre Aumont, Jean-Marc Bory, Françoise Brion, Catherine Deneuve, Jacques Doniol-Valcroze, Daniel Gélin…

Scénario : Pierre Kast, Alain Aptekman, Jacques Doniol-Valcroze & Robert Scipion

Photographie : Raoul Coutard

Musique : Georges Delerue

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 1963

LE FILM

Six couples amis se réunissent pour passer le week-end ensemble dans une grande et belle propriété de campagne près de Lisbonne. Les problèmes sentimentaux des uns et des autres deviennent rapidement le sujet central de leur séjour. Certains couples se défont, d’autres se découvrent sous un nouveau jour.

C’est un film dont nous ne soupçonnions même pas l’existence et ce qui frappe d’entrée de jeu en le découvrant c’est bien sûr son impressionnant casting, composé entre autres de Françoise Arnoul, Catherine Deneuve, Michel Auclair, Jean-Pierre Aumont, Daniel Gélin. D’autres sont sans doute moins connus comme Françoise Prévost (La Saignée de Claude Mulot, Les Russes ne boiront pas de Coca Cola ! de Luigi Comencini), Bernhard Wicki (La Nuit de Michelangelo Antonioni, Despair de Rainer Werner Fassbinder), Barbara Laage (Domicile conjugal de François Truffaut, Paris Blues de Martin Ritt), Michèle Girardon (La Proie pour l’ombre d’Alexandre Astruc, Hatari ! de Howard Hawks), Françoise Brion (Alexandre le bienheureux d’Yves Robert, La Traque de Serge Leroy, Nelly et Monsieur Arnaud de Claude Sautet) et Jean-Marc Bory (Le Dossier noir d’André Cayatte, Les Amants de Louis Malle, Maléfices de Henri Decoin). Du beau monde, c’est le cas de le dire, pour ce qu’on pourrait qualifier de film choral, qui mêle et entremêlent les personnages, dans une unité de lieu et de temps, au-delà des frontières françaises, où les sentiments semblent plus libres de s’exprimer. Sorti en octobre 1963, Vacances portugaises ou Les Égarements, est réalisé par Pierre Kast (1920-1984). Ancien militant communiste, mais avant tout passionné de cinéma, il parvient à devenir l’assistant du légendaire Henri Langlois à la Cinémathèque français dans les années 1940, puis écrit pour Les Cahiers du cinéma, avant de se lancer aussi dans le septième art. Il seconde ainsi Jean Grémillon (Pattes blanches, L’Étrange madame X) et René Clément (Le Château de verre, Jeux interdits) et Jean Renoir (French Cancan), puis commence à emballer quelques courts-métrages et documentaires. L’aventure du long-métrage démarre pour lui en 1957 avec Amour de poche, écrit par la célèbre France Roche, dans lequel il dirige Jean Marais, Jean-Claude Brialy et Geneviève Page. Vacances portugaises est son cinquième opus. Il en signe les dialogues et le coécrit avec Robert Scipion (Les Saintes chéries, Arsène Lupin, L’île aux trente cercueils), Alain Aptekman et surtout Jacques Doniol-Valcroze, l’un des fondateurs des Cahiers du cinéma, mais aussi acteur occasionnel vu dans Je t’aime, je t’aime d’Alain Resnais, Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman et également réalisateur (Le Viol, L’Homme au cerveau greffé). On pourrait penser que Vacances portugaises est le témoignage d’un cinéma révolu, ce qui n’est pas le cas. Car le film de Pierre Kast pose les bases d’un genre à part entière en France, aussi bien sur le fond que sur la forme, qui sont encore adoptés de nos jours, sans doute trop, et qui apparaît toujours dans le paysage cinématographique hexagonal. Certains éléments ont bien entendu pris quelques (voire pas mal) de rides, mais le charme subsiste malgré tout, grâce notamment à la fraîcheur de son casting quatre étoiles. Si tout n’est pas non plus passionnant, il serait franchement dommage de passer à côté de cette comédie dramatico-sentimentale, sur laquelle plane un spleen enivrant, qui fait encore son effet soixante ans après.

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Test Blu-ray / L’Oeil du malin, réalisé par Claude Chabrol

L’OEIL DU MALIN réalisé par Claude Chabrol, disponible en Blu-ray le 1er mai 2022 chez Studiocanal.

Acteurs : Jacques Charrier, Stéphane Audran, Walther Reyer, Daniel Boulanger, Erika Tweer, Michael Münzer, Claude Romet…

Scénario : Claude Chabrol, Paul Gégauff & Martial Matthieu

Photographie : Jean Rabier

Musique : Paul Jansen

Durée : 1h20

Date de sortie initiale : 1962

LE FILM

Envoyé en Bavière pour réaliser un reportage, le journaliste Albin Mercier s’ennuie ferme. Il fait la connaissance d’Andreas Hartmann, un écrivain, et d’Hélène, son épouse. L’apparente harmonie de ce couple fascine Albin, qui n’excelle guère que dans la médiocrité. Repoussé par Hélène, il commence à la suivre, dévoré par la jalousie et la rancoeur, alors qu’elle arpente Munich. C’est ainsi qu’il découvre qu’elle trompe son mari. Pour obtenir ses faveurs, Albin n’hésite pas à la faire chanter…

L’Oeil du malin est l’un des premiers longs-métrages de Claude Chabrol (1930-2010), plus exactement son sixième, si l’on ne tient pas compte du film à sketches Les Sept Pêchés capitaux, coréalisé entre autres avec Jean-Luc Godard, Philippe de Broca, Jacques Demy et Édouard Molinaro. La même année que ce dernier, Chacha commençait véritablement à prendre son envol avec L’Oeil du malin, en peaufinant encore et toujours son style et en approfondissant ses thèmes de prédilection. Impressionnant de froideur, cette (auto)analyse clinique d’un cas pathologique offre à Jacques Charrier, l’un de ses meilleurs rôles, peut-être le plus intéressant d’ailleurs, avec celui qu’il campait dans Les Tricheurs de Marcel Carné trois ans plus tôt. Chose amusante, par son dispositif L’Oeil du malin rappelle beaucoup Plein soleil (1960) de René Clément (et dont le scénariste Paul Gégauff est aussi celui de L’Oeil du malin) dans lequel Jacques Charrier devait jouer, mais qu’il avait finalement décliné en raison de la grossesse de sa compagne Brigitte Bardot. Même si l’opus de Claude Chabrol n’atteint pas la sécheresse, la virtuosité, ni la puissance du chef d’oeuvre de René Clément, L’Oeil du malin n’en demeure pas moins magistral, captivant à plus d’un titre, remarquablement mis en scène (parfois à la limite du documentaire au cours d’une filature se déroulant durant l’Oktoberfest de Munich) et interprété, où explose le charme dévastateur de Stéphane Audran.

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Test Blu-ray / Maigret, réalisé par Patrice Leconte

MAIGRET réalisé par Patrice Leconte, disponible en DVD et Blu-ray le 23 juin 2022 chez M6 Vidéo.

Acteurs : Gérard Depardieu, Jade Labeste, Mélanie Bernier, Aurore Clément, Bertrand Poncet, Clara Antoons, Anne Loiret, André Wilms, Elizabeth Bourgine…

Scénario : Jérôme Tonnerre & Patrice Leconte, d’après le roman Maigret et la Jeune Morte de Georges Simenon

Photographie : Yves Angelo

Musique : Bruno Coulais

Durée : 1h28

Date de sortie initiale : 2022

LE FILM

Maigret enquête sur la mort d’une jeune fille. Rien ne permet de l’identifier, personne ne semble l’avoir connue, ni se souvenir d’elle. Il rencontre une délinquante, qui ressemble étrangement à la victime, et réveille en lui le souvenir d’une autre disparition, plus ancienne et plus intime…

En dehors de Jean Richard et de Bruno Cremer qui ont su marquer l’esprit des téléspectateurs en l’incarnant respectivement 23 ans et 14 ans, le Commissaire divisionnaire Maigret prend immédiatement les traits de Jean Gabin dans l’inconscient collectif concernant l’adaptation cinématographique des aventures du célèbre personnage créé par Georges Simenon. Le comédien l’aura interprété à trois reprises dans Maigret tend un piège (Jean Delannoy, 1958), Maigret et l’Affaire Saint-Fiacre (Jean Delannoy, 1959) et Maigret voit rouge (Gilles Grangier, 1963). Pourtant, Pierre Renoir (le premier Maigret du cinéma dans La Nuit du Carrefour de Jean Renoir, 1932), Harry Baur (La Tête d’un homme, 1932, de Julien Duvivier), Albert Préjean (Picpus, Les Caves du Majestic), Charles Laughton (L’Homme de la tour Eiffel, 1949, de Burgess Meredith) et même Michel Simon (Brelan d’as, 1952, d’Henri Verneuil), s’étaient entre autres déjà emparés de ce rôle mythique. Le commissaire Jules Maigret est un monument de la littérature mondiale. Créé en 1931 sous la plume de Georges Simenon, Maigret deviendra le héros de 75 romans et de 28 nouvelles écrits durant un peu plus de quarante ans, jusqu’en 1972. Après Jean Gabin, c’est au tour de l’italien Gino Cervi d’incarner le flic à la pipe dans Le Commissaire Maigret à Pigalle de Mario Landi (1966), mais aussi pour la petite lucarne, puis de l’allemand Heinz Rühmann dans Maigret fait mouche de Alfred Weidenmann, également sorti en 1966. Tout cela sans parler des transpositions à la télévision britannique avec tour à tour Rupert Davies, Michael Gambon et même Rowan Atkinson dans le rôle-titre. Quasiment soixante ans après Jean Gabin, qui d’autre que Gérard Depardieu pouvait se permettre de reprendre le flambeau ? Dans une archive, Georges Simenon décrivait ainsi sa « créature » « Il boit assez bien, (…) il aime beaucoup manger, (…). Maigret n’est pas un homme intelligent, il est uniquement intuitif, je dirais même que dans les tout premiers Maigret, il avait presque l’air bovin, c’est un type énorme, un peu pachyderme ». Qu’ajouter de plus ? Sobrement intitulé Maigret, le trentième long-métrage de Patrice Leconte, grand admirateur de Georges Simenon devant l’Éternel (on se souvient de Monsieur Hire), s’empare du roman Maigret et la Jeune Morte, prétexte pour plus se focaliser sur la personne du commissaire. Car Maigret est en effet moins une enquête policière qu’une radiographie complète du personnage. Le réalisateur observe son bloc de granite de 72 ans (au moment du tournage), le sculpte à la perfection en le faisant arborer la gabardine et sa pipe (même si dans ce cas précis, le toubib conseille à Maigret d’arrêter de fumer en raison de ses bronches encrassées) et le fait déambuler dans les rues parisiennes qu’il ne reconnaît plus, qui se transforment, tandis que lui-même commence à disparaître car devenu obsolète. Avant d’être définitivement absorbé par les pavés mouillés déchaussés comme les dents pourries d’un sans-le-sou, Maigret, rattrapé par l’âge, colosse aux pieds d’argile, ayant même perdu l’appétit, livre l’une de ses dernières enquêtes, tout en affrontant ses propres démons. Très grand film sur lequel plane également l’ombre du Dahlia noir de James Ellroy. Les amateurs de lecture noire et policière apprécieront, les autres aussi.

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Test Blu-ray / Les Jeunes amants, réalisé par Carine Tardieu

LES JEUNES AMANTS réalisé par Carine Tardieu, disponible en DVD et Blu-ray le 7 juin 2022 chez Diaphana.

Acteurs : Fanny Ardant, Melvil Poupaud, Cécile de France, Florence Loiret Caille, Sharif Andoura, Sarah Henochsberg, Martin Laurent, Olenka Ilunga…

Scénario : Carine Tardieu, Raphaële Moussafir & Agnès De Sacy, d’après une histoire originale de Sólveig Anspach & Agnès De Sacy

Photographie : Elin Kirschfink

Musique : Eric Slabiak

Durée : 1h53

Date de sortie initiale : 2022

LE FILM

Shauna, 70 ans, libre et indépendante, a mis sa vie amoureuse de côté. Elle est cependant troublée par la présence de Pierre, cet homme de 45 ans qu’elle avait tout juste croisé, des années plus tôt. Et contre toute attente, Pierre ne voit pas en elle “une femme d’un certain âge”, mais une femme, désirable, qu’il n’a pas peur d’aimer. A ceci près que Pierre est marié et père de famille.

A la base des Jeunes amants, il y a la cinéaste américano-islandaise Sólveig Anspach (Haut les cœurs !, Lulu femme nue), disparue en 2015 à l’âge de 54 ans, des suites d’un cancer. La dernière histoire sur laquelle elle aura planché s’inspire en fait de la passion amoureuse et charnelle que sa mère aura vécue avec un homme plus jeune qu’elle. Le scénario est alors coécrit avec la talentueuse Agnès De Sacy (Les Envoûtés, Tout de suite maintenant, Je vous souhaite d’être follement aimé), puis proposé à l’excellente Carine Tardieu (La Tête de maman, Du vent dans mes mollets, Ôtez-moi d’un doute), qui s’est réapproprié ce récit avec sa collaboratrice Raphaële Moussafir. Cette combinaison d’immenses sensibilités ne pouvait déboucher que sur un merveilleux long-métrage, Les Jeunes amants. Portée par des acteurs en état de grâce, sur lesquels trône l’une des reines du cinéma français, Fanny Ardant (Vanessa Redgrave avait premièrement été envisagée), cette romance éclatante, solaire, universelle, foudroie l’âme et les sens du début à la fin et échappe à toutes les boursouflures dans lesquelles se vautrent habituellement, très souvent du moins, le cinéma hexagonal. Un vrai et grand coup de coeur.

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Test Blu-ray / Justine ou les infortunes de la vertu, réalisé par Jess Franco

JUSTINE OU LES INFORTUNES DE LA VERTU (Marquis de Sade: Justine) réalisé par Jess Franco, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 17 mai 2022 chez Artus Films.

Acteurs : Klaus Kinski, Romina Power, Maria Rohm, Rosemary Dexter, Carmen de Lirio, Akim Tamiroff, Gustavo Re, Mercedes McCambridge, Jack Palance…

Scénario : Harry Alan Towers, Arpad DeRiso & Erich Kronte, d’après le roman du Marquis de Sade

Photographie : Manuel Merino

Musique : Bruno Nicolai

Durée : 1h59

Date de sortie initiale : 1969

LE FILM

Le marquis de Sade évoque des souvenirs. Il raconte l’histoire de deux soeurs, Juliette et Justine, chassées par leurs parents. Juliette, la sage, semble poursuivie par la malchance. Justine va de l’avant, sans scrupule, et rencontre ainsi des personnes fort intéressantes. Juliette se retrouve comme pensionnaire chez une certaine madame de Buisson, qui dirige une maison close. Justine refuse de tomber entre les mains de cette mère maquerelle et prend la fuite. C’est alors qu’elle croise le chemin de monsieur de Harpin, un vieillard ignoble, qui veut profiter de la détresse de la jeune femme pour servir ses propres desseins…

Ce qui est difficile dans la filmographie éclectique et prolifique de Jess Franco (plus de 200 films…), c’est de s’y retrouver avec les différents titres attribués à un seul long-métrage. Ainsi, Justine ou les infortunes de la vertu, est aussi connu sous l’appellation Marquis de Sade: Justine, Les Deux beautés, Justine de Sade, ou bien encore Justine and Juliet, et même Deadly Sanctuary. Nous en resterons à Justine ou les infortunes de la vertu, titre d’exploitation du film qui nous intéresse aujourd’hui, sorti sur les écrans hexagonaux en mars 1970 et un an plus tôt en Italie. L’ami Jess tourne à la suite Les Brûlantes 99 femmes, Sumuru, la cité sans hommes, Le Château de Fu Manchu. On ne saurait être plus diversifié. Sur un scénario de Harry Alan Towers (Black Venus de Claude Mulot, Le Cirque de la peur de John Llewellyn Moxey, et par ailleurs producteur), Arpad DeRiso (Le Lion de Saint Marc et Le Tigre des mers de Luigi Capuano) et Erich Kronte, le cinéaste adapte pour la première fois le Marquis de Sade (ici son ouvrage rédigé à la Bastille en 1787, publié de son vivant en 1791), auquel il reviendra à plusieurs reprises, en 1970 avec Les Inassouvies (librement inspiré de La Philosophie dans le boudoir), trois ans plus tard avec Eugénie de Sade (d’après Eugénie de Franval), puis avec Plaisir à trois en 1974. Une obsession qui irriguera moult opus du réalisateur par la suite. Mais pour l’heure, il bénéficie d’un budget solide pour Justine ou les infortunes de la vertu. S’il n’est clairement pas le meilleur Franco, le film parvient encore à être divertissant et souvent plaisant, surtout dans ses délires que l’on pourrait volontiers qualifier de nawak, à l’instar de la prestation de Jack Palance (la même année que Che! de Richard Fleischer), perdu dans ses pensées, complètement en roue libre, vraisemblablement en totale improvisation. Au-delà de ça, le casting est aussi très attractif, avec un Klaus Kinski illuminé (pléonasme) dans la peau du Marquis de Sade (toutes ses scènes ont été visiblement emballées en une seule journée), un petit coucou d’Howard Vernon, sans oublier de superbes comédiennes (Romina Power, Maria Rohm, Rosemary Dexter, Carmen de Lirio, Sylva Koscina, Rosalba Neri), toujours très bien mises en valeur par le metteur en scène. Un bon cru.

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Test Blu-ray / Le Parfum d’Yvonne, réalisé par Patrice Leconte

LE PARFUM D’YVONNE réalisé Patrice Leconte, disponible en DVD et Blu-ray le 3 mai 2022 chez Rimini Editions.

Acteurs : Jean-Pierre Marielle, Hippolyte Girardot, Sandra Majani, Richard Bohringer, Paul Guers, Corinne Marchand, Philippe Magnan, Claude Derepp…

Scénario : Patrice Leconte, d’après le roman Villa triste de Patrick Modiano

Photographie : Eduardo Serra

Musique : Pascal Estève

Durée : 1h26

Date de sortie initiale : 1994

LE FILM

À la fin des années 50, un jeune homme qui prétend être un comte d’origine russe, tombe amoureux d’une sublime jeune femme, toujours accompagnée d’un dogue allemand et d’un vieil excentrique. Tout le monde semble avoir quelque chose à cacher…

Tango aura permis à Patrice Leconte de se remettre en selle après l’échec du Mari de la coiffeuse (350.000 entrées) sorti trois ans plus tôt. Mais la première et vraie déculottée arrivera l’année suivante pour le cinéaste avec Le Parfum d’Yvonne. Pourtant, cette fois encore rétrospectivement, le douzième long-métrage du réalisateur demeure un petit trésor caché, que l’on redécouvre totalement quand on se concentre plus attentivement sur sa filmographie, à l’instar du Nouveau Monde d’Alain Corneau ou Un, deux, trois, soleil de Bertrand Blier, par ailleurs tournés quasiment au même moment, au milieu des années 1990. Adaptation personnelle du roman Villa triste de Patrick Modiano, publié en 1975, Le Parfum d’Yvonne est et restera probablement l’un des opus les plus méconnus de Patrice Leconte, seulement vu par 160.000 spectateurs à sa sortie en mars 1994, devant s’incliner face à Sister Act, acte 2, L’Affaire Pélican d’Alan J. Pakua, La Cité de la peur d’Alain Berberian et Philiadelphia de Jonathan Demme. Rarement diffusé à la télévision, ce drame éthéré, psychologique et même existentiel, teinté d’érotisme, possède de très nombreux atouts dans sa musette et mérite donc toute l’attention du cinéphile averti, qui saura l’apprécier à sa juste valeur, puisqu’il s’agit ni plus ni moins d’une des plus grandes réussites plastiques de Patrice Leconte.

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Test Blu-ray / Le Mari de la coiffeuse, réalisé par Patrice Leconte

LE MARI DE LA COIFFEUSE réalisé Patrice Leconte, disponible en DVD et Blu-ray le 3 mai 2022 chez Rimini Editions.

Acteurs : Jean Rochefort, Anna Galiena, Roland Bertin, Maurice Chevit, Philippe Clévenot, Jacques Mathou, Claude Aufaure, Albert Delpy, Henry Hocking, Ticky Holgado, Michèle Laroque…

Scénario : Patrice Leconte & Claude Klotz

Photographie : Eduardo Serra

Musique : Michael Nyman

Durée : 1h21

Date de sortie initiale : 1990

LE FILM

Antoine a connu ses premiers émois amoureux dans le salon de coiffure de la plantureuse Madame Sheaffer. Il s’est fait une promesse : lorsqu’il sera grand, il épousera une coiffeuse. Il rencontre Mathilde, la coiffeuse de ses rêves. Le coup de foudre est réciproque.

Au début des années 1980, tout va pour le mieux pour Patrice Leconte. Les deux Bronzés ont été de grands succès au cinéma, et il entame alors plusieurs autres associations avec Michel Blanc, Viens chez moi, j’habite chez une copine, Ma femme s’appelle reviens et Circulez y’a rien à voir. 1985, le triomphe des Spécialistes (5,3 millions d’entrées) arrive à point nommé et permet au réalisateur de faire ce qu’il désire. Difficile de se lancer un nouveau challenge après avoir rassemblé autant de spectateurs dans les salles et être parvenu à s’immiscer sur la troisième marche du podium cette année-là derrière les dix millions de Trois hommes et un couffin et les 5,8 millions de Rambo 2 : la mission. Plutôt que de rechercher un succès à tout prix et facilement, le cinéaste décide d’aller au contraire vers quelque chose de diamétralement opposé, un tout petit film, une équipe réduite, une comédie mélancolique, un road-movie inattendu qui se concentre sur un nouveau duo d’acteurs, Jean Rochefort et Gérard Jugnot. Tandem est un tournant dans la carrière de Patrice Leconte, dont l’immense sensibilité éclate au grand jour, comme s’il était temps pour lui à désormais 40 ans de trouver un langage cinématographique inédit, qui exprimerait une nouvelle facette de sa personnalité. Ce merveilleux film, doux, tendre, drôle, émouvant et désabusé, pourtant optimiste, allait là aussi trouver son public, avec près de 600.000 entrées. Sur cette lancée, suivra Monsieur Hire, son sixième long-métrage avec Michel Blanc, l’un de ses chefs d’oeuvre et un pilier de sa filmographie. Sept fois nommé aux César, Monsieur Hire passera cette fois la barre des 600.000 spectateurs. Ce sera une autre paire de manches pour Le Mari de la coiffeuse, probablement son premier revers au box-office, qui parvient tout de même attire la curiosité de 360.000 français, malgré la présence en face de lui de 58 minutes pour vivre et l’arrivée imminente de Total Recall de Paul Verhoeven et celle du Château de ma mère d’Yves Robert. Rétrospectivement, Le Mari de la coiffeuse est l’un des opus les plus singuliers de son auteur, l’un des plus sensuels aussi surtout. Car ce dont on parle rarement en évoquant le cinéma de Patrice Leconte, c’est de sa façon de filmer les comédiennes, de les rendre fantasme, aussi envoûtantes qu’inaccessibles. On comprend alors encore plus le désir du personnage incarné par le monstre Jean Rochefort, de rester toute la journée dans le salon de coiffure tenu par son épouse, interprétée par Anna Galiena. Patrice Leconte convie son audience à partager un rêve pastel, érotique, charnel et passionnel de 75 minutes. Et on y plonge avec une réelle délectation.

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Test Blu-ray / Adieu Monsieur Haffmann, réalisé par Fred Cavayé

ADIEU MONSIEUR HAFFMANN réalisé par Fred Cavayé, disponible en DVD et Blu-ray le 18 mai 2022 chez Orange Studio.

Acteurs : Daniel Auteuil, Gilles Lellouche, Sara Giraudeau, Nikolai Kinski, Mathilde Bisson, Anne Coesens, Jérôme Cachon, Guillaume Marquet…

Scénario : Fred Cavayé & Sarah Kaminsky, d’après la pièce de théâtre de Jean-Philippe Daguerre

Photographie : Denis Rouden

Musique : Christophe Julien

Durée : 1h55

Date de sortie initiale : 2022

LE FILM

Paris 1941. François Mercier est un homme ordinaire qui n’aspire qu’à fonder une famille avec la femme qu’il aime, Blanche. Il est aussi l’employé d’un joaillier talentueux, M. Haffmann. Mais face à l’occupation allemande, les deux hommes n’auront d’autre choix que de conclure un accord dont les conséquences, au fil des mois, bouleverseront le destin de nos trois personnages.

Pour elle (2008) et À bout portant (2010) font partie des plus grandes réussites du polar populaire français de ces quinze dernières années. Fred Cavayé a su d’emblée imposer une marque de fabrique, en proposant deux thrillers allant à fond la caisse pendant 1h30, sans temps mort, comme une véritable course contre-la-montre, en prenant modèle sur les films de genre américains. Après une participation au film à sketches Les Infidèles, son troisième long métrage Mea Culpa, qui réunissait les têtes d’affiches de ses précédents films, Vincent Lindon et Gilles Lellouche, a été une immense déception, tant critique que commerciale et s’est soldée par un échec retentissant. Fred Cavayé avait besoin de se refaire et a donc accepté Radin !, une oeuvre de commande. Chose faite, puisque Radin ! reste une des meilleures comédies avec Dany Boon, décidément toujours au top dans un film qu’il ne dirige pas, un très bon divertissement, qui avait attiré 3 millions de spectateurs au cinéma en 2016. Par la suite, le réalisateur signera un nouveau succès avec Le Jeu, remake de Perfetti sconosciuti de Paolo Genovese, comédie qui avait cartonné dans les salles italiennes et dont l’adaptation française allait connaître le même engouement. Remis sur les rails, Fred Cavayé revient une fois de plus en force avec Adieu Monsieur Haffmann, libre transposition de la pièce de théâtre du même nom de Jean-Philippe Daguerre, lauréate de quatre Molières en 2018, trois prix d’interprétation et le prix du meilleur spectacle du Théâtre Privé. Coécrit par le cinéaste et Sarah Kaminsky (Raid dingue, La Ch’tite famille, Break), ce drame psychologique en huis clos prend à la gorge du début à la fin, en traitant de façon originale de la collaboration des français sous l’Occupation. Magistralement interprété par le trio Daniel Auteuil, Gilles Lellouche, Sara Giraudeau, Adieu Monsieur Haffmann a rassemblé plus de 700.000 spectateurs à sa sortie dans les salles en janvier 2022.

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Test DVD / Compartiment n°6, réalisé par Juho Kuosmanen

COMPARTIMENT N°6 (Hytti nro 6) réalisé par Juho Kuosmanen, disponible en DVD le 3 mai 2022 chez Blaq Out.

Acteurs : Yuriy Borisov, Seidi Haarla, Yuliya Aug, Dinara Drukarova, Polina Aug, Tomi Alatalo…

Scénario : Juho Kuosmanen, Andris Feldmanis & Livia Ulman, d’après le roman de Rosa Liksom

Photographie : Jani-Petteri Passi

Durée : 1h43

Année de sortie : 2021

LE FILM

Une jeune finlandaise prend un train à Moscou pour se rendre sur un site archéologique en mer arctique. Elle est contrainte de partager son compartiment avec un inconnu. Cette cohabitation et d’improbables rencontres vont peu à peu rapprocher ces deux êtres que tout oppose.

Tiens, une production germano-estono-russo-finlandaise ! Ce n’est pas tous les jours que nous croisons ce genre de conglomérat cinématographique, raison de plus pour se pencher un peu plus sur Compartiment n°6Hytti Nro 6. Il s’agit du second long-métrage du réalisateur finlandais Juho Kuosmanen (né en 1979), remarqué en 2016 avec Olli Mäki, biopic tourné en N&B sur le premier finlandais à boxer dans un championnat du monde, auréolé du prix Un Certain Regard à Cannes. Adaptation très libre du roman éponyme de Rosa Liksom (paru en 2011), Compartiment n°6 est une invitation au voyage au bout de la nuit, au bout du monde, au bout de tout, loin de tout le monde. Un spleen fulgurant agrippe l’audience dès les premières scènes, dès l’apparition du fantastique visage de celle que la caméra ne perdra jamais de vue, Laura, magnifiquement interprétée par Seidi Haarla, très justement récompensée par le Dragon Award de la meilleure actrice, cérémonie qui couronne le meilleur du cinéma nordique (Finlande-Suède-Islande-Norvège-Danemark). C’est son charisme, sa présence, son hypersensibilité, son sourire, son regard triste qui s’éclaire au fil de son voyage qui demeurent tout d’abord en mémoire après la projection. Rien que pour elle, pour le désir du cinéphile de découvrir une future comédienne prometteuse, Compartiment n°6 mérite l’attention du spectateur globe-trotter.

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Test Blu-ray / Les Amants sacrifiés, réalisé par Kiyoshi Kurosawa

LES AMANTS SACRIFIÉS (Supai no tsuma – スパイの妻) réalisé par Kiyoshi Kurosawa, disponible en DVD et Blu-ray le 19 avril 2022 chez Arte Editions.

Acteurs : Yu Aoi, Issey Takahashi, Masahiro Higashide, Ryota Bando, Yuri Tsunematsu, Minosuke, Hyunri, Takashi Sasano…

Scénario : Ryusuke Hamaguchi, Kiyoshi Kurosawa & Tadashi Nohara

Photographie : Tatsunosuke Sasaki

Musique : Ryosuke Nagaoka

Durée : 1h56

Date de sortie initiale : 2020

LE FILM

Kobe, 1941. Yusaku et sa femme Satoko vivent comme un couple moderne et épanoui, loin de la tension grandissante entre le Japon et l’Occident. Mais après un voyage en Mandchourie, Yusaku commence à agir étrangement… Au point d’attirer les soupçons de sa femme et des autorités. Que leur cache-t-il ? Et jusqu’où Satoko est-elle prête à aller pour le savoir ?

Quand Kiyoshi Kurosawa (Au bout du monde, Cure, Kaïro, Avant que nous disparaissions, Le Secret de la chambre noire, Vers l’autre rive, Shokuzai, Tokyo Sonata…) rencontre Ryusuke Hamaguchi (Drive My Car, Asako I & II, Senses). A l’écran tout du moins, puisque le second (tout comme le coscénariste Tadashi Nohara) aura été l’étudiant du premier à l’Université des Arts de Tokyo. Les deux maîtres du cinéma japonais se trouvent réunis sur la même affiche pour Les Amants sacrifiés, mis en scène par le prolifique Kiyoshi Kurosawa, dont la filmographie avoisine la soixantaine d’oeuvres (courts/longs-métrages et séries) et écrit par Ryusuke Hamaguchi, qui signe pour la première fois un scénario réalisé par un autre cinéaste. Cette association donne naissance à un sommet d’émotions, de sensibilité à fleur de peau et de délicatesse, une élégance racée aussi bien sur le fond comme sur la forme, qui convoque à la fois le cinéma britannique et américain des années 1940-50, avec une rigueur nippone, tout en s’inscrivant parfaitement à travers ses thèmes dans la filmographie de Kiyoshi Kurosawa, où le couple, les relations entre les hommes et les femmes sont la clé de voûte. Outre ses qualités exceptionnelles, Les Amants sacrifiés a été filmé en 8K. Pour vous donner une idée de la définition de l’image, le nombre de pixels est multiplié par 4 en comparaison de l’UHD dite traditionnelle, format souhaité, pour ne pas dire imposé par la NHK, l’unique groupe audiovisuel public au Japon, qui cherchait à financer la production d’un film tourné dans la ville de Kobe, en utilisant une caméra 8K comme médium. Si le procédé a tout d’abord fait peur au réalisateur, qui craignait une image lisse artificielle, diamétralement opposée à la texture attendue pour un film d’époque, par ailleurs son premier opus historique, Kiyoshi Kurosawa a été très vite rassuré en apprenant qu’il pouvait la retravailler en post-production. Si l’on peut déplorer quelques problèmes de rythme, sans doute trop languissant, Les Amants sacrifiés hypnotise et happe le spectateur pour l’emporter dans un tourbillon de sentiments du début à la fin, jusqu’au dernier plan, absolument bouleversant. Du grand art.

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